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Décisions

CA Saint-Denis de la Réunion, ch. com., 18 septembre 2015, n° 14/01142

SAINT-DENIS DE LA RÉUNION

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Entreprise Générale en Constructions Electriques (SARL)

Défendeur :

Compagnie Réunionnaise de Distribution de Matériels Electriques (SAS), Cortal Consors (SA), SCP Caviglioli-Baron-Fourquie (ès qual.), Badat (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Froment

Conseillers :

M. Faissolle, M. Grillet

Avocats :

Me Chane Meng Hime, Me Gaillard, Me Garnault

T. com. mixte Saint-Denis de la Réunion,…

10 mars 2014

La cour est saisie du litige opposant la société de distribution de matériel électrique Coredime et l'une de ses clientes la société de construction électrique E.g.c.e ;

Arguant que cette dernière présentait en ses livres un encours garanti 'jusqu'en 2011" par une société d'assurance-crédit et une caution bancaire, que ces garanties avaient été retirées alors que sa dette

était de 180'874,68 euros, que les parties avaient arrêté le 27 décembre 2011 un moratoire prévoyant son apurement par 6 traites à échéance fin de mois à compter du 29 février 2012, qu'il avait été prévu en garantie le nantissement d'un compte titre ouvert auprès de la Banque Cortal Consors à hauteur de 150'000 euros, que seules deux traites avaient pu être remises à l'encaissement, la société Coredime a attrait devant le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis la société E.g.c.e et la société Cortal Consors afin :

- d'obtenir la condamnation de la première à lui payer les sommes restant dues à ce titre soit 120'770,71 euros et le montant des facturations émises ensuite et non comprises dans l'échéancier soit 36'726,40 euros soit au total 157'504,13 euros avec intérêts à compter du 30 avril 2012 ;

- que soit constatée la constitution de nantissement et de le déclarer parfaitement opposable à la société Cortal Consors ;

- de la déclarer propriétaire du compte titre et d'ordonner à la société Cortal Consors la réalisation des opérations nécessaires au transfert.

Alors que la procédure avait été étendue au représentant des créanciers et à l'administrateur judiciaire de la société E.g.c.e placée en redressement judiciaire le 15 mai 2013, le tribunal, par jugement contradictoire du 10 mars 2014 exécutoire par provision, en l'absence de la société Cortal Consors, après avoir considéré que l'attitude du fournisseur n'avait pas le caractère abusif que lui prêtait la société E.g.c.e via les organes de sa procédure collective (moyens non repris en cause d'appel) a :

- constaté que la dette de la société E.g.c.e à l'égard de la société Coredime s'élève à la somme principale de 154 469,06 euros et à la somme de 3 363,56 euros au titre des intérêts contractuels échus ;

- fixé la créance de la société Corédine au passif de la société E.g.c.e à hauteur de la somme de 157 832,62 euros ;

- dit que cette créance est garantie par un nantissement sur le compte titre nº08259041309 appartenant à la société E.g.c.e au bénéfice de la société Coredime ;

- condamné la société E.g.c.e à payer à la société Coredime 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société E.g.c.e a interjeté appel de cette décision par déclaration du 12 juin 2014 intimant la société Coredime et la société Cortal Consors.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 18 mars 2015 en son nom et en celui de son administrateur judiciaire, la société Caviglioni et associés, elle demande à la cour, sous le visa notamment de l'article L211-20 et D211-10 du code monétaire et financier :

- de constater que la société Coredime produit une attestation de 'la banque' indiquant que la société E.g.c.e aurait nanti son compte titre le 3 décembre 2011 ;

- de constater que par courrier du 3 décembre 2011, le gérant n'a formulé qu'une demande de mise en oeuvre d'un nantissement, demande qui n'a jamais été régularisée par un acte de nantissement en bonne et due forme au sens de l'article D 211-10 du code monétaire et financier ;

- de constater que les intimées ne produisent pas aux débats l'acte de nantissement dont ils se prévalent pour fonder le caractère privilégié de la créance de la société Coredine ;

- en conséquence, d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit la créance garantie, de dire que le compte titre litigieux n'est pas valablement nanti et que la créance de la société Coredine est chirographaire ;

- de dire qu'une somme de 36'726,42 euros doit être déduite de la créance en raison notamment du caractère défectueux d'une partie du matériel livré qui doit être garanti et d'infirmer en conséquence le jugement en ce qu'il a fixé la créance de la société Coredime à 157'832,72 euros et d'en fixer le montant à la somme de 132'492,56 euros ;

- de débouter les intimées de toutes leurs autres demandes et de condamner la société Coredime et la société Cortal Consors à payer chacune à l'appelante 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions déposées le 14 novembre 2014, auxquelles il convient de se référer sans plus ample exposé, la société Coredime, évoque l'irrecevabilité de la demande formée par l'appelante tendant à remettre en cause la validité du nantissement pour avoir était formée pour la première fois en cause d'appel sans pour autant en tirer la moindre conséquence au stade du dispositif de ses écritures ;

Elle demande la confirmation du jugement entrepris, sauf en ce qui concerne le quantum de la créance, et de fixer celle-ci à 157'504,13 euros en principal augmentés des intérêts au taux de trois fois le taux légal conformément aux conditions générales de vente à compter du 30 avril 2011 (date d'échéance du premier effet impayé), de fixer la créance au passif à la somme de 161'167,69 euros en ce compris les intérêts arrêtés à 3 363,56 euros et de condamner la société E.g.c.e à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Pour le cas où le nantissement serait invalidé, elle soutient que la société Cortal Consors a commis une faute en attestant de ce nantissement sans s'assurer au préalable de sa validité et de la condamner à lui verser le montant de la garantie perdue, soit la somme de 150 000 euros ;

Aux termes de ses conclusions déposées le 29 octobre 2014, la société Cortal Consors demande la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et la condamnation de la société E.g.c.e à lui payer 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, laquelle sera inscrite au passif de la société E.g.c.e et la condamnation de celle-ci aux dépens ;

S'agissant de l'existence du nantissement du compte titre, elle soutient que le nantissement est constitué entre les parties, à son égard et à celui des tiers en raison de la seule déclaration signée par le titulaire du compte datée et contenant les énonciations prévues par l'article D 211-10 du code monétaire et financier ; que la lettre qui lui a été adressée par télécopie le 30 novembre 2011 par le gérant de la société E.g.c.e, dont elle souligne la mauvaise foi, répond à ces exigences ; que si cette lettre ne comporte pas la mention que la déclaration de nantissement de compte titre est soumise aux dispositions de l'article L211-10 du code monétaire et financier, ce défaut n'affecte pas la validité du contrat ; que cette seule déclaration vaut nantissement conférant à son bénéficiaire un droit de nantissement sur les titres et sommes inscrits ;

Maître Houssen Badat cité devant la cour par acte du 9 septembre 2014 signifiée à une personne habilitée à le recevoir n'a pas constitué avocat ;

Il sera statué sur les mérites de l'appel par arrêt contradictoire.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 juin 2015.

Ceci étant exposé

Sur la détermination du montant de la créance principale.

Attendu que la société E.g.c.e conteste la créance pour la somme de 36'726,42 euros réclamés au titre des facturations postérieures au moratoire ;

Elle évoque des erreurs de prix ou l'absence de bons de commande ou de livraison permettant de réduire sa dette pour une somme de 3035,07 euros ;

Que cette contestation a été accueillie à bon droit par le premier juge, au motif pertinent que la société Coredime l'avait elle-même admise dans un courrier du 31 juillet 2012 adressé à la société Cortal Consors dans lequel elle demandait la mise en oeuvre du nantissement à hauteur de 150'000 euros en garantie d'une créance qu'elle avait réduite à 154'469,06 euros au lieu des 157'504,13 euros ;

Qu'elle conteste ensuite l'imputation au débit de son compte client d'une somme de 9 507 euros postérieurement au moratoire et à l'émission des traites faisant valoir que les marchandises initialement livrées, soit 179 blocs luminaires destinés à être installés dans un super marché U exploité à Saint André, s'étaient avérées défectueuses et qu'un accord entre les parties prévoyait que les blocs lumineux livrés en remplacement de ceux défectueux ne seraient pas facturés ;

Attendu qu'ont été produit toutes les correspondances échangées entre l'utilisateur, l'installateur E.g.c.e, le fournisseur Coredime et le fabricant la société Cooper Safety, dont la cour retient en se référant aux courriels de Gérard Laboue Ganther et de son successeur chez Coredime Gilles Pouleur que le principe de l'échange sous garantie était acquis, la société ayant seulement subordonné l 'émission d'un avoir d'annulation à l'obtention d'un avoir de son propre fournisseur la société Cooper Safety, la société Coredime n'ayant à aucun moment évoqué la question de l'inadaptation du produit choisi à l'installation;

Que la dette principale doive être réduite de ce montant ; que la créance de la société Coredime au passif de la société E.g.c.e sera fixée à la somme de 144 962.06 euros qui portera intérêts, à compter du 30 avril 2012 sur le montant des traites impayées soit 120'770,71 euros, et, à compter de l'assignation pour le surplus ;

Que les intérêts soient dus au taux de 3 fois le taux légal, ainsi qu'il est prévu par les conditions générales dont l'applicabilité n'est pas contestée par l'appelante.

