CA Lyon, 6e ch., 24 septembre 2015, n° 10/00595
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Caisse Méditerranéenne de Financement
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vieillard
Conseillers :
Mme Clerc, M. Goursaud
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes d'un acte reçu le 26 septembre 2005 par maître Jean-Pierre B., notaire associé à Aix-en-Provence, M. Thierry H. et Mme Laurence A. épouse H. ont souscrit auprès de la Caisse Méditerranéenne de Financement (CAMEFI) un prêt d'un montant de 234 540 € remboursable en 216 mensualités de 1712,88 €, outre 86,78 € de cotisations d'assurance, pour financer l'acquisition d'une villa dans un ensemble immobilier en cours de construction sur la commune de Montevrain.
La Caisse Méditerranéenne de Financement a également consenti aux époux H. un autre prêt selon acte notarié reçu par maître J., notaire associé à Aix-en-Provence, selon acte du 3 juin 2005, pour un montant de 129 675 €, remboursable en 216 mensualités de 947,04 €, outre 25,94 € de cotisations d'assurance, pour financer l'acquisition d'un appartement avec parking dans un ensemble immobilier en cours de construction sur la commune de Six Fours Les Plages.
Ces acquisitions s'inscrivaient dans le cadre d'une vaste opération de défiscalisation proposée aux époux H. par la société Apollonia qui a servi d'intermédiaire entre les emprunteurs et l'organisme de crédit. Il était prévu que les emprunteurs utilisent le cadre du régime fiscal des loueurs de meublés non professionnels.
Les époux H. ayant cessé d'honorer leurs échéances, la Caisse Méditerranéenne de Financement (CAMEFI), après avoir prononcé la déchéance du terme, a pris le 24 juillet 2009 une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire sur les biens immobiliers appartenant aux époux H., situés sur la commune de Saint Haon Le Vieux (42), cadastrés section AA n° 143-144-148, 146 et 149-147, en vertu des deux actes de prêt notariés susvisés. Cette inscription d'hypothèque judiciaire provisoire a été dénoncée aux intéressés par acte d'huissier de justice du 30 juillet 2009.
Par acte d'huissier du 2 août 2009 M. Thierry H. et Mme Laurence A. épouse H. ont fait assigner devant le juge de l' exécution du tribunal de grande instance de Roanne la Caisse Méditerranéenne de Financement (CAMEFI) afin d'obtenir la mainlevée et la radiation de cette inscription provisoire d'hypothèque, se déclarant être les victimes d'une vaste escroquerie organisée par la société Apollonia et contestant la validité des actes notariés. Ils sollicitaient à titre subsidiaire le sursis à exécution de toute mesure d' exécution et en toute hypothèse la condamnation de la CAMEFI à supporter les frais de mainlevée de l'hypothèque et à leur payer la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts en sus des entiers dépens.
Par jugement du 7 janvier 2010 le juge de l' exécution du tribunal de grande instance de Roanne a :
- débouté M. Thierry H. et Mme Laurence A. épouse H. de l'ensemble de leurs demandes
- dit n'y avoir eu application de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné M. Thierry H. et Mme Laurence A. épouse H. aux dépens.
M. Thierry H. et Mme Laurence A. épouse H. ont interjeté appel par déclaration reçue le 27 janvier 2010.
La Caisse Méditerranéenne de Financement (CAMEFI) a fait assigner en intervention forcée maître Jean-Pierre B. et la SCP notariale R. D. B. C. L., ainsi que maître Philippe J. et la SCP D. J. R..
Aux termes de leurs conclusions n° 6 notifiées par voie électronique le 14 octobre 2013 M. Thierry H. et Mme Laurence A. épouse H. demandent à la cour de :
- dire qu'ils ont été représentés le jour de la signature des actes de vente des 3 juin et 26 septembre 2005 par une secrétaire notariale dépourvue de tout pouvoir
- constater que ce défaut de représentation constitue un vice de forme affectant les actes notariés des 3 juin et 26 septembre 2005 et dire que ces actes ne valent pas actes authentiques exécutoires mais actes sous seing privé aux termes de l'article 1318 du code civil puisque Mme R. n'a jamais eu les qualités pour les représenter
- infirmer le jugement entrepris
- à ce titre constater que la CAMEFI a déjà engagé deux procédures de saisie attribution concernant les loyers de lots qui n'ont pas été financés par elle et constater que le recouvrement des créances qu'elle allègue n'est pas menacé eu égard à ces procédures
- en conséquence ordonner la mainlevée et la radiation des inscriptions provisoires d'hypothèques prises sur leurs biens immobiliers situés sur la commune de Saint Haon Le Vieux
- à titre subsidiaire, leur enjoindre de communiquer les pièces pénales visant la mise en examen des ex-cadres et dirigeants de CAMEFI dans le cadre de l'instruction pénale actuellement en cours devant le tribunal de grande instance de Marseille et notamment l'arrêt rendu le 6 décembre 2012 par la chambre d'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence
- constater que la garantie du prêteur de deniers prise par CAMEFI sur leurs biens immobiliers est suffisante
- constater que CAMEFI n'apporte pas la preuve de circonstances pouvant menacer le recouvrement de sa prétendue créance, qui n'est pas liquide
- constater la responsabilité de CAMEFI en sa qualité de mandant de la société Apollonia eu égard aux nombreuses irrégularités citées dans la présente instance
- constater que CAMEFI a eu parfaitement connaissance par courrier des investisseurs de la fausseté des dossiers de crédits et qu'elle a néanmoins cru devoir nonobstant prendre lesdites garanties
- rejeter toutes les demandes et les prétentions de CAMEFI
- dans tous les cas la condamner à payer les frais de mainlevée d'inscription d'hypothèque et la somme de 5000 € de dommages-intérêts
- la condamner à payer 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- la condamner aux dépens d'appel distraits au profit de la SCP L. de M. et L., avocats, sur son affirmation de droit, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
À l'appui de leur appel M. Thierry H. et Mme Laurence A. épouse H. relatent avoir été approchés par deux commerciaux de la société Apollonia, spécialisée dans la gestion de patrimoine, qui leur ont promis de développer leur patrimoine sans effort de trésorerie et sans épargne supplémentaire. Ils exposent avoir été mis en confiance par les affirmations de la société Apollonia selon lesquelles elle travaillait de concert avec un réseau bancaire important, mais également avec des notaires et des cabinets d'experts-comptables. Ils indiquent avoir découvert par la suite que les demandes de prêt étaient formulées auprès de plusieurs banques dont ils n'étaient pas les clients, que les dossiers de prêt, montés et remplis par la société Apollonia, comportaient de fausses dates et des mentions erronées et ne faisaient pas état des autres prêts souscrits, que les notaires attitrés de la société Apollonia faisaient signer des procurations dans des conditions participant à l'escroquerie et comportant de fausses indications. Ils ajoutent que les revenus locatifs se sont très vite avérés insuffisants voire inexistants et n'ont pas permis de rembourser les emprunts contractés, de sorte qu'ils se sont retrouvés dans une situation catastrophique, n'étant plus en mesure de rembourser les crédits colossaux qu'ils ont souscrits.
Les appelants précisent que, regroupés avec de nombreuses autres victimes dans le cadre d'une association (ASDEVILM) constituée le 19 juillet 2007, ils ont déposé de manière collective une plainte pénale devant le tribunal de grande instance de Marseille donnant lieu actuellement à une information judiciaire sur les chefs d'infraction d'escroquerie en bande organisée, faux et usage de faux, association de malfaiteurs, abus de confiance et exercice illégal de la profession d'intermédiaire en banque, qui a conduit à la mise en examen et à la détention provisoire de trois des cinq notaires, poursuivis notamment pour faux en écriture publique.
Ils font valoir :
- que le juge de l' exécution est compétent pour vérifier que le titre de la banque constitue un acte authentique exécutoire et en matière de contestation d'une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire
- que dans la procuration qu'ils ont donnée ils ont désigné comme mandataire spécial « tout clerc de notaire à l'étude de maître B. » ; qu'or Mme R., qui a signé l'acte du 9 juin 2006 en leur nom, n'est pas clerc de notaire mais secrétaire notariale ; qu'elle a donc fait usage d'une fausse qualité, de sorte que leur consentement a été vicié et qu'ils n'ont pas été valablement représentés, l'acte du 26 septembre 2005 perdant dès lors son caractère authentique et exécutoire et ne pouvant permettre l'inscription d'hypothèque judiciaire diligentée
- que la CAMEFI n'a produit aucun décompte de sa créance qui n'est pas liquide, le TEG étant erroné et seuls des intérêts au taux légal étant dus sur le capital, ce dont il résulte que le montant de la dette réclamé par la banque dans le cadre de la mesure diligentée est faux
- que CAMEFI a commis une faute en utilisant abusivement un titre exécutoire vicié
- qu'il n'existe pas en l'espèce de circonstances menaçant le recouvrement de la créance
- que la responsabilité de CAMEFI est en outre engagée à leur encontre, en sa qualité de mandataire de la société Apollonia, à raison des actes commis par cette dernière
- qu'étant soumis au secret de l'instruction il est demandé à la cour de leur enjoindre de produire les pièces du dossier pénal actuellement en cours au tribunal de grande instance de Marseille afin de confirmer ou d'infirmer leurs allégations s'agissant de la responsabilité de l'établissement bancaire.
Aux termes de ses conclusions n° 7 déposées par voie électronique le 2 décembre 2013 la Caisse Méditerranéenne de Financement (CAMEFI) demande à la cour de :
- confirmer le jugement déféré
- déclarer les époux H. irrecevables en leurs demandes et mal fondés
- rejeter les demandes liées aux dispositions de l'article 502 du code de procédure civile et à la disqualification des actes comme étant nouvelles et donc irrecevables
- constater que les époux H. ne remettent pas en cause leur titre de propriété sur les deux lots acquis par le biais des financements qu'elle leur a accordés et sur la base des mêmes procurations notariées, sommation étant faite aux appelants de verser au débat leur déclaration d'impôts depuis l'octroi des prêts et leurs avis d'imposition
- débouter M. et Mme H. de toutes leurs demandes
- confirmer pour le surplus le jugement de première instance et y ajoutant,
- condamner les époux H. à lui payer la somme de 3500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- les condamner aux dépens distraits au profit de Me L., avocat, sur son affirmation de droit.
- déclarer les appels en intervention forcée recevables et bien fondés
- dire et juger commun et opposable aux notaires mis en cause l'arrêt à intervenir
- enjoindre aux intervenants forcés :
- de fournir toutes explications utiles concernant les circonstances dans lesquelles les actes susvisés ont été reçus
- de prendre position sur les griefs formulés contre les actes notariés dans les conclusions des époux H.
- de produire la procuration signée par les emprunteurs et de manière générale tous éléments utiles pour apprécier la validité des actes en cause
- débouter les notaires mis en cause de leurs demandes, fins et conclusions
- condamner tous succombants à lui payer la somme de 3500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- les condamner aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Me L., avocat, sur son affirmation de droit
Elle oppose que :
* les arguments tenant au non-respect de l'article 502 du code de procédure civile et à la disqualification des actes notariés pour diverses irrégularités prétendues sont nouveaux en cause d'appel et donc irrecevables, subsidiairement ils sont mal fondés :
- l'article 502 du code de procédure civile s'applique aux décisions de justice et non aux actes notariés
- le juge de l' exécution n'est pas compétent pour statuer sur la validité de la minute de l'acte notarié, mais uniquement sur la copie exécutoire remise au créancier
* les époux H. ne sont plus recevables à invoquer une nullité de l'acte souscrit en 2005 et qui a connu un début d' exécution ; d'ailleurs les appelants ne contestent nullement leur titre de propriété passé dans les mêmes conditions et avec la même procuration et représentation ; en l'espèce les époux H. n'ont pas engagé la procédure particulière de l'article 303 du code de procédure civile ; l'article 1318 du code civil est détourné de sa finalité et n'est pas applicable en l'espèce puisque M. et Mme H. contestent leur représentation à l'acte qui ne pourrait donc même pas valoir comme acte sous seing privé
- il n'existe aucune exigence d'annexion de la procuration à la copie exécutoire et en tout état de cause l'absence d'annexion de la procuration à l'acte n'est pas sanctionnée par la perte du caractère authentique exécutoire de l'acte
* la nullité d'un contrat pour défaut de pouvoir de représentation d'un contractant est une nullité relative qui ne peut être invoquée que par l'intéressé et est susceptible d'être couverte par confirmation ; en l'espèce le mandat litigieux a été ratifié par l'emprunteur du fait de l' exécution par celui-ci du contrat de prêt
* les époux H. n'ont jamais exercé aucune action en nullité pour défaut de consentement affectant les actes de prêt
* le mandant a en toute hypothèse expressément autorisé la substitution du mandataire sans désignation d'une personne pour l' exécution du mandat
* les époux H. sont en tout état de cause engagés à son égard sur le fondement du mandat apparent, dès lors qu'elle n'est pas partie au mandat
* l'argument relatif au caractère erroné du TEG est prescrit pour avoir été soulevé plus de 5 ans après la réception de l'offre préalable ; il est au demeurant non fondé, les requérants ne démontrant nullement avoir versé une quelconque rémunération à Apollonia qui n'aurait pas été prise en compte dans le calcul du TEG
* le décompte de la créance est produit aux débats
* CAMEFI a satisfait à son obligation de mise en garde au regard des informations dont elle disposait ; elle n'a été sollicitée pour intervenir ni dans la conception ni dans la réalisation de l'opération de défiscalisation incriminée ; elle n'a procédé à aucun démarchage
* la créance est bien menacée dans son recouvrement ; malgré mise en demeure les époux H. se sont abstenus de tout règlement ; ils reconnaissent leur état de surendettement dû à une frénésie de souscrire des emprunts successifs auprès de multiples établissements bancaires concomitamment et postérieurement aux prêts souscrits auprès d'elle ; la situation particulière des biens donnés en garantie couplée au marasme immobilier justifient la mesure complémentaire de sûreté qui a été prise.
