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Décisions

CA Montpellier, ch. com., 20 octobre 2020, n° 18/00100

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Syndicat des copropriétaires de la Résidence les Rocades

Défendeur :

Soleil Levant (SCI), Banque Courtois (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Prouzat

Conseillers :

Mme Bourdon, Mme Rochette

TGI Perpignan, du 24 janv. 2014

24 janvier 2014

FAITS et PROCÉDURE - MOYENS et PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par jugement du 26 octobre 2012, le tribunal d'instance de Perpignan a condamné la SCI Soleil Levant à payer au syndicat des copropriétaires de la Résidence Les Rocades (le syndicat des copropriétaires) :

- la somme de 5.506,78 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement au titre de charges impayées, arrêtées au 18 octobre 2011,

- la somme de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens.

Par acte du 24 juin 2013, le syndicat des copropriétaires a fait délivrer à la SCI Soleil Levant, en exécution de ce jugement un commandement de payer la somme de 10.570,17 euros valant saisie-immobilière de deux appartements, réunis en un seul et d'un garage constituant les lots n° 160, 161 et 78 de la copropriété. Cet acte a été publié au bureau des hypothèques de Perpignan le 10 janvier 2013, vol. 2013 S no 79.

Suivant jugement d'orientation du 24 janvier 2014, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Perpignan a :

- dit que le montant de la créance recouvrée dans le cadre de la procédure de saisie-immobilière ne peut correspondre outre les frais de poursuite, qu'au montant des créances reconnues par le jugement du tribunal d'Instance de Perpignan du 26 octobre 2012,

- fixé à la somme de 6.466,17 euros le montant de la créance dont le recouvrement forcé est possible en exécution de ce titre,

- constaté le caractère manifestement disproportionné au regard de ses effets préjudiciables et le caractère inutile au regard de la possibilité de mise en oeuvre d'une saisie-immobilière (sic), de la saisie-immobilière diligentée le 24 juin 2013,

- ordonné la main-levée de cette mesure aux frais de la partie saisie ;

- dit que les dépens de la présente instance et les frais de vente soumis à taxe sont à la charge de la partie saisie.

Par déclaration en date du 28 février 2014 et assignation à jour fixe des 24 et 29 juillet 2014, le syndicat des copropriétaires a interjeté appel de cette décision.

Par arrêt en date du 20 novembre 2014, la cour d'appel de Montpellier a déclaré l'appel recevable, a confirmé le jugement et dit n'y avoir lieu à dommages intérêts pour abus de saisie.

Par arrêt n°16-16.871 du 22 juin 2017, la cour de cassation a cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 novembre 2014 entre les parties par la cour d'appel de Montpellier et remis, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit elle les a renvoyées devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée.

Par déclaration déposée le 09 août 2017, le syndicat des copropriétaires a saisi la cour d'appel de Montpellier mais l'affaire a fait l'objet d'une radiation par ordonnance du 21 décembre 2017 rendue par le conseiller de la mise en état au motif que l'appelant n'avait pas conclu, ni assigné la SCI Soleil Levant, intimée, ainsi que la Banque Courtois mise dans la déclaration d'appel, au plus tard le 13 décembre 2017.

Le 3 janvier 2018, le syndicat des copropriétaires a saisi à nouveau la cour d'appel de Montpellier de son appel dirigé contre le jugement prononcé par le juge de l'exécution le 24 janvier 2014 après avoir par acte d'huissier de justice du 22 décembre 2017 dénoncé à la SCI Soleil Levant et la SA Banque Courtois sa déclaration de saisine de la cour et ses conclusions d'appelant déposées au greffe le 13 décembre 2017.

Il demande à la cour, en l'état desdites conclusions :

Vu les articles L.311-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, L.121-3 du même code,

- réformer le jugement dont appel et statuant à nouveau,

- dire et juger qu'il est fondé à poursuivre la vente forcée des lots appartenant à la SCI Soleil Levant,

- renvoyer le syndicat des copropriétaires à reprendre une procédure de saisie immobilière devant la chambre des ventes distributions du tribunal de Grande instance de Perpignan,

- condamner la Sci Soleil Levant au paiement des frais et émoluments exposés par le syndicat, de la délivrance du commandement de payer valant saisie au jugement d'orientation,

- condamner la Sci Soleil Levant aux dépens de première instance et d'appel,

- condamner la Sci Soleil Levant aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 7 200 euros au titre des frais irrépétibles.

