Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 2, 21 mars 2012, n° 11/12942

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

NOVARTIS AG (Sté de droits suisse), NOVARTIS PHARMA (SAS)

Défendeur :

MYLAN (Sté), QUALIMED (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Madame Brigitte GUYOT

Conseillers :

Mme Maryse LESAULT, Madame Michèle GRAFF-DAUDRET

Avocats :

SCP FISSELIER ET ASSOCIES, SCP DUCLOS THORNE MOLLET-VIEVILLE, Me Dominique OLIVIER, Me Jean-Christophe GALLOUX

Paris, du 21 juin 2011

21 juin 2011

La société NOVARTIS AG est titulaire du brevet français FR 88.02.597 (ci-après FR 597) déposé le 29 février 1988 et publié sous le numéro 2.611.707, sous la priorité d'un brevet allemand DE 3.706 914 4 du 4 mars 1987.

Il porte sur une molécule dénommée "Rivastigmine", qui est un phénylcarbamateayant une activité anticholinestérasique utile pour le traitement de la démence sénile. La Rivastigmine est commercialisée par la SAS NOVARTIS PHARMA en France, sous la marque EXELON, pour le traitement symptomatique des maladies d'Alzheimer et de la démence liée à la maladie de Parkinson.

Ce brevet FR 597 a été délivré le 20 avril 1990 à la société SANDOZ et la société de droit suisse NOVARTIS AG en est devenue propriétaire à la suite de la fusion de CIBA-CEIGY et de la société SANDOZ, le transfert de propriété ayant été inscrit dans le Registre National des Brevets le 31 juillet 1997 sous le n°103.845.

Le 2 octobre 1998, la société NOVARTIS AG a demandé un certificat complémentaire de protection (CCP) sur la base notamment de l'autorisation de mise sur le marché EU/1/98/066/001 couvrant la Rivastigmine.

Cette demande a été inscrite au Registre National des Brevets le 20 octobre 1998 sous le n°109.908.

Ce CCP a été délivré le 20 février 2001 sous le n° 98C 0033 et sa délivrance a été publiée au BOPI n°01/09 du 2 mars 2001.

Le brevet FR 597 et le CCP 98C33 C 0033 (ci-après CCP 98C0033) ont été concédés en licence à la société française NOVARTIS PHARMA SAS inscrite au Registre National des Brevets le 11 février 2010 sous le n°175.964.

Les droits sur ce CCP expirent le 31 juillet 2012.

A l'étranger, la Rivastigmine, notamment sous la forme de son sel d'hydrogéno-tartrate, a été brevetée dans au moins 15 pays, dont les Etats-Unis (brevets US 5.602.176), le Japon (brevet 2.625.478) et l'Allemagne (DE 38.44.992).

Les sociétés NOVARTIS se sont aperçues que les sociétés MYLAN et QUALIMED s'apprêtaient à commercialiser en France des médicaments, selon elles, contrefaisant le CCP n°98C0033.

Les 1er et 4 octobre 2010, les sociétés MYLAN et QUALIMED ont obtenu de l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS) l'autorisation de mise sur le marché (AMM) des spécialités pharmaceutiques dénommées RIVASTIGMINE QUALIMED et RIVASTIGMINE MYLAN (1, 5, 3 4, 5 6 mg, gélule). Ces AMM ont été déposées par MYLAN sous les numéros DE/H/1665/001 à 004 et DE/H/1667/001 à 004, qui a transféré à QUALIMED les AMM numéros DE/H/1667/001 à 004.

Conformément à l'article L. 5121-10 du code de la santé publique, la société NOVARTIS a été informée de la délivrance de ces AMM pour des spécialités qui sont des génériques de la spécialité EXELON (1, 5, 3 4, 5 6 mg, gélule) par l'AFSSAPS.

Le 17 décembre 2010, la société NOVARTIS PHARMA a rappelé aux sociétés MYLAN et QUALIMED leurs droits, ainsi que ceux de NOVARTIS AG sur le CCP n°98C0033 jusqu'au 31 juillet 2012, et a demandé aux sociétés défenderesses de lui confirmer qu'elles ne commettraient pas d'actes de contrefaçon, directs ou indirects, de ces droits. MYLAN et QUALIMED n'ont pas répondu.

Par décision de l'AFSSAPS du 23 décembre 2010, les AMM RIVASTIGMINE QUALIMED et RIVASTIGMINE MYLAN ont été inscrites dans le Répertoire des groupes génériques.

La société NOVARTIS PHARMA a appris que les sociétés MYLAN et QUALIMED avaient déposé auprès du Comité Economique des Produits de Santé une demande d'inscription pour leur spécialité "RIVASTIGMINE QUALIMED" et "RIVASTIGMINE MYLAN".

Le 17 février 2011, le Comité Economique des Produits de Santé a informé NOVARTIS PHARMA que MYLAN, qui est propriétaire de QUALIMED, lui avait indiqué "pouvoir commercialiser ses spécialités génériques sans enfreindre les droits de NOVARTIS sur le CCP n°98C0033" et pouvoir procéder à cette commercialisation dans un délai de six mois suivant l'inscription de ces spécialités au Journal Officiel.

Les spécialités RIVASTIGMINE QUALIMED et RIVASTIGMINE MYLAN ont été inscrites au remboursement le 29 avril 2011.

Les notices d'utilisation du médicament générique RIVASTIGMINE MYLAN montrent que ce médicament est fabriqué par la SAS MYLAN, à son siège à Saint Priest ou dans son établissement secondaire de Meyzieu, et qu'il est exploité par cette même société.

Les notices d'utilisation du médicament générique RIVASTIGMINE QUALIMED montrent qu'il est également fabriqué par la SAS MYLAN et qu'il est exploité par les Laboratoires QUALIMED, dont la dénomination sociale est QUALIMED.

Par acte du 17 mars 2011, NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA ont assigné les sociétés MYLAN et QUALIMED, devant le juge des référés, aux fins notamment, de leur voir interdire d'importer et/ou de fabriquer, détenir, utiliser, offrir en vente et vendre, et plus généralement de commercialiser les médicaments RIVASTIGMINE MYLAN et RIVASTIGMINE QUALIMED (1,5 mg, 3 mg, 4,5 mg et 6 mg gélule), sous cette dénomination ou sous une autre dénomination, reproduisant les caractéristiques notamment des revendications 1, 2, 4 à 6 et 8 du brevet FR 88.02.597 et du CCPC N°98C0033 jusqu'au 31 juillet 2012, interdire toute utilisation de la Rivastigmine, notamment en vue de la fabrication, importation, détention, offre de vente et/ou vente en France des médicaments RIVASTIGMINE MYLAN et RIVASTIGMINE QUALIMED (1, 5 mg,

3 mg, 4,5 mg et 6 mg, gélules), sous cette dénomination ou sous une autre dénomination, reproduisant les caractéristiques notamment des revendications , 2, 4 à 6 et 8 du brevet FR 88.02.597 et du CCP N°98C0033 jusqu'au 31 juillet 2012, et ce, sous astreinte, et aux fins de voir ordonner, en conséquence, à MYLAN et QUALIMED de remettre entre les mains de l'huissier instrumentaire les lots de gélules qu'elles détiennent ainsi que les documentations techniques et commerciales correspondantes et dire que l'huissier pourra saisir ces lots et documentations, enfin, voir ordonner la publication du jugement à intervenir.

Par ordonnance contradictoire du 21 juin 2011, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris, aux motifs principalement de la contestation quant au défaut d'activité inventive, fondée sur l'antériorité du brevet PROTERRA avec l'article publié en 1986, par son inventeur, Weinstock, et d'une "directive FDA de février 1987", a :

- débouté la société NOVARTIS AG et la société NOVARTIS PHARMA de l'ensemble de leurs demandes formées à l'encontre des sociétés MYLAN et QUALIMED,

- débouté les sociétés MYLAN et QUALIMED de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné solidairement la société NOVARTIS AG et la société NOVARTIS PHARMA à payer aux sociétés MYLAN et QUALIMED la somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC,

- condamné solidairement la société NOVARTIS AG et la société NOVARTIS PHARMA aux dépens.

Les sociétés NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA ont interjeté appel de cette décision le 8 juillet 2011.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 février 2012.

PRETENTIONS ET MOYENS DES SOCIETES NOVARTIS :

Par dernières conclusions du 7 février 2012, auxquelles il convient de se reporter, NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA font valoir :

- que le texte actuel applicable est l'article L. 615-3 du CPI qui permet au juge des référés de prononcer une interdiction immédiate de la contrefaçon, dès lors que celle-ci est "vraisemblable", que le législateur n'impose aucune condition, que l'interdiction immédiate n'est soumise qu'à la seule vraisemblance de la contrefaçon et non pas à celle sur la validité du brevet, que l'ordonnance entreprise comporte une "erreur grave" sur ce point, que certes, si le brevet lui apparaît manifestement nul, il est juste que le "juge de l'apparence" estime que la contrefaçon n'est pas vraisemblable, mais cette évidence de la nullité du brevet n'est pas le critère ou la condition retenue dans l'ordonnance, puisque le premier juge a cru pouvoir retenir le défaut vraisemblable de la validité du brevet NOVARTIS, or ce brevet est plus que vraisemblablement valable, étant rappelé qu'un brevet même français est présumé valable, comme tous les titres de propriété intellectuelle enregistrés par l'Autorité compétente,

- sur la vraisemblance de l'atteinte, que la contrefaçon du brevet et du CCP de NOVARTIS par MYLAN n'est pas contestée ni contestable, qu'il s'agit en effet d'un médicament générique, c'est-à-dire qu'il copie le médicament breveté, que le caractère imminent de l'atteinte ne faisait pas non plus de doute ni de contestation réelle devant le premier juge,

- sur la validité du brevet,

. qu'elles décrivent l'invention (elle a pour objet un nouveau carbamate de phényle sous forme de son isomère optique S composé selon la formule I), et précisent les revendications protégées (1, 2, 4, 5, 6, 8),

. que depuis 1999, le nouveau carbamate, appelé "Rivastigmine", est exploité

sous le nom de EXELON,

. l'antériorité PROTERRA,

. ce brevet divulgue des composés de type carbamate de phényle ayant une activité anticholinestérasique, partant du principe que certaines maladies pathologiques et dégénératives, notamment la maladie d'Alzheimer, sont associées, entre autres, à une réduction ou perte sélective de la transmission cholinergique, en particulier, dans le cas de la maladie d'Alzheimer, à une perte sélective de l'enzyme qui synthétise l'acétylcholine (ACh), qui est un neurotransmetteur, que l'ACh est dégradée par des enzymes spécifiques dénommées "acétylcholinestérases", que l'ACh a une durée de vie extrêmement courte, que les molécules anticholinestérasiques, ont pour objet d'inhiber pour pallier la perte d'activité de la choline-acétyltransférase, qui synthétise l'acétylcholine, que l'antériorité PROTERRA divulgue la famille de carbamates de phényle (ou phénylcarbamates) au nombre de

500 000,

mais,

. PROTERRA ne dit rien ni même ne suggère à l'homme du métier l'éventualité d'une relation quelconque entre cette inhibition connue et la forme chirale ou non de ses composés,

. PROTERRA ne divulgue nullement le sel pharmacologiquement acceptable qui sera revendiqué dans le brevet FR 597 à la revendication 2 : forme hydrogéno-tartrate,

. que la Cour constatera que PROTERRA n'a exemplifié que les seuls chlorydratesde ses phénylcarbamates,

. que la thèse de MYLAN selon laquelle la divulgation d'une famille de composés divulguerait également tous les membres de cette famille et donc que la divulgation par PROTERRA des tartrates impliquerait la divulgation de toutes sortes de tartrates, y compris l'hydrogéno-tartrate est une interprétation de la notion de divulgation contraire à l'article L. 611-11 du CPI,

. que loin d'orienter l'homme du métier sur quelques exemples illustrant l'invention, PROTERRA incite cet homme du métier à s'intéresser à tous les composés susceptibles de faire partie de cette famille de phénylcarbamates découverte par Weinstock,

. que si le phénylcarbamate référencé RA7 (correspondant au mélange racémique du composé selon la présente invention) est ainsi décrit, et que l'homme du métier sait qu'il s'agit d'un racémate, rien ne permet, dans cette antériorité PROTERRA, de guider l'homme du métier vers l'un des deux isomères de ce phénylcarbamate, et en particulier l'isomère S de la revendication 1 du brevet FR 597, qui sera dénommé la RIVASTIGMINE, et encore moins de passer du sel de chlorhydrate au sel d'hydrogénotartrate, que par conséquent, cette RIVASTIGMINE reste encore inconnue à la date de publication de cette antériorité PROTERRA, le 10 septembre 1986,

. que l'activité anti-cholinestérasique in vitro et in vivo a été testée et mesurée par PROTERRA, de même que la toxicité, mais qu'il ne résulte pas de ces analyses, comme le soutient MYLAN, que le "composé RA7 ressort clairement comme étant le meilleur candidat", ce que MYLAN a admis dans ses conclusions n°2 du 31 janvier 2012 (p26),

. qu'en conclusion, les inventeurs du brevet PROTERRA ont considéré que les composés préférés parmi ceux exemplifiés étaient RA4, RA5, RA6, RA15, RA14, RA7 et RA8, et non uniquement RA7, car ces composés présentent tous une durée d'action prolongée et un bon indice thérapeutique,

. qu'il faut conserver à l'esprit que si cette antériorité PROTERRA divulgue plus de

500 000 sels de phénylcarbamates, elle ne constitue qu'une voie parmi les 288 voies proposées en 1987 à l'homme du métier pour traiter la maladie d'Alzheimer,

. que NOVARTIS s'est fait concéder une licence du brevet PROTERRA et du CCP 98C38 correspondant, qui a expiré le 4 mars 2011, que le brevet FR 597, qui porte sur la sélection inventive d'un composé dans la famille de phénylcarbamatesdivulguée par PROTERRA, est dans la dépendance de ce brevet,

. la publication Weinstock,

que le juge des référés, qui a retenu que l'effet mortel de la RA7 peut être "empêché par l'atropine", ne pouvait interpréter les antériorités PROTERRA WEINSTOCK pour ne retenir que certains avantages particuliers de l'un de leurs composés, comme le RA7, sans tenir compte de leurs inconvénients, alors que chacun sait qu'un seul inconvénient peut suffire à exclure les avantages d'un composé, qu'en outre, cet effet bénéfique concernait également six autres composés testés, que MYLAN se contredit dans ses conclusions n°3 puisqu'elle indique tantôt que la diminution de la toxicité par le pré-traitement à l'atropine "n'est pas déterminant" tantôt qu'il "est d'importance capitale", que MYLAN n'a pas jugé utile d'invoquer cet article au soutien de son assignation en nullité du brevet FR 597 qu'elle

