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Décisions

CRE, cordis, 23 janvier 2020, n° 09-38-19

COMMISSION DE RÉGULATION DE L'ÉNERGIE

Arrêt

sur le différend qui oppose la société Eoliennes des Tulipes à la société RTE relatif aux conditions de raccordement d’un poste de transformation privé au réseau public de transport d’électricité

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tuot

Rapporteur :

Mme Corradi

Avocats :

Me Guiheux, Me Vogel

CRE n° 09-38-19

22 janvier 2020

Le comité de règlement des différends et des sanctions est saisi par la société Eoliennes des Tulipes des faits suivants.

La société Eoliennes de Tulipes est une société filiale de la société h2air, et a pour objet l’aménagement, le développement, la construction et l’exploitation d’un site immobilier sur lequel seront édifiés des aérogénérateurs, ainsi que l’exploitation de ce site en vue de produire et de vendre de l’énergie. 

La société Eoliennes des Tulipes a vocation à construire puis exploiter un parc éolien composé de dix éoliennes, situées sur les communes de l’Echelle-Saint-Aurin, Marquivilliers, Armancourt et Dancourt-Popincourt, dans le département de la Somme, en région Hauts-de-France (auparavant région Picardie), pour une puissance initialement fixée à 36 MW.

*

Depuis le 5 novembre 2015, le schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3REnR) de la région Picardie est considéré comme saturé.

A la suite d’une première étude exploratoire transmise par la société RTE le 23 mars 2017, la société h2air a adressé à la société RTE, par courrier en date du 2 octobre 2017, une demande de proposition technique et financière pour le raccordement au réseau public de transport d’électricité de son installation de production. Dans son courrier, la société h2air expliquait vouloir raccorder son parc sur un poste de client 225kV avec un transformateur HTB/HTA -225/33 kV de puissance 45 MVA qu’elle allait créer.

Par un courrier en date du 2 décembre 2017, la société h2air a adressé une nouvelle demande de proposition technique et financière, pour le raccordement sur un poste de client 225kV avec un transformateur HTB/HTA 225/33 kV de puissance 80 MVA. La société h2air confirmait également le changement d’emplacement du point de livraison sur la commune de Bus-la-Mesière.

Par un courrier en date du 12 janvier 2018, la société h2air confirmait son souhait de porter à 42MW la puissance de son parc éolien, révisant à la hausse la puissance des éoliennes projetées.

Le 21 mars 2018, la société Eoliennes des Tulipes et la société RTE ont signé la proposition technique et financière n°17-233. La solution de raccordement retenue dans le cadre de la proposition technique et financière était un raccordement en piquage sur la liaison à 225 kV Carrières-Roye-Valescourt à proximité du pylône 120. Le montant hors taxes à la charge de la société Eoliennes des Tulipes était estimé à 2 820 000 € au titre des ouvrages de l’extension.

Par courrier reçu par la société RTE le 13 novembre 2018, la société Eoliennes des Tulipes a sollicité une étude complémentaire relative à une augmentation de 68,8 MW, pour une puissance finale de 110,7 MW de son installation de production. La convention d’étude correspondante a été signée entre les parties le 2 janvier 2019. L’étude complémentaire transmise par la société RTE le 18 janvier 2019 conclut que l’augmentation de puissance envisagée ne remettait pas en cause la solution de raccordement retenue dans la proposition technique et financière n°17-233.

Le 4 février 2019, la société Eoliennes des Althéas et la société Eoliennes des Tulipes ont signé un accord de responsabilité solidaire, en vertu duquel la société Eoliennes des Tulipes, producteur mandataire, a pour mission de représenter la première société vis-à-vis de RTE, signer en son nom et pour son compte les contrats et conventions pour le raccordement et l’accès au réseau public de transport et assurer la bonne exécution de ces contrats et conventions à l’égard de la société RTE.

Par courrier reçu par la société RTE le 20 février 2019, la société Eoliennes des Tulipes a sollicité un avenant à la proposition technique et financière actant la puissance finalement retenue de 90 MW de son installation de production, dans le cadre d’un schéma mandataire.

L’avenant n°1 à la proposition technique et financière n°17-233 signé le 25 février 2019 définit les modalités de raccordement du parc Eoliennes des Tulipes de 42 MW, entré en file d’attente le 30 avril 2018, et du parc Eoliennes des Althéas de 48 MW, qui entrerait en file d’attente à l’acceptation de l’avenant. Il prévoit notamment qu’un avenant ultérieur sera établi avant la convention de raccordement visant à acter l’intégration de la puissance initiale de l’installation de production dans le cadre réglementaire du S3REnR et que la puissance initiale de raccordement donnera alors lieu au paiement de la quote-part applicable.

Le 4 mars 2019, la société Eoliennes des Tulipes a transmis à la société RTE un premier avenant signé avec la mention manuscrite de réserves non suspensives tenant au paiement de la quote-part.  

Par courriel en date du 5 mars 2019, la société RTE a indiqué à la société Eoliennes des Tulipes qu’en « l’état, compte tenu des mentions manuscrites […], cet avenant n’est pas recevable ». 

Par un courrier du même jour, la société Eoliennes des Tulipes a transmis un avenant ne comportant pas la mention manuscrite des réserves, tout en indiquant que l’avenant était assorti de réserves non suspensives, concernant notamment les dispositions financières relatives à la quote-part S3REnR.

Le 21 mars 2019, la société RTE et la société Eoliennes des Tulipes ont signé un avenant n°2 à la proposition technique et financière n°17-233, ayant pour objet « d’acter l’intégration de l’installation de production dans le cadre réglementaire du S3REnR » et de « formaliser les modifications des conditions de raccordement associés ». Au terme de l’article 4 de l’avenant n°2, le coût de réalisation des ouvrages propres est estimé à 743 000 € HT à la charge du producteur. Cet article prévoit également que les travaux au poste de Valescourt relèvent du périmètre de mutualisation et seront financés par la quote-part du S3REnR Hauts-de-France. L’article 5 de l’avenant n°2 stipule que la société Eoliennes des Tulipes est redevable de la quote-part S3REnR fixée à 58 600 €/MW du S3REnR, révisé d’un coefficient de 1,033.

Par un courrier du même jour, la société Eoliennes des Tulipes a précisé que l’avenant n°2 était assorti de réserves non suspensives, relatives notamment à l’intégration de l’installation de production dans le cadre réglementaire du S3REnR.

Par un courrier du 29 mars 2019, la société RTE a accusé réception de l’exemplaire signé de l’avenant n°1 à la proposition technique et financière n°17-233 et confirmé l’application de la quote-part.

Par un courrier du 15 avril 2019, la société RTE a de nouveau confirmé à la société Eoliennes des Tulipes l’application de la quote-part.

Par un courrier reçu par la société RTE le 21 juin 2019, la société Eoliennes des Tulipes a demandé de modifier la puissance de son installation de production, à la suite d’un refus du permis modificatif, à une puissance de 67,5 MW.

Par un courrier reçu par la société RTE le 26 août 2019, la société Eoliennes a indiqué que, à la suite d’un retard de livraison des éoliennes, la mise en service de l’installation de production était envisagée au 30 octobre 2020 pour le premier parc éolien.

Le 30 septembre 2019, la société RTE et la société Eoliennes des Tulipes ont signé la convention de raccordement n°17-233 pour l’installation de production Eoliennes des Tulipes au réseau public de transport d’électricité.

C’est dans ces conditions que la société Eoliennes des Tulipes a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions d’une demande de règlement de différend.

Par une saisine, un mémoire et un mémoire récapitulatif enregistrés sous le numéro 09-38-19 les 8 octobre 2019, 7 novembre 2019 et 22 novembre 2019, la société Eoliennes des Tulipes, représentée par son représentant légal et ayant pour avocat Me Antoine GUIHEUX, cabinet VOLTA avocats, demande au comité de règlement des différends et des sanctions, dans le dernier état de ses écritures, de : 

- débouter la société RTE de toutes ses demandes ;

- constater que la création du poste de transformation permettant le raccordement de ces installations n’a pas vocation à intégrer le périmètre de mutualisation et que, par suite, cette dernière n’est pas redevable de la quote-part au titre du S3REnR ;

- enjoindre à la société RTE, dans le mois suivant la décision à intervenir, de lui adresser un avenant à la convention de raccordement conforme aux dispositions législatives et réglementaires opposables.

A titre liminaire, la société Eoliennes des Tulipes affirme qu’elle a fait part à plusieurs reprises à la société RTE de ses réserves les plus expresses au sujet de l’application du dispositif S3REnR et que l’avenant n°2, au regard de son objet et des réserves émises lors de la signature, ne saurait faire obstacle à ce que soit constaté par le comité l’exonération du paiement indu de la quote-part pour le raccordement de son installation.

Sur la qualification d’installation de production à partir de sources d’énergie renouvelable, elle soutient que :

- la proposition technique et financière a été acceptée avant l’entrée en vigueur du décret n°2018-544 du 28 juin 2018 portant modification de la partie réglementaire du code de l’énergie relative aux S3REnR dont se prévaut la société RTE ;

- en tout état de cause, comme l’a considéré le comité au terme de sa décision n°02-38-19 du 29 octobre 2019, la circonstance que la société Eoliennes des Tulipes soit qualifiée de demandeur du raccordement  d’une installation de production au sens de l’article D. 342-15-4 du code de l’énergie n’aurait pas pour effet de soumettre le raccordement de son installation au paiement de la quote-part, dès lors que celle-ci ne s’inscrit pas au sein du S3REnR au sens des dispositions de l’article L. 342-12 du code de l’énergie.

Sur l’inscription de l’installation dans le S3REnR, elle soutient que :

- l’obligation du paiement d’une quote-part est consubstantielle à l’inscription de l’installation dans le périmètre de mutualisation défini par le S3REnR ;

- le périmètre est strictement défini par l’article L. 321-7 du code de l’énergie et ne peut comprendre que les catégories d’ouvrages auquel il renvoie expressément ;

- l’obligation de s’acquitter de la quote-part, qui permet la péréquation des coûts des investissements réalisés sur les réseaux électriques et en fait supporter une partie aux porteurs du projet, implique nécessairement que l’installation créée s’inscrive au sein du périmètre de mutualisation défini par le S3REnR ;

- en l’espèce, le poste de transformation ne relève d’aucune des catégories d’ouvrages définies par la loi et ne s’inscrit donc pas au sein du périmètre de mutualisation défini à l’article L. 321-7 du code de l’énergie, comme l’a déjà rappelé le comité dans de précédentes décisions.

La société Eoliennes des Tulipes ajoute que la modification législative issue de la loi n°2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat n’est pas une clarification des textes mais témoigne au contraire de ce que le décret du 28 juin 2018 n’a pas eu pour effet de modifier la portée actuelle des dispositions législatives en cause, lesquelles excluent, dans leur version applicable au présent litige, le paiement de la quote-part aux installations qui ne relèvent pas du périmètre de mutualisation du S3REnR.

Subsidiairement, la société Eoliennes indique que les travaux relatifs au passage en coupure d’artère du poste voisin « Valescourt » ne devraient pas être mis à la charge de l’exposante contrairement à ce que soutient la société RTE et que seuls les travaux de piquage sont à considérer pour le raccordement du poste de transformation au titre des ouvrages propres.

Par deux mémoires en défense et un mémoire récapitulatif, enregistrés les 24 octobre 2019, 14 novembre 2019 et 14 décembre 2019, la société RTE, représentée par son représentant légal et ayant pour avocat Me Joseph VOGEL, SELAS VOGEL & VOGEL, demande au comité de règlement des différends et des sanctions, dans le dernier état de ses écritures, de :

- rejeter l’ensemble des demandes de la société Eoliennes des Tulipes ;

- dire que le décret n°2018-544 du 28 juin 2018 s’applique au raccordement de l’installation de production de la société Eoliennes des Tulipes ;

- dire que la société Eoliennes des Tulipes sollicite le raccordement au réseau public de transport d’une installation de production à partir de sources d’énergie renouvelable ;

- dire que l’inscription d’une installation de production à partir de sources d’énergie renouvelable est de principe ;

- dire que l’installation pour laquelle la société Eoliennes des Tulipes sollicite le raccordement s’inscrit dans le S3REnR de la région anciennement dénommée Picardie ;

- en conséquence, constater que la société Eoliennes des Tulipes est redevable de la quote-part au titre du S3REnR de la région anciennement dénommée Picardie.

Sur la qualification d’installation de production à partir de sources d’énergie renouvelable, elle soutient que :

- la société Eoliennes des Tulipes est demandeur au raccordement de plusieurs installations de production en un point unique du réseau public de transport au sens de l’article D. 342-15-2 du code de l’énergie issu du décret n°2018-544 du 28 juin 2018. Il résulte expressément de l’article D. 342-15-4 du code de l’énergie que la société Eoliennes des Tulipes est redevable de la quote-part.

Sur l’inscription de l’installation dans le S3REnR, elle soutient que :

- l’inscription d’une installation de production à partir de sources d’énergie renouvelable est de principe, les seules installations ne s’inscrivant pas dans ce dispositif sont les installations de production à partir de sources d’énergie renouvelable ayant fait l’objet d’une procédure d’appel d’offres prévue à l’article L. 31110 du code de l’énergie ;

- il ne ressort pas de la formulation des articles L. 342-1 et L. 342-12 du code de l’énergie dans leur rédaction antérieure à la loi n°2019-1147 du 8 novembre 2019, ni des articles L. 321-7 et D. 321-15 du même code qu’il existerait une condition d’inscription dans le S3REnR supplémentaire, qui serait liée au rattachement ou à l’appartenance de l’installation de production au périmètre de mutualisation ;

- la CRE a confirmé à plusieurs reprises que cette inscription dans le S3REnR est de principe. Notamment, elle a précisé dans un document publié sur son site Internet que toutes les installations de production à partir de sources d’énergie renouvelable d’une puissance supérieure à 100 kVA entrent dans le cadre des S3REnR et sont redevables à ce titre du coût des ouvrages propres à leur raccordement ainsi que d’une quote-part proportionnelle à la puissance de leurs installations. La CRE a confirmé dans sa délibération n°2019-025 du 31 janvier 2019 que les dispositions réglementaires actuellement en vigueur prévoient que les installations de production à partir de sources d’énergie renouvelables et les installations groupées dont la somme des puissances de raccordement est supérieure à 100 kVA entrent dans le périmètre des S3REnR. Le gouvernement a également rappelé cette position lors du Conseil des ministres du 22 mai 2019 ;

- cette inscription de principe est également confirmée par l’article L. 342-1 du code de l’énergie modifié par la loi n°2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, qui est venue clarifier le droit antérieur ;

- l’inscription dans le S3REnR de la société Eoliennes des Tulipes n’est pas conditionnée à l’appartenance au périmètre de mutualisation de ses ouvrages privés. Au contraire, les dispositions de l’article D. 342-154 du code de l’énergie prévoient que le demandeur du raccordement est redevable de la quote-part, sans que l’intégration des installations du groupement dans le périmètre de mutualisation ne soit une condition d’application de la quote-part ;

- l’installation de production de la société Eoliennes des Tulipes bénéficiera des ouvrages de création mutualisés dans la mesure où son raccordement en piquage est permis par la création d’une coupure d’artère au poste 225 kV de Valescourt ;

- les ouvrages propres et les installations privées du client ne relèvent jamais du S3REnR, qui ne comprennent que les ouvrages du périmètre de mutualisation ;

- les ouvrages privés d’un producteur raccordés au réseau public de transport comportent systématiquement un outil de transformation de la tension qui permet la connexion à ce réseau de son installation de production située dans le niveau de tension HTA, qui ne fait pas partie du périmètre du réseau public de transport et, par voie de conséquence, n’a pas vocation à intégrer le périmètre de mutualisation du S3REnR, exclusivement constitué d’ouvrages des réseaux publics ;

- le raisonnement de la société Eoliennes des Tulipes est contraire aux objectifs du S3REnR. En contrepartie du paiement de la quote-part, le demandeur au raccordement bénéficie de capacités réservées du S3REnR, qu’il soit raccordé ou non aux ouvrages de création mutualisés. En l’espèce, la société Eoliennes des Tulipes bénéfice, dans les postes du réseau public de transport encadrant le point de piquage, de capacités réservées dans le S3REnR ;

- le raisonnement de la société Eoliennes des Tulipes est contraire à l’avenant n°2 conclu entre les parties qui a expressément convenu que le dispositif S3REnR s’applique à la proposition technique et financière signée.

