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Décisions

CA Montpellier, 2e ch. civ., 29 octobre 2020, n° 19/04583

MONTPELLIER

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Gregori

Conseillers :

M. Jouve, Mme Sarret

JEX Montpellier, du 12 juin 2019

12 juin 2019

EXPOSE DU LITIGE :

Le 19 février 2019, Madame Danièle P. a fait pratiquer une saisie-attribution entre les mains de la Banque Dupuy de Parseval sur un compte créditeur ouvert au nom de Monsieur Pierre K. pour avoir paiement de la somme totale de 6 780, 38 € en principal, intérêts et frais en exécution d'un acte notarié exécutoire reçu le 14 juin 2013 par la SCP A. Jean-Philippe.

Cette saisie-attribution a été dénoncée à Monsieur Pierre K. le 21 février 2019.

Monsieur Pierre K. a saisi le juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de Montpellier de plusieurs contestations par exploit d'huissier en date du 6 mars 2019.

Le juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de Montpellier de Béziers a, par jugement du 17 juin 2019 :

- débouté Monsieur Pierre K. de ses demandes de nullité de la saisie-attribution du 19 février 2019, de mainlevée de cette mesure et de paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive

- condamné Monsieur Pierre K. au paiement de la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Ce jugement a été notifié à Monsieur Pierre K. par le greffe du juge de l'exécution par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, revenu signé le 19 juin 2019.

Monsieur Pierre K. a interjeté appel de cette décision par déclaration signifiée par la voie électronique le 2 juillet 2019.

L'affaire a été fixée à bref délai à l'audience du 6 février 2020 et l'ordonnance de clôture a été rendue le 30 janvier 2020.

A l'audience du 6 février 2020, l'affaire a été renvoyée à celle du 24 septembre 2020 en raison du mouvement de grève des avocats du Barreau de Montpellier.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par la voie électronique le 9 septembre 2019, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, Monsieur Pierre K. demande à la cour de :

* réformer la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

* Et statuant à nouveau,

- dire et juger que les intérêts au taux légal ne courent qu'à compter de la date du commandement de payer ;

- constater que l'acte notarié prévoit expressément que les frais d'exécution seront à la charge exclusive de Madame P.;

- constater qu'en tout état de cause, il n'était pas redevable, à la date de la saisie attribution, des frais de recouvrement qui y sont mentionnés ;

- En conséquence, ordonner la mainlevée de la saisie attribution pratiquée le 19 février 2019 entre les mains de la BANQUE DUPUY DE PARSEVAL, tiers saisi, au préjudice de Monsieur Pierre K. ;

- ordonner la restitution par Madame P. de la somme de 6 780,38 € qu'elle s'est fait attribuer et au besoin l'y condamner;

- condamner Madame Danièle P. à lui payer la somme de 3 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et injustifiée ;

- condamner Madame Danièle P. à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par ordonnance du 9 janvier 2020, la présidente de la présente chambre a prononcé l'irrecevabilité des conclusions signifiées par la voie électronique le 12 décembre 2019 par le conseil de Madame P. Danièle.

A l'audience du 24 septembre 2020, le conseil de Monsieur Pierre K. a été autorisé à produire en délibéré le justificatif de l'envoi de la dénonce à l'huissier de justice instrumentaire de l'assignation délivrée devant le juge de l'exécution aux fins de vérification des prescriptions de l'article R 211-11 du code de procédure civile d'exécution.

L'affaire a été mise en délibéré au 26 octobre 2020.

Le conseil de Monsieur Pierre K. a adressé à la Cour la pièce justificative précitée par envoi reçu le 25 septembre 2020.

MOTIFS :

Il convient en préliminaire de rappeler que les conclusions de l'intimée ayant été déclarées irrecevables, Madame Danièle P., en l'absence de toute conclusion, est réputée s'être appropriée les motifs de la décision entreprise en application de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile.

Sur la recevabilité des contestations :

L'article R 211-11 du code de procédure civile d'exécution dispose :

'A peine d'irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou au plus tard le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie.

L'auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple et en remet une copie, à peine de caducité de l'assignation, au greffe du juge de l'exécution au plus tard le jour de l'audience.'

