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Décisions

Cass. com., 5 février 2020, n° 18-22.569

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

Rapporteur :

Mme Bélaval

Avocat général :

Mme Guinamant

Avocats :

SCP Piwnica et Molinié, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Dijon, du 28 juin 2018

28 juin 2018

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 643-11 IV du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008 ;

Attendu que tout créancier qui, invoquant une fraude commise à son égard, souhaite reprendre ses actions individuelles contre son débiteur après clôture de la liquidation judiciaire de celui-ci pour insuffisance d'actif, doit y être autorisé par le tribunal de la procédure collective si celui-ci n'a pas donné cette autorisation lors de la clôture ; que le juge saisi d'une instance en cours au sens de l'article L. 622-21 du code de commerce ne peut, en cas d'ouverture, pendant l'instance, d'une liquidation judiciaire contre le débiteur suivie d'une clôture pour insuffisance d'actif, condamner celui-ci au paiement d'une somme d'argent sans constater au préalable que le créancier a obtenu l'autorisation de reprendre ses actions individuelles ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que se plaignant de l'existence de défauts sur un véhicule acheté à M. R... après une réparation effectuée par M. V..., M. H... P..., Mme X... épouse P... et M. A... P... (les consorts P...), ont, le 2 octobre 2014, assigné M. R... et M. V... devant un tribunal de grande instance aux fins d'obtenir leur condamnation in solidum à leur payer des dommages-intérêts ; que par un jugement du tribunal de commerce de Mâcon du 29 mai 2015, M. V... a été mis en liquidation judiciaire, laquelle a été clôturée pour insuffisance d'actif, le 11 décembre 2015, sans que les consorts P... aient déclaré leur créance ;

Attendu que pour condamner M. V... à payer à M. et Mme P... la somme de 10 285,83 euros en réparation de leur préjudice, outre celle de 15,05 euros TTC par jour au titre des frais de gardiennage, l'arrêt, après avoir constaté que M. V... n'avait informé ni le tribunal, ni les autres parties de sa procédure collective, et qu'il n'avait pas avisé le liquidateur judiciaire de l'existence de l'instance en cours devant le tribunal de grande instance, retient qu'en dissimulant au liquidateur l'existence de ces créanciers potentiels, ce qui avait eu pour effet de priver ceux-ci de l'avertissement d'avoir à déclarer leurs créances, M. V... avait sciemment porté atteinte aux droits des consorts P... et que si l'article L. 643-11 IV du code de commerce dispose que le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur, il fait cependant exception à cette règle en cas de fraude à l'égard d'un ou de plusieurs créanciers ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans constater que le tribunal de commerce de Mâcon avait, lors de la clôture de la liquidation judiciaire de M. V..., autorisé la reprise des actions individuelles de tout créancier, pour fraude à l'égard d'un ou de plusieurs d'entre eux, ou que M. et Mme P... avaient obtenu cette autorisation, postérieurement à la clôture et avant qu'elle ne statue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant le jugement, il condamne M. V... à payer à M. et Mme P... la somme de 10 285,83 euros en réparation de leur préjudice, outre celle de 15,05 euros TTC par jour à compter du 1er janvier 2015 et jusqu'au jour du paiement des condamnations permettant la réparation du véhicule, au titre des frais de gardiennage, et en ce qu'il statue sur les dépens et condamne M. V... à payer à M. et Mme P... la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 28 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon.