Livv
Décisions

Cass. com., 16 mars 1999, n° 96-15.693

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Grimaldi

Rapporteur :

Mme Graff

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

SCP Baraduc et Duhamel, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Aix-en-Provence, 15e ch., du 15 févr. 19…

15 février 1996

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le Crédit du Nord (la banque), qui avait consenti un prêt aux époux Y... et inscrit son privilège de prêteur de deniers sur un immeuble leur appartenant en commun, leur a délivré, les 20 novembre et 1er décembre 1992, deux commandements aux fins de saisie immobilière, et a fait procéder à leur publication le 5 février 1993, tandis que Mme Y... était en liquidation judiciaire depuis le 27 septembre 1989 ; que le liquidateur a obtenu l'annulation de la procédure en ce qu'elle concernait l'épouse, aux motifs que la banque, qui par ailleurs ne justifiait pas avoir déclaré sa créance à l'égard de Mme Y..., ne pouvait diligenter une procédure à l'encontre de celle-ci sans mettre en cause son liquidateur ;

Sur le moyen unique :

Vu les articles 154, alinéa 1er, et 161 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que le créancier titulaire d'un privilège spécial qui exerce des poursuites de saisie immobilière sur un bien commun à deux époux dont l'un est soumis à une procédure collective, est tenu, sans préjudice de la délivrance d'un commandement au conjoint in bonis, fût-il titulaire, sur ce bien, d'une sûreté réelle à l'encontre du conjoint maître de ses biens et lui permettant, dès lors, de poursuivre la saisie et la vente de ce bien, de présenter requête au juge-commissaire dont l'ordonnance se substitue au commandement de droit commun ;

Attendu que, pour ordonner la continuation des poursuites, à laquelle le liquidateur s'opposait, à l'encontre de M. Y..., l'arrêt énonce que si le créancier de l'époux in bonis ne peut déclencher ou poursuivre la saisie d'un bien commun après que la liquidation judiciaire de son conjoint ait été prononcée, le créancier titulaire d'une sûreté réelle peut, par application de l'article 161 de la loi du 25 janvier 1985, exercer son droit de poursuite individuelle si le liquidateur n'a pas entrepris la liquidation du bien grevé dans le délai de trois mois à compter du jugement de liquidation judiciaire ;

Attendu qu'en se déterminant par ce seul motif, sans rechercher, au besoin d'office, si la banque avait obtenu l'autorisation du juge-commissaire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le moyen relevé d'office, après avertissement donné aux parties :

Vu les articles 152 et 161 de la loi du 25 janvier 1985, ensemble l'article 1413 du Code civil ;

Attendu que, pour accueillir la demande de la banque, l'arrêt, après avoir relevé que celle-ci ne justifiait pas avoir déclaré sa créance à l'égard de Mme Y..., énonce que la procédure de saisie immobilière était nulle en ce qui la concerne, la banque ne pouvant diligenter postérieurement une procédure à l'encontre de celle-ci sans mettre en cause son liquidateur, mais que les poursuites engagées à l'encontre de M. Y... doivent produire leur plein effet ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'en l'absence de déclaration de ses créances, la banque ne pouvait faire valoir son hypothèque, sauf, le cas échéant, sur le solde du prix de l'immeuble grevé subsistant après règlement des créanciers admis, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que les poursuites engagées à l'encontre de M. Y... par le Crédit du Nord doivent produire leur plein effet et que la procédure de saisie immobilière devra se poursuivre en ce qui le concerne sur ses derniers errements, l'arrêt rendu le 15 février 1996, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.