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Décisions

Cass. com., 15 septembre 2009, n° 08-11.627

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, SCP Piwnica et Molinié, SCP Thomas-Raquin et Bénabent

Paris, du 4 déc. 2007

4 décembre 2007

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 décembre 2007), que les sociétés Montaigne 1BV et Montaigne Jean Goujon, uniques actionnaires de la société anonyme Mongoual, ayant pour activité la gestion d'un immeuble, donné en location à la société LVMH, ont conclu le 6 juin 1997 un protocole d'accord prévoyant pour chacune d'elles un droit de préemption en cas de cession des titres qu'elles détenaient dans le capital de la société Mongoual ; qu'en 2002, la société Montaigne 1 BV est passée sous le contrôle de sociétés appartenant au " groupe " DRAY ; que le 26 juillet 2004, la société Montaigne Jean Goujon a, lors de l'assemblée générale extraordinaire de la société Mongoual, appelée à se prononcer sur le projet de fusion absorption de cette dernière société par la société Montaigne Jean Goujon, émis un vote défavorable à cette opération ; que le même jour, les sociétés Axa France vie (la société Axa) et Ugipar cédaient la totalité des actions du capital de la société Montaigne Jean Goujon à la société Ufipar, filiale de la société LVMH ; que, soutenant que le droit de préemption contenu dans le protocole d'accord du 6 juin 1997 était applicable à ces cessions d'actions, les sociétés Montaigne 1BV et Mongoual ont assigné les sociétés Ufipar, Montaigne Jean Goujon, Axa et Ugipar afin d'obtenir l'annulation de la cession des actions de la société Mongoual détenues par la société Montaigne Jean Goujon, le transfert de ces actions par cette dernière société à la société Montaigne 1BV et en réparation du préjudice causé par la rupture abusive des négociations en vue de la fusion absorption de la société Mongoual par la société Montaigne Jean Goujon ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les sociétés Mongoual et Montaigne 1BV font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs demandes en nullité des cessions du 24 juillet 2004 entre les sociétés Axa et Ufipar et celle entre la société Ugipar et la société Ufipar alors, selon le moyen, que l'article 5, alinéa 2e, du protocole d'accord du 6 juin 1997 conclu entre la société Montaigne Jean Goujon et la société Montaigne 1BV stipule que le droit de préemption s'appliquera à toutes les aliénations par quelque mode que ce soit, par transfert direct ou indirect, cession, apport, donation, échange, fusion, prêt de consommation, nantissement, transfert universel de patrimoine, ou autrement, sous réserve des exceptions stipulées à l'article 3 ci dessus ; qu'en refusant d'appliquer le droit de préemption au transfert indirect du capital de la société Mongoual résultant de la cession des actions des sociétés détentrices d'actions de la société Mongoual, la cour d'appel a dénaturé ce texte en violation de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé qu'il résultait des termes mêmes du pacte d'actionnaires que le droit de préemption avait pour seul objet les opérations emportant, de quelque manière que ce soit, transfert de la propriété des titres émis par la société Mongoual en représentation du capital social et que les parties, après avoir dit à l'article 5 du protocole, alinéa 1er, que le droit de préemption concernait les titres émis par la société Mongoual et eux seuls, ont entendu, à l'article 5, alinéa 2, marquer leur volonté de l'appliquer à tous les actes juridiques ayant pour effet d'opérer transfert de la propriété de ces titres, la cour d'appel n'a pas dénaturé le pacte conclu entre les parties ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que les sociétés Mongoual et Montaigne 1 BV font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande en paiement de dommages-intérêts pour rupture des pourparlers, alors, selon le moyen :

1° / que la rupture des pourparlers engage la responsabilité de son auteur lorsqu'elle est fautive ; que tel est le cas lorsque la rupture des pourparlers est tardive et brutale ; qu'en considérant que la société Montaigne Jean Goujon et la société Ugipar avaient pu légitimement se désengager totalement et sans délai du projet de fusion absorption de la société Mongoual par la société Montaigne Jean Goujon en signant le jour où devait être voté par l'assemblée générale de la société Mongoual le traité de fusion, la cession par la société Axa des actions de la société Montaigne Jean Goujon au profit de la société Ufipar dès lors que cette opération répondait aux intérêts de la société Axa qui voulait se désengager totalement et sans délai de la société Montaigne Jean Goujon sans s'expliquer sur le fait que cette rupture était intervenue selon les propres constatations de la cour d'appel alors que le processus de fusion était proche de son terme, le dépôt du projet de fusion, accepté par les conseils d'administration de la société absorbée et de la société absorbante, étant intervenu le 24 juin 2006 au greffe du tribunal de commerce de Nanterre, peu important que la groupe DRAY, actionnaire de la société Montaigne 1BV ait été informée de cette opération et pris acte d'une suspension du processus de fusion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

2° / que les sociétés Montaigne 1BV et Mongoual soutenaient que l'entrée d'Ufipar, filiale de la société LVMH, locataire dans le capital de la société Mongoual, sa bailleresse, constitue un grave risque pour cette dernière, compte tenu du conflit aigu d'intérêts entre elles ce que le tribunal avait relevé, les cessions d'actions de la société Montaigne Jean Goujon rendant indirectement la locataire propriétaire de 40 % de l'immeuble qu'elle loue et la société Montaigne 1BV, actionnaire majoritaire de Mongoual, bailleresse, associée avec la locataire ; qu'en écartant toute faute de la société Ufipar pour avoir contracté en connaissance du projet de fusion-absorption de la société Mongoual par la société Montaigne Jean Goujon avec la société Axa, sans rechercher si le fait de devenir associée minoritaire de sa bailleresse tout en étant en même temps locataire ne caractérisait pas l'intention de nuire de la société Ufipar, en particulier au détriment de la société Mongoual qui voyait sa pérennité menacée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt retient que, tandis que le processus qui devait conduire à l'absorption de la société Mongoual par la société Montaigne Jean Goujon, devant être suivie en 2006 de la cession des actions détenues dans cette dernière par la société Axa au " groupe " DRAY, était proche de son terme, une offre a été faite à la société Axa le 19 juillet 2004, qu'elle n'avait ni suscitée ni préparée, portant sur la cession du contrôle de la société Montaigne Jean Goujon sans qu'aucune offre d'acquisition de ses titres Mongoual ne soit faite à la société Montaigne Jean Goujon et que la société Axa en a informé le " groupe " DRAY, le jour même, en indiquant que cette offre était faite sur la base d'une valeur de l'immeuble substantiellement supérieure à celle retenue dans le projet de fusion et qu'en raison de la situation nouvelle ainsi créée, le processus engagé devait être suspendu ; qu'il retient encore que ladite offre donnait à la société Axa et à la société Ugipar la possibilité de se désengager totalement et sans délai de la société Montaigne Jean Goujon, à des conditions financières plus favorables et que M. X..., informé de l'existence de cette offre par une lettre de la société LVMH du 16 juillet 2004, a répondu le 22 juillet 2004, qu'il prenait acte de cette décision de suspension de leurs assemblées générales en demandant de fixer la date limite à cette suspension au 31 juillet 2004, ajoutant que la société Axa disposerait ainsi " du temps nécessaire à l'examen de l'offre reçue et à la mise en oeuvre du droit de préemption régissant les relations d'associés de nos deux groupes " ; que l'arrêt en déduit que la société Montaigne 1BV et le " groupe " DRAY ne peuvent sérieusement soutenir avoir découvert " avec la plus grande surprise ", le jour de l'assemblée générale de la société Mongoual, que la société Montaigne Jean Goujon avait pris la décision de voter contre le projet de fusion et qu'aucun manquement à leur obligation de bonne foi ne pouvait être utilement reproché aux sociétés Axa et Ugipar à raison de la cession à la société Ufipar de l'intégralité de leurs participations dans la société Montaigne Jean Goujon et de l'abandon des pourparlers en cours ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont il résulte que la rupture des pourparlers, certes à un stade avancé, était fondée sur un motif légitime et qu'elle n'a pas été fautive, la cour d'appel a justifié sa décision ;

Et attendu, d'autre part, que les sociétés Montaigne 1 BV et Mongoual n'ont pas soutenu devant les juges du fond que le fait de devenir associée minoritaire de sa bailleresse caractériserait l'intention de nuire de la société Ufipar, constitutive d'une faute à l'origine de la rupture des pourparlers ; que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.