CA Paris, Pôle 5 ch. 5-7, 24 mars 2016, n° 15/11472
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
René B., HUIS CLOS (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Valérie MICHEL- AMSELLEM
Conseillers :
Mme Irène LUC, Mme Laurence FAIVRE
Avocats :
SELARL P. - DE M. - G., AARPI J. ASSOCIES
La société Huis Clos est une société anonyme créée en 1990. Ses titres étaient admis sur le compartiment C de Nyse Euronext Paris.
Elle a été dirigée jusqu'en 2009 par M. B. qui à partir de cette année et jusqu'en 2013 avait, tout en restant président directeur général, confié la direction opérationnelle du groupe à un directeur général et un directeur financier avant de reprendre ses fonctions opérationnelles au début de l'année 2013.
Spécialisée dans la rénovation de l'habitat individuel cette société, après une hausse de son chiffre d'affaires en 2008 et 2009, a connu un ralentissement de son activité et de celle de ses filiales entraînant une baisse de ses résultats en 2011. Elle a alors bénéficié à partir du 5 juillet 2012 d'une procédure de mandat ad'hoc pour être assistée dans ses discussions avec les créanciers financiers et sécuriser l'ensemble de ses crédits. Celle-ci fut suivie d'une procédure de conciliation ouverte le 8 novembre 2012 et terminée le 6 décembre suivant.
Le 17 mai 2013, à la suite de mauvais résultats enregistrés sur les premiers mois de l'exercice, la société a déposé une déclaration de cessation des paiements auprès du tribunal de commerce de Rouen. Elle faisait état, pour l'exercice 2012, d'un chiffre d'affaires hors taxes de 140,9 millions d'euros, et d'une perte de 5,8 millions d'euros. Placée en redressement judiciaire le 22 mai 2013, la société Huis Clos a été mise en liquidation judiciaire le 17 octobre 2013.
Le 4 juillet 2013, le secrétaire général de l'AMF a décidé d'ouvrir une enquête sur l'information financière et le marché du titre de la société Huis Clos à compter du 1er janvier 2012.
Lors de sa séance du 30 juin 2014, la Commission spécialisée n°2 du Collège de l'AMF a décidé de notifier un grief à la société Huis Clos ainsi qu'à son président directeur général, M. B., ce qui fût fait par lettres recommandées avec avis de réception le 12 août 2014.
Il était en substance reproché à la société Huis Clos de ne pas avoir communiqué, « dès que possible », à compter du 1er février 2013, l'information privilégiée selon laquelle le résultat net consolidé après impôts pour l'exercice clos au 31 décembre 2012 serait fortement déficitaire, en violation des dispositions de l'article 223-2 du règlement général de l'AMF. Ce manquement a aussi été notifié à M. B..
À la suite de la procédure qui a suivi la notification de griefs la Commission des sanctions de l'AMF a, par une décision du 2 avril 2015, considéré que les manquements étaient établis et a prononcé une sanction pécuniaire de 100 000 euros à l'encontre de la société Huis Clos et de 50 000 euros à l'encontre de M. B..
LA COUR
Vu le recours formé le 8 juin 2015 par M. B. et la société Huis Clos à l'encontre de la décision du 2 avril 2015 de la commission des sanctions de l'AMF';
Vu l'exposé des moyens à l'appui du recours et les observations en réplique récapitulatives déposés au greffe de la cour les 23 juin 2015 et 5 janvier 2016, par M. B. et par la société Huis Clos ;
Vu les observations déposées au greffe de la cour par l'AMF le 26 novembre 2015 ;
Après avoir entendu à l'audience publique du 7 janvier 2016 en leurs observations orales, le conseil de M. B. et de la société Huis Clos, puis le représentant de l'AMF et le Ministère public, M. B. et de la société Huis Clos ayant eu la parole en dernier et eu la possibilité de répliquer ';
SUR CE
M. B. et la société Huis Clos soutiennent à titre liminaire que la Commission des sanctions a privé sa décision de base légale en les sanctionnant pour un grief différent de celui notifié. Ils ajoutent que la décision comporte des contradictions internes qui doivent conduire à son annulation.
A titre principal, ils opposent que la société Huis Clos n'a commis aucun manquement aux dispositions du règlement général de l'AMF. Ils font valoir qu'il est exclu que la société Huis Clos puisse être considérée comme ayant eu connaissance du montant de son résultat net après impôt plus de trois mois avant la publication de ses résultats. Ils ajoutent que la communication sur le caractère fortement déficitaire des résultats sur activité opérationnelle pour l'année 2012 est exempte de toute critique.
Les requérants rappellent, par ailleurs, que l'éventuel non respect par la société Huis Clos des dispositions de l'article 223-2 du RG AMF, en particulier de la possibilité laissée à l'émetteur de différer la diffusion d'une information privilégiée, se fait exclusivement sous la propre responsabilité de ce dernier et que la responsabilité de M. B. ne pouvait pas être retenue sur le fondement de ce texte.
Dans ses observations l'AMF soutient que l'ensemble des éléments de défense invoqués à l'appui du recours sont dépourvus de fondement et invite la Cour à le rejeter.
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Sur le respect des droits de la défense
Sur la concordance du grief notifié et du manquement sanctionné
M. B. et la société Huis Clos soutiennent à titre liminaire que la Commission des sanctions a privé sa décision de base légale en les sanctionnant pour un grief différent de celui notifié. Ils soulignent à ce sujet que l'information privilégiée communiquée avec retard, retenue par la Commission, consiste dans le montant estimatif de la perte enregistrée sur l'exercice 2012, alors que l'information retenue par le grief est celle selon laquelle le résultat net consolidé après impôts pour l'exercice clos au 31 décembre 2012 serait fortement déficitaire, qui était susceptible de surprendre fortement le public.
Le grief notifié à la société Huis Clos et M. B. était celui de ne pas avoir communiqué dès que possible à compter du 1er février 2013 l'information privilégiée selon laquelle le résultat net consolidé après impôts pour l'exercice clos au 31 décembre 2012 serait fortement déficitaire en violation des dispositions de l'article 223-2 du RG AMF.
La décision relève que le directeur financier a adressé le 1er février 2013 au directeur général de la société les résultats de l'exercice 2012 faisant apparaître les données financières du groupe pour l'exercice clos au 31 décembre 2012, comparées à celles de l'exercice 2011 et aux données prévisionnelles établies au cours de l'exercice. Elle retient qu'à cette date la direction de la société disposait d'une estimation de son chiffre d'affaires réalisé, de son résultat net réalisé avant et après impôt, ainsi que des écarts entre les résultats et les éléments prévisionnels. Elle ajoute que le fait que ces chiffres n'étaient pas définitivement arrêtés et n'avaient pas été revus par les commissaires aux comptes, n'empêche pas que ces données puissent être considérées comme précises, au sens de l'article 621-1 du règlement général de l'AMF. Elle retient que les documents disponibles en interne sur les résultats de l'exercice clos permettent de considérer que dès le 1er février 2013 l'information relative au caractère fortement déficitaire du résultat net, de l'ordre de - 5millions d'euros après impôts, même s'il n'était que provisoire, était une information précise. Sa conclusion de ces développements est la suivante « Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'information selon laquelle le résultat net consolidé après impôts de Huis Clos pour l'exercice clos au 31 décembre 2012 serait fortement déficitaire revêtait, au 1er février 2013, tous les caractères d'une information privilégiée et ce, au plus tôt jusqu'au 23 mai 2013 ».
Après avoir examiné si les conditions relatives à l'intérêt légitime de ne pas faire connaître cette information étaient remplies et considéré qu'elles ne l'étaient pas, la Commission des sanctions a conclu : « qu'en ne portant pas à la connaissance du public l'information selon laquelle le résultat net consolidé après impôts de Huis clos pour l'exercice clos au 31 décembre 2012 serait fortement déficitaire 'dès que possible', et sans se prévaloir d'intérêts légitimes à différer de trois mois la publication de cette information, Huis Clos a manqué à son obligation d'information du marché prévue à l'article 223-2 du règlement général de l'AMF .».
Il se déduit de l'ensemble de ce qui précède que le grief retenu et sanctionné par la décision déférée est bien le même que celui qui avait été notifié à la société Huis Clos et à M. B.. Si aux pages 5, 3ème paragraphe, et 6, 1er paragraphe, de la décision, la Commission des sanctions relève qu'au mois de mai 2013 la société a publié que son exercice 2012 se soldait par des pertes ou un déficit de 7 millions d'euros, il n'est, dans aucun développement de la décision, reproché à la société Huis Clos et à son dirigeant de ne pas avoir communiqué ce montant chiffré. Ils ne sont en conséquence pas fondés à soutenir qu'ils auraient été sanctionnés pour ne pas avoir fait connaître ce montant de pertes, sans que ce grief leur ait été notifié.
Ce moyen doit dès lors être rejeté.
Sur la contradiction dans les termes du grief retenu
L'information publiée le 23 mai 2013, selon laquelle les travaux préparatoires à l'établissement des comptes annuels de l'année 2012 permettaient d'indiquer que le résultat provisoire des activités opérationnelles de l'exercice 2012 s'établissait à une perte de 7 millions d' euros, est une information plus précise que celle qui était connue par la société depuis le mois de février et selon laquelle le résultat net consolidé après impôts de Huis clos pour l'exercice clos au 31 décembre 2012 serait fortement déficitaire. Toutefois, seule cette dernière information fait l'objet du grief relatif au défaut de communication au marché « dès que possible » et il n'existe aucune confusion ni contradiction interne à ce sujet dans la décision qui n'a retenu que ce dernier grief à l'encontre de la société et de son dirigeant et ne leur ont nullement reproché de ne pas avoir communiqué sur des pertes s'élevant à 7 millions d'euros.
Ce moyen doit en conséquence être rejeté.
Sur la caractérisation du manquement reproché
Il convient de rappeler qu'en application de l'article 223-2 I du règlement général de l'AMF, tout émetteur doit, dès que possible, porter à la connaissance du public toute information privilégiée définie à l'article 621-1 et qui le concerne directement.
L'article 621-1 du même règlement général dispose qu'une information privilégiée est une information précise qui n'a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs d'instruments financiers, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui si elle était rendue publique, serait susceptible d'avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d'instruments financiers qui leur sont liés.
Sur le caractère précis de l'information
La Commission des sanctions a relevé, sans que ces éléments soient contestés, que le 1er février 2013, le directeur financier de la société, M. P., a adressé au directeur général, M. P., les résultats de l'exercice 2012 faisant apparaître les données financières du groupe pour l'exercice clos au 31 décembre 2012, comparées à celles de l'exercice 2011 et aux données prévisionnelles établies au cours de l'exercice. Ces éléments faisaient apparaître un résultat net de l'ordre de ' 5millions d'euros après impôts.
Le fait que ce montant de ' 5 millions d'euros ait été provisoire, puisqu'il devait être revu par les commissaires aux comptes, n'en faisait, nonobstant ce que prétendent les requérants, pas un chiffre soumis à un risque de fausseté, mais une donnée précise et suffisamment fiable, connue au 1er février 2013, qui revêtait une importance certaine puisque la société n'avait jusqu'alors pas connu de pertes, même si elle avait connu un ralentissement en 2011, ainsi que permet de le constater le rapport annuel financier pour cet exercice. La circonstance que ce montant ait ensuite évolué pour passer à 7 millions d'euros, montant évoqué par la société dans son communiqué du 28 mai 2013, pour indiquer qu'elle ne pouvait le confirmer, ne rend pas pour autant le chiffre de 5 millions imprécis à la date à laquelle il était connu. À ce sujet, les requérants ne peuvent tirer argument de ce que la société n'a pas été poursuivie pour diffusion de fausses informations pour avoir indiqué dans ce communiqué qu'elle ne pouvait confirmer le montant de pertes de 7 millions d'euros, ni à raison du retard avec lequel elle a communiqué au public les données financières relatives au 1er semestre 2012, l'AMF ayant la possibilité de ne pas poursuivre l'ensemble des manquements commis par un opérateur dans le cadre d'un même comportement. Enfin, la circonstance selon laquelle en cas d'échec de la signature de l'accord avec les banques les pertes auraient pu être plus importantes est elle aussi inopérante sur le caractère précis de l'information, puisqu'à la date du 1er février 2013, cet accord avait été conclu.
Sur le caractère non public de l'information
La société Huis Clos et M. B. soutiennent que les difficultés connues par la société n'étaient pas nouvelles puisque dès son assemblée générale du 22 juin 2012, elle avait fait connaître à ses actionnaires qu'elle avait enregistré une perte d'exploitation de l'ordre de - 2 millions d' euros et qu'elle avait simultanément porté à la connaissance du public qu'elle avait enregistré un recul d'activité de 5 % sur les trois premiers mois de l'exercice 2012. Elle ajoute que le public ne pouvait être surpris par l'information relative à des pertes opérationnelles si elle avait été diffusée en février 2013, puisque son exercice 2011 avait déjà été déficitaire.
Cependant, si la société en cause avait déjà fait connaître qu'elle connaissait un recul de son activité, causé par la conjoncture et les diminutions des incitations fiscales en matière d'équipement de l'habitat, il résulte des données figurant dans les pièces du dossier et, notamment, du rapport d'enquête des services de l'AMF, que son résultat net était resté positif jusqu'en 2012. De plus, les communiqués de la société des 10 mai et 14 août 2012 s'ils faisaient état de ces difficultés, se montraient rassurants. Ainsi, le premier faisait état d'une progression des prises de commandes du segment de clientèle professionnelle, et chacun de ces communiqués mentionnait l'accroissement des équipes de vente et de la rentabilité du segment de distribution concernant les clients professionnels nouvellement exploité . Le groupe concluait le document du 14 août 2012 en indiquant qu'il conservait « d'autres atouts certains pour développer son activité et retrouver la croissance ».
Par ailleurs, s'agissant de la mise en ligne, le 28 novembre 2012, du rapport financier semestriel pour l'exercice 2012, juste après la conclusion du protocole de conciliation avec les banques, si celui-ci faisait effectivement état d'un résultat des activités opérationnelles déficitaire égal à -3,9 millions d'euros, cette nouvelle était, contrairement à ce que soutiennent les requérants, atténuée par l'annonce d'un plan de restructuration «afin de retrouver rapidement de la profitabilité » et consistant dans la fermeture d'une quinzaine d'agences commerciales significativement déficitaires ainsi qu'en un regroupement de certaines bases techniques permettant la fermeture de quatre d'entre elles, l'ensemble de ce plan devant dégager des économies de plus de 5 millions d'euros en années pleines. Ce document ajoute concernant les principaux risques et incertitudes pour le second semestre que « Les principaux risques et incertitudes auxquels peut être exposé le groupe sont détaillés dans le rapport annuel 2011. A notre connaissance, aucun événement majeur, modifiant la cartographie de ces risques ou incertitudes, pourrait avoir une influence notable sur le second semestre 2012. La société a obtenu le soutien de l'ensemble de ses partenaires bancaire en formalisant un accord avec lui permettant de pérenniser ses ressources de financement à court et/ou moyen terme jusqu'au 31 décembre 2013 (...)». Ainsi si la conjoncture n'était pas dissimulée et les difficultés n'étaient pas masquées, les présentations demeuraient positives et rassurantes ainsi que l'a retenu la Commission des sanctions, le plan de restructuration étant présenté comme une réorientation et une redynamisation de l'activité de la société plutôt que comme l'abandon de sa stratégie dans un contexte de crise profonde, contrairement à ce que soutiennent les requérants.
En outre, l'erreur contenue dans la notification de griefs indiquant qu'aucune information financière n'avait été donnée au public entre l'annonce des résultats portant sur le premier semestre 2012 et l'annonce de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire accompagnant l'annonce des résultats annuels de 2012, omettant ainsi la diffusion du communiqué de presse du 14 février 2013, est sans conséquence sur la validité de la décision. En effet, ainsi que celle-ci l'a relevé à juste titre, ce communiqué, postérieur à l'information par le directeur financier au dirigeant de la société du résultat net après impôt de 5 millions d'euros, se borne à préciser que le chiffre d'affaires de 2012 est en « très léger recul de 0,1 % » et s'il comporte un tableau comparatif des chiffres d'affaires consolidés trimestriels de 2011 et 2012 montrant des variations négatives pour chaque période, il ne fait aucune allusion à la donnée des pertes, bien que celle-ci ait été connue. Le respect à cet égard de la Recommandation AMF n° 2008-11 sur la communication des chiffres d'affaires annuels n'est pas de nature à exonérer la société du manquement à l'obligation de faire connaître dès que possible les informations privilégiées définies à l'article 621-1 du règlement général de l'AMF. Il n'apparaît, enfin, pas de corrélation entre ce dernier communiqué et la dégradation de 33 % du cours puisque l'examen du diagramme figurant dans les conclusions des requérants permet de constater que la baisse du cours a commencé vers la fin du mois de décembre 2012 et que son aggravation s'est amorcée à la mi-janvier.
Il s'ensuit que les moyens développés par les requérants au titre du caractère public le 15 février 2015 de l'information privilégiée relative au caractère fortement déficitaire de la société Huis Clos au 31 décembre 2012 doivent être rejetés.
Sur la fiabilité de l'information
La société Huis Clos et M. B. soutiennent que l'information qu'il leur est reproché de ne pas avoir communiquée au public n'était pas fiable. Ils indiquent que la société a respecté la recommandation de l'AMF n° 2010-17 selon laquelle les sociétés cotées doivent publier leurs résultats dès que ceux-ci sont disponibles et dans un délai très bref à l'issue de l'approbation par le conseil d'administration.
Cependant les dispositions de la Recommandation ainsi invoquée ne sauraient faire obstacle à l'obligation précédemment rappelée de faire connaître au marché dès que possible une information privilégiée définie à l'article 621-1 du règlement général de l'AMF, c'est-à-dire celle qui si elle était rendue publique, serait susceptible d'avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou le cours d'instruments financiers qui leur sont liés. Or tel est bien le cas de l'information selon laquelle le résultat net de la société serait gravement déficitaire. Il importe peu sur ce point que la société n'ait pas annoncé d'estimation chiffrée plus optimiste préalablement et que le montant de 5 millions ne soit pas encore approuvé par les commissaires aux comptes. En effet, le contexte propre à la société Huis Clos qui avait connu une progression stable et importante de 2006 à 2011 et n'avait connu qu'un léger repli en 2011 rendait l'information relative aux pertes connues en février 2005 alarmante sur l'évolution et l'avenir de la société et elle était suffisamment fiable pour avoirune influence sensible sur le cours de ses actions.
Il s'ensuit que les moyens de la société Huis Clos et de M. B. à ce sujet doivent être rejetés.
En conséquence de ce qui précède, et au regard des justes motifs de la décision que la cour adopte pour le surplus, l'information selon laquelle le résultat net consolidé après impôts de la société Huis Clos au 31 décembre 2012 serait fortement déficitaire, adressée par le directeur financier au directeur général de la société par courrier électronique le 1er février 2013, d'une part, était une information relative à un événement susceptible de se produire, dont il était, d'autre part, possible de tirer une conclusion quant à son effet possible sur le cours du titre de la société, de sorte qu'elle constituait bien une information privilégiée, au sens de l'article 621-1 du règlement général de l'AMF. Cette information n'a été rendue publique que le 23 mai 2013, alors qu'elle était connue de la société depuis le 1er février 2013.
Sur les responsabilités respectives de la société Huis Clos et de M. B. au regard de l'article 223-2 du Règlement général de l'AMF
Sur le bénéfice de l'exception prévue par l'article 223-2 II du règlement général de l'AMF
L'article 223-2 II du règlement général de l'AMF précise que l'émetteur peut, sous sa propre responsabilité, différer la publication d'une information privilégiée afin de ne pas porter atteinte à ses intérêts légitimes, sous réserve que cette omission ne risque pas d'induire le public en erreur et que l'émetteur soit en mesure d'assurer la confidentialité de ladite information en contrôlant l'accès à cette dernière.
Après avoir indiqué renoncer à se prévaloir de cette disposition dans ses conclusions en réponse au rapport du rapporteur, puis devant la Commission des sanctions de l'AMF, la société Huis Clos indique devant la cour qu'elle remplissait les conditions de cette exemption.
Selon elle, la publication de l'information selon laquelle son résultat serait fortement déficitaire pour 2012 n'avait pas lieu d'être puisqu'elle était déjà connue du marché, ce qui n'est pas établi, ainsi qu'il a été retenu dans les développements qui précèdent. Elle ajoute qu'une telle publication avant le mois de mai 2013 lui faisait encourir le risque de diffuser une information non fiable et d'être à ce titre poursuivie par l'AMF. Cet argument est dépourvu de fondement puisqu'ainsi qu'il ressort des développements précédents, il n'est pas reproché à la société de ne pas avoir communiqué de montant chiffré exact, mais l'information selon laquelle son résultat serait fortement déficitaire pour 2012.
Par ailleurs, la requérante se réfère encore aux explications données par M. P., ancien directeur financier de la société Huis Clos, lors de son audition par les services de l'AMF le 16 janvier 2014. Celui-ci a alors exposé que M. B., M. P., directeur général et lui même avaient décidé de ne « pas communiquer sur cette aggravation (de la situation) (...) car la particularité de notre business est d'être en B to C et donc particulièrement sensible au risque d'image. Je précise qu'une communication négative sur la situation financière aurait été immédiatement utilisée contre nous par nos concurrents ce qui n'aurait fait qu'aggraver à mon sens la problématique d'activité pour la société (...)». Cependant, ces motifs qui ne se réfèrent qu'à l'image de la société ne peuvent être considérés comme légitimes, de plus, la société n'apporte aucun élément de preuve permettant d'étayer ces dires sur l'existence d'une concurrence particulièrement agressive sur le secteur concerné. M. P. a ensuite exposé que cette absence de communication était encore justifiée par les négociations en cours avec les banques, le CIRI et la DEEF qui ont respectivement duré jusque fin-janvier et mi-février 2013. Mais ces explications ne peuvent être retenues pour justifier le défaut de communication reproché, dès lors que les négociations ainsi visées ont été achevées en novembre 2012 pour les banques, en janvier 2013 pour la DEEF et en février 2013 pour le CIRI, tandis que l'information en cause n'a été divulguée qu'au mois de mai suivant, c'est-à-dire qu'elle est encore demeurée confidentielle pendant deux mois et demi après que ces négociations eurent abouti.
Il se déduit de ce qui précède que la société Huis Clos ne peut bénéficier de l'exonération prévue par les dispositions du II de l'article 223-3 du Règlement général de l'AMF et il est sans portée à ce sujet que cette société n'ait pas diffusé des prévisions optimistes avant l'annonce de ses pertes.
Sur la responsabilité de M. B. et la sanction prononcée à son encontre
M. B. soutient que le texte du II de l'article 223-2 du règlement général de l'AMF précise que la décision de surseoir à la diffusion immédiate d'une information privilégiée ne peut être prise que par l'émetteur lui même, sous sa propre responsabilité et au regard de ses propres intérêts. Il en déduit que cette disposition introduit une exception au principe d'imputabilité au dirigeant des sociétés qui n'ont pas respecté les obligations de précision et de sincérité des informations communiquées au public, énoncées par l'article 221-1 du règlement général.
Cependant, ce principe d'imputabilité énoncé par cette dernière disposition est applicable aux obligations précisées par l'article 223-3 lequel se trouve inscrit dans le même titre que l'article 221-1. De surcroît il n'y aurait aucune logique et aucune raison objective que les dispositions de l'article 223-3 II introduisent une dérogation au principe précédemment énoncé. Il s'en déduit que si le II de l'article 223-3 énonce que « L'émetteur peut, sous sa propre responsabilité, différer la publication d'une information privilégiée afin de ne pas porter atteinte à ses intérêts légitimes, sous réserve que cette omission ne risque pas d'induire le public en erreur (...) », la précision « sous sa propre responsabilité» signifie non pas une dérogation au principe énoncé de façon générale par l'article 221-1, mais qu'il appartient à l'émetteur d'apprécier jusqu'à quel point il peut conserver une information privilégiée sans que cette décision risque d'induire le public en erreur.
Enfin si, ainsi que le soutient le requérant, il n'avait, à la date du manquement sanctionné, pas encore « effectué son retour aux affaires le conduisant ensuite à écarter M. P. de la direction générale» et il ne figure pas dans la liste des destinataires du courrier électronique du 1er février 2013, par lequel ce directeur général a reçu les données financières du groupe pour l'exercice clos au 31 décembre 2012, il ressort des éléments du dossier non démentis par les requérants, non seulement que M. B. était informé de ces données financières, mais encore qu'il a participé à la prise de décision de pas communiquer l'information selon laquelle le résultat net consolidé après impôts de Huis Clos pour l'exercice clos au 31 décembre 2012 serait fortement déficitaire.
En effet, M. P., dans son audition précédemment mentionnée, a indiqué que si M. B. s'était retiré des affaires pendant environ deux ans, « (...) il y avait un débrief informel chaque semaine entre M. P. et M. B. » et qu'à partir du mois de septembre 2012, il avait décidé de lui adresser son reporting en plus des autres destinataires « afin de [m] s'assurer qu'il en avait bien connaissance ». Cette audition date, en outre, le retour de M. B. à la direction de la société aux environs de la fin janvier, ce qui a été confirmé par celui-ci. Il n'a, par ailleurs, pas contesté devant les enquêteurs ou dans ses observations à la suite de la notification du grief, avoir connu dès le 1er février le résultat de -7 millions d' euros avant impôt (soit 5 millions après impôts) mais précisé que toute la communication financière était réalisée par M. P. et qu'il n'avait donné aucun ordre de ne pas communiquer l'information relative au résultat.