En l'espèce, Monsieur Pierre K. a saisi le juge de l'exécution de ses contestations à l'encontre de la saisie-attribution litigieuse par assignation du 18 mars 2019.

Monsieur K. produit le récépissé postal de la lettre de dénonciation de l'assignation à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie-attribution litigieuse, ce récepissé portant mention de la date du dépôt de ce courrier au 19 mars 2019, lendemain de l'assignation et établissant que les formalités prescrites par l'article R 211-11 du code de procédure civile d'exécution ont été accomplies.

Il convient, en conséquence, de constater que les contestations formées par Monsieur K. et soumises à l'appréciation du juge de l'exécution sont recevables.

Sur le fond

En application de l'article L. 213-6 du Code de l'organisation judiciaire, le Juge de l'Exécution connaît de manière exclusive des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit, à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.

Aux termes de l'article L 211-1 du code de procédure civile d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent.

Il convient de relever que Monsieur K. ne demande plus en cause d'appel la nullité de la saisie-attribution du 19 février 2019 soulevée devant le premier juge au motif de l'absence de justification d'un titre exécutoire fondant la saisie-attribution, à défaut pour l'acte notarié de lui avoir été signifié. Il convient, en conséquence, de confirmer les dispositions du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté cette demande de nullité.

Monsieur K. sollicite néanmoins la mainlevée de la mesure d'exécution aux motifs que les sommes figurant au procès-verbal de saisie-attribution au titre des intérêts et des frais de procédure sont injustifiés.

En ce qui concerne les intérêts, il fait valoir qu'aux termes de l'acte notarié fondant la saisie en cause, il a été autorisé à se libérer de la soulte due à Madame P. en six annuités de 12 022, 86 €, le paiement immédiat de cette soulte ayant donc été suspendu et les parties ont entendu subordonner l'exigibilité des sommes dues à la notification d'un commandement de payer préalable valant mise en demeure, de sorte qu'en application de l'article 1344-1 du code civil, seule cette mise en demeure est susceptible d'avoir fait courir les intérêts moratoires, qui ne sont dus en l'espèce qu'à compter du 6 décembre 2018, soit un montant dû de 142, 49 €.

S'agissant des frais de procédure, il soutient que les sommes relatives au commandement de payer du 6 décembre 2018 et à l'assignation du 5 janvier 2017 ne sont pas dues, en application des clauses claires de l'acte notarié qui prévoit que Madame P. devra faire son affaire personnelle de toute procédure d'exécution visant au recouvrement des sommes et alors qu'il n'a pas été condamné au paiement du commandement de payer et que les dépens ont été partagés entre les parties.

Pour ce qui concerne les intérêts, la clause figurant à l'acte notarié du 14 juin 2013 prévoit :

'Quant au surplus, soit la somme de soixante douze mille cent trente sept euros et vingt et un cents (72 137, 21 euros), il est stipulé payable en six annuités de douze mille vingt deux euros et quatre vingt six cents (12022, 86 euros) chacune, exigible le jour de la date anniversaire de la signature du présent acte de partage, ladite somme produisant intérêts au taux légal.

.....

Qu'à défaut de paiement exact à son échéance de ladite soulte et un mois après un simple commandement de payer demeuré infructueux énonçant l'intention de Madame d'user du bénéfice de la présente clause, les sommes à elle dues ou ce qui en restera alors dû deviendront immédiatement exigibles si bon lui semble, sans qu'il soit besoin de remplir aucune formalité judiciaire et nonobstant toutes offres de paiements et consignatons ultérieures'

Si l'article 1231-6 du code civil prévoit que les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt légal à compter de la mise en demeure et si l'article 1344-1 du même code dispose de même que la mise en demeure de payer une obligation de somme d'argent fait courir l'intérêt moratoire au taux légal, l'article 1344 dudit code stipule cependant que le débiteur est mis en demeure de payer soit par une sommation ou un acte portant interpellation suffisante, soit si le contrat le prévoit par la seule exigibilité de l'obligation.