prétend avoir préparée depuis longtemps,

- sur l'état de la technique invoqué, que MYLAN produit, pour la première fois en cause d'appel, 25 nouveaux documents, que les appelantes discutent plusieurs articles (EASSON, CASY, Jean-Jacques, Palmer TAYLOR) et les médicaments invoqués par MYLAN, que ne font pas partie de l'état de la technique, les documents publiés postérieurement à la date de dépôt de la demande de brevet, soit le 4 mars 1987, conformément à l'article L. 611-11 du CPI, à savoir notamment l'orientation donnée par l'Administration américaine (FDA) d'avril 1987, interprétée en l'espèce, par le premier juge, d'une manière qui est à l'opposé de celle retenue par le tribunal de Paris dans son jugement du 30 septembre 2010, à propos d'une affaire au fond sur un brevet similaire, que ce document n'a été rendu accessible au public qu'à partir du 3 avril 1987 (contrairement à la date qui y est portée "février 1987"), qu'en toute hypothèse, ce document ne constitue qu'une orientation donnée aux industriels de la pharmacie pour soumettre une documentation adéquate à l'appui de leur demande de médicaments pour la fabrication de substances médicamenteuses, que contrairement à ce "que MYLAN a pu faire croire au premier juge", il n'impose pas l'obligation de procéder à une séparation des isomères des molécules chirales, que rien, dans cette directive, n'incite l'homme du métier à se diriger vers des molécules chirales (ou racémates), que la jurisprudence du tribunal de Paris est cohérente avec les décisions de plusieurs Offices de Brevets dans le monde,

- que ne font pas partie de l'état de la technique, les documents postérieurs ou dont l'accessibilité au public à la date de priorité du brevet n'est pas démontrée, la lettre de SPOT du 8 mai 1989, l'article de SHINDO publié en 1991, l'article de THAL publié en 1988, la présentation KUMKUMIAN, les présentations de DRAYER et de CARTER, les travaux de l'inventeur ENZ, les pièces non traduites en français,

- sur les irrecevabilités de MYLAN, que cette dernière est irrecevable à solliciter la nullité des revendications 3 et 9 à 13 qui ne lui sont pas opposées dans le cadre de la présente instance,

- sur la nouveauté du brevet FR 597,

. que le composé de la revendication 1 constitue bien une molécule qui était inconnue jusqu'au 4 mars 1987,

. qu'il en est de même de ce composé sous forme de sel hydrogénotartrate couvert par la revendication 2,

. que MYLAN ne pouvait faire croire au premier juge que le mélange racémique peut se confondre avec chacun de ces isomères, qu'aucune des antériorités PROTERRA ou WEINSTOCK n'avait décrit cet isomère qui est la RIVASTIGMINE, même si ces documents évoquaient un tel mélange racémique RA7 parmi près de 500 000 sels de phénylcarbamates évoqués avant 1987,

. que la sélection de l'isomère RIVASTIGMINE est bien nouvelle, selon la propre jurisprudence de l'OEB,

- sur la non évidence du brevet 597,

. que la condition de l'activité inventive relève d'un examen et d'une appréciation approfondis,

. qu'il convient d'éviter tout raisonnement a posteriori, qu'il apparaît que les composés dans le brevet en cause ont une activité anti-cholinestérase améliorée par rapport à ceux de PROTERRA, que par conséquent, le problème technique à résoudre était de fournir des composés ayant une activité anti-cholinestéraseaméliorée et non de chercher à séparer les énantiomères des composés de PROTERRA car un tel énoncé contient en réalité déjà la solution au problème, c'est pourquoi l'équipe de recherche illustrant l'homme du métier ne doit pas comprendre un chimiste spécialisé dans la séparation des énantiomères car cela serait préjuger de la solution et donc faire un raisonnement a posteriori, de plus, l'homme de métier n'avait pas pour habitude de séparer systématiquement les énantiomères d'un mélange racémique à la date de priorité de 1987, qu'à cette date, il cherchait un composé ayant une meilleure activité inhibitrice sans être toxique, sans s'intéresser à la nature chirale ou non de ce composé et à la séparation éventuelle de ses énantiomères,

. que l'invention de la RIVASTIGMINE présente une activité inventive qui a été reconnue notamment par les offices américain et allemand (et en tout 14 Offices de Brevets dans le monde) qui, après des examens complets, ont accepté de délivrer le brevet en cause en 1997 et 2006 (malgré des décisions suédoises en sens contraire), qu'il ne paraît pas vraisemblable que le juge des référés, juge de l'apparence, puisse en quelques jours décider le contraire, les appelantes critiquant, de manière précise, la motivation de l'ordonnance entreprise, tout en précisant, par ailleurs, que le 30 septembre 2011, le juge anglais FLOYD a décidé d'annuler le brevet anglais de NOVARTIS UK et le CCP correspondant, mais que cette décision a fait l'objet d'une demande d'autorisation d'interjeter appel, conformément au droit anglais.

