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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 15 novembre 2017, n° 13/23011

PARIS

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Agnès THAUNAT

Conseillers :

Mme FREMONT, Mme GIL

Paris, du 23 oct. 2013

23 octobre 2013

Par acte sous seing privé en date du 1er juillet 1985, M. Jacques M. et Mme Thérèse M. aux droits desquels se trouvent M. Eric M. et Mme Evelyne M. épouse B. ont donné à bail à Mme Tinlay C., divers locaux à usage commercial dépendant d'un immeuble situé [...], pour une durée de 9 ans commençant à courir le 1er juillet 1985. Le bail a été renouvelé le 1er juillet 1994 jusqu'au 30 juin 2003 puis s'est tacitement prorogé depuis.

Par acte extra-judiciaire en date du 29 décembre 2011, M. Eric M. et Mme Evelyne M. épouse B. ont fait délivrer à Mme Tinlay C. un congé pour le 30 juin 2011 et ont proposé le renouvellement du bail à compter du 1er juillet 2011 moyennant un loyer de 13 500€.

Par acte d'huissier de justice du 13 mai 2013, M. Eric M. et Mme Evelyne M. épouse B. ont assigné Mme Tinlay C. en fixation du loyer du bail renouvelé à la somme de 13.500€.

Par jugement en date du 23 octobre 2013, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Paris a':

- Dit que la procédure en fixation de loyer du bail liant M. Eric M. et Mme Evelyne M. épouse B. avec Mme Tinlay C. et concernant les locaux situés [...] est irrecevable,

- Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,

- Laissé les dépens à la charge de M. Eric M. et Mme Evelyne M. épouse B..

Les consorts M. ont relevé appel de la décision par déclaration en date du 2 décembre 2013.

Par un arrêt en date du 13 janvier 2016, la cour d'appel de Paris a :

-Infirmé le jugement déféré,

statuant à nouveau,

-Déclaré les consorts M. recevables en leur demande en fixation du loyer du bail renouvelé au 1er juillet 2011;

-Avant dire droit sur le montant du loyer de renouvellement institué une mesure d'expertise et commis pour y procéder M. Michel C.,

-Dit que le locataire continuera à payer le loyer au prix ancien pendant le cours de l'instance en fixation du loyer du bail renouvelé et qu'il n'y pas lieu à fixation d'un loyer provisionnel,

-Réservé les dépens et la demande au titre des frais irrépétibles.

L'expert C. a procédé à sa mission et déposé son rapport au greffe le 8 novembre 2016.

Par conclusions signifiées par le RPVA le 12 mai 2017, M. Eric M. et Mme Evelyne M. épouse B. ont demandé à la cour de :

FIXER le loyer de renouvellement au 1er juillet 2011 pour les locaux sis à [...] à la somme de 12.970€/an en principal,

DIRE que les autres clauses et conditions du bail resteront inchangées et que le dépôt de garantie devra être actualisé;

ORDONNER le paiement des intérêts sur les loyers arriérés, avec capitalisation,

En tout état de cause,

CONDAMNER Mme T. C. à payer aux consorts M. la somme de 4000€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER Mme T. C. aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise dont distraction au profit de Me Catherine L., avocat au barreau de Paris.

Dans ses dernières conclusions signifiées par le RPVA le 9 septembre 2015, Mme C. T. a demandé à la cour de':

- Déclarer irrecevables et mal fondés les appelants,

- Constater qu'il n'est pas justifié de la signification préalable d'un mémoire et de pièces au preneur dans les conditions des articles R.145-26 et suivants du Code de Commerce,

- Constater que les bailleurs ne justifient pas du délai d'un mois écoulé entre la réception du mémoire et l'assignation,

En conséquence,

- Confirmer l'irrecevabilité de leur action au visa de l'article R.145-27 du Code de Commerce,

Subsidiairement,

- Les déclarer irrecevables et mal fondés en leurs demandes en l'absence de preuve,

Très subsidiairement,

- Ordonner une expertise aux frais avancés des bailleurs aux fins de déterminer la valeur du loyer de renouvellement en tenant compte des caractéristiques des lieux et de la destination contractuelle restreinte,

- Condamner les consorts M. au paiement de la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels pourront être recouvrés par Maître H.-L., Avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Mme C. T. n'a pas conclu après le dépôt du rapport.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 4 octobre 2017.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En l'absence de demande de renouvellement, le bail renouvelé le 9 septembre 1995, à compter du 1er juillet 1994 s'est poursuivi par tacite reconduction jusqu'à la délivrance par les consorts M. d'un congé avec offre de renouvellement par acte extra-judiciaire du 29 décembre 2010 à effet du 30 juin 2011.

La durée du bail a en conséquence excédé douze ans.

En application des dispositions de l'article L145-34 du code de commerce, le montant du loyer du bail renouvelé n'est donc plus soumis aux règles du plafonnement.

La description matérielle et de situation faite par l'expert résulte des constatations objectives qu'il a pu faire lors de sa visite sur place et n'est pas contestée par les parties, ni contredite par aucun élément versé aux débats par les parties.

Les locaux sont situés au rez-de-chaussée d'un immeuble édifié au début du XIXème siècle en maçonnerie enduite, élevé sur caves, d'un rez-de-chaussée et de cinq étages sis à [...], c'est à dire dans la partie de la [...] qui relie la [...] à la [...]sans cependant bénéficier de l'animation de ces deux voies qui sont d'excellente valeur commerciale.

