CA Bastia, ch. civ. a, 14 décembre 2016, n° 15/01063
BASTIA
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Grand Sud Investissements (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Piazza
Conseillers :
Mme Luciani, Mme Deltour
Avocats :
Me Ribaut-Pasqualini, Me Klein
EXPOSÉ DU LITIGE
Dans le cadre de l'investissement des fonds contrôlés par Vatel Capital au sein de la SAS Grand Sud Investissements (GSI), les fonds d'investissement de proximité (FIP) Kalliste Capital 1 et Kalliste Capital 2 ont souscrit le 27 août 2010 un contrat d'émission d'obligations convertibles en actions de la société Grand Sud Investissements, pour les montants respectifs de 121 233 euros et de 878 767 euros.
Suivant jugement en date du 15 décembre 2014, le tribunal de commerce d'Ajaccio a ouvert le redressement judiciaire de la société Grand Sud Investissements avec désignation de Me Jean-Pierre Y... es qualités de mandataire judiciaire.
Suivant jugement du 16 février 2015, le tribunal de commerce d'Ajaccio a désigné Me Gilles Z... en qualité d'administrateur judiciaire avec mission d'assistance.
Par ordonnance en date du 22 juin 2015, rendue sur requête de Me Jean-Pierre Y..., confirmée par ordonnance du juge des référés du 12 octobre 2015, puis par la cour d'appel dans un arrêt du 8 juin 2016, le président du tribunal de commerce d'Ajaccio a nommé Me Alexandre X... en qualité de représentant de la masse des obligataires de la société GSI.
Le 23 juin 2015, Me Alexandre X... a déclaré la créance des obligataires entre les mains de Me Y... au passif de la GSI pour un montant de 955 400 euros. L'ordonnance du juge commissaire du 5 octobre 2015 qui l'a admise, et le jugement du tribunal de commerce du 12 décembre 2015 qui, sur l'opposition de la société GSI, a confirmé l'admission, fait l'objet d'un appel distinct.
Le même jour, à titre conservatoire, Me Alexandre X... a introduit une requête en relevé de forclusion.
Dans une première ordonnance du 5 octobre 2015, le juge commissaire a dit qu'il n'y avait pas lieu à relever Me X... es qualités, de sa forclusion, et a ordonné au mandataire judiciaire de porter la déclaration de créance de la masse des obligataires sur la liste des créances.
Sur opposition formée par la société GSI, par jugement contradictoire du 7 décembre 2015, le tribunal de commerce a débouté la société GSI et a confirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance du 5 octobre 2015.
La SAS GSI a formé appel de cette ordonnance par déclaration au greffe du 18 décembre 2015.
Dans ses conclusions du 15 mars 2016, la SARL GSI demande à la cour :
- principalement, de surseoir à statuer, aprés avoir constaté que le débat sur l'application des dispositions de l'article R 228-85 du code de commerce présuppose que soit tranché celui sur la rétractation de l'ordonnance du 22 juin 2015, ayant désigné Me X... es qualités de représentant de la masse obligataire,
- subsidiairement, de constater que les premiers juges n'ont pas motivé leur décision de rejeter les demandes formulées par la société GSI, notamment en ce que, en ordonnant au mandataire judiciaire de porter la déclaration de créance régularisée par Me X... es qualités sur la liste des créances, le juge commissaire a statué ultra petita, et de dire et juger nulles et de nul effet le jugement du 7 décembre 2015,
- plus subsidiairement, d'infirmer le jugement du tribunal de commerce en l'ensemble de ces dispositions, à l'exclusion de celles par lesquelles il a débouté Me X... de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, d'infirmer le jugement en ce qu'il a confirmé la disposition de l'ordonnance ordonnant au mandataire judiciaire de porter la déclaration de créance de la masse sur la liste des créances, et de dire et juger que le juge-commissaire ne pouvait, tout au plus, que constater que la créance de la masse obligataire avait été déclarée le 23 juin 2015 et voir déclarer cette créance recevable à la procédure de vérification des créances,
- en toute hypothèse, de débouter Me X... es qualités de toutes ses demandes, fins et conclusions.
Dans ses conclusions du 2 août 2016, maitre Alexandre X... es qualités demande à la cour :
- à titre principal, de débouter la société GSI de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, et de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 5 décembre 2015 par le tribunal de commerce d'Ajaccio, sauf en ce qu'il n'a lui a pas été alloué de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- à titre subsidiaire, de débouter la société GSI de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, de constater que la défaillance de la masse des obligataires de GSI dans la déclaration de créance n'est pas de son fait, de constater que la société GSI a omis de mentionner Vatel Capital dans la liste des créanciers, de relever de forclusion la créance détenue par la masse des obligataires de GSI, d'ordonner au mandataire judiciaire de porter la déclaration de créance de la masse des obligataires sur la liste des créances relative à la procédure de redressement judiciaire de la société GSI, si celle-ci a été déclarée dans ce délai,
- en tout état de cause, de condamner la société GSI a lui verser la somme de 3 000 euros à titre de procédure abusive, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, de condamner la société GSI à lui verser la somme de 2 500 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel et de condamner la société GSI aux entiers dépens d'appel.
L'instruction a été clôturée par une ordonnance du 28 septembre 2016, fixant l'audience de plaidoiries au 7 octobre 2016. A cette date, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 décembre 2016.
SUR CE
-Sur la demande de sursis à statuer :
La désignation de Me X... en qualité de représentant de la masse des obligataires de la société GSI, initialement faite par ordonnance du 22 juin 2015 du président du tribunal de commerce d'Ajaccio, que le juge des référés du 12 octobre 2015, confirmé par la cour le 8 juin 2016, a refusé de rétracter, est définitivement entérinée, la société appelante ayant epuisé toutes le voies de droit pour la contester.
La demande de sursis à statuer est donc sans objet, et, au besoin, infondée.
La qualité et le droit d'agir de Me X... sont, subséquemment, validés.
- Sur le fond :
Le présent contentieux porte sur la critique, élevée par la société appelante, de l'ordonnance du 5 octobre 2015 du juge commissaire, confirmée, sur son opposition, par le tribunal de commerce dans son jugement dont appel du 7 décembre 2015, qui a dit qu'il n'y avait pas lieu à relever l'intimé de sa demande de forclusion, et a ordonné au mandataire judiciaire de porter la déclaration de créance de la masse des obligataires sur la liste des créances.
Si l'intérêt pour la société GSI d'élever un contentieux à l'égard d'une décision qui a jugé sans objet une requête en relevé de forclusion déposée par un créancier apparait discutable, le recours lui est ouvert, et il convient de l'examiner.
Il est établi et non contesté que Me X..., régulièrement désigné pour assurer la représentation de la masse, a produit sa créance dans les quinze jours de sa désignation, comme le lui impose le texte de l'article R 228-85 du code de commerce.
Désigné le 22 juin 2015, il a, en effet, procédé à la déclaration dés le 23 juin 2015.
Le juge commissaire, dans sa décision du 5 octobre 29015, puis le tribunal de commerce, dans son jugement du 7 décembre 2015 en ont, à bon droit, déduit que sa requête en relevé de forclusion était dés lors dépourvue d'objet.
En statuant ainsi, le juge commissaire et le tribunal ont, sans statuer ultra petita, pu déclarer recevable à la procédure de vérification, la créance déclarée par le représentant de la masse, dans les délais de la loi, cette recevabilité, qui ne juge pas du bien fondé de la créance, qui fait l'objet d ‘ un autre contentieux, étant la conséquence directe du défaut de forclusion.
Il n'y a donc pas lieu à annulation du jugement pour ce motif.
- Sur la demande reconventionnelle en dommages intérêts pour procédure abusive :
Le droit fondamental d'agir en justice peut dégénérer en abus de droit engageant la responsabilité de son auteur en cas de volonté manifeste de nuire, de méconnaissance grossière de normes évidentes ou d'intention maligne.
En poursuivant dans un but purement dilatoire, jusqu'en cause d'appel, une décision qui ne lui fait aucunement grief, et en maintenant des demandes vouées à l'échec, puisque jugées, en considération, notamment, de l'arrêt rendu le 8 juin 2016 par cette cour, sur la qualité et le droit d'agir de l'intimé, la société GSI a fait dégénérer en abus, par une méconnaissance grossière de normes évidentes et par volonté de nuire, une voie de droit qui lui était ouverte, à l'origine d'un préjudice pour la masse des créanciers, qu'elle devra réparer par la somme de 3 000 euros, qui sera allouée à l'intimée en réparation de son préjudice.
- Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
L'équité et l'issue du recours justifient qu'il soit alloué à l'intimé une indemnité de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La SAS GSI supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
DEBOUTE la SAS Grand Sud Investissements de sa demande de sursis à statuer,
CONFIRME le jugement,
Y ajoutant,
CONDAMNE la SAS Grand Sud Investissements à payer à Me Alexandre X..., es qualités de représentant de la masse des obligataires de cette société, la somme de TROIS MILLE EUROS (3 000 euros) à titre de dommages intérêts,
CONDAMNE la SAS Grand Sud Investissements à payer à Me Alexandre X..., es qualités de représentant de la masse des obligataires de cette société, la somme de DEUX MILLE EUROS (2 000 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SAS Grand Sud Investissements aux dépens d'appel.