CA Paris, Pôle 5 ch. 5 et 7, 18 mai 2017, n° 2016/26029
PARIS
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
Financière de l'Echiquier (SA)
Défendeur :
Hodiall (SA), Radiall (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Michel- Amsellem
Conseillers :
M. Mollard, Mme Faivre
Faits et procédure
La société Radiall conçoit, produit et commercialise des composants coaxiaux, des connecteurs multicontacts et des composants optiques et optoélectroniques. Elle est une filiale du groupe de sociétés Radiall, qui opère dans l'industrie des composants électroniques destinés aux équipements aéronautiques et militaires, aux télécommunications, à l'automobile et aux applications industrielles.
Cette société est majoritairement détenue par le groupe familial G., lequel est composé de plusieurs membres de cette famille, de la société Hodiall et de la société Société d'investissement Radiall. Ses actions sont admises à la cotation sur Euronext Paris, depuis le 8 juin 1989.
Il convient de rappeler, pour la bonne compréhension des développements du présent arrêt, le contexte historique dans lequel est intervenue l'opération objet de la décision attaquée.
Le 26 janvier 2010 l'Autorité des marchés financiers (l'AMF) a déclaré conforme une offre publique d'achat simplifiée déposée par la société Radiall sur ses propres actions « afin de mettre un terme aux contraintes juridiques liées à la cotation (...) ».
À la suite de cette opération, la société Radiall a déclaré que le reste des titres disponibles à la négociation était inférieur à 5 % du nombre d'actions composant son capital et a, le 18 mars 2010, demandé à la société de marché Euronext Paris de bien vouloir procéder à la radiation de ses titres sur le fondement de l'alinéa c de l'article 6905/01 (ii) des règles de marché harmonisées d'Euronext.
Le 14 septembre 2010 le collège de l'AMF a émis un avis négatif sur l'octroi par la société Euronext Paris de cette radiation au motif que celle-ci « léserait les intérêts des investisseurs ».
Le 11 octobre 2010, la société Euronext Paris a notifié à la société Radiall son refus de procéder à sa radiation. La société Radiall ayant présenté une nouvelle demande le 8 novembre 2010 sur le fondement de l'article 6905/01 (i) des règles de marché harmonisées d'Euronext, la société Euronext Paris lui a, le 6 janvier 2011, opposé le même refus.
La société Radiall a contesté ces refus devant le tribunal de commerce de Paris, lequel a rejeté ses demandes par un jugement du 14 décembre 2012. Ce jugement a été confirmé le 16 septembre 2014 par la cour d'appel de Paris. Le pourvoi formé contre l'arrêt par la société Radiall a été rejeté par la Cour de cassation dans un arrêt du 6 décembre 2016 (pourvoi n° 15-10.275).
Le 10 octobre 2016 la société Oddo et Cie. a déposé, en application de l'article 233-1 1° du règlement général de l'AMF, pour le compte de la société Hodiall ainsi que des membres de la famille G., un projet d'offre publique d'achat simplifiée visant les actions Radiall.
Cette opération s'inscrivait dans le projet de procéder ensuite à la radiation de la cote sur le fondement de nouvelles règles du marché entrées en vigueur le 20 juillet 2015, en l'occurrence l'article P 1.4.2, qui vise à permettre à un émetteur d'obtenir, à un certain nombre de conditions, la radiation de ses titres en raison de leur faible liquidité.
L'initiateur, qui déclarait détenir 92,17 % du capital et 95,80 % des droits de vote, s'engageait irrévocablement à acquérir la totalité des actions existantes de la société Radiall non détenues par lui, soit un nombre de 136 037 actions représentant 7,83 % du capital, au prix unitaire de 255 euros.
Il était précisé qu'à l'issue de l'offre publique, les actions de la société Radiall seraient radiées du marché réglementé Euronext Paris en application des règles de marché d'Euronext et que l'initiateur n'avait pas l'intention de demander la mise en oeuvre d'un retrait obligatoire à l'issue de l'offre.
Le cabinet L., représenté par M. C. a été mandaté par la société Radiall comme expert indépendant sur le fondement de l'article 261-1 I du règlement général de l'AMF.
Le projet de note d'information de l'initiateur et le projet de note en réponse de la société Radiall ont été déposés respectivement les 10 octobre et 9 décembre 2016 et diffusés les 10 octobre et 12 décembre 2016.
Le 12 décembre 2016 la société Orfim a demandé à l'AMF d'ordonner la mise en oeuvre d'une offre publique de retrait sur le fondement de l'article 236-1 du règlement général de l'AMF.
Par une décision du 22 décembre 2016, l'AMF a déclaré conforme le projet d'offre publique d'achat simplifiée en application de l'article 231-23 du règlement général de l'AMF, cette décision emportant visa du projet de note d'information de la société Hodiall du 22 décembre 2016 et du projet de note en réponse de la société Radiall du même jour.
L'AMF a relevé, dans sa décision, que le prix plancher exigé par les textes est atteint et que cette offre ne peut être considérée comme relevant des dispositions légales et réglementaires relatives au retrait obligatoire, car elle sera suivie d'une radiation des titres du marché d'Euronext Paris. Elle ajoute qu'« il en serait de même si cette offre ressortissait aux dispositions de l'article 236-1 du règlement général de l'AMF ». L'AMF relève aussi que l'expert a conclu à l'équité du prix offert de 255 euros, qui se situe à la fois dans la fourchette d'évaluation issue de la méthode d'actualisation des flux de trésorerie (222 à 252 euros) et au-delà des prix constatés lors de deux transactions significatives effectuées par les investisseurs professionnels (195 euros en mars 2015 et 235' euros en octobre 2015).
La décision précisait encore que la suspension de la cotation des actions de la société Radiall -serait maintenue jusqu'à nouvel avis.
C'est la décision attaquée par le recours des sociétés Orfim et Financière de l'échiquier.
Le calendrier initial fixait l'ouverture de l'offre au 27 décembre 2016 et la clôture au 9 janvier 2017, la radiation devant intervenir le 10 janvier 2017. Dans le contexte du recours en annulation et d'une demande de sursis à exécution des requérantes, l'AMF, après avoir prorogé l'offre sans fixer de date de clôture, l'a finalement provisoirement clôturée et s'est engagée à la rouvrir durant dix jours dans l'hypothèse où la cour d'appel confirmerait sa décision de conformité. La radiation des titres s'en est trouvée d'autant reportée.
LA COUR
Vu le recours formé contre la décision de l'AMF du 22 décembre 2016, déposé le 30 décembre 2016, au greffe de la cour d'appel de Paris par les sociétés Orfim et Financière de l'échiquier ;
Vu les mémoires déposés au greffe de la cour par les sociétés Orfim et Financière de l'échiquier les 13 janvier et 22 mars 2017 ;
Vu les mémoires déposés au greffe de la cour par les sociétés Hodiall et Radiall les 10 février et 23 mars 2017 ;
Vu les observations déposées au greffe de la cour par l'AMF le 3 mars 2017 ;
Vu les observations déposées au greffe de la cour par le Ministère public le 29 mars 2017, transmises aux parties le même jour ;
Après avoir entendu à l'audience publique du 29 mars 2017 les observations orales des sociétés Financière de l'échiquier et Orfim ainsi que des sociétés Radiall et Hodiall puis la représentante de l'AMF et le Ministère public, les requérantes, ayant eu la parole en dernier et eu la possibilité de répliquer ‘ ;
La société Financière de l'échiquier demande l'annulation de la décision attaquée.
Elle soutient que l'AMF doit offrir une protection équivalente aux actionnaires dont le titre est retiré de la cote, que ce soit par une offre publique suivie d'un retrait obligatoire ou par une offre publique d'achat simplifiée. Elle critique la décision en ce qu'elle n'a pas procédé à un contrôle renforcé du prix comme elle le fait pour une offre publique suivie d'un retrait obligatoire.
Elle fait valoir à ce titre que l'actionnaire est pourtant dans une situation identique, puisqu'il se trouve évincé de fait, perdant, après la radiation, non seulement l'information financière imposée dans le cadre de la cotation, mais aussi la liquidité du titre.
Elle relève en outre que la décision de ne pas procéder au contrôle renforcé du prix est en contradiction avec la décision que l'AMF a prise en 2010, dans laquelle elle avait relevé que la radiation de la société Radiall de la cotation « léserait les intérêts des investisseurs ».
Elle estime que l'analyse retenue par l'AMF donne aux émetteurs la possibilité d'évincer des actionnaires sans les indemniser au juste prix.
Par ailleurs, la société Financière de l'échiquier soutient que le prix de 255 euros est insuffisant au regard de la règle de valorisation multicritères, car il est très inférieur à celui issu des méthodes analogiques. Elle ajoute que l'expert indépendant s'est fondé sur des critères inopérants.
Elle oppose encore que l'offre publique d'achat simplifiée est en réalité une offre publique de rachat d'actions, puisque la note de l'offre précise que les initiateurs vont céder à Radiall l'intégralité des titres acquis au cours de l'offre, procédé qui constitue, selon elle, un abus de biens sociaux et qui est de surcroît interdit par l'article L. 225-216 du code de commerce, qui dispose qu'une société ne peut avancer des fonds ni accorder de prêt ou consentir une sûreté en vue de la souscription ou de l'achat de ses propres actions par un tiers.
Enfin, elle conteste que l'expert désigné par la société Radiall ait présenté les gages d'indépendance et d'objectivité requis par la réglementation.
La société Orfim demande l'annulation de la décision au seul motif que l'AMF n'a pas statué sur la demande d'OPR qu'elle avait présentée le 12 décembre 2016.
Elle reproche à l'AMF de ne pas avoir informé le marché de cette demande d'OPR et d'avoir considéré que la radiation devait intervenir automatiquement à l'issue de l'offre.
Elle conteste le rejet de la demande d'OPR par la décision attaquée sans motif, puisque ce rejet n'est qu'implicite, ce qui a été confirmé par une lettre que lui a adressée l'AMF le 6 mars 2017. Enfin, sur ce point, elle fait valoir que par la décision attaquée l'AMF a violé l'égalité de traitement des actionnaires.
Les sociétés Hodiall et Radiall, demandent conjointement à la cour de :
- rejeter les demandes des sociétés Orfim et Financière de l'échiquier.
- constater que, par sa décision du 22 décembre 2016, l'AMF a implicitement abrogé ou retiré sa décision de refus prise en 2010';
- constater que l'AMF s'est personnellement engagée à faire en sorte que la radiation décidée par la société Euronext Paris intervienne dès que possible à l'issue de la clôture définitive de l'offre publique d'achat simplifiée';
- dire et juger que la radiation des titres de Radiall respecte les conditions légales posées par l'article L. 421-15 du code monétaire et financier.
Dans leurs conclusions du 23 mars 2017, elles ont en outre demandé à la cour de dire et juger qu'en adoptant sa décision, l'AMF a eu raison de faire droit à la demande de radiation présentée par la société Radiall, car celle-ci respecte les conditions légales posées par l'article L. 421-15 du code monétaire et financier.
Les sociétés Radiall et Hodiall demandent, en outre, la condamnation solidaire des sociétés Orfim et Financière de l'échiquier à verser à la société Radiall, pour recours abusif, 5 280 000 euros en réparation du préjudice causé par leur opération fautive du 29 janvier 2010, ainsi que 200 000 euros pour les frais inhérents au maintien de sa cotation jusqu'au 10 janvier 2017, et encore 2 400 000 euros pour les sommes supplémentaires qu'elle pourrait être contrainte de payer après le 10 avril 2017.
Elles exposent que la décision de conformité de l'AMF implique qu'elle a estimé que les intérêts des investisseurs n'étaient pas lésés par la radiation des titres de la cote. Elles expliquent que cela est en contradiction avec la 'décision' de l'AMF de 2010, qui considérait qu'il ne pouvait y avoir radiation des titres au motif de la lésion des intérêts des investisseurs. Elles en concluent que l'AMF a nécessairement et implicitement abrogé sa décision' de 2010 et demandent à la cour de le constater.
Les sociétés Hodiall et Radiall soutiennent qu'en cherchant à empêcher la radiation des titres depuis 2010, les requérantes sont animées d'une intention de nuire et que leur recours est par conséquent abusif.
Les sociétés Orfim et Financière de l'échiquier contestent le bien-fondé de ces demandes.
Sur la demande d'abrogation ou de retrait de la décision de 2010, la société Financière de l'échiquier souligne que l'AMF n'a pris aucune décision quant à la radiation des actions Radiall et qu'une telle décision n'est ni de la compétence de l'AMF ni de celle de la cour.
