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Décisions

CA Paris, 1re ch. H, 13 janvier 1998, n° 97/15877

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Tecknecomp Holding International B.V (Sté)

Défendeur :

Conseil des Marchés Financiers, Commission des Opérations de Bourse

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Canivet

Conseillers :

Mme Favre, Mme Pinot, Mme Kamara, Mme Guirimand

Avoués :

SCP Valdelièvre-Garnier, SCP Fisselier Cheloux Boulay

Avocats :

Me Brocas, Me Lefort, Me Amiel Morabia

CMF, du 4 juill. 1997, n° 197C0241

4 juillet 1997

Statuant en application du décrêt n° 96-869 du 3 octobre 1996 relatif aux recours exercés devant la Cour d’Appel de PARIS contre les décisions du Conseil des marchés financiers ;

Après avoir entendu les conseils des parties et du Conseil des marchés financiers, le représentant de la Commission des opérations de bourse et le ministère public en leurs observations ;

* *

Le 23 mai 1997, la société TEKNECOMP BV, société de droit néerlandais, filiale de la société italienne TEKNECOMP Spa cotée a la Bourse de Milan, a déclaré avoir franchi indirectement en hausse, le 20 mai 1997, les seuils de 5%, 10%, 20% et 50% des droits de vote de la société à SEDIVER dont les actions sont admises aux négociations sur le second marché de la Bourse de Paris, en raison de l’acquisition directe par elle, auprès de IDA Societa di Partecipazioni Spa, de 95,73% des actions ordinaires avec droits de vote de la société SANTA VALERIA Spa qui détient elle-même 1.234.662 droits de vote de la société SEDIVER, soit 63,64% du nombre total de droits de vote dans cette société.

Le 3 juin 1997, le Conseil des marchés financiers (Le Conseil) à, conformément aux dispositions de l’article 356-1 de la loi du 24 juillet 1966, public deux avis, l’un rendant compte du franchissement indirect a la baisse des seuils de 50%, 33%, 20%, 10% et 5% des droits de vote de la société SEDIVER par la société italienne IDA Spa, et l’autre informant le marché du franchissement des mêmes seuils la hausse par la société TEKNECOMP et rendant publiques les déclarations d'intentions de cette dernière en application du règlement n° 88-02 modifié par le règlement n°97-02 de la Commission des opérations de bourse.

Examinant les conséquences du franchissement de seuil indirect par la société TEKNECOMP dans SEDIVER au vu des informations reçues de TEKNECOMP sur SANTA VALERIA le Conseil à, par décision délibérée en sa séance du 2 juillet 1997 et publiée le 4 juillet 1997, demandé a la société TEKNECOMP de déposer un projet d’offre publique simplifiée visant les actions SEDIVER a des conditions telles qu’il puisse être déclaré recevable.

La société TEKNECOMP HOLDING INTERNATIONAL BV, aujourd’hui dénommée INTER HOLDING INTERNATIONAL BV (INTEK), a formé le 11 juillet 1997 un recours en annulation et subsidiairement en réformation, contre cette décision,

Elle soutient :

- à titre principal, que la décision doit être annulée pour vices de forme, d’abord parce qu'elle ne comporte pas les mentions permettant de s’assurer que le Conseil a pris sa décision dans les conditions légales de composition, de quorum et de majorité, ensuite parce qu’elle ne fait pas apparaitre de manière complète et loyale sa motivation,

- à titre subsidiaire, que la décision doit être annulée au fond pour avoir fait, en violation des règles de droit international, application de l’article 33-1 de la loi du 2 juillet 1996 et de l’article 5-3-7 du Règlement General du Conseil des marchés financiers à une société étrangère,

- à titre plus subsidiaire, que la décision doit être annulée ou réformée pour violation des textes précités dans leur contenu matériel, le Conseil ayant à tort considéré que la participation de SANTAVALERIA dans SEDIVER représente "une part essentielle de ses actifs",

Le Conseil a présenté des observations visant au rejet des moyens tirés de la nullité de la décision pour vices de forme, de l’ inapplicabilité de la loi française à la société étrangère TEKNECOMP. Il s’est également expliqué sur la participation de la société Santavaleria dans la société SEDIVER, qui, pour lui, constitue une part essentielle de ses actifs au sens de l’article 5-3-7 de son Règlement Général.

