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Décisions

CA Colmar, 3e ch. A, 19 novembre 2018, n° 18/00360

COLMAR

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Urssaf d'Alsace

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Martino

Conseillers :

Mme Fabreguettes, Mme Arnold

JEX Mulhouse, du 19 déc. 2017

19 décembre 2017

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

En date du 17 mai 2017, l'Urssaf d'Alsace a fait procéder à une saisie attribution opérée au titre des cotisations pour le 2ème trimestre 2016 dues par M.G..

Par assignation du 31 mai 2017, M. et Mme G. ont saisi le juge de l'exécution délégué au tribunal d'instance de Mulhouse, aux fins de mainlevée de la saisie-attribution et de condamnation de l'Urssaf à leur payer une somme de 5 000 euros de dommages et intérêts pour mesure d'exécution disproportionnée voire abusive.

Ils font valoir que la saisie-attribution pratiquée est disproportionnée dans la mesure où la créance de l'Urssaf n'était que de 410,50 euros, qu'elle leur a porté préjudice en les empêchant de respecter le plan de remboursement de la société de M. G., qui constitue leur 'principale source de revenus', ce, d'autant que l'Urssaf reconnaissait leur devoir un montant de 2 444 euros.

L'Urssaf d'Alsace, bien que régulièrement assignée n'a pas comparu et n'était pas représentée.

Par jugement réputé contradictoire, en date du 19 décembre 2017, le juge de l'exécution délégué au tribunal d'instance de Mulhouse a :

- déclaré la demande de mainlevée de la saisie attribution pratiquée le 17 mai 2017 recevable,

- ordonné la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 17 mai 2017 et dénoncée le 19 mai 2017,

- dit que les frais d'exécution de la saisie attribution dénoncée le 19 mai 2017 seront laissés à la charge de l'Urssaf,

- condamné l'Urssaf d'Alsace à payer à M. et Mme G. la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamné l'Urssaf d'Alsace à payer à M. et Mme G. la somme de 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné l'Urssaf d'Alsace aux entiers dépens de la procédure.

Pour se déterminer ainsi, le premier juge a considéré, tout en relevant que l'Urssaf était fondée à effectuer une saisie-attribution pour recouvrer le montant de la contrainte, que le montant modique de la créance à recouvrer comparé au montant de la somme saisie, alors même que l'Urssaf s'engageait à rembourser à M. G. un montant supérieur au titre des cotisations du 1er trimestre 2017, permettait de qualifier la saisie-attribution litigieuse d'abusive, justifiant non seulement sa mainlevée mais aussi la réparation du préjudice subi par M. et Mme G., dont la situation financière a ainsi été obérée.

Par déclaration en date du 24 janvier 2018, l'Urssaf d'Alsace a interjeté appel total à l'encontre de cette décision et aux termes des dernières écritures notifiées en date du 27 mars 2018, elle demande à la cour d'infirmer le jugement et statuant à nouveau de :

Valider la saisie-attribution du 17 mai 2017 et condamner le débiteur à régler la somme de 806,77 euros,

Condamner M. G. à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les frais concernant le commandement de payer du 9 février 2018, ainsi que les entiers dépens.

L'appelant précise d'abord que M. G. n'a pas donné suite à la mise en demeure du 28 juillet 2016, de sorte que la contrainte a du être émise.

Il ajoute, que si M. G. a payé le montant principal de 2 070 euros, il n'a pas réglé, malgré courrier de l'huissier du 18 avril 2017, le solde restant dû soit la somme de 410,50 euros.

Il ajoute que la saisie-attribution ne présente aucun caractère abusif puisque les montants insuffisants des comptes au seul nom de M. G. ont nécessité la saisie du compte chèques de M. et Mme G. et que le remboursement d'autres cotisations n'était pas effectif à la date de la saisie.

Il précise que l'huissier ne pouvait de lui-même limiter la saisie au montant de la créance à recouvrer et qu'il appartenait à M. G. de le faire.

Aux termes des dernières écritures notifiées en date du 17 avril 2018, M et Mme G. demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter l'Urssaf de l'ensemble de ses prétentions et de le condamner à leur payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens.

Ils précisent que la saisie a porté sur un montant sept fois supérieur à la somme mise en recouvrement, paralysant toute l'activité professionnelle de M. G., puisque sa société AC25 bénéficiait d'un plan de redressement qui la soumettait au strict respect des échéances arrêtées par le plan.

