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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 28 novembre 2017, n° 15/12176

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

K. H. Oy Ab (Sté de droits finlandais)

Défendeur :

TOURAINE EMBALLAGE RECYCLAGE (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. David PEYRON

Conseillers :

Mme Isabelle DOUILLET, M. François THOMAS

Avocats :

SCP A. & D. ET ASSOCIÉS, SCP D. & S. (DMS AVOCATS)

Paris, du 9 janv. 2015

9 janvier 2015

La société de droit finlandais K H. AB OY (ci-après, la société K-H.) est spécialisée dans la fabrication et la vente de produits réutilisables pour le transport de marchandises, notamment des chariots, du type utilisé dans les grandes surfaces.

La société TOURAINE EMBALLAGE RECYCLAGE (ci-après, la société TER) intervient dans le domaine de la logistique et développe des équipements standards ou sur mesure pour ses clients, comme des chariots emboitables.

Elle est titulaire de deux brevets français, soit le brevet publié sous le n°2 848 187, déposé le 9 décembre 2002 et délivré le 1er septembre 2006 (ci-après brevet 187), le brevet publié sous le n°2 848 188 déposé le 5 mars 2003 sous priorité du brevet 187 et délivré le 13 octobre 2006, ainsi que d'un brevet européen n°1428763 déposé le 13 novembre 2003 et délivré le 12 juin 2007 par l'OEB.

Ces trois brevets s'intitulent 'chariot de transport de marchandises comportant au moins un volet anti chute'.

Ces deux sociétés, fabriquant de matériel de logistique, entretiennent depuis plusieurs années des relations commerciales avec le même client, la société Intermarché, pour la fourniture de chariots de manutention.

En 2011, la société Intermarché leur a demandé des chariots de manutention emboitables, compatibles entre eux, présentant des volets antichute similaires à ceux des chariots fabriqués par la société TER. Dans ce cadre, la société K H. a vendu à la société Intermarché des chariots de manutention équipés de volets antichute fabriqués par la société TER.

Par lettre du 21 septembre 2012, la société K H. a demandé à la société TER de prendre parti sur l'opposabilité de ses brevets 187 et 188 au système de volets antichute adapté à ses chariots qu'elle avait développé, sur le fondement de l'article L615-9 du code de la propriété intellectuelle, et a contesté la validité des trois brevets de la société TER.

La société TER a répondu le 19 novembre 2012, en soutenant la validité de ses brevets, et en estimant que le prototype développé par la société K H. en était contrefaisant.

Il n'a pas été trouvé de solution amiable entre les parties.

Par acte d'huissier du 29 avril 2013, la société K H. a fait assigner la société TER devant le tribunal de grande instance de Paris pour voir dire que les brevets 187 et 188 dont la société TER est titulaire ne font pas obstacle à la fabrication et à la commercialisation de ses propres volets, constater que le brevet 187 a cessé de produire ses effets à la date du 13 octobre 2006, et subsidiairement annuler les brevets 187 et 188.

Par jugement du 9 janvier 2015, le tribunal de grande instance de Paris a :

- rejeté toutes les demandes de la société K H. AB OY ;

- rejeté les demandes reconventionnelles de la société TOURAINE EMBALLAGE RECYCLAGE ;

- condamné la société K H. AB OY a payer à la société TOURAINE EMBALLAGE RECYCLAGE la somme de 20. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- condamné la société K H. AB OY aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Il a notamment

/ estimé recevable la demande présentée par la société K H. sur le fondement de l'article L615-9 du code de la propriété intellectuelle,

/ indiqué que le brevet 187 avait cessé de produire ses effets à la date de délivrance du brevet 188,

/ écarté la contrefaçon littérale de la revendication 1 du brevet 188 par le prototype de la société K H., mais retenu la possibilité d'une contrefaçon par équivalence,

/ rejeté les demandes de la société K H. contestant la validité du brevet 188, estimant que ce brevet n'était pas dépourvu de nouveauté ni d'activité inventive,

/ rejeté les demandes reconventionnelles portant sur la réparation de la contrefaçon, la concurrence déloyale et parasitaire, et l'atteinte à l'image.

La société K H. a fait appel de cette décision.

Par conclusions du 8 juin 2017, la société K H. demande à la cour :

- d'une part, de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société TER de ses demandes, constaté la cessation des effets du brevet FR 2 848 187 à la date du 13 octobre 2006 et déclaré

K H. recevable à agir sur le fondement de l'article L. 615-9 du code de la propriété intellectuelle,

- d'autre part, de l'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau

Vu l'article L. 615-9 du code de la propriété intellectuelle

- dire que les brevets FR 2 848 187 et FR 2 848 188 dont la société TER est titulaire ne font pas obstacle à la fabrication et la commercialisation par la société K H. AB OY des produits conformes aux prototypes communiqués à la société TER par courrier du 21 septembre 2012 ;

Subsidiairement, vu les articles L. 611-11, L. 611-14 et L. 613-25 du code de la propriété intellectuelle

-annuler, en toutes ses revendications, le brevet FR 2 848 188 dont la société TER est titulaire,

- interdire à la société TER d'indiquer que les volets antichute qu'elle commercialise sont protégés par brevet, sur tous supports et sous quelque forme que ce soit, et notamment interdire la mention "modèle breveté" présentée sur son site Internet, ainsi que toute mention analogue ou du même effet, et ce sous astreinte de 1 000 euros (mille euros) par jour de retard passé un délai d'une semaine à compter de la signification du jugement à intervenir,

- en tout état de cause, condamner la société TER à lui payer la somme de 100.000 euros (cent mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société TER aux entiers dépens et autoriser Maître Grégoire D. à recouvrer ces dépens dans les conditions prévues à l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions du 29 juin 2017, la société TER demande à la cour de :

Vu les articles L 611-11, L 611-14, L. 612-3 L. 613-3 à L. 613-6, L 613-25, L. 615-1, et L.615-9, du code de la propriété intellectuelle,

Vu les articles 1240 et 2224 du code civil,

Vu les articles 31, et 122 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 9 janvier 2015 en ce qu'il a rejeté l'intégralité des demandes de la société H.,

- réformer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes reconventionnelles de la société TER, statuant à nouveau :

A titre principal :

- dire et juger la société K. H. irrecevable en l'ensemble de ses actions/demandes,

A titre subsidiaire :

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris et dire et juger la société H. non fondée en ses demandes fondées sur l'article L. 615-9 du code de la propriété intellectuelle, et confirmer que les brevets FR 2 848 187 et FR 2 848 188 dont la société TER est titulaire font obstacle à la fabrication et la commercialisation par la société H. des produits conformes aux prototypes communiqués à la société TER par courrier du 21 septembre 2012 ;

- dire et juger la société K. H. irrecevable en ses demandes tendant à l'annulation du brevet FR 2 848 188 dont la société TER est titulaire ;

A titre infiniment subsidiaire :

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris et dire et juger la société H. non fondée en ses demandes fondées sur l'article L. 615-9 du code de la propriété intellectuelle, et confirmer que les brevets FR 2 848 187 et FR 2 848 188 dont la société TER est titulaire font obstacle à la fabrication et la commercialisation par la société H. des produits conformes aux prototypes communiqués à la société TER par courrier du 21 septembre 2012 ;

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris et constater la cessation des effets du brevet FR 2 848 187 à la date du 13 octobre 2006 ;

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a confirmé la validité du brevet FR 2 848 188 dont la société TER est titulaire,

En tout état de cause :

- débouter la société H. de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

- à titre reconventionnel, condamner la société H. à verser la société TER la somme de 40.000 € au titre de l'atteinte portée à son image ;

- condamner la société H. à lui payer la somme totale de 80.000 euros (soixante-quinze mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des procédures de première instance et d'appel ;

- condamner la société H. aux entiers dépens première instance et d'appel et autoriser Maître Isabelle S.-B. (DMS Avocats - SCP D. & S.) à recouvrer ces dépens dans les conditions prévues à l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 4 juillet 2017.

MOTIVATION

Sur la cessation des effets du brevet 187

La société K-H. soutient que les revendications du brevet 187 étant reprises intégralement par le brevet 188, comme sa description, la délivrance du brevet 188 qui revendiquait le bénéfice de la date du dépôt du brevet 187 a emporté la cessation des effets de celui-ci, par application de l'article L612-3 du code de la propriété intellectuelle.

La société TER reconnaît, dans ses conclusions, que son brevet 187 a cessé de produire ses effets à la suite de la délivrance du brevet 188.

L'article L612-3 du code de la propriété intellectuelle prévoit que

'la délivrance du brevet bénéficiant d'une date de dépôt antérieure en application du présent article emporte cessation des effets attachés au premier dépôt pour ces mêmes éléments'.

Le brevet 188, dont le numéro d'enregistrement est 0302695, a été déposé sous priorité du brevet dont le numéro d'enregistrement est 02115523 déposé le 9 décembre 2002, soit le brevet 187.

En conséquence, le brevet 187 a cessé de produire ses effets au 13 octobre 2006, date de publication du brevet 188.

Sur la recevabilité de l'action en déclaration de non-contrefaçon

La société K H. soutient être recevable à agir sur ce fondement, et relève avoir adressé des photographies de ces prototypes, sur lesquelles la société TER s'est positionnée quant à l'opposabilité de ses brevets. Elle soutient que le développement de deux prototypes constitue des 'préparatifs effectifs et sérieux' au sens de l'article L615-9 du code de la propriété intellectuelle, dont l'application ne saurait lui être déniée au motif qu'elle a eu recours à un sou-traitant.

Selon la société TER, l'article L615-9 est subordonné à l'exploitation industrielle par le demandeur à l'action, ou de ses préparatifs, exploitation qui doit s'entendre de la fabrication. Elle soutient que la société K-H. ne justifie d'aucune exploitation industrielle, ni être à l'origine des préparatifs invoqués, les prototypes ayant été développés s'agissant du premier par une autre entreprise.

Sur ce

L'article 615-9 du code de la propriété intellectuelle prévoit que

'toute personne qui justifie d'une exploitation industrielle sur le territoire d'un Etat membre de la Communauté économique européenne ou de préparatifs effectifs et sérieux à cet effet peut inviter le titulaire d'un brevet à prendre parti sur l'opposabilité de son titre à l'égard de cette exploitation dont la description lui est communiquée.

Si ladite personne conteste la réponse qui lui est faite ou si le titulaire du brevet n'a pas pris parti dans un délai de trois mois, elle peut assigner ce dernier devant le tribunal pour faire juger que le brevet ne fait pas obstacle à l'exploitation en cause, et ce, sans préjudice de l'action en nullité du brevet et d'une action ultérieure en contrefaçon dans le cas où l'exploitation n'est pas réalisée dans les conditions spécifiées dans la description visée à l'alinéa précédent'.

Ce texte fixe comme critère l'exploitation industrielle sur le territoire d'un Etat membre ou des préparatifs sérieux en vue de cette exploitation, mais ne prévoit pas que cette exploitation doive s'entendre de la fabrication.

En l'espèce, le courrier du 21 septembre 2012 adressé par la société K-H. à la société TER contenait des schémas et photographies de deux versions du produit qu'elle entendait développer.

Elle verse une attestation de son expert-comptable dont il ressort que son équipe de développement des produits a développé, sur la base du travail initial réalisé par un sous-traitant, l'évolution ultérieure quant à la conception, mené des recherches notamment quant aux matériaux à utiliser et sur les mécanismes de charnières et de fermeture ainsi que sur la résistance desdits matériaux. L'auteur de cette attestation ajoute que les heures enregistrés par les équipes de la société K-H. sur le développement de ce projet correspondent à plusieurs semaines de travail, et que les dessins des produits ont été réalisés par la société K-H..

Dès lors, la société K-H. justifie des sommes qu'elle a engagées dans le cadre du développement de ce projet, le fait qu'elle ait eu recours à un sous-traitant pour la réalisation du 1er projet ne saurait remettre en cause la réalité des préparatifs effectifs et sérieux qu'elle a réalisés, ayant participé de manière concrète à la fabrication des prototypes.

Le jugement sera par conséquent confirmé, en ce qu'il a déclaré la société K-H. recevable à agir sur le fondement de l'article L615-9 du code de la propriété intellectuelle.

Présentation du brevet 188

Le brevet porte sur un chariot, comportant deux ridelles fixées sur une embase montée sur quatre roulettes, destiné au stockage, au déplacement et à la livraison de marchandises.

Il expose que pour maintenir les produits dans le chariot lors du mouvement, il est recouru classiquement à la pose d'un film plastique autour du chariot, après que les marchandises ont été disposées sur le chariot ; toutefois, le film plastique appliqué alors en multicouche n'est pas ré-utilisable, son usage est onéreux et peu écologique.

Pour pallier cet inconvénient, le brevet porte sur un

« Chariot de stockage de marchandises comprenant une embrase (120) et au moins deux ridelles verticales (130) montées sur celle-ci, caractérisé par le fait qu'il comprend en outre deux volets anti-chutes (140) symétriques formés chacun d'une feuille souple (150) de dimensions adaptées pour recouvrir au moins un côté du chariot défini entre les deux ridelles (130) et liée à au moins deux sangles (160) horizontales équipés sur une première extrémité de moyens (167) propres à permettre sa fixation sur un montant d'une première ridelle et sur leur seconde extrémité de moyens (170) permettant une fixation amovible sur un montant de la ridelle opposée »

comme l'indique la revendication 1 du brevet tel que délivré.

Ainsi, le brevet tel que délivré présente deux volets anti-chute, disposés de chacun des deux côtés ouverts du chariot, entre les deux ridelles.

Ces deux volets sont symétriques, et constitués d'une feuille souple.

Ces deux volets présentent des moyens de fixation sur le montant d'une des deux ridelles, à l'extrémité d'une sangle horizontale dont la société K-H. souligne l'importance, alors que la société TER estime qu'il ne faut pas faire une interprétation stricte car l'apport est surtout le volet anti-chute muni de moyens de fixation permettant son articulation comme une porte à battant.

Ces deux volets présentent à l'autre extrémité de la sangle des éléments de fixation amovibles permettant une telle fixation sur le montant de l'autre ridelle, qui se trouve à l'opposé.

Sur la demande en déclaration de non-contrefaçon

La société K-H. indique avoir développé deux prototypes de chariot de stockage de marchandises comprenant une embase et deux ridelles montées sur celle-ci, ainsi que deux volets symétriques formés chacun d'une feuille souple de dimensions adaptées pour être fixés chacun sur un côté du chariot défini par les ridelles, volets pourvus de moyens de fixation de sorte qu'ils puissent être fixés sur le montant d'une ridelle par des boutons pression, ainsi que de manière amovible sur le montant de la ridelle opposée.

Sur la contrefaçon littérale

La société K-H. soutient qu'alors que les sangles prévues par la revendication 1 du brevet doivent s'étendre horizontalement d'un montant de ridelle à l'autre, ou d'un bord à l'autre, ses prototypes ne présentent pas de sangle s'étendant d'un bord à l'autre du volet, de sorte que cette caractéristique n'est pas reproduite. Elle fait état de l'importance des sangles dans la revendication 1 du brevet, cet élément ayant été ajouté durant la procédure de délivrance du brevet, sangles au nombre de deux au moins qui s'étendent de part et d'autre du volet pour fournir au minimum quatre points de fixation.

Elle ajoute au surplus, s'agissant de son second prototype, qu'il est d'une dimension inférieure au côté du chariot dépourvu de ridelle, alors que le brevet prévoit que les feuilles souples constituant les volets anti-chute ont une dimension adaptée pour recouvrir au moins un côté du chariot et doivent s'étendre d'une ridelle à l'autre, de sorte que ce prototype ne reproduit pas le brevet.

Selon la société TER, la contrefaçon est établie lorsque se retrouvent dans l'objet en cause les moyens revendiqués dans leur forme essentielle et dans les mêmes fonctions, sans qu'importent les différences secondaires. Elle ajoute que la contrefaçon peut également s'effectuer par équivalence de moyens, et que pouvaient être appliquées en commun la théorie des équivalents et celle de la reproduction par différences secondaires.

S'agissant de la contrefaçon littérale, elle indique que les revendications sont à interpréter au vu de la description et des dessins, détaille la reproduction de la revendication 1 dans laquelle le terme sangle doit être analysé non de façon réductrice mais comme 'un agencement structurel permettant la présence des moyens de fixation à gauche et à droite du volet anti-chute' pour sa fixation à des montants de ridelles opposés. Elle affirme que les prototypes de la société K-H. présentent de telles sangles qui constituent également des bandes de renfort.

Sur ce

La revendication n°1 du brevet 188 précise dans sa partie caractérisante que 'deux volets anti-chutes symétriques formés chacun d'une feuille souple de dimension adaptée pour recouvrir au moins un côté du chariot défini entre les deux ridelles...'.

Cette feuille souple est 'liée à au moins deux sangles horizontales équipés sur une première extrémité de moyens propres à permettre sa fixation sur un montant d'une première ridelle et sur leur seconde extrémité de moyens permettant une fixation amovible sur un montant de la ridelle opposée'.

Si la société TER souligne que selon l'article L613-2 du code de la propriété intellectuelle, les revendications d'un brevet sont à interpréter à la lumière de la description et des dessins, ce même article spécifie que l'étendue de la protection conférée par le brevet est déterminée par les revendications.

Ainsi la revendication 1 du brevet prévoit qu'une extrémité de chacune des sangles horizontales (au nombre de deux minimum) est équipée de moyen pour assurer sa fixation sur un montant d'une ridelle, alors que son autre extrémité permet une fixation amovible sur le montant de la ridelle opposée.

Il se déduit de la présence à une extrémité de chaque sangle de moyen de fixation au montant de la 1ère ridelle, et de la présence à son autre extrémité de moyen de fixation amovible au montant de la ridelle opposée, que les sangles traversent la largeur de la feuille formant volet, dont la dimension est 'adaptée pour recouvrir au moins un côté du chariot défini entre les deux ridelles'.

