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Décisions

CA Bastia, ch. civ. sect. 2, 9 décembre 2020, n° 19/00836

BASTIA

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Société Générale (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gilland

Conseillers :

Mme Deltour, Mme Molies

Avocat :

Me Giovannangeli

T. com. d'Ajaccio, du 25 sept. 2017, nº …

25 septembre 2017

Alléguant une mise en demeure du 6 juillet 2016 d'avoir à lui payer la somme 76'224,50 euros sur le fondement d'un acte de cautionnement au profit de la S.A.R.L. Y…, par acte du 2 février 2017 A… a fait assigner la S.A. Société générale devant le tribunal de commerce de Bastia pour obtenir sa condamnation à reconstituer les titres qui figuraient sur son compte PEA sous astreinte, à donner mainlevée du nantissement détenu sur les titres inscrits auprès de la Barclays Bank, à rembourser l'ensemble des frais, impôts et prélèvements sociaux applicables aux ventes intervenues, et au paiement des dépens et d'une somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 25 septembre 2017, le tribunal de commerce a :

"- dit et jugé que la créance détenue par la Société Générale contre X… n'était pas prescrite,

- condamné X… à payer à la Société Générale la somme de 233'922,16 euros avec intérêts légaux à compter du 6 juillet 2016 de la mise en demeure,

- condamné la Société Générale à donner mainlevée du nantissement qu'elle détient sur les titres inscrits auprès de la Barclays Bank,

- dit n'y avoir lieu à astreinte,

- condamné la Société Générale à payer à X… la somme de 28'041,28 euros correspondant à la valeur des titres au jour de la vente,

- condamné la Société Générale à payer à X… la somme de 3 099,36 euros correspondant la perte de valeur subie en raison de la vente de ses titres,

- condamné la Société Générale à payer à X… la somme de 111,35 euros correspondant aux frais et commissions prélevés sur la vente des titres,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la Société Générale à payer à X… la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Société Générale aux entiers dépens y compris les frais de greffe."

Par déclaration reçue le 16 septembre 2019 la S.A. Société générale a interjeté appel partiel de la décision.

La déclaration d'appel et les conclusions d'appel ont été signifiées à X… le 27 novembre 2019, par dépôt à l'étude, après vérification de l'adresse. X… n'a pas été cité à personne et n'a pas constitué avocat.

Par conclusions notifiées le 27 mars 2020, la S.A. Société générale a sollicité de :

"- lui donner acte de ce qu'elle accepte de cantonner sa créance à l'écart de X… à la somme de 76'224,51 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2016 date de la mise en demeure,

=> concernant le compte PEA nº 30003 00251 08838306268 ouvert dans les livres de la Société Générale,

- réformer le jugement en ce qu'il a jugé fautive la conversion du gage et condamné la banque à payer à X… la somme de 28'041,28 euros correspondant à la valeur des titres au jour de la vente, de 3 099,36 euros correspondant à la perte de valeur subie en raison de la vente des titres, de 111,35 euros correspondant aux frais et commissions prélevés sur la vente des titres, ainsi qu'aux frais irrépétibles et aux dépens,

À titre principal, de

- dire et juger bien-fondé la conversion du gage réalisée par le Société Générale,

À titre subsidiaire, si la conversion du gage réalisée par la Société Générale devait être jugée irrégulière et si la restitution des titres était envisagée,

- attribuer en pleine propriété à la Société Générale les titres et fonds gagés logés sur le compte PEA appartenant à X…, ou à défaut le produit de la cession de ces titres, dans la limite de sa créance et de la somme de 30'489,80 euros (200 000 francs) en principal,

- dire et juger que la valeur de liquidation du compte PEA qui devra s'imputer sur la créance de la Société Générale ne devra pas être celle au 11 octobre 2016 mais celle du jour de l'arrêt à intervenir,

=> concernant les comptes titres nantis N°62086072806 et N°64490092401dans les livres de la Barclays Bank,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la Société Générale à donner mainlevée des nantissements détenus sur les titres inscrits auprès de la Barclays Bank,

- attribuer en pleine propriété à la Société Générale les titres et fonds objets des comptes titres suivants appartenant à X… :

- dans la limite de sa créance et de la somme de 50 000 euros en principal augmentée des intérêts, commissions, frais et accessoires, le compte-titres N°62086072806 nantis le 25 février 2004 (comprenant initialement les titres SIC Barclays Act, France CSI, code valeur FR0000289134 et SIC BAR.SM. CAP.EUR.PEA C 2DEC, code valeur FR0000289183)

- dans la limite de sa créance et de la somme de 50 000 euros en principal, augmentée des intérêts commissions frais et accessoires, le compte-titres nº 64490092401 nanti le 25 février 2004 et comprenant initialement les titres FCP BARC.EUROPPR.EUR.EQUIT.FCP, code valeur FR0000443707 et FCP PRIVILEGE 18 MOIS FCP 4DE, code valeur FR0000985590),

- débouter X… de l'intégralité de ses demandes fins et conclusions,

- condamner X… à lui payer la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens.'