Au soutien de son appel, il fait essentiellement valoir que :

- par suite du jugement du 24 janvier 2014 confirmé par l'arrêt du 20 novembre2014, le commandement valant saisie du 24 juin 2013 ne produit plus ses effets mais la cour reste compétente pour statuer sur les contestations élevées par le syndicat et ses conséquences (cass 11.05.2017 n°16-15.473),

- le juge de l'exécution s'était à tort, déterminé en fonction du seul montant du titre exécutoire (6.558,07 euros) en écartant la créance constituée par l'aggravation de la dette depuis l'obtention du titre (10.570,07 euros au jour du commandement, 12 945,72 euros au 1er juillet 2017), puis en considérant que la créance titrée était modique alors qu'aucun règlement n'était intervenu depuis,

- le juge de l'exécution avait ainsi négligé la force obligatoire de la décision de l'assemblée générale des copropriétaires d'engager la saisie immobilière

- l'hypothèque légale du syndicat des copropriétaires prise le 07 mai 2013 donnait un caractère certain liquide et exigible à sa créance impliquant qu'elle soit prise en considération à hauteur de 10 570,07 euros lors de l'audience d'orientation,

- le syndicat n'avait appris la mise en location du bien loué qu'à l'occasion de la procédure de saisie immobilière et une fois le commandement délivré, les loyers ne pouvaient plus qu'être consignés, (ils l'ont été à la suite de l'arrêt du 20 novembre 2014 puis déduits de la créance à hauteur de 5.658,55 euros),

- la mauvaise foi de la SCI Soleil Levant est démontrée par le défaut de tout règlement spontané des charges courantes depuis le 22 avril 2009 et il n'y avait eu ni malice ni abus de la part du syndicat dans le choix des poursuites, expliquant avoir refusé le règlement d'un acompte de 1000 euros en raison du caractère douteux de ce chèque qui ne réglait de surcroît qu'une partie de la dette.

Dans ses conclusions déposées et notifiées par le RPVA le 19 février 2020, la Banque Courtois demande à la cour de :

- dire et juger que le syndicat des copropriétaires était recevable et fondé à engager la procédure de saisie immobilière à l'encontre de la SCI Soleil Levant,

- constater que la Banque Courtois a déclaré sa créance dans le cadre de la procédure de saisie immobilière,

- condamner la SCI Soleil Levant à lui payer la somme de 80,99 euros au titre des frais de dénonce et de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Elle expose détenir une créance de 21 557,66 euros à l'encontre de la SCI Soleil Levant en vertu d'un jugement définitif prononcé le 7 mars 2013 par le tribunal de grande instance de Perpignan l'ayant amenée à inscrire une hypothèque judiciaire provisoire en date du 21 mai 2013 convertie en hypothèque judiciaire définitive par bordereau du 18 juillet 2013. Prenant acte de la radiation du commandement de payer avant saisie du fait de la décision du juge de l'exécution et à sa suite, de la cour d'appel de Montpellier, elle demande à être remboursée des frais engagés.

C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 17 juin 2020 disant qu'à compter de la réception de la présente ordonnance, aucune conclusion ne pourra être déposée ni aucune pièce produite aux débats.

MOTIFS de la DÉCISION

Sur la recevabilité des conclusions des 19 février 2020 et 3 septembre 2020 :

A l'audience, la cour a fait observer que le syndicat des copropriétaires avait déposé des conclusions le 3 septembre 2020 , après l'ordonnance de clôture du 17 juin 2020 en violation des dispositions de l'article 783 du code de procédure civile et que la Banque Courtois n'avait pas signifié à la partie co-intimée ses conclusions du 19 février 2020

L'article 783 précité prévoit qu'après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité soulevée d'office

Les conclusions du syndicat des copropriétaires et le bordereau de pièces en date du 3 septembre 2020 sont donc irrecevables

L'article 15 du code de procédure civile indique que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions.

La Banque Courtois qui forme une demande en paiement contre la Sci Soleil Levant n'a pas signifié ses conclusions du 19 février 2020 à la partie défaillante.

Les demandes et prétentions non préalablement signifiées à l'intimée sont donc irrecevables.

Sur le fond :

L'article L. 111-7 du code des procédures civiles d'exécution prévoit que le créancier a le choix des mesures propres à assurer l'exécution ou la conservation de sa créance. L'exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation.

L'article L. 121-2 du même code indique que le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d'abus de saisie.

Le créancier ayant le choix des mesures propres à assurer l'exécution de sa créance, il appartient au débiteur en application de l'article 1353 du code civil, qui en poursuit la mainlevée, d'établir qu'elles excèdent ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation.