Ainsi, les sangles horizontales décrites dans la partie caractérisante de la revendication 1 s'étendent d'un bord à l'autre de la feuille formant volet anti-chute.

La cour observe que la précision, en partie descriptive du brevet (page 3, ligne 29 à 34), selon laquelle 'de préférence les sangles sont fixées à demeure par l'une première de leurs extrémités, sur l'un des montants latéraux des ridelles. L'autre extrémité des sangles est équipé d'un crochet adapté pour être accroché sur un montant choisi de la ridelle opposée', confirme le fait que les sangles s'étendent d'un bord latéral du volet à l'autre.

Les figures 2 et 4 du brevet illustrent également le fait que ces sangles horizontales s'étendent du montant d'une ridelle à l'autre.

Le fait que la revendication n°1 ait été modifiée entre la demande de brevet et le brevet tel que délivré, puisque l'indication 'au moins deux sangles horizontales' et la précision que les moyens propres à permettre leur fixation se trouvaient à chacune de leurs deux extrémités, ont été ajoutées, révèle leur importance, s'agissant d'ajouts dans la partie caractérisante de la revendication 1 du brevet délivré.

Or, comme l'a relevé le jugement, les deux prototypes de la société K-H. ne présentent pas des sangles allant d'un bord à l'autre de la feuille souple formant volet anti-chute, mais des attaches fixées à chacun des deux côtés de cette feuille

Aussi, la contrefaçon littérale de la revendication 1 n'apparaît-elle pas établie, et le jugement sera confirmé sur ce point.

De la même façon, ces sangles ne figurant pas dans la rédaction initiale de la revendication et ayant été rajoutées en cours de procédure de délivrance, il ne saurait s'agir d'une reproduction par différences secondaires du brevet 188.

Sur la contrefaçon par équivalent

La société K-H. soutient que les sangles du brevet 188 s'étendant sur toute la largeur du volet ne remplissant aucune fonction spécifique ni ne permettant aucun résultat défini, la théorie des équivalents ne peut s'appliquer à cette caractéristique non reproduite. Elle avance que la sangle et les moyens de fixation sont des éléments distincts, que la société TER ne peut assimiler l'un à l'autre. Selon elle, les moyens de fixation prévus par le brevet permettent une fixation amovible, mais ne prévoient pas la fonction de pivotement, ni le repliement complet du chariot, et que la sangle ne tend pas à assurer une bonne protection des marchandises. Elle conteste la fonction de renforcement des feuilles souples formant volet donnée aux sangles, et affirme que les ourlets de ses prototypes ne remplissent pas cette fonction, au vu des tests qu'elle a réalisés, qui ne sauraient être remis en cause par ceux effectués par la société TER. Elle critique le jugement qui a appliqué la théorie des équivalents en relevant que les attaches de ces prototypes remplissaient la même fonction que les sangles du brevet 188, et a retenu que les sangles exerçaient une fonction antichute, alors que c'est le résultat de l'invention en son entier et que les moyens de fixation des prototypes n'ont pas cette fonction.

Elle ajoute que les ourlets de prototypes n'ont pas de fonction de renfort, et que la fonction exercée par les sangles du brevet est connue, comme un élément formant porte à battant.

Pour la société TER, l'appréhension large du terme 'sangle' conduit à constater la reproduction par équivalence de la revendication n°1 de son brevet. Elle affirme que les attaches des prototypes de la société K-H. sont nécessaires aux moyens de fixation et équivalent aux sangles du brevet 188. Le brevet n'est pas limité à des sangles utilisées seules avec des moyens d'accrochage, mais décrit un agencement particulier des moyens de fixation sur un volet antichute, moyens qui remplissent une fonction nouvelle combinant la fixation du volet, son articulation et la fonction antichute. Elle soutient que le jugement a justement relevé que les prototypes remplissaient cette fonction. S'agissant du 2ème prototype K-H., qui ne recouvre pas l'espace entre les deux ridelles, elle souligne qu'il tend à assurer la fonction recherchée, soit éviter la chute des objets, le fait que la largeur du volet antichute du brevet soit d'une dimension supérieure à l'écart entre les ridelles étant une caractéristique préférentielle mais non essentielle. Outre le fait que les sangles du brevet ne s'étendent pas d'un bout à l'autre du volet, elle souligne le renfort au niveau des sangles des prototypes, et la présence d'ourlets ayant la fonction de renfort, ainsi que l'ont établi les tests qu'elle a fait réaliser. Elle en déduit que les ourlets confèrent une meilleure résistance au volet antichute et constituent fonctionnellement une sangle. Elle avance que la société K-H. ne peut contester que le volet de son 2ème prototype, bien que de dimensions inférieures à l'espace entre les ridelles, poursuit la même fonction de prévention de chute d'objets.

Elle en déduit que les prototypes en cause peuvent contrefaire ses brevets, et que la demande de la société K-H. doit être rejetée.

Sur ce

Comme l'a rappelé le tribunal, la contrefaçon par équivalent peut être retenue lorsque le moyen revendiqué par le brevet n'est pas reproduit intégralement par le produit en cause, mais que la forme différente de celui-ci exerce la même fonction que ce moyen, pour un résultat identique ou similaire.

Il est nécessaire alors que la fonction visée dans le contexte de la revendication ne soit pas connue de l'état de la technique.

En l'occurrence, la société K-H. soutient que le brevet US 6.036.219 divulgue des moyens de fixation tendant à maintenir le volet entre les ridelles, en ce qu'il prévoit une sangle liée sur toute la largeur d'un volet entre les deux montants d'un chariot. Pour autant, ce brevet US 219 ne prévoit qu'une sangle de retenue, laquelle sert à suspendre le volet flexible et fait le tour du chariot (colonne 4, ligne 32), de sorte qu'elle ne couvre pas la même fonction que les sangles prévues par le brevet 188.

Par ailleurs, le brevet EP0376857 prévoit des sangles indépendantes du volet, le brevet US3420379 ne prévoit pas de volet ; dans le brevet 0732249 les sangles ne se fixent pas au montant des ridelles, et le brevet japonais 11048981 ne porte pas sur le dispositif antichute d'un volet de chariot mais sur la façon dont fixer de manière robuste une housse de protection au châssis latéral d'un conteneur.

Le brevet 188 décrit un agencement des moyens de fixation sur un volet antichute, dans lequel les sangles, qui 'sont munies à leurs extrémités de moyens de fixation sur les montants des ridelles' (partie descriptive du brevet, p3, l24), permettent la fixation du volet antichute ainsi que son articulation sur un montant d'une ridelle, et participent à l'efficacité de la fonction antichute du volet. Comme l'avait relevé le tribunal, 'les sangles sont adaptées pour résister à des efforts de 300 à 500 Kg' (partie descriptive du brevet, p3, l22), ce qui révèle qu'elles exercent une mission antichute, cette résistance permettant de retenir la chute d'un objet placé dans le chariot.

Dès lors, la fonction des sangles telles que décrites par le brevet apparaît nouvelle, et la contrefaçon par équivalent est susceptible d'être retenue.

Les sangles visées par la revendication 1 du brevet 188 sont horizontales, équipées sur une extrémité de moyens propres à permettre la fixation du volet souple sur le montant d'une première ridelle, et sur leur seconde extrémité de moyens permettant une fixation amovible sur un montant de la ridelle opposée.

Les sangles de fixation des prototypes K-H., disposées sur un des côtés verticaux du volet, sont destinées à venir se fixer au montant latéral d'une ridelle du chariot, alors que les sangles disposées sur l'autre des côtés verticaux, sur la même face du volet, disposent d'éléments de fixation permettant une fixation amovible du volet au montant vertical de la ridelle opposée.

La revendication 1 du brevet indique que les extrémités des sangles disposent d'un côté de moyens de fixation, et la précision selon laquelle sur l'autre extrémité ces moyens permettent une fixation amovible, induit la possibilité de libération du volet du côté où la fixation est amovible.

Les sangles de fixation des prototypes K-H. figurant sur un des deux côtés du volet prévoient également un dispositif de fixation présentant cette même amovibilité.

De même, si les sangles du brevet sont disposées sur toute la longueur du volet, alors que celles des prototypes K-H. sont disposées de part et d'autre du même côté du volet, à la même hauteur, elles participent de la même fonction soit prévenir la chute d'objets disposés dans le chariot, en maintenant la feuille souple formant volet entre les ridelles.

Les bords supérieurs et inférieurs des prototypes la société K-H. sont repliés en formant un ourlet, ou bande, sur laquelle sont fixées les sangles de fixation d'un côté et de l'autre d'une même face du volet.

Si la société K-H. conteste l'argument de la société TER selon lequel ces ourlets constitueraient, fonctionnellement, une sangle telle que visée dans le brevet, l'intimée produit des tests de résistance qu'elle a fait réaliser par le laboratoire CERMEL (ses pièces 18 et 19) montrant que la présence d'un tel ourlet augmente considérablement la résistance d'une bande de PVC sur laquelle sont fixées les attaches.

Le fait que les prototypes K-H. ne parviennent pas au même niveau de résistance que ceux de la société TER, ou les critiques de l'appelante à l'égard de ces tests et la production de ceux qu'elle a réalisés elle-même, ne sauraient contredire la résistance accrue d'une bande de PVC lorsqu'elle est renforcée d'un ourlet, comme les bandes figurant sur les prototypes K-H..

Ainsi, cet ourlet, présent en haut et en bas du volet K-H., a une fonction de renfort en ce qu'il donne une meilleure résistance au volet, soit une fonction équivalente aux deux sangles au moins prévues par la revendication 1 du brevet.

La société K-H. souligne que son 2ème prototype est en outre de dimension inférieure au côté du chariot dépourvu de ridelle, alors que la revendication 1 du brevet prévoit que les volets sont d'une dimension supérieure à ce côté, ou à tout le moins d'une dimension égale.

Cependant, la fonction poursuivie par le volet prévu par la revendication 1 du brevet est de prévenir la chute des marchandises transportées sur le chariot, et il ne peut être contesté que le volet constituant le 2ème prototype K-H. poursuit également cette fonction.

La cour relève également que le brevet ne précisant pas les dimensions du volet ni celles du chariot, la mesure entre les deux ridelles n'est pas connue, de sorte qu'il n'est pas établi que le volet K-H. ait une dimension inférieure à cet espace, et le fait d'adopter une dimension de volet inférieure à celle du volet TER ne saurait écarter l'application du brevet à ce 2ème prototype.

Il ressort de ce qui précède que les prototypes de la société K-H. portant sur des volets de chariot de stockage de marchandises avec embase comprenant au moins deux ridelles verticale, ainsi que deux volets antichute qui sont symétriques et formés chacun d'une feuille souple, feuille liée par des attaches qui ont les mêmes caractéristiques et fonction que les sangles prévues dans le brevet, peuvent contrefaire par équivalence la revendication 1 du brevet 188.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur la recevabilité de l'action en nullité

La société TER soutient que l'action en nullité d'un brevet se prescrivant par cinq ans à compter de la publication de la délivrance du brevet, soit s'agissant du brevet 188 le 13 juin 2006, de sorte que l'assignation introductive d'instance du 29 avril 2013 est intervenue hors délai.

De son côté, la société K-H. soutient que sa demande est recevable, dès lors que la loi du 17 juin 2008, qui a fixé la durée de prescription à cinq années, a prévu que ses dispositions s'appliquent à compter de son entrée en vigueur sans que la durée totale ne puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, ce qui implique de computer les délais à compter du 19 juin 2008.

Sur ce

L'article 2224 du code civil fixe la prescription des actions personnelles ou mobilières par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Il est issu de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, selon laquelle ses dispositions 'qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure'.

Ainsi, même en retenant, comme le soutient l'intimée, que le point de départ de la prescription est la publication de la délivrance du brevet, la loi du 17 juin 2008 ayant réduit le délai de prescription trentenaire applicable antérieurement, la durée de prescription de cinq années ne pouvait courir qu'à compter du 19 juin 2008, de sorte que l'assignation du 29 avril 2013 est intervenue dans le délai de cinq années.