Sur les demandes de dommages-intérêts des sociétés Hodiall et Radiall, la société Orfim soutient que cette demande est irrecevable dans le cadre du recours formé contre une décision de conformité d'une offre. La société Financière de l'échiquier oppose l'incompétence de la cour sur cette question, la prescription de l'action, l'inexistence d'une faute qui aurait consisté pour la société Financière de l'échiquier à ne pas apporter ses titres à l'offre publique d'achat de 2010, l'inexistence du préjudice qui serait basé sur un prix de rachat volontaire en 2015 supérieur à celui de l'offre de 2010, et l'absence de tout lien de causalité entre les deux.
Les requérantes réfutent l'existence de tout abus du droit d'agir en justice et relèvent l'incompétence de la cour saisie sur le fondement de l'article R. 621-46 du code monétaire et financier pour trancher ce point.
L'AMF demande à la cour de débouter de l'ensemble de leurs demandes les requérantes, l'initiateur et la cible.
Le Ministère public conclut au rejet des recours ainsi qu'au rejet des demandes des sociétés Orfim et Financière de l'échiquier.
SUR CE
Sur la demande d'annulation de la décision attaquée au motif que l'AMF n'aurait pas répondu à la demande de la société Orfim tendant à ce que soit mise en oeuvre une offre publique de retrait
La société Orfim reproche à l'AMF de ne pas avoir informé le marché de la demande d'offre publique de retrait qu'elle avait déposée le 12 décembre 2016 sur le fondement de l'article 236-1 du règlement général de l'AMF et d'avoir ainsi favorisé le traitement de l'offre publique d'achat simplifiée de la société Hodiall en altérant le consentement des actionnaires dans leurs arbitrages sur le titre Radiall.
Elle soutient que le rejet de la demande d'offre publique de retrait par la décision attaquée est sans motif, puisque ce rejet n'est qu'implicite, ce qui lui aurait été confirmé par une lettre que lui a adressée l'AMF le 6 mars 2017.
Subsidiairement, elle fait valoir qu'en procédant ainsi, l'AMF a fait prévaloir la demande relative à l'offre publique d'achat simplifiée de la société Hodiall, sans se prononcer sur sa demande de retrait obligatoire. Elle précise que, lorsqu'elle est saisie de deux demandes portant sur le même objet, le devoir de l'AMF est de les instruire et de statuer sur chacune d'elles. Selon elle, en décidant de ne statuer que sur une des demandes, l'AMF délaisse la protection des intérêts de celui des demandeurs qu'elle laisse sans réponse.
L'AMF oppose que, si la société Orfim pouvait juridiquement se prévaloir des dispositions de l'article 236-1 du règlement général, elle ne pouvait tenir pour acquis que l'AMF imposerait la mise en oeuvre d'un retrait obligatoire. En conséquence, elle estime que la requérante ne saurait se prévaloir de prétendus silence et rejet de sa part alors que, par la décision attaquée, les actionnaires de la société Radiall se voient précisément offrir une liquidité sur leurs actions Radiall au même titre que celle dont ils auraient pu bénéficier dans le cas de la mise en oeuvre d'une éventuelle offre publique de retrait.
Le recours dont la cour est saisie porte sur la décision de conformité de l'offre publique d'achat simplifiée visant les titres de la société Radiall prononcée par l'AMF le 22 décembre 2016 sous la référence 216C2906.
Cette décision n'évoque nullement la demande d'offre publique de retrait déposée par la société Orfim le 12 décembre 2016, ni ne lui apporte de réponse.
Elle se borne à indiquer que « l'AMF a déclaré conforme le projet d'offre publique d'achat simplifiée en application de l'article 231-23 du règlement général, cette décision emportant visa du projet de note d'information de la société Hodiall sous le n° 16'598 en date du 22 décembre 2016 ».
Elle énonce, dans ses développements, que « [s]i cette décision s'inscrit dans le contexte d'une demande de radiation des actions Radiall en application des règles de marché d'Euronext Paris, elle ne peut pour autant être considérée comme relevant des dispositions légales et réglementaires relatives au retrait obligatoire ; il en serait de même si la présente offre publique ressortissait des dispositions de l'article 236-1 du règlement général ». Par cette précision, l'AMF affirme expressément qu'elle statue sur la seule demande d'offre publique d'achat simplifiée au regard des dispositions légales et réglementaires qui lui sont applicables et non de celles relatives au retrait obligatoire ou de celles l'article 236-1 du règlement général de l'AMF, dont elle exclut l'application dans le cadre de la demande de l'espèce. Si la référence à ce texte pourrait être interprétée comme signifiant que l'AMF traiterait une demande de retrait sur le fondement de l'article 236-1 du règlement général comme ne relevant pas des dispositions du retrait obligatoire, il n'en demeure pas moins que la décision attaquée, telle qu'elle est rédigée, ne statue que sur la demande d'offre publique d'achat simplifiée.
Il s'en déduit que l'AMF n'a pas, dans cette décision, rejeté la demande de la société Orfim fondée sur l'article 236-1 du règlement général, et les termes de la lettre du 6 mars 2017, par laquelle l'AMF a répondu à la société Orfim qui l'interrogeait sur les motifs du rejet de sa demande d'offre publique de retrait à laquelle l'AMF n'avait pas répondu dans le délai de deux mois, ne peuvent modifier ce constat ni conduire à interpréter a posteriori la décision dans un sens différent de celui qui résulte sans ambiguïté de ses termes.
Dans ces circonstances, la décision attaquée ne peut être annulée pour défaut de motivation d'un rejet qu'elle ne prononce ni expressément ni implicitement, et les moyens par lesquels la société Orfim critique le rejet de cette demande ou dénonce le manquement de l'AMF à l'information des actionnaires sont inopérants.
Quant au moyen par lequel la requérante reproche à l'AMF de pas avoir respecté l'égalité des actionnaires en ne répondant pas, dans la décision attaquée, à la demande d'offre publique de retrait, la cour considère que l'AMF n'avait pas l'obligation de traiter de façon conjointe les deux demandes, ce qui ne lui était d'ailleurs pas demandé.
Sur la précision selon laquelle la radiation devait intervenir automatiquement à l'issue de l'offre publique d'achat simplifiée
La société Orfim reproche à l'AMF d'avoir, dans sa décision, annoncé que les actions seront radiées et donné son visa à la note d'information alléguant que la radiation est déjà « accordée » et qu'elle « interviendra automatiquement ». Elle fait valoir que, de ce fait, la décision attaquée trompe le marché.
