CA Paris, 1re ch. H, 16 septembre 2003, n° 2003/6255
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Association pour la Défense des Actionnaires Minoritaires, Tocqueville Finance (SA)
Défendeur :
Legrand (SA), Fimaf (SAS), Conseil des Marchés Financiers, Commission des Opérations de Bourse
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Riffault-Silk
Conseillers :
M. Remenieras, Mme Delmas-Goyon
Avoué :
SCP Fisselier Chiloux Boulay
Avocats :
Me Geniteau, Me Martin, Me Teytaud, Me Pasturel
Apres avoir a l’audience publique du 24 juin 2003, entendu les conseils des parties, celui du Conseil des marchés financiers, les observations du représentant de la Commission des opérations de bourse, celles du Ministère Public, les parties ayant eu la parole en dernier.
La Cour est saisie des recours en annulation déposés le 7 avril 2003 par l’Association pour la Défense des Actionnaires Minoritaires (ADAM), ainsi que par la société Tocqueville Finance, Jean-Philippe Richemond, Olivier Richemond et Christophe Richemond, contre
- la décision n° 203C0442 du Conseil des marchés financiers (le CMF ou le Conseil) en date du 26 mars 2003, publiée le 28 mars 2003, qui, par application des articles 5-7-1 et 5-1-9 de son règlement général, a déclaré recevable le projet d’offre publique de retrait suivie d’un retrait obligatoire présenté par les sociétés Crédit Suisse First Boston et Lehman Brothers, agissant pour le compte de la société Fimaf SAS (société Fimaf), visant les actions de la société Legrand inscrite sur le premier marché de la Bourse de Paris, et proposant un prix respectivement de 136,73 euros par action ordinaire et de 114,13 euros par action à dividende prioritaire (ADP),
- la décision n° 203C0467 du 31 mars 2003 du Conseil, prononçant l’ouverture de l’offre et fixant le calendrier de la procédure.
Ce projet d’offre faisait suite
- a l’interdiction opposée par la Commission européenne au rapprochement des sociétés Schneider et Legrand effectue par une OPE réalisée en juin 2001, les décisions de la Commission des 10 octobre 2001 et 30 janvier 2002 ayant été cependant annulées par le TPICE le 22 octobre 2002,
- a la cession par la société Schneider Electric le 10 décembre 2002, en dépit de cette annulation, de sa participation dans le capital de la société Legrand soit 21.060.724 actions ordinaires et 6,548.139 ADP représentant 98,1 % du capital et 98,7 % des droits de vote, a la société Fimaf.
- et a la procédure de garantie de cours initiée par cette dernière le 11 décembre 2002 au prix respectivement de 136,73 euros par action ordinaire et de 114,13 euros par action a dividende prioritaire (ADP), au terme de laquelle la société Fimaf détenait 21.264.953 actions ordinaires et 6.616.714 ADP Legrand, soit 99,01 % du capital et 99,13 % des droits de vote de la société Legrand.
Le 27 mars 2003, la Commission des opérations de bourse (COB) a apposé son visa n° 3-196 sur la note d’information préparée conjointement par les sociétés Fimaf et Legrand. Les requérants ont également formé le 7 avril 2003 contre cette décision un recours en annulation enregistré au greffe de la Cour sous le n° 2003/06260 H.
Par ordonnance du 11 avril 2003, le Président de chambre délégué par le Premier Président de la Cour a donné acte au CMF de ce qu’il s’engageait, dans l’intérêt du marché, a proroger la procédure d’offre publique en sorte que la clôture de l’offre intervienne au moins huit jours après le prononcé de l’arrêt de la Cour.
Au soutien de leur demande d’annulation de la décision du Conseil, les requérants font valoir
- en la forme, que la procédure suivie devant le CMF ports atteinte tant aux dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (CESDH), dont les principes essentiels n’ont pas été respectés, qu’à celles du règlement général pris par le Conseil,
- au fond, que la procédure de retrait obligatoire, qui a pour objet l’expropriation des actionnaires minoritaires d’une société cotée, méconnaît en elle-même les garanties fondamentales inscrites dans la CESDH, et qu’en l’espèce le CMF a couvert des irrégularités constituant un véritable détournement de cette procédure et approuvé une démarche d’évaluation des actions à dividende prioritaire totalement erronée en omettant d’analyser et de prendre en compte les caractéristiques propres de l’action à dividende prioritaire sans droit de vote Legrand et en ignorant son exceptionnel rendement, toujours supérieur d’au moins 60 % à celui de l’action ordinaire.
Ils prient la Cour d’annuler la décision du CMF déclarant recevable L’offre publique de retrait suivie d’un retrait obligatoire portant sur les titres de la société Legrand, et d’annuler par voie de conséquence la décision du CMF fixant le calendrier de cette procédure
La société Fimaf et la société Legrand concluent a l’irrecevabilité des recours formés contre les décisions du Conseil, faute par les requérants de justifier de leur qualité d’actionnaires de la société visée à la date de la décision qu’ils contestent, et en tout état de cause a leur mal fondé, et demandent la condamnation solidaire des requérants à leur payer 30.000 euros a chacune en application des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Au soutien de sa décision, le Conseil des marchés financiers expose que
- la régularité formelle de ses décisions ne peut être mise en cause, les dispositions de la CESDH concernant les principes du procès équitable n’étant pas applicables lorsqu’il agit comme en l’espèce non pas entant que juridiction mais comme autorité professionnelle habilitée a prendre un acte administratif unilatéral, les décisions du Conseil ayant été régulièrement adoptées et matérialisées,
- la légalité de la procédure de retrait obligatoire ne peut être contestée, pas plus que l’approche retenue en l’espèce pour l’évaluation des titres de la société Legrand, la valorisation des fonds propres de la société et la détermination ultérieure de la valeur respective des AO et des ADP ayant été effectuées au terme d’une analyse multicritères conformément aux exigences de la réglementation, les caractéristiques spécifiques des ADP ayant été contrairement aux allégations des requérants, dûment prises en compte
Il demande à la Cour de déclarer en conséquence les requérants irrecevables et mal fondés en leurs recours, de les rejeter et de condamner les requérants aux dépens.
Invitée a présenter des observations en application de l’article 12-1 de l’ordonnance du 28 septembre 1967, la Commission des opérations de bourse conclut au rejet des recours, en observant que la décision du Conseil, prise conformément aux dispositions légales et réglementaires en vigueur, a fait une application pertinente des méthodes requises pour l’évaluation des titres de la société Legrand, l’indemnité offerte aux actionnaires minoritaires étant équitable et légitime.
Le Ministère Public a conclu oralement au rejet des recours.
SUR CE, LA COUR
Sur la recevabilité des recours
Considérant qu’il est justifié par les requérants de leur qualité d’actionnaires de la société Legrand, la fin de non-recevoir soulevée par les défenderesses devant être rejetée ;
Sur la régularité de forme des décisions attaquées
Considérant que les requérants font valoir que la procédure suivie devant le CMF n’a pas respecte les principes fixes par la CESDH, notamment les principes d’égalité des armes et du contradictoire, en vertu desquels tous les actionnaires concernés par une opération financière doivent avoir accès à tous les éléments soumis au Conseil et sur lesquels il statue, des lots que le Conseil est un tribunal au sens de la Convention, étant ajouté que les requérants ne disposent pas d’un recours effectif devant une instance nationale puisque la Cour ne se reconnait pas le pouvoir de statuer en pleine juridiction ;
Mais considérant que ces dispositions ne sont pas applicables lorsque le Conseil des marchés financiers, autorité professionnelle dotée de la personnalité morale, agit comme en l’espèce non pas en tant que juridiction mais comme autorité habilitée a prendre des décisions administrative individuelles ayant la nature d’actes administratifs ; qu’il n’est pas tenu, dans l’exercice de ces prérogatives, d’entendre en séance tous les actionnaires minoritaires qui en feraient la demande ou de répondre a leurs observations éventuelles, ni de leur communiquer les documents sur le projet d’offre publique, le respect des droits des actionnaires minoritaires étant garanti par l’ensemble des régies légales et réglementaires visant a assurer l’égalité des actionnaires et la transparence du marche, et par le recours ouvert devant la Cour d’appel de Paris qui est un recours de pleine juridiction exercé toutefois dans la limite des compétences et des pouvoirs confiés a l’autorité contrôlée par le juge ;
Considérant qu’il est encore soutenu que les deux décisions attaquées ont été prises au vu de dossiers incomplets, les documents de référence mentionn.es dans le projet de note d’information étant absents de ces dossiers ;
Mais considérant qu’il résulte des pièces du dossier déposé par le CMF au greffe de la Cour que le Conseil disposait d’un dossier comprenant le projet de note d’information, le document de référence D. 02-1328 de la société Legrand en date du 28 juin 2002 et son complément d’information en date du 27 janvier 2003 ainsi que les éléments au vu lesquels il s’était prononcé sur le projet de garantie de cours visant les titres Legrand en décembre 2002 ; qu’il avait en outre connaissance des contestations soulevées par les requérants le 17 mars 2003 a l’encontre de la valorisation de la société visée par l’offre et de la décote appliquée sur les ADP, ainsi que des observations en réponse formulées le 19 mars 2003 par les banques présentatrices ainsi que par l’expert indépendant; que les conditions fixées par l’article 5-1-4 du règlement général ont été respectées, le Conseil ayant délibéré sur un dossier lui permettant d’être suffisamment éclairé pour statuer sur le projet d’offre qui lui était soumis ;
Considérant que selon les requérants, l’expert choisi par l’initiateur ne peut être considéré comme indépendant ainsi que le requiert l’article 5-7-7 du Règlement général, ce d’autant plus qu’en l’espèce Bruno Husson choisi comme expert indépendant, avait déjà émis une opinion sur les titres Legrand lors de l’opération de garantie de cours organisée fin 2002 ;
Mais considérant que la nomination de Bruno Husson. expert charge d’apprécier l'évaluation des titres de la société visée, à été régulièrement agréée par le CMF le 22 janvier 2003, conformément aux dispositions de l’article 5-7-1 du règlement général ; qu’il n’est justifié par les requérants d’aucun élément permettant de mettre en doute son indépendance ou son impartialité, le fait que cet expert se soit auparavant prononcé dans le cadre de la procédure de garantie de cours ne pouvant en soi conduire à le suspecter ;
Qu’il est reproche a tort au CMF d’avoir fixe le calendrier de l’offre sans s’être assuré du caractère effectif de la publication de la note d’information visée par la Commission des opérations de bourse sur cette opération ; qu’en effet la note d’information visée par la COB le 27 mars 2003 sous le n° 03-196 avait déjà été mise en ligne sur le site internet de la COB le 28 mars 2003 et publiée le 31 mars 2003 dans un quotidien de diffusion nationale ;
Que les requérants font valoir que les deux décisions attaquées sont irrégulières en la forme, aucune des pièces versées au dossier ne permettant a la Cour de s’assurer du respect des règles fixées pour l’organisation des délibérations tant par le décret 96-868 du 3 octobre 1996 que par la loi 2000-321 du 12 avril 2000. et ajoutent que l’insuffisance de la motivation de la décision de recevabilité équivaut à une absence de motifs ;
Mais considérant que ces griefs ne peuvent qu’être écartés par la Cour, les dispositions de la loi du 12 avril 2000 n’étant pas applicables aux décisions du CMF, lesquelles sont prises a la majorité dans les conditions prévues par les articles L. 622-2 et suivants du Code monétaire et financier et le décret du 3 octobre 1996 ; qu’en particulier, l’absence d’indication, dans le texte de la décision telle que publiée, des noms des membres du Conseil ayant délibéré ne constitue pas une irrégularité ; qu’enfin l’absence ou l’insuffisance de motivation imputée aux décisions attaquées est dépourvue de fondement, ces décisions contenant les éléments qui permettent d’en comprendre la logique, le sens ou la portée ;
Qu’il y a lieu dès lors de rejeter dans leur intégralité les moyens développés au soutien du recours, fondés sur une irrégularité formelle de chacune des décisions du Conseil des marchés financiers ;
Sur le fond
Considérant que selon l’article L. 433-4° du Code monétaire et financier, le règlement général du Conseil des marchés financiers fixe les conditions dans lesquelles, a l’issue d’une procédure d’offre ou de demande de retrait, les titres non présentés par les actionnaires minoritaires, des lors qu’ils ne représentent pas plus de 5 % du capital ou des droits de vote, sont transférés aux actionnaires majoritaires à leur demande, et les détenteurs indemnisés ;
Que cet article, dont les dispositions sont reprises dans l’article 5-7-1 du règlement général du CMF, dispose que l’évaluation des titres de la société visée, effectuée selon les méthode objectives pratiquées en cas de cession d’actifs tient compte, selon une pondération appropriée a chaque cas, de la valeur des actifs, des bénéfices réalisés, de la valeur boursière, de l’existence de filiales et des perspectives d’activité ; qu’il est ajouté a l’article 5-7-1 du règlement général que cette évaluation est assortie de l’appréciation d’un expert indépendant préalablement agrée par le Conseil, la COB disposant d’un droit d’opposition ;
Considérant que les requérants observent tout d’abord que la procédure de retrait obligatoire, qui a pour objet l’expropriation des actionnaires minoritaires de la société concernée au bénéfice de l’actionnaire majoritaire, porte dans son principe atteinte a un droit civil reconnu par la CESDH et viole l’article 1er de son premier Protocole additionnel, en ce qu’elle n’est pas justifiée par une cause d’utilité publique comme le prévoit la Convention;
Mais considérant que l’obligation faite aux actionnaires minoritaires de céder leurs actions a l’initiateur d’une offre publique de retrait découle de la législation régissant les marchés financiers et qu’ainsi le transfert de propriété, opéré moyennant une indemnisation juste et équitable du retrayant par l’initiateur de l’offre sous le contrôle de l’autorité de marché, un recours étant par ailleurs offert à l’actionnaire minoritaire, satisfait à l’intérêt du bon fonctionnement du marché, sans qu’il y ait lieu au cas par cas à justifier in concrété de l’utilité publique de l’opération ;
Considérant que les requérants reprochent encore au CMF, chargé d’assurer l’égalité des actionnaires, d’avoir couvert un véritable détournement de la procédure de retrait obligatoire, le retour en bourse de la société étant d’ores et déjà envisagé par ses actionnaires majoritaires, et ajoutent que l’opération est irrégulière en ce qu’elle a été financée pour l’essentiel par un emprunt garanti par la société acquise et par ses filiales en violation des articles L. 225-216 et L. 242-24 du Code de commerce, que les protections particulières instituées par le législateur pour les détenteur d’actions a dividende prioritaire sans droit de vote dans les articles L. 228-12 et L. 228-19 du Code de commerce n’ont pas été mise en oeuvre, enfin que sa situation de dirigeant de Legrand interdisait à la société Fimaf de détenir des ADP émis par cette dernière ;
Mais considérant que l’éventualité d’une réintroduction en bourse de la société visée ne peut suffire à affecter la régularité de son retrait effectué en conformité avec les dispositions légales et réglementaires applicables a cette opération financière ; que la juridiction de la Cour ne peut porter sur l’examen de la régularité de son financement, pas plus que sur l’inobservation alléguée des règles du Code de commerce applicables au rachat des actions a dividende prioritaire ou a la détention par le dirigeant d’une société des actions a dividende prioritaire émises par cette dernière; qu’en effet, même dans l’hypothèse ou n’est pas tranché un différend, il n’est ni du pouvoir du Conseil, ni de la compétence de la Cour statuant sur les recours formés contre ses décisions, de se prononcer sur les violations d’obligations dont les sanctions de droit privé n’entrent pas dans les mesures que l’autorité de marché est habilitée a prendre par application des dispositions du Code monétaire et financier et de son règlement général, étant au surplus observé que l’article L. 433-4 du Code monétaire et financier ne distingue pas entre les différentes catégories de titres pouvant composer le capital d’une société ;
Considérant qu’il est encore reproché a la décision attaquée de n’avoir pas pris en compte les caractéristiques très spécifiques des ADP émises par la société Legrand, le Conseil s’étant seulement fondé sur un facteur purement boursier pour admettre une décote de 16,5 % alors que ces actions bénéficiaient d’une rentabilité supérieure de 60 % a celle des actions ordinaires, et n’ayant pas procédé à l'évaluation multicritères par catégorie de titres a laquelle il était tenu, mais s’étant contenté d’une évaluation des fonds propres de la société puis de sa répartition entre les deux catégories d’actions, en affectant à tort d’une décote les ADP sans droit de vote ;
Mais considérant que si les principes d’évaluation ci-dessus rappelés imposent d’appliquer une pluralité de critères connus, objectifs et significatifs, cette méthode peut conduire, selon les cas, à écarter des critères non pertinents ou au contraire, à retenir des méthode de valorisation non visées par le législateur, dès lors que l’approche retenue permet de parvenir à une indemnisation équitable des minoritaires faisant l’objet du retrait obligatoire ; qu’il ne peut être reproché, en l’espèce, aux banques présentatrices ainsi qu’a l’expert indépendant d’avoir préalablement évalué les fonds propres de la société à travers une analyse multi- critères et d’avoir analysé la répartition de cette valeur entre les deux catégories d’actions existantes, actions ordinaires et ADP en appréciant la décote des secondes par rapport aux premières au travers d’une analyse également fondée sur des critères multiples ;
Que les critères retenus pour l'évaluation des fonds propres de la société Legrand, fondés sur les comparables boursiers, sur l’analyse de transactions comparables et sur l’actualisation des flux de trésorerie prévisionnels, conduisant à une évaluation, de 3,7 millions d’euros, sont pertinents et cohérents au regard des caractéristiques de la société Legrand et particulièrement de la cession de contrôle conclue le 10 décembre 2002 entre les sociétés Fimaf et Schneider, qui se fondait sur une valorisation identique ;
Que la spécificité des ADP émises par la société Legrand n’a pas été ignorée par l’autorité de marché, qui s’est attachée a la déterminer par une approche intrinsèque et par une analyse multi-critères ; que la valeur intrinsèque des ADP, définie comme égale a la valeur de l’action ordinaire augmentée de la valeur du privilège et diminuée de la valeur du droit de vote, a été étudiée a titre indicatif compte tenu de la difficulté de déterminer la valeur implicité du droit de vote de l’action ordinaire, étant observé que le privilège consenti aux ADP émis par la société Legrand ne porte que sur la distribution d’un dividende supérieur de 60 % a celui des actions ordinaires, les ADP et les actions ordinaires bénéficiant des mêmes droits sur l’actif social et le boni de liquidation : qu’au demeurant les résultats de cette approche intrinsèque ne dementent pas ceux de l’analyse multi- critères également effectuée sur ces titres, fondée sur une appréciation de leurs . décotes historiques ainsi que sur celles constatées dans le cadre d’opérations similaires; qu’en effet la comparaison des cours de bourse des actions ordinaires et des ADP Legrand au cours de la période précédant le 11 decembre 2002 date du dépôt de la garantie de cours, fait apparaitre une décote constante dépassant 40 % avant l’annonce initiate de Schneider en janvier 2001, puis s’élevant a environ 27 % depuis cette date jusqu’a fin 2001, avant de passer à 19 % pendant les douze mois précédant le dépôt de la garantie de cours, la décote de 16,5 % proposes dans le cadre du retrait obligatoire et admise par le CMF, inférieure de 2,5 % a la décote observée pour cette dernière periode, apparaissant ainsi favoriser les titulaires d’ADP Legrand ; que l’analyse des décotes observées dans le cadre d’opérations présentant des caractéristiques similaires fait apparaitre une décote moyenne comparable des ADP soit une moyenne globale de 15,5 % ; qu’il ne peut être sérieusement soutenu que le droit de vote des actions ordinaires de la société Legrand serait sans valeur, ne serait-ce qu’en raison des prérogatives accordées par le législateur aux détenteurs de ces catégories de titres quelle que soit la fraction de capital qu’ils detiennent ; qu’il y a lieu de relever que la décote de 16,5 % aujourd’hui contestée par les requérants est identique a celle qui a été appliquée à l’offre revisée de la société Schneider en juin 2001, a laquelle avaient été apportés 98,3 % des actions ordinaires et 97,5 % des ADP ; que des lors le caractère équitable et objectif de la décote de 16,5 % pratiquée sur les ADP de la société Legrand au terme de cette analyse multicritères ne saurait être mis en cause ;
