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Décisions

Cass. com., 10 octobre 2018, n° 17-13.829

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Delvolvé et Trichet, SCP Jean-Philippe Caston

Dijon, du 5 janv. 2017

5 janvier 2017

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Dijon, 5 janvier 2017), que M. X... a été nommé, le 24 juillet 2001, membre du directoire de la société Crossject ; qu'il a conclu avec cette société, le 1er août 2001, un contrat de travail à durée indéterminée pour exercer des fonctions de direction générale, commerciale et financière de la société ; que le 30 juin 2006, M. X... et la société Crossject ont signé un avenant au contrat de travail afin d'y stipuler une clause de non-concurrence ; que M. X... a, par ailleurs, conclu le 4 juillet 2006 un pacte d'actionnaires comportant également une clause de non-concurrence ; qu'à la suite de la contestation par Pôle emploi de la possibilité pour M. X... de cumuler son mandat social avec un contrat de travail, le conseil de surveillance de la société Crossject a décidé, le 11 juin 2002, que sa rémunération serait désormais versée au titre de son mandat social ; qu'après le non-renouvellement de son mandat de membre du directoire, décidé le 21 février 2013 par le conseil de surveillance, M. X... a assigné la société Crossject en paiement de l'indemnité prévue en contrepartie de la clause de non-concurrence ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande alors, selon le moyen :

1°/ que les juges ne sauraient méconnaître la loi du contrat, loi des parties ; qu'en considérant, pour écarter les demandes, que les parties s'accordaient pour dire que le contrat de travail à durée indéterminée conclu entre la société Crossject et M. X... le 1er août 2001 n'avait jamais existé du fait de l'absence de lien de subordination de M. X... vis-à-vis de son cocontractant et qu'il ne pouvait y avoir de requalification du contrat de travail en contrat de mandataire social ou de collaboration, sans rechercher si la réelle intention des parties n'avait pas été de prévoir précisément les conditions de la collaboration de M. X... avec la société Crossject et d'établir les conditions d'exercice du dirigeant qu'était M. X... aussi bien dans ses fonctions techniques de directeur général, commercial et financier que pour son mandat social, le contrat devant être requalifié en un contrat de mandataire social ou de collaboration, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en ajoutant, pour statuer comme elle l'a fait, qu'aucune pièce du dossier n'établissait la réalité du travail que M. X... aurait accompli pour le compte de la société Crossject, de façon distincte de son mandat social et dans un état de subordination à l'égard de ladite société, sans analyser les pièces produites par l'intéressé pour démontrer le travail effectué au profit pour la société Crossject, à savoir ses bulletins de paie de 2012, une attestation de M. A..., président du directoire, en date du 19 juillet 2012, relative à un voyage effectué pour obtenir une levée de fonds et la délibération du 21 février 2013 du conseil de surveillance reconnaissant ses fonctions distinctes et évoquant son rôle majeur « en matière de recherche de financements et de conclusions de partenariats commerciaux stratégiques » et le fait qu'il avait permis à la société de bénéficier de plusieurs levées de fonds d'envergure, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'en ajoutant encore, pour débouter M. X..., qu'il était mal fondé à soutenir que l'avenant du 30 juin 2006 avait une existence autonome du contrat du 1er août 2001 dès lors qu'il y était expressément rattaché et s'y intégrait de plein droit, sans répondre aux conclusions de l'intéressé faisant valoir qu'en application du principe d'autonomie contractuelle, l'illicéité d'une clause ou d'un contrat ne pouvait suffire à elle seule à affecter la validité de tout un contrat et qu'en l'espèce, son objet étant parfaitement explicite et circonscrit, la clause de non-concurrence bénéficiait d'une autonomie suffisante pour continuer à exister indépendamment du sort du contrat initial, de sorte que la validité du contrat de travail initial était strictement indifférente d'autant plus que l'avenant de 2006, comportant la clause de non-concurrence litigieuse, avait été conclu cinq ans après ledit contrat de 2001, la cour d'appel a encore violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que les juges ne sauraient méconnaître la loi du contrat, loi des parties ; qu'en considérant enfin, pour statuer comme elle l'a fait, que l'absorption des fonctions salariées par le mandat social n'avait pas eu pour effet de transférer ni de transposer les dispositions du contrat de travail dans un contrat dit de mandataire social, ni d'ajouter au statut légal du mandataire social, que M. X... avait d'ailleurs signé le pacte d'actionnaires du 4 juillet 2006, comportant également une clause de non-concurrence, en qualité d'actionnaire et de dirigeant, et que les parties avaient donc conscience que l'avenant du 30 juin 2006 ne s'appliquait pas au mandat social, leur volonté étant bien de séparer le contrat de travail du mandat social, sans rechercher si la commune intention des parties n'avait pas été d'instituer, dans l'avenant de 2006, une clause intuitu personae, liée intrinsèquement à la personne de M. X..., dans quelle mesure le pacte d'actionnaires litigieux ne confirmait pas cette interdiction absolue de concurrence et si l'avenant litigieux ne faisait donc pas que consacrer et figer sur le plan individuel et bilatéral, entre M. X... et la société Crossject, les obligations contenues dans le pacte d'actionnaires, par nature collectif et susceptible d'évolutions, la cour d'appel a, à nouveau, privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