Il se déduit de ces éléments, mais aussi du contexte décrit lors de leurs auditions par M. B. et M. P., qui montrent que le dirigeant a repris en main toute la direction du groupe en janvier 2013 et qu'il était informé de l'information privilégiée. En raison des fonctions qu'il occupait et de son implication dans les affaires de la société au moment où l'information en cause a été connue, c'est à juste titre que la Commission des sanctions a considéré qu'il y avait lieu de prononcer contre M. B., président directeur général de la société Huis Clos, une sanction pécuniaire pour le manquement à l'obligation prévue par l'article 223-2 du règlement général de l'AMF.
En application de l'article L. 621-15 III, c, deuxième alinéa, du code monétaire et financier, le montant de la sanction doit être fixé en fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages ou les profits éventuellement tirés de ces manquements.
La décision attaquée a retenu pour fixer le montant de la sanction, d'une part, que par deux décisions du 13 janvier 2011 la Commission des sanctions avait sanctionné la société Huis Clos et M. B. pour des manquements à des obligations déclaratives et d'information du marché, d'autre part, que la société se trouvait en liquidation judiciaire depuis le 17 octobre 2013. Elle a aussi tenu compte de l'absence d'information sur l'existence de profits tirés du manquement visé, de la gravité intrinsèque de celui-ci, de l'étroitesse du flottant et de la situation financière tant de M. B. que de la société.
M. B. oppose qu'il a été sanctionné en 2013 pour un manquement qui n'avait rien à voir avec celui retenu dans la présente affaire et que la Commission des sanctions ne pouvait en tenir compte à titre de «récidive ».
Cette décision du 13 janvier 2011, à laquelle il est ainsi fait référence, a sanctionné M. B. pour un manquement à l'article 234-5 du règlement général de l'AMF, faute pour lui d'avoir déclaré une variation du montant des actions de la société Huis Clos, qu'il détenait avec la société Groupe René B.. La disposition dont le défaut de respect a ainsi été sanctionné a pour finalité de garantir la bonne information du public sur la composition du capital des sociétés cotées, tout comme l'article 223-2 I assure la bonne information du public quant aux informations qui sont susceptibles d'avoir une influence sur le cours de leurs actions. Il s'en déduit que sans qu'il soit question de récidive, M. B. avait, dans les deux années précédant le manquement pour lequel il a été poursuivi dans le cadre de la présente affaire, été alerté sur le caractère fondamental de l'information du public concernant les évolutions d'une société cotée et qu'ainsi averti, il a pour le moins manqué de vigilance, en n'informant pas le public dès que possible de l'information selon laquelle l'exercice clos au 31 décembre 2012 de la société Huis Clos serait fortement déficitaire. Cette circonstance a pour effet d'aggraver le manquement commis. Il n'y a donc pas lieu de réformer la sanction prononcée en ce qu'il a été tenu compte de cet élément.
Par ailleurs, c'est au regard d'une juste appréciation des éléments précédemment énoncés de gravité du manquement, de l'absence d'information sur un profit personnel qui aurait été réalisé et de la situation individuelle de M. B., qui n'apporte sur ce point aucune contestation ou élément complémentaire, que la Commission des sanctions a fixé celle infligée à M. B. à 50 000 euros. Le risque que celui-ci soit exposé à une action en responsabilité des actionnaires minoritaires dont le fondement n'est d'ailleurs aucunement explicité est inopérant dans le cadre de l'appréciation du montant de cette sanction.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
L'AMF n'étant pas partie à l'instance, mais simplement présente pour présenter des observations à la cour sur les éléments du recours, elle ne peut être condamnée au paiement sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La demande de la société Huis Clos et de M. B. à ce sujet doit en conséquence être rejetée.
PAR CES MOTIFS , la Cour
- Rejette le recours de la société Huis Clos et de M. B. contre la décision entreprise ;
- Rejette la demande de la société Huis Clos et de M. B. fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne la société Huis Clos et M. B. aux dépens du recours.