Considérant que la valorisation de la société Legrand dans l’offre de Schneider en juin 2001 (soit 6,4 milliards d’euros a comparer aux 3,67 milliards d’euros rétenus pour l’offre contestée), et l’évolution du cours de bourse pendant cette période ont été justement écartés comme non pertinents, de même qu’il n’a pas été tenu compte de la décision prise par le TPICE le 22 octobre 2002, qui annulait les décisions de la Commission européenne interdisant le rapprochement de Schneider et de Legrand et ordonnait leur séparation ; qu’en effet ainsi que le notent justement l’expert indépendant dans son rapport le 11 mars 2003, et le Conseil dans le procès-verbal de sa séance tenue le 19 mars 2003, les prix proposés par la société Schneider en juin 2001 lors de sa prise de contrôle de la société Legrand, qui correspondent a une valeur d’entreprise prenant en compte les synergies de couts et de revenus attendues du rapprochement des deux entreprises et estimées a 210 millions d’euros avant impôts par an dès l’exercice 2003, ne peuvent constituer des références pertinentes pour la présente opération conduite par un acquéreur purement financier ; que la cession de la totalité de cette participation soit plus de 98 % du capital de la société Legrand à la société Fimaf, intervenue le 10 décembre 2002 au terme d’un processus concurrentiel de mise aux enchères, constitue a l’inverse une référence essentielle, étant observé que le retrait obligatoire contesté, immediatement mis en oeuvre après cette opération et la garantie de cours qui s’en est suivie, a été proposé à un prix identique ;
Que les requérants ne sont pas fondés a soutenir que le prix rétenu pour cette garantie de cours constituait en réalite un critère de référence fallacieux, au motif que plusieurs éléments venant en complément de ce prix auraient été délibérément occultés par les banques et par l’expert indépendant, et à en déduire que la valorisation de la société Legrand a 3,7 milliards d’euros, aurait été manifestement minorée et ne pourrait servir de référence équitable et pertinente pour l’indemnisation des actionnaires minoritaires dans le cadre du retrait obligatoire mis en oeuvre sur les titres Legrand ;
Qu’en effet,
- le crédit d’impôt de 91, 47 millions d’euros (600 millions de francs) retiré de cette cession par Schneider ne saurait constituer un complément de prix en ce qu’il s’agit d’une incidence fiscale qui ne contribue pas a la valeur des actifs cédés,
- le crédit vendeur de 150 millions d’euros consenti à la société Fimaf lors de la convention du 10 décembre 2002 a été assorti d’un taux d’intérêt de 5,5 % voisin de celui du marché, le prix facial affiché pour la vente du bloc correspondant ainsi au prix de vente réel pour Schneider,
- le droit de première offre et de préemption accordé a Schneider sur d’éventuelles cessions d’actifs de la société Legrand, pendant une période de douze mois, ne constitue pas en lui-même un complément de prix accordé au vendeur,
- les engagements de rachat d’actions ordinaires et d’ADP a émettre par exercice d’options détenues par les salariés de la société Legrand, souscrits par la société Fimaf le 10 décembre 2002, n’ont pas davantage d’incidence sur le prix payé par la société Fimaf à la société Schneider et auquel correspond le prix d’offre contesté, les engagements réciproques pris par la société Schneider assurant à la société Fimaf une neutralité de ces opérations excluant toute modification du prix en faveur du vendeur ;
Que le grief tenant a la privation des actionnaires minoritaires du dividende auquel ils ont droit pour l’exercice 2002, par un report artificiel de l’assemblée générale des actionnaires de la société Legrand, est sans fondement, l’exercice 2002 étant déjà intégré dans le calcul de l’indemnisation ;
Considérant qu’il convient de rejeter le recours ;
Considérant que ni l’équité, ni les circonstances de l’espèce ne justifient le prononcé d’une condamnation sur le fondement des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Ecarte la fin de non-recevoir soulevée par les sociétés Fimaf et Legrand,,
Déclare recevables les recours,
Les déclare mal fondés,
Rejette les recours,
Déboute l’Association pour la Défense des Actionnaires Minoritaires (ADAM), ainsi que par la société Tocqueville Finance, Jean-Philippe Richemond, Olivier Richemond et Christophe Richemond de toutes leurs demandes,
Les condamne aux depens.