La banque a relaté que X… s'était constitué caution solidaire de la S.A.R.L. éponyme par deux actes sous-seing privés du 27 août 1991 dans les limites respectives de 500 000 et 250 000 Francs, qu'il avait procédé au gage de valeurs alors détenues par la société Barclays et d'un compte PEA suivant des conventions du 25 février 2004 et du 7 septembre 2004, que suite au redressement judiciaire par jugement du 21 mars 2005, à sa déclaration de créance définitivement admise pour 209'998,45 euros à titre chirographaire, au plan de continuation du 13 février 2006 résolu le 21 janvier 2008, à la liquidation judiciaire du même jour, à sa nouvelle déclaration de créance pour 233'922,16 euros, non vérifiée en raison de l'importance des créances privilégiées, qu'elle avait, après mises en demeure, procédé à la réalisation de son gage sur les titres détenus au sein du PEA le 11 octobre 2016 pour 28'041,28 euros. Elle a rappelé l'assignation délivrée par X… prétendant que la réalisation du gage lui avait causé un préjudice et le jugement qu'elle a critiqué.

Elle a exposé que le cautionnement était limité à 76 224,51 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2016, que X…, mis en demeure et avisé de la réalisation du gage, n'avait subi aucun préjudice, que l'inscription en compte nanti établissait la dépossession des actifs financiers en dépit des conventions autorisant le constituant à en disposer, que si la réalisation devait être considérée nulle et si le compte PEA de X… devait être reconstitué, le gage demeurerait et X… ne pourrait récupérer la jouissance de ses actifs. Elle a estimé que de manière inexplicable le tribunal avait ordonné la mainlevée des autres nantissements qu'elle détenait toujours, que celle-ci n'était ni justifiée ni fondée, qu'elle pouvait donc solliciter l'attribution judiciaire des comptes titres nantis.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er avril 2020. L'affaire a été fixée à plaider à l'audience du 8 octobre 2020 mise en délibéré pour être rendu par mise à disposition au greffe le 9 décembre 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Pour statuer ainsi qu'il a fait le tribunal de commerce a estimé que la créance de la S.A. Société générale n'était pas prescrite, il l'a fixée à 233'922,16 euros et a condamné X… au paiement de cette somme. Il a estimé que M. Et Y… n'avaient pas été régulièrement mis en demeure, que la vente des titres était irrégulière et avait causé un préjudice au débiteur justifiant la condamnation de la banque à lui rembourser la perte de valeur, à donner mainlevée du nantissement qu'elle détenait sur les titres inscrits auprès de la Barclays Bank. Le tribunal a condamné la S.A. Société générale au paiement des dépens et de 1 000 euros dans les motifs et 10 000 euros dans le dispositif, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appel est limité aux dispositions du jugement qui ont :

- condamné la Société Générale à donner mainlevée du nantissement qu'elle détient sur les titres inscrits auprès de la Barclays Bank,

- condamné la Société Générale à payer à X… la somme de 28'041,28 euros correspondant à la valeur des titres au jour de la vente,

- condamné la Société Générale à payer à X… la somme de 3 099,36 euros correspondant la perte de valeur subie en raison de la vente de ses titres,

- condamné la Société Générale à payer à X… la somme de 111,35 euros correspondant aux frais et commissions prélevés sur la vente des titres,

- condamné la Société Générale au paiement des dépens et des frais irrépétibles.

L'arrêt doit être prononcé par défaut.

Nonobstant le montant de la condamnation prononcée contre X…, la Banque a limité sa réclamation à son encontre à la somme de 76 224,51 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2016 date de la mise en demeure. Le donner acte n'est pas constitutif de droits et n'engage que celui qui le sollicite.

En application des dispositions de l'article L. 211-20 V du code monétaire et financier, dans sa version résultant du 8 janvier 2009, applicable au litige, le créancier nanti titulaire d'une créance certaine, liquide et exigible peut, pour les titres financiers, français ou étrangers, négociés sur un marché réglementé, les parts ou actions d'organismes de placement collectif, ainsi que pour les sommes en toute monnaie, réaliser le nantissement, civil ou commercial, huit jours, ou à l'échéance de tout autre délai préalablement convenu avec le titulaire du compte, après mise en demeure du débiteur remise en mains propres ou adressée par courrier recommandé ; cette mise en demeure du débiteur est également notifiée au constituant du nantissement lorsqu'il n'est pas le débiteur ainsi qu'au teneur de compte lorsque ce dernier n'est pas le créancier nanti ; la réalisation du nantissement intervient selon des modalités fixées par décret.

Le tribunal a considéré que la banque aurait dû, avant de procéder à la vente des titres, adresser une mise en demeure tant à la S.A.R.L. qu'à X… et à Z…, son épouse.

La déclaration de gage a été donnée par X… "marié sous le régime de la communauté et avec le consentement express de son épouse". La S.A.R.L. Y… a fait l'objet d'une liquidation judiciaire et la banque indique qu'elle n'est pas liquidée. Ainsi tant la société garantie, que l'épouse, au visa de l'article 1415 du code civil auraient dû être destinataires d'une mise en demeure. En tout état de cause, la mise en demeure n'est pas produite au débat.

