Cass. com., 21 janvier 2014, n° 12-29.475
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Rapporteur :
M. Le Dauphin
Avocat général :
Mme Batut
Avocats :
SCP Boutet, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, SCP Vincent et Ohl
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 novembre 2012), que par décision du 8 septembre 2010, l'Autorité des marchés financiers (l'AMF) a déclaré conforme le projet d'offre publique de retrait suivi d'un retrait obligatoire visant les actions de la société anonyme Autoroutes Paris-Rhin-Rhône (la société APRR) déposé le 30 juillet 2010 pour le compte de la société Eiffarie ; que le département de Saône-et-Loire (le Département), actionnaire de la société APRR, a formé un recours contre cette décision ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le Département fait grief à l'arrêt de rejeter son recours alors, selon le moyen, que l'insaisissabilité des biens des personnes publiques mentionnés à l'article 1er du code général de la propriété des personnes publiques s'oppose à leur cession forcée dès lors que la propriété de ces biens participe au fonctionnement du service public en conférant un pouvoir de contrôle à la personne publique ; que tel est le cas de la détention d'une participation, même minoritaire, dans une société ayant pour objet l'exécution d'une mission de service public consistant en l'exploitation d'un réseau autoroutier appartenant au domaine public, quel que soit le poids du droit de vote sur les décisions sociales résultant du caractère minoritaire de la participation ; qu'en décidant le contraire pour cette raison inopérante qu'il n'était pas établi que la participation du département de Saône-et- Loire dans le capital de la société APRR (0,025 %) serait indispensable au bon fonctionnement du service public en cause, la cour d'appel a violé les articles L. 433-4 du code monétaire et financier dans sa rédaction applicable au litige et les articles L. 1 et L. 2311-1 du code général de la propriété des personnes publiques, ensemble l'article 537, alinéa 2, du code civil ;
Mais attendu que le principe d'insaisissabilité des biens des personnes publiques, s'il s'oppose à la mise en oeuvre, à leur encontre, des voies d'exécution du droit commun, ne fait pas obstacle à la cession, fût-elle forcée, des biens dépendant de leur domaine privé ; qu'ayant relevé que le Département ne contestait pas, au vu du jugement rendu par la juridiction administrative, saisie d'une question préjudicielle, que les actions de la société APRR dont il était titulaire appartenaient à son domaine privé, et dès lors que la procédure d'offre publique de retrait suivie d'un retrait obligatoire prévue par l'article L. 433-4 du code monétaire et financier ne constitue pas l'exercice d'une voie d'exécution, la cour d'appel en a justement déduit, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par le moyen, que cette collectivité se prévalait en vain du principe ci-dessus mentionné ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que le Département fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, que pour apprécier la conformité du projet d'offre aux dispositions législatives et réglementaires qui lui sont applicables, l'AMF examine les conditions financières de l'offre, au regard, notamment du rapport de l'expert indépendant et de l'avis motivé du conseil d'administration ; qu'il appartient dès lors à l'AMF d'apprécier si l'avis motivé du conseil d'administration a été rendu dans des conditions d'information et d'explication satisfaisantes, ce qu'il appartient à la cour d'appel de Paris de vérifier, et qu'en décidant le contraire pour cette raison qu'un tel débat ne pourrait s'élever qu'à l'occasion d'une action en nullité des délibérations du conseil d'administration devant la juridiction compétente, la cour d'appel a violé les articles 237-2 et 231-21 du règlement général de l'autorité des marchés financiers ;
Mais attendu que le Département ayant reproché à l'AMF d'avoir méconnu le principe de légalité en déclarant conforme le projet d'offre publique de retrait bien que l'avis du conseil d'administration de la société APRR fût, selon lui, dépourvu de valeur en raison des irrégularités ayant affecté le fonctionnement de cet organe social du fait de l'inobservation du droit à l'information de ses membres, la cour d'appel a exactement retenu que l'AMF n'était investie par aucun texte du pouvoir de se prononcer sur la régularité des délibérations à l'issue desquelles le conseil d'administration avait donné un avis motivé ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le quatrième moyen :
Attendu que le Département fait encore le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, que l'évaluation des titres, effectuée selon les méthodes objectives pratiquées en cas de cession d'actifs tient compte, selon une pondération appropriée à chaque cas, de la valeur des actifs, des bénéfices réalisés, de la valeur boursière, de l'existence de filiales et des perspectives d'activité ; qu'en statuant comme elle le fait sans s'assurer que les critères de pondération avaient été pris en compte, tout en relevant expressément que l'expert indépendant avait écarté des méthodes prenant précisément en compte la valeur des actifs et l'actualisation des bénéfices, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 433-4 du code monétaire et financier ;
Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a constaté que rien ne permettait de remettre en cause le caractère juste et équitable de l'indemnisation proposée aux actionnaires minoritaires après mise en oeuvre de la méthode "multicritères" prévue par l'article L. 433-4 II du code monétaire et financier ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que le deuxième moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.