Les locaux sont constitués au rez-de-chaussée, d'une étroite boutique divisée en deux zones dans le sens de la profondeur, avec une première zone (à 5mètres), d'une surface utile de 14,40m², éclairée par une vitrine ouvrant sur la [...] et présentant un linéaire de façade d'environ 3m ; une deuxième zone, constituée du surplus d'une surface utile de 5,33m².

L'expert judiciaire précise qu'il n'existe pas de cabinet de toilette privatif et que les W-C communs sont accessibles dans la cour de l'immeuble.

Les superficies réelles ne sont pas discutées, et il n'est pas contesté que l'expert a fait une exacte appréciation des coefficients de pondération à appliquer aux surfaces réelles en fonction des usages, de la configuration des lieux et de l'utilité par rapport à l'ensemble de chaque partie des locaux au regard de leur destination contractuelle.

La surface pondérée du local commercial doit donc être estimée à 18,70 m²P.

Sur la valeur locative :

L'expert a recherché des termes de comparaison dans le quartier environnant pour des locaux similaires, parmi des références issues tant du marché que des décisions judiciaires.

Il en résulte des loyers judiciaires évoluant de 700€ le m² (85,60 m², [...] boutique de prêt-à-porter renouvelé au 1er octobre 2007) à 1800€ le m² (19,26 m², [...] (boutique 'bonbonnière' d'optique) renouvelé au 1er février 2010, et des loyers conventionnels variant de 822€ le m² (53,50 m², [...], boutique d'optique) à 1900€ le m² (45,60m², [...], boutique de prêt-à-porter) pour des locations nouvelles et de 1300€ le m² (pour une boutique de 46,70m², [...] renouvelé au 1er avril 2006), s'agissant d'un renouvellement amiable.

Cependant, ainsi que le souligne l'expert judiciaire pour la [...], les valeurs locatives de marché à la date du 1er juillet 2011 étaient comprises entre 820 et 860€ le m² P, pour la [...], le prix des loyers en renouvellement sur une période incluse entre 2007 et 2010 s'inscrivaient entre 700 et 1200€ le m²P. Par ailleurs, un bail a été conclu en juin 2015, au [...] à 680€ le m²P pour une boutique de coiffeur.

Les bailleurs ont communiqué en outre une référence dans le même immeuble pour une boutique de prêt-à-porter ayant fait l'objet d'un renouvellement amiable au 1er juillet 2011 au prix au m² de 750€ le m²P.

En dehors des obligations respectives légales et d'usage, il est stipulé au bail des clauses exorbitantes du droit commun pouvant avoir une incidence sur la valeur locative.

C'est ainsi, que la taxe foncière est à la charge du preneur. Le montant de cette taxe pour l'année 2016 a été justifié par les bailleurs. Il s'élève à la somme de 340€.

Par ailleurs, alors que la destination du bail est la 'vente d'articles d'artisanat, ainsi que l'importation et la vente de vêtements tibétains et indiens', à l'exclusion de tous autres commerces, la clause V stipule que 'le preneur ne pourra céder son droit au présent bail si ce n'est en totalité à un successeur dans son commerce'.

Il n'est pas contestable que la commercialité de la [...] est sans commune mesure avec celle des [...] et de Francs Bourgeois et est bien inférieure. Par ailleurs, le commerce est dépourvu de confort puisque les sanitaires sont des W-C communs situés dans la cour le l'immeuble. Contrairement à ce que soutiennent les bailleurs, le prix au mètre carré ne doit pas être fixé par rapport à une moyenne des références relevées.

Compte tenu de ces éléments, il convient de retenir un prix de 680€ au mètre carré, soit un prix annuel de 680 € x 18,70m² = 12.716 €.

Par ailleurs, compte tenu des clauses exorbitantes du bail ayant une incidence sur la valeur locative, il convient de pratiquer un abattement de 20%, pour tenir compte de la restriction de la destination des lieux, le preneur risquant de ne pas trouver de successeur dans son commerce très atypique, seul susceptible de reprendre le bail et de diminuer ce prix, du montant de la taxe foncière soit 340€.

Dans ces conditions, la valeur locative s'établit à la somme suivante :

12.716 € x 20 % = 2.543,20 €

12.716 € - 2.543,20 € = 10.172,80 €

10.172,80 €- 340 € = 9.832,80 €

Le loyer du bail renouvelé sera en conséquence fixé à 9.832,80 € arrondis à 9.833 € en principal par an à compter du 1er juillet 2011 et la locataire condamnée à payer, conformément à l'article 1155 du code civil, les intérêts au taux légal courant sur les arriérés de loyers dus, à compter de la date de l'assignation et à compter de chaque échéance sur les loyers postérieurs à cette date, avec capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du code civil.

Le montant du dépôt de garantie sera complété afin de rester égal à un trimestre de loyer selon les stipulations du bail.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Fixe à la somme annuelle en principal hors taxe et hors charges de 9.833€ à compter du 1er juillet 2011 le montant du loyer du bail renouvelé depuis cette date entre les consorts M., bailleurs et Mme C. T., preneuse sur des locaux sis à [...] ;

Dit que les compléments de loyers consécutifs à cette fixation produiront intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 13 mai 2013 et à compter de chaque échéance sur les loyers postérieurs à cette date, avec capitalisation dans les conditions de l'article 1154 du code civil;

Dit que le montant du dépôt de garantie sera complété afin de rester égal à un trimestre de loyer,

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne les consorts M. aux entiers dépens en ce compris le coût de l'expertise, avec distraction au bénéfice de Me H.-L., avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.