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Décisions

Cass. com., 17 novembre 2009, n° 07-21.157

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Rapporteur :

Mme Vaissette

Avocat général :

M. Raysséguier

Avocats :

SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Waquet, Farge et Hazan

Rennes, du 18 sept. 2007

18 septembre 2007

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été mise en liquidation judiciaire le 7 novembre 2001 ; que par jugement du 9 avril 2003, le tribunal a prononcé la clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation ; que le 29 décembre 2004, M. et Mme Y... ont assigné Mme X... en paiement de dommages-intérêts représentant l'équivalent de leur créance éteinte pour défaut de déclaration de la créance résultant des prêts consentis à la débitrice antérieurement à l'ouverture de la liquidation judiciaire ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. et Mme Y... le montant de la créance éteinte en principal et intérêts à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ que la règle selon laquelle la clôture d'une liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur, sauf en cas de fraude de celui-ci, ne s'applique qu'aux créanciers qui ont produit et dont la créance n'est pas éteinte ; qu'après avoir constaté que la créance des prêteurs était éteinte faute par eux de l'avoir déclarée, le juge ne pouvait faire droit aux prétentions des créanciers au prétexte que Mme X... avait commis une fraude ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 622-32 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;

2°/ que l'omission de la créance sur la liste dressée par le débiteur ou le défaut d'envoi de l'avertissement prévu à l'article 66 du décret du 27 décembre 1985 n'ont pas pour effet de dispenser le créancier retardataire de démontrer que, avant l'expiration du délai de déclaration, sa défaillance n'était pas due à son fait, toutes les créances devant être déclarées, qu'elles soient ou non liées à l'activité professionnelle du débiteur personne physique, de sorte qu'est défaillant le créancier qui ne produit pas sous prétexte qu'il croit que sa créance n'a aucun lien avec l'activité professionnelle de son débiteur ; qu'après avoir retenu que les créanciers précisaient avec raison avoir toujours estimé que leurs prêts intervenaient à titre personnel et en aucun cas dans le cadre de l'activité professionnelle de la débitrice, et avoir ignoré qu'elle exploitait son fonds de commerce en tant qu'entrepreneur individuel tandis qu'ils pensaient qu'elle avait constitué, comme eux, une société, le juge se devait d'en déduire que l'extinction de la créance des prêteurs était imputable à leur propre faute, peu important qu'elle eût procédé d'une erreur de droit ayant consisté à croire qu'une créance non liée à l'activité professionnelle de leur débitrice personne physique n'avait pas à être déclarée ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé ainsi les articles L. 621-43, L. 621-45 et L. 621-46 du code de commerce, dans leur rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, ainsi que 66 du décret du 27 décembre 1985 ;

Mais attendu, d'une part, qu'un créancier n'ayant pas bénéficié de l'avertissement aux créanciers connus d'avoir à déclarer leur créance par suite de son omission de la liste certifiée des créanciers et du montant des dettes est recevable à agir contre le débiteur, après clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif, en réparation du préjudice lié à l'extinction de sa créance sur le fondement de l'article 1382 du code civil, à charge pour lui d'établir que le débiteur a commis une fraude en dissimulant intentionnellement sa dette ; que l'arrêt, après avoir retenu que Mme X... a volontairement dissimulé au liquidateur judiciaire l'existence des sommes dont elle était redevable envers M. et Mme Y... qui n'ont en conséquence pas pu bénéficier de l'avertissement d'avoir à déclarer leur créance, en déduit exactement, abstraction faite de la référence erronée mais surabondante à l'article L. 622-32 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, que la débitrice a commis une faute constitutive d'une fraude engageant sa responsabilité délictuelle sur le fondement de l'article 1382 précité ;

Attendu, d'autre part, que les motifs critiqués à la deuxième branche, loin de fonder une décision relevant de manière erronée les créanciers de la forclusion, répondent pour l'écarter à la prétention de Mme X... selon laquelle l'extinction de leur créance résultait de la seule faute de M. et Mme Y... pour établir que cette extinction est consécutive à la fraude commise par la débitrice ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa deuxième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu que pour confirmer le jugement ayant condamné Mme X... à payer à M. et Mme Y... le montant de leur créance à titre de dommages-intérêts , l'arrêt retient que ces derniers sont en droit d'obtenir à titre de dommages-intérêts le paiement de l'équivalent de leur créance éteinte par la fraude du débiteur sans considération du montant de l'insuffisance d'actif ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le préjudice lié à l'extinction de la créance ne correspond pas nécessairement au montant de cette créance, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 septembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée.