CA Amiens, 1re ch. civ., 5 février 2016, n° 14/04720
AMIENS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Société Générale (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Bonnemaison
Conseillers :
Mme Grevin, Mme Sansot
DECISION :
Par jugement du tribunal de grande instance de Compiègne en date du 8 janvier 2013, Madame Anne L. épouse R. a été condamnée avec exécution provisoire à payer à la SA Société Générale la somme en principal de 10500,80 € outre 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par exploit d'huissier en date du 30 avril 2014, la SA Société Générale a fait délivrer à Madame Anne L. épouse R. un commandement de payer suivi d'un procès-verbal de saisie-vente dressé le 2 avril 2014 par M° R. huissier de justice à Attichy.
Par exploit d'huissier en date du 30 avril 2014 Madame Anne R. née L. et Madame Marie R. ont fait assigner la SA Société Générale devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Compiègne aux fins que soient distraits de la saisie les meubles inventoriés dans le procès-verbal de saisie-vente comme appartenant à Madame Marie R. et que soit prononcée la nullité de la saisie des biens mobiliers et que soit ordonnée sa mainlevée.
Par jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Compiègne en date du 1er octobre 2014, Madame Anne R. née L. et Madame Marie R. ont été déboutées de l'intégralité de leurs demandes et condamnées à payer à la SA Société Générale la somme de 1000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de l'instance.
Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 15 octobre 2014, Madame Anne R. née L. et Madame Marie R. ont interjeté appel total de cette décision.
Aux termes de leurs conclusions en date du 23 juillet 2015, elles demandent à la Cour de constater que par jugement en date du 26 mars 2015 le rétablissement professionnel de Madame Anne L. divorcée R. a été prononcé et donc de constater l'effacement de la dette de la SA Société Générale et de dire que cette dernière n'a plus ni droit ni intérêt à agir. A titre surabondant elles demandent à la Cour de dire que les meubles saisis appartiennent à Madame Marie R. et d'ordonner la distraction de la saisie des meubles et de prononcer la nullité de la saisie vente litigieuse et à titre subsidiaire si la vente des biens saisis a eu lieu d'ordonner la distraction du prix de vente des meubles.
Elles demandent en tout état de cause à la Cour de condamner la SA Société Générale à verser à Madame Marie R. la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts ainsi que la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 et la même somme à Madame Anne L. divorcée R. sur le même fondement, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de M° G..
Aux termes de ses conclusions en date du 20 octobre 2015, la SA Société Générale demande à la Cour de lui donner acte que par suite du jugement de rétablissement personnel de Madame Anne L. divorcée R. elle donne son accord à la mainlevée de la saisie. Elle demande à la Cour de débouter les appelantes de l'ensemble de leurs demandes et de les condamner au paiement d'une somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement des entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 novembre 2015 et l'affaire a été renvoyée pour être plaidée à l'audience en date du 20 novembre 2015.
A cette audience l'affaire a été mise en délibéré au 5 février 2016.
SUR CE,
Madame Anne R. née L. et Madame Marie R. soutiennent qu'à la lumière du jugement du 26 mars 2015 prononçant la clôture de la procédure de rétablissement professionnel et constatant l'effacement des dettes et en particulier de celle de la SA Société Générale, la nullité des actes de saisie et leur mainlevée doivent être ordonnées
Elles considèrent que la demande de distraction des biens saisi est justifiée dès lors qu'en sa qualité de propriétaire de l'immeuble les meubles meublant cet immeuble sont présumés lui appartenir quand bien même elle héberge sa mère. Madame Marie R. indique justifier de sa propriété sur les meubles saisis au moyen de différentes attestations et justifier également avoir disposé de ressources suffisantes pour acquérir les biens saisis.
Par ailleurs Madame Anne L. conteste vivre auprès de sa fille et dit justifier de sa domiciliation à Paris. Elle demande ainsi la nullité de la saisie portant sur des biens dont elle n'est pas propriétaire et sa mainlevée.
La SA Société Générale soutient qu'elle n'a appris l'effacement de sa dette qu'en juillet 2015 et que sa bonne foi ne peut être contestée et ce d'autant que lorsque le juge de l'exécution a statué, ses prétentions étaient légitimes.
Elle soutient à ce titre qu'il résulte de l'ensemble des éléments du dossier que Madame Anne L. était bien domiciliée chez sa fille même si elle justifiait d'une domiciliation à Paris et que sa fille propriétaire du domicile à la suite d'une donation de son père, ne justifiait aucunement être propriétaire du mobilier inventorié par l'huissier.
La Cour observe que l'effacement de la dette de la SA Société Générale rend sans objet la procédure de saisie-vente dont la mainlevée doit être ordonnée sans qu'il soit dès lors besoin d'examiner la demande en distraction de Madame Marie R. devenue de ce fait également sans objet.
Cependant pour statuer sur la demande de dommages et intérêts formée par les appelantes il convient d'examiner la demande de nullité de la saisie-vente.
Il sera relevé en premier lieu que lors de l'établissement du procès-verbal de saisie-vente qui avait été précédé d'un commandement, le créancier disposait d'une créance certaine liquide et exigible sur le fondement d'un jugement du tribunal de grande instance de Compiègne assorti de l'exécution provisoire.
Par ailleurs la demande de nullité de la procédure de saisie est également fondée sur le fait que la saisie a été poursuivie uniquement sur des biens dont le saisi n'était pas propriétaire.
Il convient cependant d'observer que si à hauteur d'appel Madame Marie R. justifie par des attestations et des factures de sa propriété sur un certain nombre de biens saisis ce qui lui aurait ouvert le droit à distraction de ces biens , les incertitudes quant à la domiciliation de Madame Anne L. qui, jusque dans la déclaration d'appel, se domicilie au domicile de sa fille pouvaient laisser supposer une communauté de vie empêchant l'application de l'article 2279 du code civil au bénéfice de Madame Marie R. en l'absence d'autres justificatifs avant la procédure d'appel et la saisie de ces biens si elle pouvait être annulée ne pouvait être considérée comme abusive et donner lieu à l'octroi de dommages et intérêts.
Par ailleurs l'absence de pièces versées par Madame Marie R. pour justifier de sa propriété sur les meubles saisis alors que la communauté de vie empêchait l'application du principe selon lequel en fait de meubles possession vaut titre, a conduit logiquement le premier juge à valider la saisie.
Il convient pour l'ensemble de ces raisons de débouter Madame Marie R. de sa demande de dommages et intérêts.
Il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile et il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a octroyé à la Société Générale une somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens par elle exposés en première instance et il convient de dire que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens tant en première instance qu'en appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Ordonne la mainlevée de la saisie-vente diligentée par la Société Générale à l'encontre de Madame Anne L.
Déboute la Société Générale de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens par elle exposés en première instance
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens de première instance
Y ajoutant,
Déboute Madame Marie R. de sa demande de dommages et intérêts
Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens par elles exposés à hauteur d'appel
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens d'appel.