Elles demandent à la Cour :

- de les déclarer recevables en leur appel, les dire bien fondées,

- d'infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise,

- de déclarer MYLAN et QUALIMED irrecevables et mal fondées en leurs demandes,

- d'écarter des débats les pièces LA37, 40 à 46, 52, 53 et 55 à 64 non traduites en français,

1/ a) - de dire qu'une contestation même sérieuse sur la validité du brevet ne constitue pas un motif suffisant pour refuser l'interdiction provisoire immédiate prévue à l'article L. 615-3 du CPI,

- de dire que les textes internationaux et français, notamment l'article L. 615-3 du CPI n'imposent, pour ordonner une interdiction provisoire immédiate que "les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente",

b) - de dire que la contestation avancée par MYLAN et retenue par le Président sur le défaut d'activité inventive du brevet n'est pas vraisemblable, tant elle est contraire :

- aux décisions de plusieurs Offices de Brevets dans le monde (notamment aux USA, en Allemagne et au Japon), qui ont reconnu, au vu des mêmes moyens et documents que ceux invoqués par MYLAN, l'activité inventive du brevet en cause,

- à la propre jurisprudence du tribunal de grande instance de Paris sur la définition du problème à résoudre et celle de l'homme du métier, ainsi que sur l'activité inventive à breveter un énantiomère,

- de dire qu'en l'espèce, l'atteinte est non seulement vraisemblable, mais certaine tant elle est évidente et incontestée par MYLAN elle-même,

2/ - d'interdire à MYLAN SAS et à QUALIMED SAS de fabriquer, d'offrir, de mettre dans le commerce, d'utiliser, d'importer et/ou de détenir ces génériques qui notamment sous la dénomination "RIVASTIGMINE MYLAN" et "RIVASTIGMINE QUALIMED" (1, 5 mg, 3 mg, 4,5 mg et 6 mg notamment sous forme de gélules) reproduisent les moyens des revendications 1, 2, 4, 6 et 8 du brevet 88-02597 et du CCP 98C0033 et ce, jusqu'à l'expiration du CCP au 31 juillet 2012,

- d'ordonner, aux frais de MYLAN SAS et de QUALIMED SAS, le rappel et la confiscation des génériques "RIVASTIGMINE MYLAN" et "RIVASTIGMINE QUALIMED" des réseaux commerciaux et ce, jusqu'à l'expiration du CCP au 31 juillet 2012,

- de dire que ces interdictions, rappels et confiscations, seront prononcés sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée ou par milligramme contrefaisant, que ce soit en vrac ou sous forme de conditionnement, et sous une astreinte de 50 000 euros par jour de retard,

- de dire que la Cour se réservera la liquidation de ces astreintes,

3/ - de constater qu'elles présentent notamment en France toutes les garanties (qu'elles soient immobilières, mobilières ou bancaires) destinées à assurer l'indemnisation éventuelle de MYLAN SAS et/ou de QUALIMED SAS, si la mesure d'interdiction s'avérait ultérieurement injustifiée,

4/ - de condamner "conjointement et solidairement" MYLAN SAS et QUALIMED SAS à payer à chacune d'elles la somme de 200 000 euros à titre de remboursement des peines et soins du procès en vertu de l'article 700 du CPC,

- de condamner conjointement et solidairement MYLAN SAS et QUALIMED SAS aux entiers dépens de l'instance, et de leur accorder le bénéfice des dispositions de l'article 699 du CPC.

PRETENTIONS ET MOYENS DES SOCIETES MYLAN et QUALIMED :

Par dernières conclusions du 8 février 2012, auxquelles il convient de se reporter, les sociétés MYLAN et QUALIMED font valoir :

- qu'elles estiment que le CCP N°98C0033 est nul car il existe des motifs qui eussent pu justifier l'annulation du brevet de base, FR 2 611 707,

- qu'elles développent des moyens aux termes desquels ce brevet de base (qui comporte 13 revendications dont trois revendications indépendantes) est invalide,

- que l'état de la technique au jour le plus proche de la demande de priorité du brevet FR 2 811 707, soit le 4 mars 1987, était composé d'une part, des documents relatifs à la sélection de RA7 (brevet européen EP 193 926 publié le 10 septembre 1986 (brevet PROTERRA), article de WEINSTOCK (1986), article de Palmer Taylor (1985), d'autre part, des documents relatifs à la séparation des isomères (énumérés p 21),

- que l'homme du métier peut se définir, comme l'a fait le premier juge, comme faisant partie d'une équipe comprenant un chimiste organicien ou un pharmacien spécialiste des molécules organiques à visée thérapeutique et de leur synthèse, un pharmacien spécialiste de l'étude des molécules organiques et un chimiste analyste spécialiste de l'analyse de la séparation des molécules organiques à visée thérapeutique, et ce, parce que bien avant la date de dépôt de la demande de brevet, le choix de la molécule était déjà fait, le racémique RA7,

- qu'à la date de dépôt du brevet en cause, le candidat pour la solution au problème technique posé était le composé RA7, que les problèmes sont résolus par un petit nombre de carbamates, dont certains sont des composés racémiques, dont les tartrates font partie (tableau p 24), que la demande de brevet PROTERRA confirme que le composé RA7 satisfait tous les critères énoncés dans le préambule du brevet, à savoir un meilleur indice technique qui se traduit par une toxicité plus faible, une activité prolongée et une meilleure stabilité chimique,

- que le document PROTERRA oriente, sans ambiguïté, l'homme du métier sur la sélection de RA7, de façon évidente,