Il n'est pas discuté que le seul titre exécutoire détenu par le syndicat des copropriétaires et en vertu duquel la saisie immobilière litigieuse a été engagée est le jugement du 26 octobre 2012 par lequel le tribunal d'instance de Perpignan a condamné la Sci Soleil Levant à payer au syndicat des copropriétaires les sommes de 5.506,78 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement au titre des charges impayées au 18 octobre 2011 et de 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'inscription d'une hypothèque légale sur le lot d'un copropriétaire débiteur permet au syndicat créancier de bénéficier d'une garantie immédiate sur ses créances visées à l'article 19 de la loi du 10 juillet 1965, et de bénéficier à tout moment des effets de l'hypothèque dans le cadre d'une saisie immobilière mais elle ne le dispense pas de l'obtention préalable d'un titre exécutoire pour procéder à cette voie d'exécution forcée

Il ne peut donc pas être soutenu que l'hypothèque légale rendrait certaine, liquide et exigible les charges impayées postérieures au 18 octobre 2011.

Il résulte par contre des énonciations du jugement du 26 octobre 2012, que la SCI Soleil Levant avait reconnu sa dette et sollicité des délais de paiements que le tribunal ne lui a pas alloués au visa de l'article 9 du code de procédure civile, faute de justificatifs de sa situation financière. Force est de constater qu'entre ce jugement signifié le 15 novembre 2012 et l'engagement de la saisie immobilière, la SCI Soleil Levant s'est abstenue de tous paiements spontanés même partiels pour résorber une dette qui a effectivement augmenté puisque les charges courantes n'étaient pas acquittées

Elle a attendu le 10 octobre 2013 pour transmettre un chèque de 1000 euros et elle ne justifie pas que le syndicat des copropriétaires aurait pu se convaincre de la possibilité de faire usage fructueux d'autres voies d'exécution, telle l'opposition au paiement des loyers entre les mains du propriétaire saisi, impliquant la démonstration préalable de ce que la location du bien était connue du syndicat mais également du règlement effectif des loyers

Ainsi en présence d'une dette relativement importante pour la collectivité des copropriétaires tenus de suppléer la défaillance d'un des leurs systématiquement défaillant et en l'absence de tous règlements partiels, il apparaît que le syndicat des copropriétaires était fondé à engager la procédure de saisie immobilière à l'encontre de la SCI Soleil Levant.

Il n'est pas discuté qu'en application de l'article R.321- 20 du code des procédures civiles d'exécution, le commandement de payer valant saisie a cessé de produire effet de sorte que la cour de renvoi ne peut ordonner la vente forcée telle qu'initiée le 24 juin 2013 ni renvoyer les parties devant le juge de l'exécution. Le syndicat des copropriétaires sera débouté de cette demande.

Par contre, l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution met à la charge du débiteur les frais de l'exécution forcée sauf s'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés.

Les frais de poursuite étant l'accessoire de la dette pour le paiement de laquelle a été diligentée la procédure de saisie immobilière, le syndicat des copropriétaires est fondé à demander la condamnation de la SCI Soleil Levant au paiement des frais exposés par lui, de la délivrance du commandement de payer valant saisie au jugement d'orientation que cette dernière devra acquitter sur présentation d'un état de frais établi par son conseil.

Sur les frais et les dépens :

La SCI Soleil Levant qui succombe supportera les dépens de première instance et d'appel et sera condamnée à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 4 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement par arrêt rendu par défaut

Dit que les conclusions du syndicat des copropriétaires déposées après l'ordonnance de clôture sont irrecevables,

Dit que les conclusions de la Banque Courtois sont irrecevables faute d'avoir été signifiées à la SCI Soleil Levant,

Infirme le jugement du 24 janvier 2014 prononcé par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Montpellier,

Dit que le syndicat des copropriétaires Résidence Les Rocades était fondé à engager la procédure de saisie immobilière à l'encontre de la SCI Soleil Levant,

Vu les articles R.321- 20 et L.118-1 du code des procédures civiles d'exécution,

Condamne la SCI Soleil Levant à payer au syndicat des copropriétaires Résidence Les Rocades représenté par son syndic en exercice les frais et émoluments exposés par lui, de la délivrance du commandement de payer valant saisie au jugement d'orientation sur présentation d'un état de frais établi par le conseil de l'appelant,

Condamne la SCI Soleil Levant à payer au syndicat des copropriétaires Résidence Les Rocades représenté par son syndic en exercice la somme de 4.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCI Soleil Levant aux dépens de première instance et d'appel,

Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.