Cass. com., 14 octobre 2020, n° 18-24.154
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Poillot-Peruzzetto
Avocat général :
Mme Beaudonnet
Avocats :
SCP Gadiou et Chevallier, SCP Waquet, Farge et Hazan
Désistement partiel
1. Il est donné acte à M. Y... du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société IFB France.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 juin 2018), rendu sur renvoi après cassation (Chambre commerciale, financière et économique, 11 mai 2017, pourvoi n° 15-20.496), la société IFB France (la société IFB), qui appartient à un groupe dont l'actionnaire de référence est la société Qualis, aux droits de laquelle est venue la société Talis, exerce, par sa filiale, la société Korreden, une activité de placement de produits immobiliers défiscalisants.
3. M. Y..., salarié et directeur général de la société IFB, a conclu avec la société Qualis, le 26 octobre 2006, un pacte d'actionnaire qui comportait une clause de non-concurrence prévoyant le versement à son profit d'une contrepartie financière sauf dans le cas de révocation pour une faute d'une gravité telle que la poursuite du mandat social deviendrait impossible ou en cas de licenciement pour faute grave ou lourde.
4. Ayant été révoqué de son mandat social le 3 mars 2009 et licencié pour faute lourde le 30 mars suivant, M. Y... a assigné la société IFB et la société Qualis en paiement de la contrepartie pécuniaire stipulée par la clause de non-concurrence.
Examen du moyen unique
Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches
Enoncé du moyen
5. M. Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence, alors :
« 1°/ qu'une clause de non concurrence ne peut s'appliquer qu'en présence de deux entreprises qui se trouvent en situation de concurrence ; qu'en énonçant que les sociétés IFB et Solerine énergie étaient en situation de concurrence, après avoir constaté qu'elles étaient liées par une convention de partenariat prévoyant une commission au profit d'IFB pour le placement des produits de la société Solerine énergie, ce dont il résulte que la société IFB était partenaire de la société Solerine énergie et n'exerçait pas par elle-même une activité concurrente de celle de la société Solerine énergie sur le marché des produits photovoltaïques, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 qu'elle a violé ;
2°/ qu'il résulte du pacte d'actionnaire du 26 octobre 2006 qu'à compter des présentes et jusqu'à l'expiration d'une durée d'un an à compter de la date à laquelle le manager aura cessé ses fonctions, le manager ne devra en aucune façon prendre ou détenir directement ou indirectement par personne morale physique ou interposée des participations dans des sociétés, entreprises ou groupements exerçant à titre principal ou accessoire l'Activité en France ; qu'en se bornant à énoncer qu'IFB s'était engagée sur le marché des produits photovoltaïques dès avant la date de cessation des fonctions de M. Y... qui ne conteste pas être actionnaire de la société Solerine Energie qui a une activité de commercialisation de panneaux photovoltaïques, sans aucune précision sur la date à laquelle M. Y... est devenu actionnaire de Solerine Energie et sans qu'il résulte de ses constatations qu'IFB avait déjà une activité sur le marché des produits photovoltaïques à la date à laquelle M. Y... est devenu actionnaire de la société Solerine, la cour d'appel n'a pas caractérisé la violation de la clause de non concurrence par M. Y... et partant a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1147, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 :
6. Selon ce texte, le débiteur d'une obligation est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts à raison, soit de l'inexécution de cette obligation, soit du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
7. Pour retenir que M. Y... avait failli dans l'exécution de son obligation de non-concurrence et rejeter sa demande en paiement de la contrepartie pécuniaire de cette clause, l'arrêt, après avoir relevé qu'il s'était interdit de prendre ou détenir, directement ou indirectement par personne morale ou physique interposée, des participations dans des sociétés, entreprises ou groupements exerçant, à titre principal ou accessoire, « l'Activité » en France, laquelle est définie comme désignant toutes les activités qui seraient exercées, directement ou indirectement, par le groupe Akerys jusqu'à la date de la cessation de ses fonctions de manager, se borne à constater que la société IFB soutient que M. Y... a travaillé, dès sa révocation, pour la société Solerine énergie et qu'elle verse au débat, d'un côté, des brochures commerciales dans lesquelles elle proposait des produits « énergies nouvelles renouvelables » et un service de création de patrimoine « en participant à la protection de l'environnement », de l'autre, deux conventions conclues avec la société Solerine énergie, dont M. Y... ne conteste pas être actionnaire, la première, dite d'assistance, datée du 7 octobre 2008 et suivie d'un avenant du 29 janvier 2009, prévoyant la mise à la disposition de cette société de deux salariés de la société IFB en contrepartie d'une certaine somme, qui a été résiliée le 5 mars 2009, soit deux jours après la révocation de M. Y..., la seconde, dite de partenariat, conclue le 7 janvier 2009 et résiliée par lettre du 17 septembre de la même année, prévoyant une commission de 1 % au profit de la société IFB pour le placement des produits de la société Solerine énergie, ce dont il déduit que la société IFB s'était engagée sur le marché des produits photovoltaïques dès avant la date de cessation des fonctions de M. Y..., et postérieurement, de sorte que ce dernier ne peut valablement soutenir que les deux sociétés n'étaient pas en situation de concurrence.
8. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser le manquement retenu dès lors qu'elle avait constaté que la société IFB avait exercé l'activité litigieuse dans le cadre d'un partenariat avec la société Solerine énergie, et sans préciser la date à laquelle M. Y... était devenu actionnaire de cette société ni celle à partir de laquelle la société IFB avait commencé à exercer son activité sur le marché des produits photovoltaïques, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs,
la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit n'y avoir lieu à annulation du jugement du tribunal de commerce de Paris rendu le 20 juin 2014 et met la société IFB France hors de cause, l'arrêt rendu le 28 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.