- que l'article WEINSTOCK relève bien de l'art antérieur car sa date de publication n'est pas contestable, que cette publication a trait à l'étude de certains "composés préférés" du brevet PROTERRA et que parmi les produits étudiés, les composés RA6 et RA7 sont nettement supérieurs à la physostigmine, que le juge anglais FLOYD, dans sa décision du 30 septembre 2011, conclut que le composé RA7 était un choix évident de composé à développer, que s'agissant des documents produits dans le cadre de la communication ordonnée par le juge anglais, il est à observer que dans l'intégralité des correspondances entre le professeur WEINSTOCK et SANDOZ, il est uniquement question, dès janvier 1986, d'un seul composé, le RA7, qu'à la date du dépôt du brevet en cause, la séparation des isomères de RA7 était évidente, étant considérée comme une opération de routine et conseillée par les autorités règlementaires,

- que dans les directives de la FDA, il est clairement recommandé par l'administration fédérale américaine que les isomères et leurs propriétés soient testés lors du développement d'un nouveau produit pharmaceutique, que toutes ces directives avaient été au préalable publiées sous forme d'avant projet,

- qu'il existait des directives japonaises (article de Shindo, article de Kumkumian) ainsi que d'autres publications (article de Casy , Livre de Jacques, article de Leigh, article de Easson),

- que la pratique de l'OEB (Office Européen des Brevets) et notamment la décision de la Chambre des recours T 296/87 du 30 août 1987 affirme qu'un isomètre peut être brevetable si l'homme du métier n'avait pas été incité à séparer lesdits isomètres ou si la séparation demande de faire appel à des techniques qui n'étaient pas disponibles,

- qu'elles présentent, à titre superfétatoire, les médicaments connus à la date de dépôt du brevet en cause, que ces documents sont sans lien avec la maladie d'Alzheimer mais qu'ils décrivent un contexte général utile à la compréhension du litige,

- qu'il y a défaut d'activité inventive des revendications 1 et dépendantes 2, 4, 5, 6, 7,

. que la revendication 1 est dépourvue d'activité inventive, que la Rivastigmine n'est pas une nouvelle molécule, que le mélange racémique correspondant aux deux isomères de la Rivastigmine est connu sous le code RA7 du brevet PROTERRA et de l'article WEINSTOCK ainsi que ses propriétés pharmacologiques, que par ailleurs, la Rivastigmine fait partie d'une famille de composés dont l'un des précurseurs est la physostigmine, citée dans les connaissances générales du brevet PROTERRA, que le premier juge a retenu à bon droit que l'homme du métier ne développait aucune activité inventive à effectuer des tests et des effets de routine sur la molécule RA7, que les deux conditions posées par la jurisprudence pour reconnaître la brevetabilité d'une "invention de sélection" ne sont pas réunies, à savoir :

1/ l'homme du métier était fortement incité à séparer les isomères en raison du contexte règlementaire, de la connaissance des propriétés différentes des isomères des produits appartenant à cette famille et notamment de la toxicité potentielle,

2/ la séparation desdits isomères ne présentait pas de difficultés puisque les techniques étaient connues depuis 1935 et largement utilisées et que l'isomère a été obtenu dès mars 1986,

. qu'il en est de même en ce qui concerne la revendication 2, le tartrate se trouve cité dans les sels décrits par l'article de WHITE et dans le brevet PROTERRA,

. qu'il en est encore de même, ce qui concerne la revendication 4, l'utilisation du produit comme médicament étant connue du brevet PROTERRA,

. que s'agissant des revendications 5, 6 et 7, les pathologies qui y sont visées sont toutes citées dans le brevet PROTERRA,

. qu'il y a encore défaut d'activité inventive de la revendication 3 (de procédé), que celle-ci ne comporte aucune caractéristique technique nouvelle par rapport à l'art antérieur (article Masako, livre de Jacques),

. que, sur la revendication 8 (composition pharmaceutique), le brevet PROTERRA décrit des compositions pharmaceutiques comprenant le mélange racémique de Rivastigmine,

. qu'il y a également défaut de nouveauté ou d'activité inventive des revendications 9 et dépendantes 10 à 13.

Elles demandent à la Cour :

- de les recevoir en leurs écritures, les y déclarer bien fondées, y faire droit,

- de confirmer l'ordonnance dont appel,

- de constater qu'il n'y a pas vraisemblance de contrefaçon en raison du caractère vraisemblablement nul du CCP 98C0033,

- de débouter les sociétés NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA SAS de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

- de les condamner solidairement à verser à chacune d'elles la somme de 60 000 euros au titre de l'article 700 du CPC,

- de les condamner solidairement aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Dominique OLIVIER, avocat, aux offres de droit.

SUR QUOI, LA COUR

Sur l'irrecevabilité d'une pièce communiquée en délibéré :

Considérant qu'aux termes de l'article 445 du CPC, après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations, si ce n'est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public, ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444 ;

Qu'aucune note n'ayant été demandée aux parties, la décision de la cour d'appel de Londres, transmise en cours de délibéré par les sociétés MYLAN et QUALIMED, sera déclarée irrecevable ;

Sur la demande de rejet de pièces :

Considérant que l'ordonnance de Villers-Cotterêts du 25 août 1539 fonde la primauté et l'exclusivité de la langue française devant les juridictions nationales ; qu'il convient donc d'écarter des débats les pièces versées aux débats par les intimées LA 37, 40 à 46, 52, 53 et 55 à 64 non traduites en français ;

Sur le "fond" :

Considérant que selon l'article L. 615-3 du code de la propriété intellectuelle, "toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon.

Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve raisonnablement accessibles au demandeur rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente" ;

Considérant que la procédure prévue par ces dispositions est autonome et que ses conditions d'application diffèrent de celles fixées par les articles 808 et 809 du code de procédure civile ;

Qu'il appartient à NOVARTIS AG et NOVARTIS PHARMA SAS de démontrer qu'au vu des éléments de preuve qu'elles détiennent et des titres dont elles disposent, une atteinte imminente à leurs droits, par la fabrication et mise en vente des médicaments génériques Rivastigmine MYLAN et Rivastigmine QUALIMED, est vraisemblable ;

Qu'il n'est pas contesté que ces médicaments, constituant des génériques, c'est-à-dire des produits qui sont des spécialités pharmaceutiques ayant la même composition qualitative et quantitative en principes actifs que la spécialité de référence et la même forme pharmaceutique, copient le médicament couvert par le CCP 98C0033, dont les droits bénéficient aux sociétés NOVARTIS, et qui expirent le 31 juillet 2012 ;

Considérant qu'il est constant que MYLAN a obtenu, les 1er et 4 octobre 2010, de l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS) l'autorisation de mettre sur le marché les médicaments génériques sous les dénominations précitées, cette autorisation ayant été transférée par MYLAN à QUALIMED ; que le 23 décembre 2010, l'AMM des génériques de MYLAN a été inscrite dans le Répertoire des groupes génériques ; que le 29 avril 2011, les génériques de MYLAN ont été inscrits dans la liste des médicaments remboursés ;

Considérant que le législateur a autorisé les génériqueurs à effectuer toutes les formalités nécessaires à la mise sur le marché de leur produit avant l'extinction des droits de propriété intellectuelle sur le produit princeps ainsi que cela est prévu à l'article L. 5121-10 du code de la santé publique ; que de même, ils peuvent faire inscrire leur produit sur la liste des médicaments remboursables et sur le répertoire des génériques, ces formalités se faisant sous réserve de l'information du titulaire des droits ;

Considérant que le seul fait, pour MYLAN et QUALIMED, d'avoir accompli ces diligences avant l'expiration des droits des sociétés NOVARTIS ne suffit donc pas à démontrer l'atteinte imminente portée aux droits de celles-ci ; que n'est pas davantage probante la simple lettre de mise en garde adressée par les titulaires des droits à MYLAN le 17 décembre 2010 ;

Qu'en revanche, le 17 février 2011, NOVARTIS PHARMA était informée par le Comité économique des produits de santé que "MYLAN avait confirmé pouvoir commercialiser ses spécialités génériques Rivastigmine MYLAN et RivastigmineQUALIMED sans enfreindre les droits déclarés, dans un délai de six mois suivant l'inscription au JORF", donc avant l'expiration des droits des sociétés NOVARTIS ;

Que l'atteinte aux droits conférés par le titre est ainsi imminente, sous réserve de la discussion portant sur la validité de ce titre, objet du litige ;

Considérant qu'un brevet bénéficie d'une présomption de validité ; qu'une quinzaine d'Offices de brevets dans le monde, dont les Offices européen, américain, allemand, japonais, ont délivré le brevet couvrant l'invention appartenant aux appelantes ;

Considérant que les sociétés MYLAN et QUALIMED invoquent l'absence d'inventivité, de nature à priver le brevet FR 597, dont la protection revendiquée s'étend au CCP N°98C0033, de validité ;

Considérant que, s'il est vrai que les conditions de l'article L. 615-3 du CPI, pour qu'il soit fait droit aux mesures d'interdiction sollicitées, ne sont pas réunies, dès lors que les droits dont la protection est revendiquée ne sont pas caractérisés et que la validité des revendications est compromise pour défaut d'activité inventive, l'appréciation du juge des référés ne doit pas conduire celui-ci à se déterminer sur le caractère sérieux de l'action au fond, c'est-à-dire de l'action en nullité du titre lui-même, appréciation que la loi du 29 octobre 2007 a voulu désormais prohiber ;

Que cette loi a seulement subordonné les mesures de l'article L. 615-3 au caractère vraisemblable de l'atteinte aux droits protégés et non à la vraisemblance de la validité du brevet dont ils sont issus ; que, devant le juge des référés, juge de l'évidence, seule la nullité manifeste du titre peut rendre non vraisemblable l'atteinte imminente à ces droits ;

Considérant que les sociétés MYLAN et QUALIMED soutiennent que le brevet EP 926 dit PROTERRA de 1985 constitue une antériorité, mettant l'accent sur des composés préférés, particulièrement intéressants pour le traitement de la maladie d'Alzheimer, et plus particulièrement la molécule RA7, qu'il suffisait, selon elles, de soumettre à des tests et essais de routine pour vérifier qu'elle agissait de façon significative sur l'acétylcholinéstérase du cerveau et pouvait ainsi traiter de façon efficace cette maladie ;