Cependant, la précision dans la décision attaquée selon laquelle « À l'issue de la présente offre publique, les actions de la société Radiall seront radiées du marché réglementé Euronext Paris en application des règles de marché d'Euronext. L'initiateur n'a pas l'intention de demander la mise en oeuvre d'un retrait obligatoire à l'issue de l'offre » est placée dans la description de l'offre et de ses conditions. Elle ne peut être analysée comme une décision prise par l'AMF, d'autant plus que la décision de radiation relève, dans le cas de l'espèce, de la seule compétence de la société Euronext Paris.
Par ailleurs, la précision dans la décision attaquée par laquelle l'AMF indique avoir apposé, le 22 décembre 2016 le visa n° 16-599 sur la note d'information établie par la société Radiall en réponse à l'offre publique d'achat simplifiée, n'a pas pu tromper le marché au sujet du caractère automatique de la radiation. En effet, si cette note énonce effectivement qu'« À l'issue de l'offre la radiation interviendra automatiquement en application de l'article 6905/1 des règles de marché harmonisées d'Euronext Paris, (...) puisque les conditions préalables posées à l'article P 1.4.2. des règles de marché non harmonisées d'Euronext Paris étaient d'ores et déjà réunies au moment où Radiall a procédé à sa demande de radiation et que celle-ci lui a été accordée le 9 décembre 2016 par l'entreprise de marché », le visa donné par l'AMF ne fait que garantir que celle-ci a vérifié « si le document est complet et compréhensible et si les informations qu'il contient sont cohérents », ainsi que le requiert l'article L. 621-8-1 I du code monétaire et financier. La cour relève à ce sujet que la société Orfim n'apporte aucun élément qui permettrait de remettre en cause l'affirmation des sociétés Hodiall et Radiall, affirmation, non contestée par l'AMF, selon laquelle la radiation aurait été « accordée » par la société Euronext Paris le 9 décembre 2016.
Il s'ensuit que les moyens ainsi soutenus par la société Orfim doivent être rejetés.
Sur l'étendue du contrôle du prix
La société Financière de l'échiquier reproche à l'AMF de ne pas avoir procédé à un contrôle renforcé du prix pour vérifier qu'il était au moins équivalent à celui qui aurait été fixé en cas de retrait obligatoire.
Elle précise à ce sujet que l'AMF doit offrir une protection équivalente aux actionnaires dont le titre est retiré de la cote quelles que soient les modalités de cette sortie. Elle rappelle que, lorsqu'elle examine la conformité d'une sortie de la cote par offre publique de retrait suivie d'un retrait obligatoire, l'AMF procède à un contrôle renforcé du prix, qui est alors qualifié d'indemnité et dont les critères d'appréciation sont précisés par l'article 237-16 du règlement général de l'AMF. Selon elle, la radiation de la cote réalisée dans le cadre de l'article P 1.4.2. des règles de marché non harmonisées d'Euronext Paris constitue une éviction de fait des actionnaires minoritaires, qui perdent, après la radiation, non seulement le bénéfice d'une information financière complète mais aussi la liquidité qu'offre la cotation en bourse. Elle en déduit que la radiation d'une action doit être assimilée, du point de vue des actionnaires minoritaires, à un retrait obligatoire.
La requérante fait valoir que l'analyse de l'AMF contredit la « décision » - qui est en réalité un avis - qu'elle a rendue en 2010, par laquelle elle avait affirmé que la radiation « léserait les intérêts des investisseurs », alors même que la situation du titre Radiall n'a pas changé depuis cette décision, et qu'elle revient ainsi sur une position historique de vigilance exercée, avant la loi instituant le retrait obligatoire en 1993, sur le prix des offres en cas d'offres de retrait suivies d'une radiation, puisque la sanction de la radiation des titres qui suit l'offre ne laisse que peu de choix aux minoritaires.
Il est précisé par l'article 233-2 du règlement général de l'AMF que, dans le cas d'une offre d'achat simplifiée, et sous réserve des dispositions des articles 231-21 et 231-22, le prix stipulé par l'initiateur de l'offre ne peut être inférieur, sauf accord de l'AMF, au prix déterminé par le calcul de la moyenne des cours de bourse, pondérée par les volumes de transactions, pendant les soixante jours de négociation précédant la publication de l'avis mentionné au premier alinéa de l'article 223-34, ou, à défaut, de l'avis de dépôt du projet d'offre mentionné à l'article 231-14. Le prix déterminé ainsi est désigné sous le terme de prix plancher.
Dans le cas, comme celui de l'espèce, où l'offre est lancée par un initiateur qui dispose déjà du contrôle de la société visée au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce, le renvoi par l'article 233-2 du règlement général à l'article 231-21 du même règlement conduit l'AMF à examiner, en outre, le prix au regard de l'analyse multicritères mise en oeuvre par l'expert indépendant, désigné sur le fondement de l'article 261-1 I 1° du règlement général aux fins d'apprécier le caractère équitable du prix.
L'analyse de la société Financière de l'échiquier, selon laquelle une offre publique d'achat simplifiée suivie d'un retrait de la cote a pour effet de placer les actionnaires minoritaires dans une situation identique à celle d'une offre publique de retrait suivie d'un retrait obligatoire et doit conduire à une « indemnisation » plutôt qu'à une « offre de prix équitable », n'est pas fondée, car les conséquences pour les détenteurs minoritaires de titres ne sont pas identiques dans ces deux cas de figure. En effet, et à titre principal, dans le cas d'une offre publique d'achat simplifiée suivie d'une radiation de la cote de la société, les actionnaires minoritaires ne sont pas privés de la propriété de leurs titres, ils peuvent continuer à percevoir les dividendes et décider de se maintenir dans la société tant qu'ils y trouvent leur intérêt. En outre, si la radiation de la cote prive les minoritaires d'une information financière plus précise et plus actualisée, ils gardent néanmoins la possibilité de s'informer de la situation de la société par l'accès qu'ils ont aux assemblées générales et aux documents établis à cette occasion. De surcroît, dans la mesure où cette offre d'achat simplifiée en vue d'une radiation n'est possible que pour les situations de liquidité très réduite, il ne peut être considéré que cette procédure prive les détenteurs du titre concerné de la liquidité qu'offre la cotation en bourse, puisqu'ils ne disposent précisément pas de cet avantage.
Il ne peut être reproché à l'AMF, saisie de cette offre publique d'achat simplifiée dans des conditions réglementaires et de fait différentes de celles qui avaient présidé à son avis de 2010, d'avoir modifié son analyse de la sauvegarde des intérêts des actionnaires minoritaires.
En effet, depuis qu'elle a rendu son avis du 7 septembre 2010, une réflexion sur l'attractivité du marché boursier français a conduit à chercher des solutions pour rendre plus aisée la décision d'entrée en facilitant la sortie de la cotation. Elle a abouti à la modification des règles d'Euronext Paris, approuvées par l'AMF le 23 juin 2015 et entrées en vigueur le 20 juillet suivant. Les dispositions de l'article P 1.4.2 du livre II des règles de marché d'Euronext encadrent désormais la radiation pour faible liquidité du titre de conditions proffre publique de retraites à garantir les intérêts des minoritaires, d'abord, en limitant la radiation à des situations strictement définies, dans lesquelles il est constaté la très faible liquidité du titre concerné sur une période de temps d'une année, ensuite, en obligeant l'initiateur de l'offre liée à la radiation à s'engager à acquérir les titres au prix de l'offre pendant trois mois à compter de la clôture de celle-ci, et, enfin, en obligeant ledit initiateur, pendant une période d'un an, d'une part, à publier tout franchissement qu'il effectuerait à la hausse ou à la baisse du seuil de 95 % des titres de capital de l'émetteur ou de droits de votes associés, d'autre part, à ne pas proposer la modification de la forme sociale de l'émetteur pour devenir une société par actions simplifiée.
Ces dispositions ont conduit à ce que l'AMF n'examine pas la demande d'offre publique d'achat simplifiée au regard des conséquences qu'il y aurait à tirer de l'importance du flottant, question qu'elle n'avait pas à examiner, ainsi que l'indique par ailleurs la société Orfim dans ses conclusions du 22 mars 2017.
Il s'en déduit que c'est à juste titre que l'AMF a procédé au contrôle du caractère équitable du prix de l'action Radiall au regard du prix plancher, de l'information produite par la banque présentatrice, des travaux et de l'attestation d'équité de l'expert indépendant.
Sur le prix de l'offre
Sur la question de l'indépendance de l'expert désigné par la société Radiall
La société Financière de l'échiquier conteste que l'expert indépendant désigné par la société Radiall ait rempli les conditions d'indépendance et d'objectivité requises par la réglementation. Elle relève à ce sujet que le processus de désignation de l'expert n'était pas objectif dans la mesure où le conseil de surveillance ayant procédé à cette désignation comprenait cinq membres de la famille G. et deux membres extérieurs seulement.
Elle réfute l'objectivité de l'expert, dont elle considère qu'elle a été nécessairement altérée dans la mesure où ce même expert avait déjà, en 2010, accompli une mission identique pour la société Radiall et, de surcroît, conclu au caractère équitable d'un prix de 63 euros par action, soit un prix près de quatre fois inférieur aux 255 euros proposés.
Elle reproche, enfin, à cet expert de ne pas avoir exposé en quoi cette précédente mission n'altérait ni son indépendance ni l'objectivité de son jugement.
Il convient de rappeler que l'article 261-4 I du règlement général de l'AMF précise que l'expert indépendant ne doit pas être en situation de conflit d'intérêts avec les personnes concernées par l'offre publique ou l'opération et leurs conseils et que les cas dans lesquels l'expert indépendant est considéré en situation de conflit d'intérêts sont précisés dans une instruction de l'AMF, sans que la liste établie soit exhaustive. Ce texte ajoute que l'expert indépendant ne doit pas intervenir de manière répétée avec le ou les mêmes établissements présentateurs, ou au sein du même groupe, lorsque la fréquence de ces interventions est susceptible d'affecter son indépendance. L'instruction AMF n° 2006-08 indique que, pour l'application de l'article 261-4 du règlement général, l'expert est considéré comme étant dans une situation de conflit d'intérêts lorsqu'il a procédé à une évaluation de la société visée par l'offre publique ou qui réalise l'opération au cours des dix-huit mois précédant la date de sa désignation.
Il est constant que le cabinet L., désigné comme expert indépendant par la société Radiall le 11 octobre 2016, et qui a établi le rapport d'attestation d'équité, était intervenu pour une mission identique en 2010 dans le cadre de l'offre publique de rachat d'actions, assortie d'une offre publique d'achat simplifiée sur les bons de souscriptions ou d'achat d'actions Radiall. Il signale d'ailleurs lui-même ce mandat antérieur dans son rapport.
Il n'est pas contesté que cet expert a été désigné par le conseil de surveillance de la société Radiall, composé de cinq membres de la famille G. et de deux membres indépendants.
Toutefois, sur ce dernier point, la cour relève que la présence de ces personnes participant à l'initiative de l'offre, au sein du conseil de surveillance de la société Radiall qui a procédé à la désignation de l'expert, ne permet pas de considérer, en soi, que cet expert n'aurait pas été indépendant dans l'accomplissement de sa mission.
Il en va de même de la mission accomplie par lui plus de cinq ans auparavant sur les titres de la même société, alors même que cette appréciation avait été validée par l'AMF le 26 janvier 2010 et qu'aucune mise en cause de l'indépendance de l'expert n'avait alors été relevée. À ce sujet, la différence entre le prix de l'offre alors considérée comme équitable par l'expert et le prix de l'offre de l'espèce, qui s'explique, d'un côté, par le fait que le marché avait, durant l'année 2009, subi une chute de près de 22 % en valeur (rapport de l'expert L. p. 16), de l'autre, par la forte croissance de la société Radiall durant les six années suivantes, ne saurait conduire à la mise en cause de l'indépendance de l'expert ou à l'objectivité de son appréciation.
Enfin, la cour observe que, conformément aux dispositions de l'article 261-4 II du règlement général de l'AMF, l'expert a mentionné sa prestation de 2010 dans sa déclaration attestant de l'absence de tout lien passé, présent ou futur connu de lui avec les personnes concernées par l'offre susceptible d'affecter son indépendance et l'objectivité de son jugement lors de l'exercice de sa mission. Il n'avait, à ce sujet, pas l'obligation d'expliquer en quoi il estimait que cette intervention précédente n'était pas de nature à affecter son indépendance et l'objectivité de son appréciation.