Par conséquent, la demande de la société K-H. en nullité est recevable.

Sur la validité du brevet 188

Sur le défaut de nouveauté

Au titre du défaut de nouveauté, la société K-H. soutient que des volets antichute destinés aux chariots de transports de marchandises, identiques à ceux de la société TER, ont été commercialisés antérieurement à la date de priorité interne visée par le brevet 188. Elle en déduit que l'intégralité des caractéristiques des volets du brevet avaient été divulgués, ce qui détruit la nouveauté de la revendication 35 du brevet.

La société TER avance que pour être détruite pour défaut de nouveauté, l'invention doit se trouver toute entière dans une seule antériorité, qui doit présenter un caractère certain quant à son contenu, sa date et son accessibilité au public. Elle conteste la crédibilité des pièces versées sur ce point par la société K-H..

Sur ce

S'agissant du défaut de nouveauté, l'article L611-11 du code de la propriété intellectuelle indique que

'Une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique.

L'état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen'.

En l'espèce, la société K-H. verse l'attestation de monsieur M., lequel indique que sa société Impacta a développé des portes textiles pour chariots roulants et les a vendus en 2001 à la société Symark, afin qu'elle les cède à la société Hays. Est jointe à cette attestation un dessin de ces portes, ainsi qu'une facture du 26 septembre 2002 à la société Symark.

Pour être comprise dans l'état de la technique et être privée de nouveauté, l'invention doit s'y trouver toute entière dans une seule antériorité au caractère certain.

En l'espèce, la facture porte sur des panneaux de portes en PVC mais sans indiquer que ces produits sont destinés à des chariots de transport de marchandises, sans référence à la société HAYS, et sans établir le lien avec le schéma de porte versé.

La photographie jointe à l'attestation de monsieur M. ne présente pas de date certaine.

Dès lors, cette pièce est insuffisante pour établir de manière certaine que l'ensemble des caractéristiques du brevet 188 de la société TER aurait été révélé préalablement à la date du dépôt du brevet 187, visé comme priorité par le brevet 188.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la revendication 35 du brevet nouvelle.

Sur le défaut d'activité inventive

La société K-H. soutient que la société TER a dissimulé lors du dépôt de son brevet une partie de l'état de la technique, soit le recours aux sangles pour une ouverture à la manière d'une porte battante. Selon elle, le brevet 188 n'implique aucune activité inventive, au regard du brevet JP11048981, et de l'usage antérieur constitué par la vente des volets de la société Impacta. Elle ajoute que l'état de la technique connaissait l'usage des sangles pour éviter la chute d'objets, et que l'invention n'est pas inventive au regard de l'usage préexistant de portes métalliques pour de tels chariots de marchandises.

La société TER conteste les arguments avancés par la société K-H., en relevant notamment que les brevets dont elle fait état sont visés par le rapport de recherche en tant qu'élément de la technique.

L'article L611-14 du code de la propriété intellectuelle prévoit notamment que

'une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique'.

En l'occurrence, l'homme du métier est un spécialiste des chariots de manutention.

Si selon la société K-H., la société TER aurait dissimulé lors du dépôt de son brevet le recours aux sangles pour une ouverture à la manière d'une porte battante, elle ne peut le déduire d'un film promotionnel réalisé postérieurement au dépôt du brevet, l'intimée ayant pu en acquérir la connaissance après le dépôt du brevet.

Sur l'activité inventive au regard du brevet JP11048981

La société K-H. fait état du brevet JP11048981, dont la bâche de protection d'un chariot a trois côtés mais peut en prévoir un quatrième, lequel peut s'ouvrir et se fermer. Elle relève que ce document prévoit des moyens de fixation, soit des morceaux de sangle cousus sur les bords pour permettre la fixation à l'aide de pièces en plastique se clipstant autour du montant des ridelles. Selon elle, les deux différences avec le brevet, qui prévoit la possibilité d'ouverture d'un 2ème volet et la présence de sangles horizontales s'étendant d'un côté à l'autre du volet, ne sauraient lui conférer une activité inventive pour l'homme du métier.

Pour la société TER, ce brevet porte sur un chariot contenant trois ridelles fixes et une ridelle amovible venant fermer l'espace entre les trois ridelles fixes, chariot dans lequel les marchandises sont retenues par ces quatre ridelles qui forment une cage fermée dont l'intérieur est accessible par la ridelle amovible. Selon elle, ce brevet ne porte pas sur un volet antichute, mais tend à protéger les marchandises des intempéries, de la poussière et du regard des autres.

Elle ajoute qu'il traite de l'encliquetage des bâches sur les ridelles, et non de volet ayant une fonction antichute.

Sur ce

Ce brevet JP11048981, visé par le rapport de recherche préliminaire de l'INPI lors du dépôt du brevet 188, apporte une solution de fixation par clip d'une bâche de protection d'un chariot à ridelle sur les montants des ridelles, ce qui n'est pas recherché par le brevet 188.

Les bâches qu'il prévoit n'ont pas une fonction anti-chute, l'espace de stockage des marchandises sur le chariot est limité par trois ridelles fixes et une ridelle amovible, et le brevet ne traite pas du risque de chute des marchandises à l'extérieur de cet espace.

Les bâches prévues par ce brevet japonais sont fixées aux ridelles qu'elles revêtent, elles se trouvent à l'intérieur de l'espace formé par ces ridelles, qui forment ainsi un espace clos (formé de trois ridelles fixes et d'une ridelle amovible) dans lequel sont disposées les marchandises, alors que dans le brevet 188 les deux volets anti-chutese trouvent entre les deux ridelles.

Ainsi les bâches du brevet JP01148981 tendent à assurer la protection des marchandises, mais non à remplir une fonction anti-chute comme les volets du brevet 188, et l'homme du métier ne pourrait en connaissance de ce brevet japonais parvenir au brevet querellé.

Sur l'activité inventive au regard de l'usage antérieur

La société K-H. soutient que les volets vendus par la société Impacta à la société Simarck en 2002 présentent toutes les caractéristiques des volets de la revendication 1 du brevet 188.