En effet, la lettre recommandée avec accusé de réception du 6 juillet 2016 comporte la mise en demeure de la caution, mais ne fait nullement état du nantissement, les courriers des 9 août et 1er septembre 2016 comportent des copies des cautionnements et la lettre recommandée avec accusé de réception du 4 octobre 2016 qui informe "du rapatriement des fonds gagés" sur le PEA à hauteur de 30 489,80 euros et sur les comptes titres à hauteur de 50 000 euros ne comporte ni mise en demeure de payer et ni avertissement que faute de paiement dans un délai donné, le nantissement pourrait être réalisé.

Pour autant, la non-conformité de la mise en demeure précédant la réalisation du nantissement, ne justifie pas la condamnation de la banque au paiement de 28 041,28 euros alors qu'elle avait réduit d'autant sa créance devant le premier juge. Ainsi, ajoutant aux dispositions non contestées du jugement, c'est-à-dire l'absence de prescription de la dette et la condamnation de X…, il convient de déduire ce montant de la créance de la banque.

S'il est établi que la réalisation du gage n'a pas été régulière, dès lors que son montant est déduit de la dette principale, il n'en résulte aucun grief pour X…, de sorte que la banque ne pouvait être condamnée à lui restituer le montant du résultat de la vente des titres au jour de la vente.

De même, dès lors que la dette subsiste et que la caution n'est pas libérée de son engagement, le tribunal ne pouvait pas condamner la banque à donner mainlevée du nantissement détenu sur les autres titres.

En effet, l'inscription de nantissement caractérise la dépossession des actifs financiers au profit du bénéficiaire du gage et le gage demeure tant que la dette n'est pas réglée. X… aurait dû être débouté de sa demande de main levée du nantissement.

Ainsi, le jugement doit être infirmé en ses dispositions contestées, statuant de nouveau, la banque est propriétaire des titres et fonds gagés logés sur le compte PEA appartenant à X…, ou à défaut du produit de la cession de ces titres, dans la limite de sa créance et de la somme de 30'489,80 euros (200 000 francs français) en principal.

Pour autant, la valeur de liquidation du compte PEA qui doit s'imputer sur la créance de la S.A. Société générale est déjà déduite de sorte qu'elle est désormais intangible.

Pour le surplus, la banque conserve les comptes titres nantis nº62086072806 et nº64490092401dans les livres de la Barclays Bank. A défaut pour le débiteur et la caution, régulièrement mise en demeure par la procédure et les demandes formulées, d'avoir réglé la dette, la banque est propriétaire des titres et fonds objets des comptes titres appartenant à X… dans la limite de sa créance et de la somme de 50 000 euros en principal augmentée des intérêts, commissions, frais et accessoires.

Le jugement est également infirmé en ce qu'il a statué sur les frais et dépens et demandes en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. X… est condamné au paiement des dépens de première instance et d'appel et d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par défaut, en dernier ressort,

- Infirme le jugement en ce qu'il a

- condamné la Société générale à donner mainlevée du nantissement qu'elle détient sur les titres inscrits auprès de la Barclays Bank,

- condamné la Société générale à payer à X… la somme de 28'041,28 euros correspondant à la valeur des titres au jour de la vente,

- condamné la Société générale à payer à X… la somme de 3 099,36 euros correspondant la perte de valeur subie en raison de la vente de ses titres,

- condamné la Société générale à payer à X… la somme de 111,35 euros correspondant aux frais et commissions prélevés sur la vente des titres,

- condamné la Société générale au paiement des dépens et des frais irrépétibles,

Vu l'irrégularité de la conversion du gage, ajoutant au jugement,

- Dit qu'il y a lieu de déduire de la créance de la S.A. Société générale à l'égard de X… la somme de 28 041,28 euros correspondant à la valeur des titres au jour de la vente,

Statuant de nouveau des chefs infirmés,

- Déboute A… de ses demandes,

Vu le cantonnement de sa créance par la S.A. Société générale à la somme de 76 224,51 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2016, date de la mise en demeure,

- Attribue à la S.A. Société générale la propriété des titres et fonds gagés logés sur le compte PEA appartenant à A…, ou à défaut le produit de la cession de ces titres, dans la limite de sa créance et de la somme de 30'489,80 euros (200 000 francs) en principal,

- Attribue à la S.A. Société générale la propriété des titres et fonds objets des comptes titres appartenant à A…, dans la limite de sa créance de 205 880,88 euros et du montant du gage de 50 000 euros en principal augmentée des intérêts, commissions, frais et accessoires, le compte-titres N°62086072806 nantis le 25 février 2004,

- Attribue à la S.A. Société générale la propriété des titres et fonds objets des comptes titres appartenant à A…, dans la limite de sa créance de 205 880,88 euros et du montant du gage de 50 000 euros en principal, augmentée des intérêts commissions frais et accessoires, le compte-titres nº64490092401 nanti le 25 février 2004,

- Condamne A… au paiement des dépens de première instance et d'appel,

- Condamne A… à payer à la S.A. Société générale la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.