Sur les critiques portées contre l'évaluation du prix de l'offre
La société Financière de l'échiquier oppose que le prix proposé de 255 euros par action est à l'évidence insuffisant au regard de la règle de la valorisation multicritères, car il est très inférieur à celui issu des méthodes analogiques, qu'il s'agisse de la méthode des transactions comparables ou de celle des multiples de sociétés comparables.
Elle relève que l'établissement présentateur de l'offre a lui-même déterminé que la fourchette de prix issue de la méthode des transactions comparables s'établirait entre 384,7 euros et 392,1 euros et conteste qu'il ait ensuite écarté cette méthode en indiquant que l'échantillon serait insuffisant et les sociétés en cause pas rigoureusement identiques, alors même que l'établissement présentateur a identifié six transactions comparables au cours des seules trois dernières années.
Toutefois cette critique est dépourvue de fondement dans la mesure où les transactions comparables relevées, qui sont au nombre de cinq et non de six, sur la période de 2013 à 2015, sont effectivement peu nombreuses et qu'ainsi que l'a relevé l'expert indépendant, l'information qui s'en dégage est en conséquence parcellaire. De plus, la cour relève que cette méthode n'a, contrairement à ce que soutient la société requérante, pas été écartée, mais a néanmoins été retenue à titre de recoupement. Le fait que le prix d'offre présente une décote de plus de 35 % par rapport à la méthode des transactions comparables n'est, dans ces circonstances, pas de nature à remettre en cause la crédibilité de l'expert indépendant ou la pertinence de son analyse.
Par ailleurs, si l'expert a fixé une décote de 20 % dans le cadre de la valorisation analogique par les comparables boursiers, il a néanmoins expliqué ce choix en ce qu'il traduit le risque spécifique que supporte le groupe Radiall par rapport à ses comparables, compte tenu du différentiel de taille. Il précise à ce sujet que cette décote est cohérente avec la prime spécifique de 2 % intégrée en valorisation intrinsèque dans le taux d'actualisation et se situe dans la fourchette des décotes de tailles évoquées dans la littérature financière.
Ne peut non plus être retenu comme une incohérence l'application de cette décote dans l'application de la méthode des multiples de sociétés comparables, alors que l'expert ne l'avait pas fait dans son analyse de 2010, puisque ce dernier a expliqué que, dans le contexte de consolidation et de concentration du secteur de la connectique, l'échantillon de sociétés à comparer était restreint et que la société Radiall n'étaient pas comparable, en taille et en termes de modèle économique développé, à ses concurrentes.
En outre et contrairement à ce que soutient la société Financière de l'échiquier, l'expert, en indiquant que la méthode des évaluations analogiques par les comparables boursiers et par les comparables transactionnels ne permettait plus d'apprécier correctement la valeur de l'action, mais que ces méthodes pourraient contribuer à l'appréciation de l'équité d'un prix d'offre de retrait obligatoire, qui n'est pas la qualification juridique de l'offre, n'a pas pour autant limité son contrôle à un contrôle formel, ni ne s'est « dissimulé derrière la qualification formelle de l'offre en faisant abstraction du fait que cette offre est le préalable à une sortie de la cote par radiation ».
En effet, l'expert a relevé à juste titre que le prix de l'offre, dans le contexte de l'espèce d'une offre publique d'achat simplifiée dans la perspective d'une radiation, n'avait pas à correspondre à une indemnisation, puisqu'ainsi qu'il a été précisé précédemment, les détenteurs des titres n'avaient aucune obligation de les céder. La cour relève qu'en tout état de cause, l'expert n'a pas exclu que les appréciations de la méthode analogique puissent être prises en compte dans le cadre précis de l'espèce, puisqu'il y a lui-même procédé dans son rapport et en a exposé les résultats. Le fait qu'il explique pourquoi les résultats de ces méthodes ne permettaient pas d'apprécier correctement la valeur de l'action ne l'a pas conduit à ne pas les mentionner, permettant que ces résultats soient, avec les réserves résultant des particularités du secteur et des différences entre les sociétés comparées, néanmoins un point de comparaison du prix de l'offre.
C'est encore à juste titre que l'expert indépendant a pris en considération dans son appréciation les cours de bourse en dépit de la faible liquidité du titre, puisqu'ainsi qu'il a été rappelé précédemment, en application de l'article 233-3 du règlement général de l'AMF, dans le cas d'une offre d'achat simplifiée, le prix plancher est déterminé au regard des cours de bourse. De plus, il ne peut être contesté que la faible liquidité, raison même du projet de radiation, constitue une caractéristique du titre et donc un élément de sa valeur. Il est sans portée que, dans le cadre d'une autre espèce correspondant à un retrait obligatoire, l'évaluateur ait écarté cette référence au motif de l'absence de liquidité.
S'agissant de la pertinence de l'analyse menée au regard des flux de trésorerie d'exploitation disponibles générés par l'activité de la société Radiall, la société Financière de l'échiquier se borne à mettre en cause la valeur prédictive des anticipations du management, qui, selon elle a tout intérêt à minorer ses prévisions, sans apporter aucun élément permettant d'envisager, voire de constater une telle minoration.
La pertinence et la cohérence de l'analyse menée à ce titre par l'expert indépendant ne sauraient être mises en cause au seul motif qu'en 2010, soit six années plus tôt, les énonciations des dirigeants de l'entreprise selon lesquelles le chiffre d'affaires, qui avait baissé en 2009, ne progresserait pas, auraient été démenties ensuite. Ce qui s'explique, au demeurant, par le fait, relevé par les sociétés Radiall et Hodial, que le chiffre d'affaires du premier semestre de 2009 était en retrait par rapport à celui de 2008 et que ce n'est qu'au second semestre qu'il a progressé.
En outre, la société Financière de l'échiquier critique la validité de la prise en compte des dernières transactions et fait valoir à ce sujet que celles-ci sont intervenues dans un contexte très particulier, puisque la société Radiall évoquait avec insistance la perspective d'une radiation, qu'elle était encore en procès contre la société Euronext Paris à ce sujet et qu'elle pouvait bénéficier depuis 2015 de la nouvelle réglementation relative à la radiation.
Cependant, tous ces éléments de contexte liés à la volonté des dirigeants de la société Radiall de sortir de la cote s'attachent incontestablement aux titres pour en constituer une caractéristique, et les valeurs de cession des titres intervenues l'année précédant l'offre n'avaient pas à être écartées compte tenu du contexte dans lequel elles sont intervenues.