Cependant, comme la cour l'a déjà indiqué, la photographie jointe au courrier de monsieur M. montrant un chariot de transport de marchandises ne contient aucun élément indiquant une date certaine, pas plus que le schéma qui y est joint, et les éléments figurant sur la facture du 26 septembre 2002 ne permettent pas d'établir qu'elle porte sur des volets tels que figurant sur le schéma.

Par conséquent, cette pièce ne saurait priver le brevet 188 d'activité inventive.

Sur l'activité inventive s'agissant des sangles anti-chutes horizontales

La société K-H. fait état d'un brevet US-A-340379 portant sur un chariot à deux ridelles prévoyant des sangles anti-chutes horizontales sur chaque ouverture, avec des moyens amovibles de chaque côté.

Elle soutient que le fait de prévoir un volet n'implique pas d'activité inventive, la présence d'une feuille de protection pour un chariot de manutention étant prévue dans d'autres brevets, de sorte que l'ajout de telles feuilles pour l'homme du métier afin d'éviter les chutes n'est pas inventif.

La société TER relève que le brevet US-A-3420379 porte sur la fixation de ridelles au plancher, et que les marchandises sont serrées entre les ridelles afin d'éviter leur chute. Elle relève que ce brevet ne comporte pas de volet, que les sangles y servent à tirer les ridelles l'une vers l'autre alors que dans le brevet 188 elles visent à renforcer la fixation de la feuille souple qui assure la fonction anti-chute.

Selon elle, les feuilles de protection des autres brevets n'ont pas de fonction anti-chute, et s'agissant du brevet EPA0732249, elle relève qu'il porte sur un chariot dépourvu de ridelles.

Sur ce

Le brevet US 3420379 Berryman de 1969, fourni en langue anglaise, porte sur un chariot dont les ridelles sont détachables afin de faciliter leur rangement, et sur leur système d'accroche au plancher du chariot. Il enseigne qu'entre les deux ridelles, se disposant sur des côtés opposés du chariot, peuvent être positionnées des sangles qui sont extensibles et servent à tirer les ridelles vers l'intérieur du chariot contre les marchandises.

Ainsi c'est par le rapprochement des ridelles du centre du chariot, sous l'effet du serrage par les sangles extensibles, que sont maintenues les marchandises dans le brevet US 3420379, et ce brevet ne prévoit pas de volet anti-chute comme le brevet 188.

De leur côté, les sangles du brevet 188 ne sont pas extensibles, elles sont destinées à fixer le volet antichute qui réalise, en formant un écran dans l'espace laissé entre les ridelles sur les côtés du chariot dépourvus de ridelles, l'obturation de cette ouverture et assure une fonction antichute, fonction que renforcent les sangles.

Le brevet EP0732249 Baird porte sur un dispositif pour la protection des plantes, en particulier au cours de leur transport sur des chariots entre les pépinières et les endroits ou elles sont cultivées, et les points de vente.

Il prévoit une seule housse entourant intégralement le chariot et ne prévoit pas de ridelle, alors que la revendication 1 du brevet 188 prévoit deux volets antichute disposés entre deux ridelles.

Les sangles qui peuvent être prévues selon ce brevet Baird seraient disposées sur un ou plusieurs panneaux aux fins de renforcement, alors que dans le brevet 188 elles sont seulement disposées horizontalement, servent à fixer par une extrémité le volet sur le montant d'une première ridelle et par une autre extrémité à permettre une fixation amovible sur le montant de la ridelle opposée; ainsi les sangles ne remplissent pas la même fonction dans ce brevet Baird et dans le brevet 188.

Ce brevet Baird prévoit également un dispositif de fermeture à glissière ou analogue, positionné verticalement, alors que dans le brevet 188 la fixation est amovible, afin de permettre son ouverture.

Il s'en suit que l'homme du métier, même en associant les deux brevets US3420379 et EP0732249, ne pouvait parvenir aux deux volets antichute formés d'une feuille souple sur laquelle sont fixées au moins deux sangles horizontales fixées d'un côté au montant d'une ridelle et de l'autre, de façon amovible, au montant de la ridelle opposée.

Le brevet A6036219 qui porte sur un chariot extensible dépourvu de ridelles, prévoit un volet flexible fixé autour du chariot par une sangle de fixation. Ainsi la sangle y a pour objet de fixer le volet en position haute, le volet étant baissé ou placé en position basse pour le charger et le décharger. L'ouverture se fait ainsi 'verticalement' en affalant le volet, alors que dans le brevet 188 elle se fait par le dispositif de fixation du volet aux ridelles au travers des sangles, puisque l'une de leurs extrémités y est fixée de manière amovible ce qui permet une manipulation du volet qui reste fixé à l'autre ridelle du chariot.

Dès lors, l'homme du métier ne pouvait pas davantage parvenir à l'invention du brevet 188 en combinant ce brevet avec les brevets précités.

Sur l'activité inventive s'agissant des portes métalliques de l'état de la technique

La société K-H. relève que si la société TER considère que le brevet 188 présente une activité inventive du fait du fonctionnement de son volet comme une porte à battant, cette caractéristique était présentée par des chariots commercialisés en 1994, dont un côté d'une porte à battants était fixé sur les ridelles alors que l'autre côté présente une fixation amovible permettant de s'accrocher sur la ridelle opposée. La seule différence tenant au matériau, cette porte pivotante étant réalisée en métal, ne peut impliquer une activité inventive. Elle ajoute fournir une attestation d'un employé de la société commercialisant ces chariots.

La société TER relève que la société K-H. produit une facture plusieurs années après le début de l'instance et une attestation dressée par un de ses employés. Elle fait état du caractère incertain de la date du plan des chariots invoqués par la société K-H., plusieurs dates y figurant en partie postérieures à la facture portant sur les chariots en cause.

Elle relève que le chariot a subi des modifications, de sorte que la forme du chariot correspondant à la facture n'est pas connue, et qu'il n'est pas établi par les pièces versées que l'invention était divulguée. Elle ajoute que le croquis en cause ne détaille en rien le moyen de fermeture amovible et de pivotement de la paroi métallique formant porte.

