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Décisions

Cass. crim., 24 mars 1999, n° 98-81.548

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gomez

Rapporteur :

Mme de la Lance

Avocat général :

M. de Gouttes

Avocat :

SCP Guy Lesourd

Paris, ch. d'acc., du 11 févr. 1998

11 février 1998

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 241 et 459 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966, 197 du décret n° 67-236 du 23 mars 1967, 8, 575-1° et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à articulation essentielle du mémoire :

" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'informer des chefs de non-convocation d'assemblée générale extraordinaire lorsque les capitaux propres d'une société deviennent inférieurs à la moitié de son capital social ;

" aux motifs qu'une assemblée générale extraordinaire s'était tenue le 13 décembre 1993, que des mesures de restructuration financière avaient été adoptées afin notamment de renforcer les fonds propres de la société (D 127) ; que le procès-verbal d'assemblée générale mixte du 17 mai 1994 (D 117) retraçait l'évolution du capital social de Z... en se référant précisément à l'assemblée générale extraordinaire du 13 décembre 1993, que l'assemblée générale du 17 mai 1994, après avoir pris connaissance des comptes arrêtés au 31 décembre 1993 ainsi que des rapports du conseil d'administration et des commissaires aux comptes, avait décidé qu'il n'y avait pas lieu à dissolution de la société ; que l'assemblée générale d'approbation des comptes de l'exercice clos le 31 décembre 1992 s'était tenue le 18 mai 1993, que le délit instantané de non-convocation d'une assemblée générale extraordinaire prévu par l'article 459 de la loi du 24 juillet 1966, à supposer cette non-convocation faite "sciemment", était caractérisé dès le 19 septembre 1993, soit plus de 3 années avant le dépôt de la plainte, se trouvait couvert par la prescription ;

" alors, d'une part, que le délit de non-convocation d'assemblée générale extraordinaire au cas où les capitaux propres de la société deviennent inférieurs à la moitié du capital social est constitué le premier jour qui suit l'expiration du délai de 4 mois prévu par l'article 241 de la loi du 29 juillet 1966, c'est-à-dire à l'expiration des 4 mois suivant l'approbation des comptes par l'assemblée générale ordinaire, et se poursuit tant que l'assemblée générale n'a pas été réunie pour décider s'il y a lieu ou non à dissolution anticipée de la société ; qu'il ne résulte d'aucune des énonciations de l'arrêt attaqué que l'assemblée générale extraordinaire du 13 décembre 1993, convoquée 3 mois après l'expiration du délai prévu par l'article 241 de la loi du 29 juillet 1966, ait été convoquée pour statuer sur l'éventuelle dissolution de la Z... ; que, dès lors, cette énonciation insuffisante ne justifie pas légalement le refus d'informer ;

" alors, d'autre part, que l'énonciation que des mesures de restructuration financière aient été prises n'établit nullement que les prescriptions de l'article 241 de la loi du 24 juillet 1966 aient été mises en oeuvre et que l'assemblée générale extraordinaire du 13 décembre 1993 ait été appelée à se prononcer sur la dissolution anticipée de la société Z... avant de prendre ces mesures ; que, cette énonciation inopérante ne justifie pas légalement le refus d'informer ;

" alors, de troisième part, que l'énonciation selon laquelle l'assemblée générale du 17 mai 1994, dont le procès-verbal se référait à l'assemblée générale extraordinaire du 13 décembre 1993, avait décidé qu'il n'y avait pas lieu à dissolution de la société établit de manière incontestable que les prescriptions de l'article 241 de la loi du 24 juillet 1966 avaient été violées pour l'exercice clos à la fin de 1992 et que le délit de non-convocation de l'assemblée générale extraordinaire dans le délai de 4 mois ayant suivi l'approbation des comptes par l'assemblée générale (article 241 de la loi du 24 juillet 1966) n'était toujours pas prescrit à la date du dépôt de la plainte des parties civiles en date du 7 mars 1997 ; qu'en effet, le délit s'étant poursuivi jusqu'à la date de la réunion de cette assemblée (17 mai 1994), et la prescription en matière de délit étant de 3 années révolues à compter du jour où l'infraction a cessé, la plainte des parties civiles en date du 7 mars 1997 ne se rapportait en aucun cas à des faits prescrits ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la chambre d'accusation a violé l'article 8 du Code de procédure pénale ;