Ainsi, aucune des critiques sur l'absence de pertinence et de cohérence des méthodes de l'expert n'est fondée. Les moyens développés à ce titre par la société Financière de l'échiquier doivent en conséquence être rejetés et l'analyse de la pertinence et de la cohérence de l'information à laquelle a procédé l'AMF doit être validée.
Sur la nature de l'offre
La société Financière de l'échiquier soutient que la société Radiall est, en réalité, l'initiateur de l'offre puisqu'une fois celle-ci achevée, il est prévu que les initiateurs cèdent l'intégralité des titres à la société Radiall. Elle expose que ce procédé est prohibé par l'article L. 225'216 du code de commerce, qui dispose qu'une société ne peut avancer des fonds, accorder des prêts ou consentir une sûreté en vue de la souscription ou de l'achat de ses propres actions par un tiers. Selon elle, en garantissant, dès avant l'offre publique, un rachat des titres, les actionnaires de contrôle de Radiall font peser sur cette société le prix du rachat de ses propres actions, ce qui correspond à une offre publique de rachat d'actions de fait, alors même que les dispositions réglementaires régissant la radiation ne permettent pas sa mise en oeuvre à l'issue d'une offre publique de rachat d'actions.
Cependant, ainsi que le fait observer à juste titre l'AMF, si les règles d'Euronext prévoient la mise en oeuvre d'une offre publique d'achat simplifiée par l'actionnaire qui détient au moins 90 % des droits de vote de la société pour laquelle une radiation des actions est demandée, ces règles n'interdisent pas que l'initiateur revende ensuite ses titres à la société visée par l'offre publique d'achat simplifiée. Par ailleurs, le droit des sociétés n'interdit pas à une société d'acquérir ses propres titres, sous réserve de respecter les conditions et modalités prévues aux articles L. 225-206 à L. 225-217 du code de commerce. Or, en l'espèce, aucun manquement potentiel à ces conditions et modalités n'est démontré.
En ce qui concerne la violation alléguée à L. 225-216 du code de commerce, la cour relève que la société Radiall n'a pas fait l'avance des fonds pour l'acquisition de ses propres actions, puisque ceux-ci ont été fournis par le concert majoritaire, elle n'a pas non plus accordé de prêt à l'initiateur, ni ne lui a consenti une sûreté dès lors que le rachat des actions sera effectué alors même que les vendeurs auront été payés par l'initiateur. Le projet ainsi envisagé par la société Radiall ne constitue pas un procédé de contournement des dispositions de l'article L. 225-216 du code de commerce.
Sur ce point, la société Financière de l'échiquier n'est pas fondée à invoquer une similarité de la situation de l'espèce avec l'affaire Prodef, dans le cadre de laquelle l'AMF avait, le 2 novembre 2010, déclaré conforme le projet d'offre publique de rachat par la société Prodef de ses propres actions. En effet, si, dans cette affaire, l'AMF avait relevé que le prix de l'offre publique de rachat d'actions était équitable pour les actionnaires minoritaires « y compris dans la perspective d'un retrait obligatoire », c'est parce que la société Prodef, qui était l'initiateur de l'offre visant ses propres actions, avait précisé que celle-ci était mise en oeuvre dans le cadre d'un rachat d'actions et d'une réduction de capital à l'issue desquels, si le concert majoritaire de la société détenait plus de 95 % des titres, serait déposé un projet d'offre publique de retrait suivie par un retrait obligatoire visant les actions non détenues par le concert majoritaire. Dans un tel cadre, il était donc nécessaire que le prix de l'offre soit équitable, y compris dans le cadre d'un retrait obligatoire. Mais une telle exigence n'avait pas à être remplie dans le cadre d'une offre pour laquelle il était précisé qu'à l'issue de celle-ci, l'initiateur n'envisageait pas de demander le retrait obligatoire.
Enfin, le risque, invoqué par la société Financière de l'échiquier, de faire supporter par la société émettrice la relution du majoritaire, n'est pas constitué en l'espèce puisqu'en l'absence de retrait obligatoire, les actionnaires minoritaires peuvent rester au capital de la société et bénéficieront tout autant que l'actionnaire majoritaire de la relution réalisée au terme de l'opération envisagée.
Il s'ensuit qu'ainsi que l'a déclaré l'AMF pour de justes motifs que la cour adopte, le projet d'offre publique d'achat simplifiée est conforme aux dispositions législatives et réglementaires qui lui sont applicables et que les recours formés par les sociétés Orfim et Financière de l'échiquier doivent être rejetés.
Sur les demandes des sociétés Radiall et Hodiall tendant à voir constater que l'AMF a retiré son avis du 14 septembre 2010, a justement fait droit à leur demande de radiation et s'est engagée à ce que la radiation intervienne dès que possible à l'issue de la clôture définitive de l'offre publique d'achat simplifiée
Les sociétés Radiall et Hodiall demandent à la cour de constater qu'en adoptant la décision attaquée, l'AMF a fait droit à la demande de radiation présentée par la société Radiall et qu'elle a donc implicitement mais nécessairement accepté d'abroger ou de retirer la décision de refus prise en sens inverse par son collège en 2010. Elles invoquent sur ce point la lettre de la décision attaquée et l'article L. 421-15 II du code monétaire et financier, selon lequel le président de l'AMF peut requérir la radiation auprès de l'entreprise de marché.
Cependant, la juridiction de la cour, saisie dans le cadre de l'article L. 621-30 du code monétaire et financier, ne peut s'exercer que dans la seule limite des compétences de l'AMF qui a prononcé la décision attaquée. En l'espèce, il n'appartenait pas à l'AMF de faire droit à la demande de radiation présentée par la société Radiall, comme le soutiennent les sociétés Radiall et Hodiall, puisque cette décision relève de la compétence de l'entreprise de marché, la société Euronext Paris. L'AMF ne pouvait pas non plus, dans le cadre de la demande de conformité des sociétés Radiall et Hodiall, abroger ou retirer un avis rendu antérieurement, tel celui qu'elle avait rendu le 14 septembre 2010, concernant une demande présentée en outre dans le cadre d'une réglementation alors différente.
Il s'en déduit que les demandes ainsi présentées sont irrecevables.
Il en est de même et pour le même motif de la demande tendant à ce que soit constaté que l'AMF s'est personnellement engagé à faire en sorte que la radiation décidée par la société Euronext Paris intervienne dès que possible à l'issue de la clôture définitive de l'offre publique d'achat simplifiée, engagement que l'AMF réfute d'ailleurs avoir pris.