Sur ce

La société K-H. verse une facture du 14 décembre 1994 de la société Variant Systemet à la société Score BVBA portant sur 181 'rollcontainer' portant la référence 3699014, référence qui se retrouve sur le plan d'un chariot de la société Variant Systemet versé avec la facture.

Cependant, les plans de ce chariot ont subi des modifications, ainsi que le reconnaît la société K-H. elle-même, qui indique dans ses conclusions que la version du plan des 'roll containers' jointe à la facture est celle du 6 novembre 1997, soit une date postérieure à la facture.

Dès lors, il n'existe pas de certitude sur la forme exacte des chariots tels que livrés par la société Variant Systemet à la société Score BVBA en application de cette facture.

La société K-H. ne peut se limiter à soutenir les modifications entre les différentes versions du chariot sont minimes et ne remettent pas en cause son fonctionnement global et notamment la présence d'une porte, pour en déduire l'absence d'inventivité du brevet 188, sans en justifier.

Elle ne produit que l'attestation de Monsieur Allan R. (sa pièce 4.9 bis) qu'elle emploie, de sorte qu'au vu de l'existence de ce lien de subordination son témoignage est à considérer avec beaucoup de prudence et ne saurait, pas plus que les pièces qui y sont jointes dont une photographie et un catalogue non datés, établir en elle-même la véracité des dires qui y figurent.

Il n'est ainsi pas démontré par les pièces versées que le chariot tel que figurant sur le plan du 6 novembre 1997 a fait l'objet d'une commercialisation et a été accessible au public avant le dépôt du brevet 188.

Par conséquent, la société K-H. ne démontre pas par ses pièces 4-8 et 4-9 que l'invention ait été divulguée dans tous ses éléments avant le dépôt du brevet.

Enfin, le brevet FR2112008 prévoit deux volets symétriques mais il porte sur une enveloppe calorifuge pour la manutention et le transport de produits réfrigérés ou congelés, et les panneaux calorifuges s'ouvrent vers l'extérieur et vers le haut, ce qui n'est pas la solution du brevet 188 dans lequel le maniement du volet est conçu pour une ouverture en rotation autour de l'axe vertical d'un montant d'une ridelle, donc un mouvement sur le côté et non vers le haut. Ce brevet FR2112008 tend à assurer le maintien d'une température, et non la prévention des chutes de marchandises, qu'il n'envisage pas.

De même, le brevet EP0376857, qui porte sur une ensemble pour le transport de colis en vrac et en sécurité, décrit une housse destinée à protéger les marchandises des intempéries et à assurer leur sécurité, mais pas à lutter contre la chute des objets transportés. Les sangles n'y sont pas associées à la housse, le volet s'ouvre vers le haut et l'extérieur, et le volet n'y a pas de fonction antichute.

Il ressort de ce qui précède que la société K-H. échoue à démontrer qu'antérieurement au dépôt du brevet 188, l'état de la technique permettait à l'homme du métier de réaliser un chariot de manutention dont l'espace entre deux ridelles était fermé par deux feuilles souples formant volet destinées à prévenir la chute des objets transportés, s'ouvrant par manipulation autour de l'axe du montant d'une ridelle auquel elles sont fixées par des sangles horizontales alors que l'autre extrémité de ces sangles sont fixées de manière amovible à un montant de l'autre ridelle.

Dès lors, la revendication 1 du brevet 188 est valable.

Les revendications suivantes, dépendantes, sont par conséquent également valables, et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les demandes reconventionnelles de la société TER

Sur le parasitisme et la concurrence déloyale

La société TER soutient que la société K-H. s'est placée dans son sillage afin de profiter de ses initiatives et de sa réputation, et d'assurer ainsi son développement commercial. Elle ajoute que la société K-H. cherche à profiter indûment de ses investissements.

La société K-H. le conteste, en relevant avoir fait part auprès de son client final Intermarché de l'existence des brevets de l'intimée, dont elle a sollicité la position sur ces prototypes, qu'elle n'a pas proposés à ces clients. Elle précise n'avoir jamais fabriqué des volets copiant les caractéristiques du brevet 188, et qu'aucune faute ne peut lui être reprochée.

Sur ce

Comme l'a relevé le tribunal, il ressort des pièces versées que c'est la société K-H. qui, face à la demande de son client Intermarché de volets figurant dans son cahier des charges, lui a indiqué que de tels volets anti-chute étaient brevetés.

La société K-H. a aussi pris l'initiative de solliciter l'avis de la société TER sur le caractère contrefaisant ou pas de ses prototypes de volets, conformément à l'article L615-9 du code de la propriété intellectuelle.

Enfin, il n'est pas justifié par l'intimée que la société K-H. ait produit d'autres produits que ces prototypes ni qu'elle les ait proposés à des clients.

Dès lors, et en l'absence de toute faute démontrée de la société K-H., il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société TER de ses demandes à ce titre.

Sur l'atteinte à l'image

La société TER soutient que la démarche de la société K-H. tend à créer un doute quant à ses droits sur les brevets et à banaliser son invention, ce qui porte atteinte à son image et à sa crédibilité.

Cependant, faute de démontrer que l'initiative de la société K-H. a été portée à la connaissance de ses clients, la société TER ne justifie pas que son image en aurait été affectée, et sera déboutée de cette demande comme l'a fait le jugement.

Sur la réparation au titre de la responsabilité civile

La société TER avance que la société K-H. a engagé sa responsabilité civile du fait de la contrefaçon de ses brevets.

Cependant, mis à part les prototypes dont le versement était nécessaire dans le cadre de l'instance judiciaire, il n'est pas justifié que la société K-H. ait introduit en France des produits contrefaisant le brevet 188.

Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société TER de cette demande.

Sur les autres demandes

La société K-H. succombant au principal, elle sera condamnée au paiement des dépens.

Il convient de la condamner au paiement d'une somme supplémentaire à la société TER de 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement du 9 janvier 2015 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la société K-H. au versement à la société TER de la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société K-H. au paiement des dépens et autorise Maître Isabelle S.-B. (DMS Avocats - SCP D. & S.) à recouvrer ces dépens dans les conditions prévues à l'article 699 du code de procédure civile.