Ils font valoir en plus, que le trop-perçu que l'Urssaf devait à M. G., annulait la dette dont le recouvrement était poursuivi.

Ils reprochent encore à l'appelante d'avoir artificiellement augmenté la dette, au vu des frais mis en compte sur un solde restant dû de 410,50 euros, et pour lesquels l'huissier ne bénéficiait pas d'une ordonnance de taxation lui permettant de les recouvrer.

MOTIFS

En vertu de l'article L211-1 du code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévues par le code du travail.

L'article 121-2 du même code prévoit que le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d'abus de saisie.

En l'espèce, la saisie-attribution litigieuse porte sur les cotisations du 2ème trimestre 2016 ainsi que sur les majorations dues, à défaut de paiement des cotisations à leur terme.

L'Urssaf a émis le 8 septembre 2016 une contrainte portant sur les cotisations du 2ème trimestre 2016 pour un montant de 1964 euros et sur les majorations d'un montant de 106 euros.

Cette contrainte a été signifiée à M. G. le 12 septembre 2016 et aucune opposition n'ayant été formée contre elle par le débiteur, elle comporte tous les effets d'un jugement.

M. et Mme G. ne contestent pas le solde restant dû de 410,50 euros au titre de la contrainte.

Il n'est pas contesté que M. G. n'a pas respecté son obligation de paiement des cotisations du 2ème trimestre 2016 ni à la date prévue, ni après le 28 juillet 2016, date à laquelle l'Urssaf lui avait délivré une mise en demeure.

La contrainte émise par l'Urssaf pour permettre le recouvrement forcé des montants dus est donc parfaitement justifiée.

Il n'est pas discuté non plus que si des règlements partiels étaient intervenus sur le montant principal de 2 070 euros, il restait dû, par M. G., un montant de 410,50 euros, puisqu'aucune suite n'a été donné, par ce dernier, à la mise en demeure qui lui avait été adressée en date du 18 avril 2017 par maître W., huissier de justice mandaté par l'Urssaf.

Toutefois, par courrier en date du 17 mai 2017, l'Urssaf a annoncé à M. G. qu'il procédera au remboursement de la somme de 2 444 euros au titre de cotisations sociales indues pour la période du 1er trimestre 2017.

Aux termes des articles 1347 et 1347 -1 du code civil, la compensation est l'extinction simultanée d'obligations réciproques entre deux personnes.

Elle s'opère, sous réserve d'être invoquée, à due concurrence, à la date où ses conditions se trouvent réunies.

La compensation n'a lieu qu'entre deux obligations fongibles, certaines, liquides et exigibles.

En l'espèce, la somme restant due par M. G. et celle que reconnaît devoir l'Urssaf à ce dernier étaient certaines, liquides et exigibles au 17 mai 2017et se sont compensées de plein droit.

Dès lors, l'Urssaf ne disposait plus d'aucune créance contre M. G. qui aurait pu justifier la mise en oeuvre d'une saisie-attribution en date du 17 mai 2017.

Il s'ensuit que le premier juge a, à juste titre, qualifié la saisie litigieuse d'abusive et en a ordonné la mainlevée et a dit que les frais d'exécution de cette mesure dénoncée le 19 mai 2017, seront laissés à la charge de l'Urssaf, en application de l'article L111-8 du code des procédures civiles d'exécution.

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

Sur la demande de dommages et intérêts

Il s'évince des éléments ci-dessus, que l'abus de saisie est caractérisé.

Comme l'a relevé le premier juge, l'indisponibilité, même provisoire, de la somme de 6 649,23 euros du compte 'affaires' de M. et Mme G., alors que M. G. devait régler différents montants pour sa société AC2S dans le cadre du plan de redressement arrêté par jugement en date du 26 avril 2017, a entraîné, pour les titulaires du compte, un préjudice direct et certain que le premier juge a justement évalué à la somme de 500 euros.

Le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dispositions du jugement déféré s'agissant des dépens et des dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.

Partie perdante, l'Urssaf sera condamné aux dépens d'appel, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, et débouté de sa demande au titre de l'article 700 du même code.

En revanche il sera fait droit à la demande de M. et Mme G. au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de la somme de 800 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

DEBOUTE l'Urssaf d'Alsace de ses demandes, y compris celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE l'Urssaf d'Alsace à payer à M. Christian G. et Mme Marie-Hélène G. une somme de 800 euros (huit cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE l'Urssaf d'Alsace aux dépens.