En l'espèce, il ressort de la clause précitée que la somme produisant intérêts au taux légal est bien celle de 72 137, 21 euros comme le relève de manière pertinente le premier juge, l'emploi par les parties à l'acte du terme 'ladite somme' ne pouvant que renvoyer à la dette en son ensemble de 72 137, 21 euros identifiée également par le terme 'la somme de' et non au montant de 12 022, 86 euros correspondant à chaque annuité, auquel cas les parties auraient choisi d'indiquer 'ladite annuité'.

En conséquence, en prévoyant que la dette de Monsieur K. pour le tout produira intérêts au taux légal, sans prévoir expressément que ces intérêts ne courront qu'à compter d'une mise en demeure préalable, l'intention des parties a été de faire courir ces intérêts dés la naissance de la dette, en l'occurence, dés la signature de l'acte de partage et ce, indépendamment donc du paiement de son montant en annuité et donc indépendamment de l'exigibilité de chaque annuité.

Le fait que les parties aient prévu dans un autre paragraphe la délivrance d'un commandement de payer à défaut de paiement des annuités ne saurait constituer une stipulation contraire à ces dispositions, alors que les parties ont seulement entendu par cette mention formaliser l'exigibilité des sommes restant dues, ce qui ne remet pas en cause le calcul des intérêts au taux légal depuis la date de l'acte authentique.

C'est donc à bon droit que le premier juge a rejeté cette contestation, les intérêts figurant au procès-verbal de saisie- attribution du 19 février 2019 à hauteur de 5988 € et calculés à compter du 14 juin 2013 étant donc bien dûs.

S'agissant de la contestation relative aux frais, le procès-verbal de saisie- attribution retient notamment les frais d'une assignation en date du 5 janvier 2017 et d'un commandement de payer du 6 décembre 2018.

C'est également de manière pertinente que le premier juge a considéré que la clause figurant à l'acte de partage et selon laquelle il est mentionné que Madame P. s'engageait ' à faire son affaire personnelle de toute procédure d'exécution visant au recouvrement des sommes pouvant éventuellement être dues par Monsieur K. en cas d'impayé' n'a nullement eu pour effet de mettre à la charge de Madame P. les frais de recouvrement forcé qu'elle serait contrainte d'engager pour obtenir paiement de sa créance au titre de la soulte, objet de la saisie-attribution, alors d'une part que cette disposition, à la lecture de la clause en son entier, concerne non pas le recouvrement de ladite soulte mais la prestation compensatoire, les parties ayant, seulement entendu avertir Madame P. de ce qu'aucune garantie n'était conférée par Monsieur K. à Madame P. quant au paiement des sommes restant dues au titre de cette prestation et d'autre part qu'elle signifie uniquement que Madame P. devra exercer les actions nécessaires pour obtenir le recouvrement de sa créance, les parties, à défaut de stipulation contraire expresse, n'ayant pas entendu faire supporter à Madame P. la charge des frais relatifs à ces actions.

Par ailleurs, aux termes de l'article L 111-8 du code de procédure civile d'exécution, les frais de l'exécution forcée sont à la charge du débiteur, sauf s'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés.

Or, en l'espèce, l'acte authentique du 14 juin 2013 qui constitue le titre exécutoire servant de base à la mesure d'exécution litigieuse a prévu expressément, comme indiqué précédemment, la délivrance d'un commandement de payer à défaut de paiement des annuités, formalité préalable nécessaire à l'exigibilité des sommes dues. Il n'est, en conséquence, nul besoin d'une condamnation au paiement de ces frais pour mettre à la charge de Monsieur K. les frais correspondant au commandement de payer du 6 décembre 2018 dans le cadre de la cadre de la saisie-attribution en cause au titre des accessoires de la créance principale.

Enfin, s'agissant des frais d'assignation, ceux-ci se rapportent à l'assignation délivrée par Madame P. à Monsieur K. devant le Tribunal de Grande Instance de Montpellier afin d'obtenir le règlement anticipé de la soulte, assignation ayant donné lieu à un jugement du 5 octobre 2018 qui a ordonné le partage des dépens par moitié entre les parties. C'est à bon droit que Monsieur K. invoque le partage de son coût entre les parties, les dépens dont fait partie l'assignation en cause ayant été partagés par moitié entre ces dernières par le jugement du 5 octobre 2018. Le juge de l'exécution n'a pas le pouvoir de modifier le dispostif de cette décision de justice en application de l'article R 121-1 du code de procédure civile d'exécution.

En conséquence, les frais d'assignation du 5 janvier 2017 ne pourront être retenus à la charge de Monsieur K. qu'à hauteur de leur moitié, soit à la somme de 36, 36 euros, Madame P., dont les conclusions ont été déclarées irrecevables, ne produisant pas cet acte aux débats et n'établissant donc pas qu'il a été tenu compte dans le décompte de saisie de cette charge pour moitié.

Cette rectification relative aux frais n'a cependant pas pour effet de remettre en cause la validité de la mesure d'exécution du 19 février 2019 et d'entraîner sa mainlevée, puisqu'après déduction de la somme de 36, 36 euros, le montant de la saisie reste valable pour la somme totale de 6744, 02 €. C'est donc à bon droit que le premier juge a rejeté la demande de mainlevée de la saisie-attribution.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient ainsi d'infirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a, en rejetant l'intégralité des contestations et demandes de Monsieur K., implicitement validé la saisie-attribution pour la somme totale de 6 780, 38 €. Statuant à nouveau, il convient de valider la saisie-attribution du 19 février 2019 mais à hauteur de 6744, 02 €. Les autres dispositions du jugement entrepris seront confirmées.

Sur la demande de restitution des fonds formée par Monsieur K.

Monsieur K. demande la restitution des sommes versées à Madame P. à la suite du déblocage des fonds provenant de son compte créditeur, ces sommes ayant été débloquées à hauteur du montant de la saisie-attribution, soit de 6 780, 38 €.

Dans l'hypothèse où ce déblocage aurait eu lieu en vertu de l'execution provisoire du jugement entrepris, cette restitution ne peut cependant avoir lieu qu'à hauteur de 36, 36 € correspondant à la moitié des frais d'assignation non justifiés mis à sa charge, la saisie-attribution ayant été validée pour la somme de 6744, 02 €.

Il convient donc d'ordonner la restitution à Monsieur K. de la somme de 36, 36 € dans cette hypothèse.

Sur la demande de dommages et intérêts formée pour procédures abusives

Monsieur K. sollicite l'octroi de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral qu'il subit des procédures abusives diligentées par son ex-femme sans viser aucun fondement légal.

Tant aux termes de l'article L 213-6 du code de l'organisation judiciaire que de l'article L212- 2 du code de procédure civile d'exécution, la connaissance par le juge de l'exécution des demandes en réparation est fondée exclusivement à celles ayant trait à l'exécution ou l'inexécution dommageable des mesures d'exécution forcée ou des mesures conservatoires ou en cas d'abus de saisie.

La saisie-attribution du 19 février 2019 ayant été validée même partiellement, elle ne peut être considérée comme abusive ou injustifiée. Le premier juge n'ayant pas été saisi de difficultés d'exécution relatives à d'autres mesures que celle du 19 février 2019, les dispositions du jugement déféré seront donc confirmées en ce qu'il a débouté Monsieur K. de cette demande.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Monsieur K. doit être considéré comme succombant à la présente instance, sa demande principale aux fins de mainlevée de la saisie-attribution étant rejetée et sa demande de restitution de fonds portant sur une somme minime comparativement au montant validé de la saisie-attribution. Sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ne peut donc qu'être rejetée.

Pour les mêmes motifs, il supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

- Infirme partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a, en rejetant l'intégralité des contestations et demandes de Monsieur K., implicitement validé la saisie-attribution pour la somme totale de 6 780, 38 €.

- Statuant à nouveau, valide la saisie-attribution du 19 février 2019 à hauteur de 6744, 02 €.

- Confirme l'ensemble des autres dispositions du jugement entrepris et y ajoutant.

- Ordonne la restitution à Monsieur Pierre K. de la somme de 36,36 €, dans l'hypothèse où le déblocage des fonds correspondant à la saisie-attribution du 19 février 2019 serait déjà intervenu à hauteur de 6780,38 € en vertu de l'exécution provisoire du jugement entrepris.

- Déboute Monsieur Pierre K. de sa demande formée en cause d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamne Monsieur Pierre K. aux dépens d'appel.