Sur la demande de dommages-intérêts formée par les sociétés Radiall et Hodiall
Les sociétés Radiall et Hodiall exposent que le recours des société Orfim et Financière de l'échiquier est abusif.
Elles font valoir que le recours contient des éléments révélant rétrospectivement le caractère fautif de certains agissements de ces deux sociétés.
Ainsi, selon elles, l'objectif poursuivi par les sociétés Orfim et Financière de l'échiquier est de faire obstacle à la radiation de la société Radiall, comme en témoignent leurs agissements dans le cadre de cette affaire. Elles citent à ce sujet leur requête aux fins de sursis à exécution, mais aussi le fait que la société Financière de l'échiquier a préféré s'entendre avec la société Orfim afin de lui vendre la moitié de sa participation en janvier 2010, plutôt qu'à la société Radiall qui lui en offrait le même prix et alors qu'elle qualifie aujourd'hui ce prix de lésionnaire. En révélant qu'elles agissent en bonne intelligence pour s'opposer ensemble au projet de radiation conduit par la société Radiall, les société Orfim et Financière de l'échiquier confirmeraient, selon les sociétés Radiall et Hodiall, le caractère fautif de l'opération qu'elles ont réalisé en 2010.
Les sociétés Radiall et Hodiall concluent que, dans ces conditions, les sociétés Orfim et Financière de l'échiquier devront être solidairement condamnées par la cour à réparer le préjudice résultant de cette faute et constitué du surcoût que représente le prix payé par les sociétés Radiall et Hodiall pour réussir à faire tomber le pourcentage des minoritaires sous le seuil des 10 %. Elles invoquent à ce titre plusieurs préjudices.
La faute ainsi invoquée par les sociétés Radiall et Hodiall ne réside pas dans le caractère abusif du recours des société Orfim et Financière de l'échiquier, mais dans un comportement d'obstruction que celles-ci auraient mis en oeuvre pour s'opposer aux tentatives de la société Radiall de sortir de la cote.
Or, ainsi qu'il a été rappelé précédemment, la juridiction de la cour, saisie dans le cadre d'un recours sur le fondement de l'article L. 621-30 du code monétaire et financier, ne peut s'exercer que dans la seule limite des compétences de l'AMF qui a prononcé la décision attaquée et ne saurait s'étendre à des questions relatives aux comportements des parties dans le cadre de l'offre publique d'achat et invoqués comme constituant des comportements de nature à engager une responsabilité civile.
Les demandes formées à ce titre par les sociétés Radiall et Hodiall doivent en conséquence être déclarées irrecevables.
Par ailleurs, les sociétés Radiall et Hodiall font valoir que le recours des sociétés Orfim et Financière de l'échiquier est abusif pour avoir été formé à des fins purement dilatoires. Elles exposent à ce sujet que, si ces sociétés s'opposent à l'opération de radiation souhaitée par la société Radiall, c'est parce qu'elles espèrent réaliser d'importantes plus-values lors de la revente de leurs titres dans le cas d'un retrait obligatoire. Pourtant elles ne pourraient ignorer qu'elles n'ont pas la possibilité d'obliger la société Hodiall à leur verser un prix supérieur à 255 euros.
Elles ajoutent que les sociétés Orfim et Financière de l'échiquier sont malvenues de prétendre agir dans l'intérêt du marché ou encore des autres actionnaires minoritaires de la société Radiall, puisque la moitié d'entre eux s'est déjà prononcée en faveur de l'offre publique d'achat simplifiée à laquelle leurs titres ont été apportés. Elles en concluent que l'objectif des requérantes est de paralyser la prise d'effet de la radiation qu'a accordée la société Euronext Paris le 9 décembre 2016 et que celles-ci ont de façon évidente détourné la procédure judiciaire prévue par l'article R. 621-30 du code monétaire et financier.
La cour relève toutefois que l'exercice d'une voie de droit ne dégénère en faute susceptible d'entraîner une condamnation au paiement de dommages-intérêts que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi. Or le seul fait de chercher à réaliser d'importantes plus'values ne constitue pas une faute de la part d'un investisseur. Il en est de même du fait pour des parties de mettre en oeuvre des actions proffre publique de retraites à s'opposer à la réalisation d'une opération dont elles estiment les conditions contraires à leurs intérêts. Enfin, le fait de se méprendre sur la portée de ses droits ne constitue pas un acte de malveillance ou de mauvaise foi.
Dans ces circonstances la demande de condamnation au paiement de dommages'intérêts pour procédure abusive doit être rejetée.
Sur les frais irrépétibles
Il serait inéquitable de laisser à la charge des sociétés Radiall et Hodiall la totalité des frais qu'elle ont exposé pour défendre la décision attaquée par le présent recours et les sociétés Orfim et Financière de l'Echiquier seront condamnées à leur verser la somme globale de 10 000 euros à chacune.
PAR CES MOTIFS
Rejette les recours formés par la société Orfim et la société Financière de l'échiquier contre la décision de conformité du projet d'offre publique d'achat simplifiée visant les actions de la société Radiall, rendue par l'Autorité des marchés financiers le 22 décembre 2016 ;
Déclare irrecevables les demandes tendant à ce que la cour constate que l'Autorité des marchés financiers a fait droit à la demande de radiation de la cote présentée par la société Radiall, a accepté de retirer ou d'abroger la décision de refus prise en 2010 et qu'il soit jugé, d'une part, que l'Autorité des marchés financiers a eu raison de faire droit à la demande radiation présentée par la société Radiall car celle-ci respecte les conditions légales posées par l'article L. 421-15 du code monétaire et financier, d'autre part, que la radiation décidée par la société Euronext Paris interviendra immédiatement après la clôture définitive de l'offre publique d'achat simplifiée ;
Déclare irrecevable la demande de condamnation au paiement de dommages'intérêts formée par les sociétés Radiall et Hodiall à raison d'une faute prétendument commises dans le cadre de l'opération du 29 janvier 2010 ;
Rejette les autres demandes de condamnation au paiement de dommages'intérêts formées par les sociétés Radiall et Hodiall au titre de la procédure abusive ;
Condamne la société Orfim et la société Financière de l'échiquier à verser à la société Radiall et à la société Hodiall la somme globale de 10 000 euros chacune en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Orfim et la société Financière de l'échiquier aux dépens du recours.