Aux termes de leurs conclusions récapitulatives n° 3 déposées le 16 décembre 2013 maître Jean-Pierre B. et la SCP R. D. B. C. L. demandent à la cour de :
« - réformer la décision d'appel
- dire que par application des articles 77 et 455 du code de procédure civile le dispositif de la décision à intervenir doit statuer sur tous les moyens qui fondent sa décision
- dire que seuls les textes spéciaux applicables aux actes notariés ( décret 71-9541 ' article 1318 du code civil) sont applicables à la validité des actes notariés définissant bien les modalités de la preuve constituée par un acte nul mais signé par les parties
- se déclarer incompétent rationae materiae pour statuer sur les critiques de l'acte notarié original déposé en minutes qui ne constituent pas le titre exécutoire en vertu duquel est effectuée la voie d' exécution et tel que défini par les articles du décret de 1991
- dire et juger que la contestation de la régularité d'un titre authentique produit à titre de preuve littérale par la banque au soutien de son exécution constitue une demande incidente de faux, article 285 du code de procédure civile et 1319 du code civil jusqu'à l'inscription de faux prévue aux articles 363 et suivants du code de procédure civile
- dire et juger qu'à peine d'irrecevabilité ces contestations doivent être soumises au tribunal de grande instance du lieu de détention de la minute (article 288 du code de procédure civile ) dans les conditions des articles 314 et suivants du code de procédure civile
- surseoir à statuer sur la demande principale soit par application de l'article 1319 du code civil soit en application de l'article 313 du code de procédure civile
- dire et juger qu'à défaut de respecter cette procédure les investisseurs seront déboutés de leurs critiques touchant à la validité de la copie exécutoire, preuve littérale produite par la banque, par application de l'article 313 alinéa 2 du code de procédure civile
- subsidiairement, dire et juger que le commencement d' exécution et le paiement des échéances de l'acte de prêt constitue la reconnaissance du débiteur, prévue à l'article 1322 du code civil, qui stipule que l'acte devenu sous-seing privé a la même foi que l'acte authentique
- dire et juger infondés les moyens fondés sur le défaut d'annexion de la procuration ou sur l'absence de qualité de mandataire au regard des arrêts de la Cour de cassation du 21 décembre 2012
- ordonner la mise hors de cause des notaires pour toutes les irrégularités de procédure qui toucheraient les mesures d' exécution
- vu le règlement national des notaires approuvé par arrêté du garde des sceaux dans son article 29 avant le 24 décembre 2009 ou 36 actuel, dire qu'aucun texte n'oblige à joindre la photocopie des annexes copies exécutoires délivrées par les notaires (décret 71-941), les articles 8 ou 21 visant l'acte ou minute
- débouter par conséquent tout prétendant à la perte du caractère exécutoire des actes délivrés en copie aux parties pour défaut d'annexion des procurations (aux copies exécutoires)
- dire et juger que le décret 71-941 ne vise pas les procurations en brevet qui sont une exception définie par l'article 13
- dire et juger que les dispositions des articles 8 ou 21 du décret 71-941 ne s'appliquent pas en présence de procurations reçues en brevet par un autre notaire que celui rédacteur de l'acte
- dire et juger que la loi 76-519 du 15 juin 1976 relatif à certaines formes de transmission de créances ne s'applique pas à l'acte de prêt non transmissible
- dire et juger qu'en l'espèce la procuration étant reçue par acte authentique du notaire rédacteur de l'acte, il est exonéré de l'obligation d'annexion
- dire et juger que la mention de la date de l'acte de procuration vaut déclaration de sa date, vaut mention du dépôt de la procuration au rang des minutes
- dire et juger que le défaut d'annexion des procurations n'est pas sanctionné par aucune des dispositions de l'article 23 ou 41 du décret 71-941 dans sa mouture initiale ou remaniée après le 1er février 2006 et que l'article 1318 ne peut s'appliquer qu'à l'acte demeuré en minutes
- dire et juger que par application de l'article 1998 alinéa 2 du code civil, il résulte de l'attitude des investisseurs et notamment du paiement à bonne date pendant plusieurs années des échéances, une ratification du mandat nul ou inexistant qui rend inopérante l'allégation de défaut de représentation
- dire et juger que l' exécution volontaire de l'acte a emporté renonciation aux moyens et exceptions que l'on pouvait lui opposer en application de l'article 1338 sans qu'il y ait lieu de distinguer à nullité relative et nullité absolue
- dire et juger que les critiques contre la validité des actes notariés, notamment relatives à la validité de la procuration ou la qualité du représentant, s'assimilent à celles régies par l'article 1304 du code civil et les déclarer prescrites par l'écoulement du délai de 5 ans depuis sa date de l'acte et son commencement d' exécution
- condamner les investisseurs à leur payer une somme de 3000 € à titre de dommages-intérêts et de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner la partie succombante aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP T., avoués sur son affirmation de droit ».
Aux termes de leurs conclusions déposées par voie électronique le 21 février 2013 maître Philippe J. et la SCP D. J. R. demandent à la cour de :
- juger irrecevable leur mise en cause
- dire que la cour d'appel de Lyon est incompétente au profit du tribunal de grande instance de Marseille pour connaître des demandes dirigées par la CAMEFI et éventuellement par toute partie à leur rencontre, s'agissant de demandes procédant d'une action en responsabilité civile professionnelle dont est d'ailleurs déjà saisie la juridiction de Marseille au fond
- dire que la cour d'appel n'est pas compétente pour apprécier la validité des actes notariés argués de faux ou de nullité
- dire que lesdits actes demeurent valables jusqu'à inscription de faux
- dire que les copies exécutoires sont parfaitement valables
- en conséquence débouter les appelants ainsi que la CAMEFI de toutes leurs demandes à cet égard
- subsidiairement, ordonner le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale pendante devant la juridiction marseillaise
- en toute hypothèse, débouter la CAMEFI ou toute autre partie de leur demandes, fins et conclusions dirigées à leur encontre comme étant sans objet et infondées
- condamner tout succombant à leur payer la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner tout succombant à supporter les entiers dépens avec distraction au profit de la SCP T., avocats associés près la cour d'appel de Lyon.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 juin 2014 et l'affaire, fixée à l'audience du 9 juin 2015, a été mise en délibéré à ce jour.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il convient de noter que les époux H. ne forment, dans leurs dernières écritures, aucune demande tendant à ce qu'il soit sursis à statuer sur le présent litige. Les observations présentées à ce titre par la Caisse Méditerranéenne de Financement sont donc sans objet.
Les appelants sollicitent principalement la mainlevée de l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire prise sur leurs biens immobiliers sis à Saint Haon Le Vieux.
L'article L 213-6 du code de l'organisation judiciaire prévoit que le juge de l' exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l' exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire et que dans les mêmes conditions il autorise les mesures conservatoires et connaît des contestations relatives à leur mise en œuvre.
L'article L 511-1 alinéa 1 du code des procédures civiles d' exécution dispose que toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.
L'article L 511-2 du même code précise qu'une autorisation préalable du juge n'est pas nécessaire lorsque le créancier se prévaut d'un titre exécutoire ou d'une décision de justice qui n'a pas encore force exécutoire.
Enfin selon l'article L 512-1 du code des procédures civiles d' exécution , même lorsqu'une autorisation préalable n'est pas requise, le juge peut donner mainlevée de la mesure conservatoire s'il apparaît que les conditions prévues par l'article L 511-1 ne sont pas réunies.