Invitée a présenter des observations en application de l’article 12-1 de l’ordonnance du 28 septembre 1967, la Commission des opérations de bourse estime que les critiques formulées par la requérante ne lui apparaissent pas de nature à affecter la validité de la décision contestée.

Le ministère public a oralement conclu au rejet des demandes et prétentions de la société TEKNECOMP HOLDING INTERNATIONAL BV.

SUR CE, LA COUR

Sur la régularité de la décision du Conseil

Considérant, en premier lieu, que la société TEKNECOMP soutient, que la décision du Conseil est nulle aux motifs qu'elle ne comporte pas les mentions permettant de vérifier les conditions de composition, de quorum et de majorité, fixées aux articles 27 et 30 de la loi du 2 juillet 1996 et a l’article 4 du décret du 3 octobre 1996 ;

Considérant toutefois que le Conseil a produit le procès-verbal de sa réunion du 2 juillet 1997, et que la société TEKNECOMP a fait acter lors des débats qu’elle renonçait au moyen précité, de sorte que la Cour n’a pas a l’examiner;

Considérant, en second lieu, que la requérante prétend que la décision ne répond pas aux exigences légales de motivation, d’une part parce qu’elle n’indique pas l’intégralité des motifs de fait et de droit sur lesquels le Conseil s’est fondé, et d’autre part parce qu’elle n’énonce pas tous les critères de comparaison appliqués et ne comporte pas les éléments chiffrés permettant d’en comprendre le sens et la portée ;

Mais considérant que la décision publiée expose clairement la participation de la société Santavaleria dans la société SEDIVER, énonce explicitement les textes qui en constituent le fondement et précise les raisons qui ont conduit le Conseil à demander le dépôt d’un projet d’offre publique simplifiée ;

Que sa motivation est en 1’espece suffisante pour en comprendre la logique, le sens ou la port he et, a la juridiction de recours, pour en contrôler la légalité ;

Qu’elle répond donc aux prescriptions de I’article 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative A la motivation des actes administratifs ;

Sur I’applicabilité de I’article 33-1° de la loi du 2 juillet 1996

Considérant que la requérante soutient que ni la loi française ni le Règlement Général du Conseil des marchés financiers ne saurait imposer a une société étrangère l’obligation de déposer une offre publique d’achat ; qu’elle estime que l’injonction qui lui a été faite de déposer un projet d’offre publique simplifée est contraire a la coutume de droit international selon laquelle un Etat n’est pas autorisé à exercer ses prérogatives de puissance publique sur le territoire étranger et notamment à délivrer des injonctions à des sociétés dont le siège est situé sur un Etat étranger ;

Mais considérant que les dispositions d’ordre public économique de la loi du 2 juillet 1996 et le Règlement général du Conseil des marchés financiers s’imposent a tout opérateur qui intervient sur un marche réglementé français ;

Qu’en l’espèce il est constant que la société SEDIVER, dont la société TEKNECOMP a pris indirectement le contrôle, est une société de droit français dont les titres sont inscrits a la cote du second marché de la bourse de Paris ;

Que les dispositions de l’article 33-1 de la loi du 2 juillet 1996 et cédés de l’article 5-3-7 du Règlement général du Conseil des marchés financiers, qui ne contiennent aucune mesure d’exécution forcée a l’étranger, sont donc applicables a la requérante ;

Sur l’application de l’article 5-3-7 du Règlement du CMF

Considérant qu’aux termes de l’article 5-3-7 du Règlement général du Conseil des marchés financiers les personnes physiques ou morales agissant seules ou de concert sont tenues au respect des procédures définies au présent chapitre lorsque, en prenant le contrôle d’une société, elles viennent à détenir, directement ou indirectement, la majorité du capital ou des droits de vote d’une société française dont les titres sont inscrits a la cote officielle ou a la cote du second marché ou négociés sur le marché hors-cote, dès lors que les titres détenus par la société dont le contrôle est pris représentent une part essentielle de ses actifs :

Considérant que la société TEKNECOMP fait grief au Conseil d’avoir fait une interprétation erronée de ce texte et d’avoir retenu a tort que la participation de SANTAVALERIA dans SEDIVER représente “une part essentielle de ses actifs ;