" alors, enfin que, c'est délibérément que, lors du conseil d'administration du 23 mars 1993, les membres de ce conseil et à tout le moins son président et son directeur général se sont abstenus de faire état du fait que les capitaux propres de la société Z... étaient devenus, lors de l'exercice 1992, inférieurs à la moitié du capital social et que c'est donc tout à fait sciemment qu'ils ont omis de convoquer l'assemblée générale extraordinaire à l'effet de statuer sur la dissolution anticipée de la société ; qu'en effet, dès lors qu'ils étaient les seuls à être informés et donc à être conscients de la situation, cette omission a nécessairement été commise en toute connaissance de cause en sorte que l'infraction de non-convocation d'assemblée générale extraordinaire prévue et réprimée par les articles 241 et 459 de la loi du 24 juillet 1966 était parfaitement constituée ; qu'il s'ensuit que le refus d'informer sur ces faits est illégal " ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 59, 60 et 460 de l'ancien Code pénal, 127 et suivants, 321 et suivants du nouveau Code pénal, 575 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à informer des chefs de complicité et de recel dénoncés par la plainte avec constitution de partie civile de Y... et de X... en date du 7 mars 1997 ;

" aux seuls motifs concernant ces 2 infractions que les faits dénoncés dans la plainte étaient prescrits et qu'il en serait de même pour toute éventuelle complicité ; que, par ailleurs, ces faits étaient autonomes par rapport à ceux dénoncés dans la plainte distincte déposée le 26 janvier 1996 pour des faits d'escroquerie et qu'aucun délit de recel n'existait dans la présente procédure ;

" alors, d'une part, que, dans leur plainte, les parties civiles avaient fait valoir que les faits de non-convocation d'assemblée générale extraordinaire et la diffusion d'informations mensongères par le commissaire aux comptes étaient, dans le contexte de la plainte du 26 janvier 1996 du chef d'escroqueries, déjà en cours d'information, constitutifs de complicité d'escroquerie et de recel ; qu'en se déterminant par les seuls motifs susénoncés, sans rechercher si ces deux infractions n'avaient pas eu pour fin de faciliter la commission des escroqueries, par ailleurs dénoncées dans la plainte du 26 janvier 1996 et objet d'une information en cours, la chambre d'accusation, qui a manifestement dénaturé la plainte du 7 mars 1997, a privé sa décision de toute base légale ;

" alors, d'autre part, qu'en se bornant à affirmer qu'aucun délit de recel n'existait dans la présente procédure, cependant que Y... et X..., dans leur mémoire, avaient exposé (p. 21, paragraphe 6, et p. 22, paragraphe 2) qu'à la suite de la non-convocation de l'assemblée générale extraordinaire dans le délai légalement imparti et de la diffusion de l'information mensongère imputée au commissaire aux comptes, le recel était constitué par la non-régularisation des capitaux propres dans le délai légal de 2 ans, soit avant le 31 décembre 1995 et que cette non-régularisation avait illégalement profité au groupe Pinault-Printemps-Redoute, articulation essentielle du mémoire qui caractérisait tant la complicité que le recel dénoncés et sur laquelle l'arrêt attaqué ne s'est pas expliqué, la chambre d'accusation a privé sa décision de toute base légale ;

" alors enfin, qu'en déclarant que les faits de recel et de complicité étaient autonomes par rapport à ceux dénoncés dans la plainte déposée le 26 janvier 1996, sans même exposer les faits d'escroqueries visés par cette plainte, la chambre d'accusation n'a pas légalement justifié le refus d'informer " ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 457 de la loi du 24 juillet 1966, 575-1° et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions :

" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à informer sur la plainte avec constitution de partie civile des chefs d'informations mensongères sur la situation de la société et de défaut de révélation au procureur de la République des faits délictueux commis par un commissaire aux comptes ;

" aux motifs que ce délit était un délit instantané qui, à le supposer établi, se trouvait couvert par la prescription ;

" alors que, en laissant les administrateurs prétendre, au cours de la réunion du conseil d'administration du 25 mars 1994, que les capitaux propres de la Z... étaient devenus inférieurs à la moitié du capital social au cours de l'exercice 1993, cependant que cette situation était apparue au cours de l'exercice 1992, et en s'abstenant d'apporter tout démenti à cette information mensongère donnée ensuite aux actionnaires lors de l'assemblée générale du 18 mai 1994, les commissaires aux comptes qui, déjà, par des informations mensongères, s'étaient abstenus de révéler cette situation en 1992 ont, à nouveau, commis les infractions d'informations mensongères et de défaut de révélation à parquet de faits délictueux, en sorte que, à la date du dépôt de la plainte des parties civiles, le 7 mars 1997, la prescription triennale n'était pas acquise et que c'est en violation de l'article 8 du Code de procédure pénale que la chambre d'accusation a déclaré le contraire pour justifier le refus d'informer de ces chefs " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que la société anonyme Y..., dont X... est le président, cooptée le 23 mars 1993 en tant qu'administrateur de la société Z..., et X..., actionnaire de cette société, ont déposé plainte avec constitution de partie civile, le 7 mars 1997, d'une part, pour non-convocation par le représentant de la société Z... de l'assemblée générale extraordinaire dans les 4 mois de l'approbation des comptes, par l'assemblée générale ordinaire du 18 mai 1993, qui avait fait apparaître que les capitaux propres de la société, en raison des pertes subies, étaient devenus inférieurs à la moitié du capital social au 31 décembre 1992, d'autre part, à titre connexe, pour informations mensongères ou défaut de révélation au parquet par le commissaire aux comptes des faits délictueux correspondants et, enfin, pour des faits de complicité et recel, qui " pourront être relevés " lorsque l'ensemble de ces infractions se trouvera relié à d'autres faits, notamment d'escroquerie, déjà dénoncés dans une plainte antérieure du 26 janvier 1996 et faisant l'objet d'une information en cours ;

Attendu que, pour confirmer l'ordonnance de refus d'informer rendue par le juge d'instruction, la chambre d'accusation relève que, lors de l'assemblée générale d'approbation des comptes de l'exercice clos le 31 décembre 1992, qui s'est tenue le 18 mai 1993, il a été fait mention des pertes significatives subies par la société Z... et que le délit instantané de non-convocation d'une assemblée générale extraordinaire, prévu par l'article 459 de la loi du 24 juillet 1966, était caractérisé dès le 19 septembre 1993, soit plus de 3 années avant le dépôt de plainte ;

Que les juges énoncent que le second délit, lui aussi instantané, prévu par l'article 457 de la même loi, relatif aux commissaires aux comptes, à le supposer également établi, se trouve aussi couvert par la prescription et qu'il en serait de même pour une éventuelle complicité de ces délits ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre d'accusation a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

Qu'en effet, le délai de prescription court, pour le délit prévu à l'article 459 de la loi du 24 juillet 1966, à compter de l'expiration du délai de 4 mois suivant l'approbation des comptes ayant fait apparaître les pertes dans les proportions fixées par ledit texte ; que, par ailleurs, pour le délit de non-dénonciation prévu à l'article 457 de la même loi, le délai de prescription court à compter du jour où le commissaire aux comptes a eu connaissance des faits délictueux ;

D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.