L'article L 111-3 du même code prévoit que constituent des titres exécutoires, notamment les actes notariés revêtus de la formule exécutoire.
Le juge de l' exécution et partant la cour a donc compétence pour apprécier le caractère exécutoire des titres en vertu desquels l'hypothèque judiciaire provisoire sur les biens des époux H. a été inscrite.
En l'espèce, contrairement à ce que soutiennent les notaires intimés, la cour n'est saisie d'aucune demande au titre d'un faux, les appelants se bornant à contester le caractère exécutoire des actes notariés servant de fondement à la mesure conservatoire querellée, au motif qu'ils sont atteints d'un vice de forme les disqualifiant en simples actes sous seing privé.
Il s'agit en l'espèce d'un moyen qui, même s'il n'a pas été soulevé en première instance, ne peut être déclaré irrecevable comme le soutient la CAMEFI, dès lors qu'il ne constitue pas une prétention au sens de l'article 564 du code de procédure civile.
Les époux H. arguent plus précisément qu'alors qu'ils ont donné mandat de les représenter à « tout clerc de notaire à l'étude de maître B. », les actes en cause ont été signés pour leur compte par Mme R., simple secrétaire notariale, qui ne disposait donc d'aucun pouvoir pour les représenter, de sorte que l'acte n'est pas valablement signé par eux.
Ils invoquent à ce titre les dispositions de l'article 1318 du code civil.
Il est toutefois intéressant de noter que ce texte confère à l'acte qui n'est pas authentique par un défaut de forme valeur d'acte sous-seing privé à condition qu'il soit signé par les parties, ce qui n'est précisément pas le cas en l'espèce selon les appelants.
Il apparaît en réalité que le défaut invoqué par les époux H. ne s'analyse pas en un vice de forme susceptible de porter atteinte au caractère exécutoire de l'acte, mais serait susceptible, s'il était avéré, de constituer un vice de fond pouvant atteindre la validité de l'acte en tant que « negotium », ce qui n'est toutefois pas allégué.
En toute hypothèse il est constant que les irrégularités affectant la représentation conventionnelle d'une partie à un acte notarié, qu'elles tiennent à une nullité du mandat, un dépassement ou une absence de pouvoir, sont sanctionnées par la nullité relative de l'acte accompli pour le compte de la partie représentée qui seule peut la demander, à moins qu'elle ne ratifie ce qui a été fait pour elle hors ou sans mandat dans les conditions de l'article 1998 alinéa 2 du code civil et que cette ratification peut être tacite et résulter de l' exécution volontaire du contrat par la partie qui y était irrégulièrement représentée, sans être assujettie aux conditions exigées pour la confirmation d'un acte nul.
En l'espèce l' exécution du contrat, caractérisée par la perception des fonds dont les appelants ont disposé pour acquérir les biens financés et le remboursement des échéances du prêt pendant plusieurs années, emporte confirmation par eux du mandat litigieux et, partant, disparition de la cause de nullité relative dont ils se prévalent sans toutefois poursuivre la nullité de l'acte en cause ni s'inscrire en faux à son encontre ou à l'encontre de la procuration authentique qu'ils ont donnée.
Les époux H. ont ainsi ratifié de manière claire et non équivoque le mandat qu'ils contestent aujourd'hui par l' exécution du contrat de prêt de sorte que ni la validité de l'acte notarié ni son caractère exécutoire ne sauraient être discutés.
Les appelants évoquent également la responsabilité de l'établissement bancaire dans les faits d'escroquerie dont ils prétendent être victimes de la part de la société Apollonia. Ils n'en tirent toutefois aucune conséquence au plan de la mesure d' exécution forcée contestée, de sorte que leur demande tendant à ce qu'il leur soit enjoint de communiquer à la cour les pièces pénales se rapportant à l'information ouverte devant le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Marseille et notamment l'arrêt rendu le 6 décembre 2012 par la chambre d'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, n'est aucunement justifiée.
Les époux H. se plaignent encore que l'acte notarié n'explicite pas les éléments pris en compte pour le calcul du TEG, en violation de l'article L 313-1 du code de la consommation, notamment la rémunération de la société Apollonia, avec laquelle la banque a signé une IOB, et le coût des parts sociales qu'ils ont acquises, de sorte que les intérêts sur le capital n'ont pu courir au taux légal à compter de la mise en demeure de payer, ce dont il résulte que le montant de la dette réclamée par la banque est faux et que le titre exécutoire ne constate pas une créance liquide.