Qu’elle soutient que les règles édictées par le texte précité ont pour but de prévenir une fraude aux dispositions sur les offres publiques obligatoires ou sur l’obligation de garantie de cours ; que, s’agissant de la participation de SANTAVALERIA dans SEDIVER, elle reproche au Conseil de n’avoir considéré, pour apprécier l’existence d’une part essentielle, qu’une partie des actifs de SantavaIeria, ”les filiales et participations”, au lieu de la totalité des actifs, d’avoir commis des erreurs matérielles dans l’application des critères mentionnés dans la décision, d’avoir écarté certains critères déterminants dont l’application conduit a la solution inverse, et enfin, d’avoir fait une extension illégale du champ d’application de l’article 5-3-7 du Règlement Général du Conseil des marchés financiers ;

Mais considérant que les règles édictées par l’article 5-3-7 ne font pas référence à l’existence d’une fraude ; qu’elles ont pour seul objet de permettre aux actionnaires minoritaires d’une société cotée dont le contrôle est pris indirectement d’être désintéressés dans les mêmes conditions que dans les hypothèses ou le contrôle est pris directement ;

Qu’il appartient au Conseil, afin de préserver les droits de ces minoritaires, d’apprécier, au regard des critères estimés par lui au cas par cas les plus pertinents, la notion de part essentielle des actifs de la filiale dont le contrôle est pris ;

Considérant en l’espèce que le Conseil a apprécié la part représentée par SEDIVER dans les actifs de SANTAVALERIA au regard de trois critères dont la pertinence n’est pas en elle-même discutée par la requérante ;

Considérant, tout d’abord, qu’il a recherche en termes de valeur nette comptable, la quote-part de SEDIVER dans le total des participations de SANTAVALERIA ; que cette dernière étant une société de participation, il a comparé la valeur nette comptable de la participation SEDIVER s’élevant a 112.500.000.000 lires a la valeur nette comptable de la totalité des participations de SANTAVALERIA représentant 228.313.979.102 lires ; qu’il a exactement retenu en conséquence que SEDIVER représente 49,27 % de la valeur nette comptable de la totalité des participations de SANTAVALERIA, sans que la société TEKNECOMP puisse aujourd’hui discuter utilement ce mode de calcul dans la mesure ou elle avait elle-même fait référence a ces éléments et a ces chiffres dans la lettre qu’elle a adressée au Conseil le 3 juin 1997 pour solliciter une dérogation au dépôt d’une offre publique d’achat obligatoire, distinguant la valeur comptable des participations détenues par SANTAVALERIA de la totalité des actifs de cette société ;

Considérant, ensuite, qu’il a appliqué le critère du chiffre d’affaires, en retenant le chiffre d’affaires de la société SEDIVER a 100% et non comme le voudrait la requérante à hauteur de la participation de la société SANTAVALERIA dans SEDIVER (63,24%), puisque, détenant indirectement la majorité des droits de vote dans la société SEDIVER, la société TEKNECOMP est réputée exercer le contrôle exclusif sur la société SEDIVER aux termes de l’article 357-1 de la loi du 24 juillet 1966, les comptes de SEDIVER devant être consolidés par intégration globale et non par intégration proportionnelle, conformément a l’article 357-3 du même ; qu’il a constaté qu’en termes de chiffre d’affaires, la part de SEDIVER dans les actifs de SANTAVALERIA était de 55,44% ;

Considérant que le Conseil a encore retenu la part de SEDIVER en termes de situation nette ; que la requérante qui a elle-même fixé cette part dans la lettre précitée du 3 juin 1997 à 51,83 % ne peut sérieusement soutenir aujourd’hui que ce pourcentage ne serait que de 37,50% ;

Considérant que la société TEKNECOMP ne peut faire le reproche au Conseil d’avoir omis de prendre en compte le critère de la valeur de rendement qu’elle n’a jamais invoqué dans ses différents courriers ;

Qu’il s’ensuit qu’en procédant par une exacte appréciation des éléments qui lui étaient soumis et en faisant application des critères les plus appropriés pour apprécier la part de SEDIVER dans les actifs de SANTAVALERIA le Conseil a pu estimer que SEDIVER constituait une part essentielle des actifs de SANTAVALERIA ;

Que, des lors, les moyens visant à contester le bien fondé de la décision critiquée doivent être rejetés ;

PAR CES MOTIFS

Rejette le recours formé par la société TEKNECOMP, aujourd’hui dénommée INTEK HOLDING INTERNATIONAL, contre la décision délibérée le 2 juillet 1997 par le Conseil des marchés financiers et publiée le 4 juillet 1997 lui demandant de déposer un projet d’offre publique simplifiée visant les actions de la société SEDIVER ;

Condamne la requérante aux dépens.