Sur la nature de la dette et la validité du nantissement.

Attendu que les parties ont décidé de faire trancher cette question dans le cadre de l'instance qui se poursuit devant la cour, alors qu'elle est de la compétence du juge commissaire ainsi que le rappelait Maître Houssen Badat dans ses observations au premier juge formulées à réception de sa mise en cause ; qu'il leur en sera donné acte ;

Attendu que la réalité du privilège dont se prévaut la société Coredime est établie ; qu'au mois de décembre 2011, alors que son encours sur sa cliente s'élevait à la somme de 180'674,68 euros dont le recouvrement n'était plus garanti comme auparavant, les parties se sont rapprochés afin de définir les moyens permettant le remboursement de l'encours tout en préservant les conditions habituelles de l'approvisionnement ;

Que c'est dans ces conditions que la société E.g.c.e, tout en bénéficiant d'un moratoire de règlement et de la poursuite de ses approvisionnements, a accepté le nantissement du compte titre ouvert en son nom dans les livres de la banque Cortal Consors à hauteur de 150'000 euros pour une durée de 12 mois à compter du 3 décembre 2011 ;

Que le détenteur des fonds, la société Cortal Consors a attesté de la matérialité de ce nantissement réalisé sur ce compte le 19 décembre 2011 ;

Que l'existence du nantissement, de son objet, de son montant et de sa date résultent de la lettre adressée en télécopie du gérant de la société José Chu Koye Ho signée par ses soins et datée du 30 novembre 2011 réceptionnée par la société Cortal Consors le 1er décembre 2011 ; que la cour observe que l'existence de ce nantissement et sa validité n'ont été contestés qu'au stade de l'instance d'appel, la société E.g.c.e, dont la mauvaise foi doit être soulignée, ayant seulement demandé que son exécution soit différée au moment de la présentation des traites ;

Que le nantissement d'un compte est constitué, tant entre les parties qu'à l'égard de la personne morale émettrice et des tiers, par la seule déclaration signée par le titulaire du compte permettant l'identification de la créance garantie, du compte et des titres offerts en garantie ; que tel est le cas de la lettre du 30 novembre 2011, étant observé que si cette lettre n'indique pas que le nantissement est soumis aux dispositions de l'article L211-10 du code monétaire et financier, ce manquement aux exigences de l'article D211-10 du dit code n'affecte pas la validité de la sûreté consentie et dénoncée à l'établissement bancaire émetteur ;

Que c'est donc à bon droit que le premier juge a considéré que la créance qu'elle fixait était garantie ; que le jugement sera confirmé sur ce point.

Que la société E.g.c.e sera tenue aux dépens de première instance et d'appel ;

Qu'il sera alloué à la société Coredime pour sa défense de première instance et d'appel une indemnité globale de 3 000 euros sur le fondement l'article 700 du code de procédure civile et à la société Cortal Consors une indemnité de 1 500 euros sur le même fondement pour sa défense devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant après en avoir délibéré par arrêt contradictoire, en matière commerciale et en dernier ressort.

Infirmant partiellement le jugement entrepris en ses dispositions relatives à la fixation de la créance de la société Coredime sur la société E.g.c.e et le confirmant en ce qu'il a dit que cette créance est garantie par un nantissement sur le compte titre nº08259041309 appartenant à la société E.g.c.e au bénéfice de la société Coredime ;

Fixe cette créance à la somme de 144 962.06 euros qui portera intérêts au taux de 3 fois le taux légal :

- à compter du 30 avril 2012 sur le montant des traites impayées soit 120'770,71 euros,

- à compter de l'assignation pour le surplus.

Fixe la créance de la société Coredime sur la société E.g.c.e sur le fondement l'article 700 du code de procédure civile à la somme de 3 000 euros ;

Fixe la créance de la société Cortal Consors sur la société E.g.c.e sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à la somme de 1 500 euros ;

Dit que la société E.g.c.e assumera la charge des entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés selon les règles de la procédure collective la concernant.