La Caisse Méditerranéenne de Financement soutient toutefois à bon droit que les contestations relatives au taux effectif global des prêts contractés les 3 juin et 26 septembre 2005 sont prescrites pour avoir été formées plus de cinq ans après la date de souscription de ces prêts.
Les appelants n'apportent en outre aucune démonstration du caractère erroné du TEG, contesté par la banque.
En toute hypothèse, comme l'observe la Caisse Méditerranéenne de Financement, le caractère inexact du TEG est sans incidence sur le caractère liquide de la créance remis en cause par les emprunteurs, étant au surplus observé qu'il ne s'agit en l'espèce que d'une mesure conservatoire destinée à garantir le recouvrement de la créance.
S'agissant de l'existence de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance, les époux H. allèguent qu'en vertu des termes de l'acte notarié de prêt susvisé la banque bénéficie en premier rang d'une inscription de privilège de prêteur de deniers pour sûreté du paiement des sommes pour lesquelles elle a procédé aux mesures de sûreté judiciaire critiquées. Ils lui font grief de ne pas justifier que les garanties conventionnelles qu'elle détient serait insuffisantes à garantir le recouvrement de sa créance et ajoutent qu'elle a déjà engagé deux procédures de saisie-attribution sur les loyers de lots qu'elle n'a pas financés.
Il apparaît toutefois que les appelants indiquent eux-mêmes dans leurs écritures qu'ils sont surendettés, que les loyers perçus ne couvrent pas les mensualités des crédits et que les biens acquis dans le cadre du projet de défiscalisation ont perdu une grande partie de leur valeur; que par ailleurs ils ne contredisent pas les affirmations de la Caisse Méditerranéenne de Financement selon lesquelles les garanties conventionnelles qu'elle détient ne sont pas suffisantes pour assurer le recouvrement de sa créance eu égard la faible valeur de revente des biens ainsi financés.
Il convient d'ajouter que les biens acquis au moyen des prêts en cause sont loués dans le cadre de baux commerciaux et que les emprunteurs ayant opté pour un statut de loueur de meublé professionnel, cette circonstance restreint considérablement le nombre d'acquéreurs potentiels ainsi que la valeur réelle des biens; qu'en outre, en sus des prêts litigieux, les époux H. ont souscrit à la même époque plusieurs autres emprunts auprès d'autres banques ou organismes de crédit dans le cadre d'opérations de défiscalisation, ce qui porte leur endettement, selon les indications non contestées de la banque à 2 720 998 €.
Ces observations suffisent à établir que les garanties conventionnelles consenties par les emprunteurs sur les biens financés sont manifestement insuffisantes pour garantir la créance, ce qui caractérise les circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de celle-ci.
Le jugement déféré sera donc intégralement confirmé en ce qu'il a rejeté la contestation relative à l'hypothèque judiciaire provisoire inscrite sur les biens situés sur la commune de Saint Haon Le Vieux (42), cadastrés scetion AA n° 143-144-148, 146 et 149-147.
La mesure contestée n'étant pas abusive, la demande de dommages et intérêts formée à l'encontre de la banque sera rejetée.
Aucune réclamation n'étant formée à l'encontre de maître Jean-Pierre B. et de la SCP R. D. B. C. L., leur demande de mise hors de cause est sans objet. Leur demande de dommages et intérêts sera rejetée l'appel formé par les époux H. n'étant pas fautif.
La demande de disqualification de l'acte notarié présentée par les époux H. étant écartée, il n'y a pas lieu d'examiner les moyens soulevés par les appelés en garantie en défense à cette prétention.
Il convient de condamner les appelants, qui succombent, à payer à la Caisse Méditerranéenne de Financement la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les autres demandes du même chef seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, STATUANT PUBLIQUEMENT ET CONTRADICTOIREMENT
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Ajoutant,
Condamne M. Thierry H. et Mme Laurence A. épouse H. à payer à la Caisse Méditerranéenne de Financement la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Rejette toutes les autres demandes.
Condamne M. Thierry H. et Mme Laurence A. épouse H. aux dépens qui pourront être recouvrés par les avocats qui en font la demande conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.