Considérant que, sauf à s'ériger en homme de science, le juge des référés ne saurait, avec les pouvoirs qui sont les siens, considérer qu'il est manifeste que, parmi les molécules préférées de PROTERRA (RA4, RA5, RA6, RA15, RA14, RA7, RA8), la molécule RA7 avait été particulièrement mise en exergue, parmi les autres dont certaines avaient des propriétés analogues, que la séparation des isomères de cette molécule était préconisée par PROTERRA, ou du moins par les directives de la FDA (Food and Drug Administration américaine), et que cette séparation était évidente, ne nécessitant que quelques tests de routine, alors que les intimées soulignent elles-mêmes la nécessaire interprétation de documents et d'analyses scientifiques, puisque, à propos de l'article WEINSTOCK (p 28 de leurs conclusions), qu'elles présentent comme une publication "ayant trait à l'étude de certains composés préférés du brevet PROTERRA", elles indiquent : "Le professeur ROSSET affirme que parmi les produits étudiés dans cette publication, aucun n'est meilleur que les autres. Il semblerait que le Pr. ROSSET ait mal interprété les résultats donnés dans cette publication" ;

Que la rapidité de dépôt du brevet FR 597 après le brevet pionnier, relevée par le premier juge, ne démontre pas de façon manifeste que les travaux réalisés étaient bien des tests de routine ;

Considérant encore, qu'alors qu'elles avaient obtenu l'AMM de leur générique les 1er et 4 octobre 2010, et décidé de le commercialiser environ quinze mois avant l'expiration du CCP litigieux dont elles arguent d'une nullité vraisemblable, et que le brevet FR 597 a été déposé depuis une vingtaine d'années, MYLAN et QUALIMED n'ont assigné NOVARTIS aux fins de "constater la nullité de l'ensemble des revendications du brevet FR 2 611 707 (FR 597) pour défaut de nouveauté ou d'activité inventive, et en conséquence, prononcer la nullité du CCP FR 98 C 0033", devant le juge du fond, qu'au lendemain de l'assignation en référé qui a été délivrée à leur encontre par les titulaires de la protection ;

Qu'il suffisait, cependant, à MYLAN et QUALIMED de délivrer l'assignation en nullité dudit brevet dans des délais leur permettant d'obtenir un jugement au fond, avant de procéder, le cas échéant, à la commercialisation du médicament litigieux, pour éviter toute atteinte aux droits des titulaires de ce brevet ;

Considérant, en conséquence, que l'atteinte imminente aux droits de ces titulaires est vraisemblable ;

Que l'ordonnance entreprise sera infirmée et que la Cour ordonnera les mesures précisées au dispositif, de nature à prévenir et faire cesser cette atteinte, et qui sont proportionnées au respect des droits de propriété intellectuelle des sociétés NOVARTIS ;

Qu'il n'y a lieu à d'autres constatations, tenant notamment aux garanties présentées par les sociétés NOVARTIS, qui, au demeurant, ne sont pas mises en cause ;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser aux sociétés NOVARTIS la charge des frais irrépétibles qu'elles ont exposés pour la présente instance ;

Considérant que les sociétés MYLAN et QUALIMED, qui succombent, devront supporter les dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC ;

PAR CES MOTIFS :

Déclare irrecevable la pièce communiquée en cours de délibéré par les intimées,

Ecarte des débats les pièces des intimées LA 37, 40 à 46, 52, 53 et 55 à 64,

Infirme l'ordonnance entreprise, sauf en ce qu'elle a débouté les sociétés MYLAN et QUALIMED de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Statuant à nouveau,

Fait interdiction à la SAS MYLAN et à la SAS QUALIMED de fabriquer, d'offrir, de mettre dans le commerce, d'utiliser, d'importer et/ou de détenir les médicaments génériques qui, notamment sous la dénomniation "RIVASTIGMINE MYLAN" et "RIVASTIGMINE QUALIMED" (1, 5 mg, 3 mg, 4, 5 mg et 6 mg notamment sous forme de gélules) reproduisent les moyens des revendications 1, 2, 4, 6 et 8 du brevet 88-02597 et du CCP 98C0033, et ce jusqu'à l'expiration dudit CCP au 31 juillet 2012,

Ordonne, aux frais de la SAS MYLAN et de la SAS QUALIMED, le rappel et la confiscation des génériques "RIVASTIGMINE MYLAN" et "RIVASTIGMINE QUALIMED" des réseaux commerciaux, et ce jusqu'à l'expiration du CCP 98C0033 au 31 juillet 2012,

Dit que ces interdictions, rappels et confiscations sont prononcés sous astreinte de

1 000 euros par infraction constatée ou par milligramme contrefaisant, que ce soit en vrac ou sous forme de conditionnement, et ce sous astreinte de 50 000 euros par jour de retard, passé un délai de 8 jours à compter de la signification du présent arrêt,

Dit que la Cour ne se réserve pas la liquidation des astreintes,

Condamne in solidum la SAS MYLAN et la SAS QUALIMED aux dépens de première instance,

Y ajoutant,

Condamne in solidum la SAS MYLAN et la SAS QUALIMED à payer à la société de droit suisse NOVARTIS AG et à la SAS NOVARTIS PHARMA la somme globale de 30 000 euros au titre de l'article 700 du CPC,

Condamne in solidum la SAS MYLAN et la SAS QUALIMED aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.