5°/ que le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'au demeurant, en se déterminant de la sorte sans restituer aux actes litigieux leur exacte qualification dès lors qu'elle écartait celles proposées par les parties, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant constaté que les parties convenaient qu'en l'absence de lien de subordination entre la société Crossject et M. X..., le contrat de travail n'avait jamais existé, l'arrêt constate qu'à la suite de la remise en cause par Pôle emploi de la possibilité pour M. X... de cumuler un contrat de travail et un mandat social, le conseil de surveillance a décidé, à l'unanimité, que M. X... percevrait désormais sa rémunération en contrepartie de l'exercice de son mandat social, ce que l'intéressé n'a jamais contesté, ayant même accepté la restitution des sommes qui lui revenaient au titre de sa part dans les cotisations salariales ; qu'il relève qu'aucune pièce du dossier n'établit la réalité du travail que M. X... aurait accompli pour le compte de la société Crossject, de façon distincte de son mandat social, qui plus est dans un état de subordination à l'égard de cette société ; qu'il ajoute que M. X... n'est pas fondé à demander la requalification du contrat de travail en contrat de mandataire social ou de collaboration, ces contrats n'ayant pas, par nature, le même objet ni ne répondant aux mêmes critères et le contrat signé le 1er août 2001 n'organisant pas les fonctions de mandataire social de M. X... au sein de l'entreprise et ne prévoyant pas davantage les conditions de sa collaboration avec la société Crossject ; qu'il relève encore que la nomination de M. X... en qualité de mandataire social est antérieure à la signature de son contrat de travail, en sorte que ce dernier ne constituait même pas une promesse de mandat social, et qu'au surplus, M. X... a signé le pacte d'actionnaires du 4 juillet 2006, qui comportait également une clause de non-concurrence, en qualité d'actionnaire et de dirigeant, ce qui démontre que les parties avaient conscience que l'avenant du 30 juin 2006 ne s'appliquait pas au mandat social et que leur volonté était bien de séparer le contrat de travail du mandat social ; qu'il en déduit que l'absorption des fonctions salariées par le mandat social n'a pas eu pour effet de transférer ni de transposer les dispositions du contrat de travail dans un contrat dit de mandataire social, ni d'ajouter au statut légal du mandataire social, que le contrat de travail conclu le 1er août 2001 était fictif et que l'avenant du 30 juin 2006, qui y est expressément rattaché et en constitue l'accessoire, est également sans effet ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel qui, analysant l'ensemble des pièces produites, a recherché la commune intention des parties en procédant aux recherches invoquées par les première et quatrième branches, a, sans méconnaître son office, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.