Sur l’application du décret n°2018-544 du 28 juin 2018, elle soutient que :

- le premier alinéa de l’article D. 342-2-2 du code de l’énergie exige le paiement de la quote-part pour les installations de production entrant en file d’attente en vue de leur raccordement dans l’hypothèse d’un schéma saturé ;

- l’article 13 du décret du 28 juin 2018 dispose que le premier alinéa de l’article D. 342-22-2 s’applique aux opérations de raccordement pour lesquelles la convention de raccordement n’a pas été signée au lendemain de la publication du décret. Tel est le cas en l’espèce, la convention de raccordement ayant été signée le 30 septembre 2019 ;

- la demande d’augmentation de puissance formée par la société Eoliennes des Tulipes a été reçue le 20 février 2019, postérieurement à l’entrée en vigueur du 28 juin 2018. Cette demande portant sur une modification substantielle du raccordement, elle doit selon la société RTE être vue comme une nouvelle demande, à laquelle les dispositions du décret du 28 juin 2018 s’appliquent ;

- les parties ont expressément convenu que le décret du 28 juin 2018 s’applique au raccordement de la société Eoliennes des Tulipes et ont signé l’avenant n°2 afin d’intégrer le projet dans le S3REnR et de la soumettre au paiement de la quote-part. La société Eoliennes des Tulipes ne peut, selon la société RTE, contredire ce qui a été accepté par les parties et formalisé contractuellement pour tenter d’échapper à ses obligations.

Sur la demande subsidiaire de la société Eoliennes des Tulipes, elle soutient que les travaux de passage en coupure d’artère du poste 225 kV de Valescourt sont des ouvrages de création relevant du périmètre de mutualisation du S3REnR et intégrés à l’établissement de la quote-part. Elle rappelle que ces travaux bénéficient directement à la société Eoliennes des Tulipes et sont indispensables à son raccordement. Elle souligne que, bien que l’existence d’ouvrages mutualisés dans le raccordement de l’installation de la société Eoliennes des Tulipes ne soit pas une condition d’inscription dans le S3REnR, il serait illogique qu’elle ne participe pas au financement de ces ouvrages de création mutualisés par le paiement de la quote-part du S3REnR.

Par une décision du 2 décembre 2019, la clôture de l’instruction a été fixée au 18 décembre 2019 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

˗ le code de l’énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants, R. 134-7 et suivants ;

˗ la décision du 13 février 2019, portant adoption du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie ;

˗ la décision du 4 novembre 2019 du président du comité de règlement des différends de la Commission de régulation de l’énergie, relative à la désignation d’un rapporteur pour l’instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 09-38-19.

Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique, qui s’est tenue le 13 janvier 2020, du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de M. Thierry TUOT, président, Mme Henriette CHAUBON, M. Henri DE LAROSIERE DE CHAMPFEU et Mme Hélène VESTUR, membres, en présence de :

M. Emmanuel RODRIGUEZ, directeur adjoint de la direction des affaires juridiques et représentant le directeur général empêché,

Mme Jennifer CORRADI, rapporteur,

Me Antoine GUIHEUX, représentant la société Eoliennes des Tulipes,  

Les représentants de la société RTE, assistés de Me Joseph VOGEL, Après avoir entendu :

˗ le rapport de Mme Jennifer CORRADI, présentant les moyens et les conclusions des parties ;

˗ les observations de Me Antoine GUIHEUX, pour la société Eoliennes des Tulipes ; la société Eoliennes des Tulipes persiste dans ses moyens et conclusions ; 

˗ les observations de Me Joseph VOGEL, M. Benjamin DURET, responsable juridique et Mme Delphine PINCEMAILLE, juriste à la direction accès au réseau et offre de services de la société RTE ; cette dernière  persiste dans ses moyens et conclusions.

Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré après que les parties, le rapporteur, le public et les agents des services se sont retirés.

Sur le paiement de la quote-part au titre des S3REnR

1. Le présent différend est relatif au paiement de la quote-part au titre du S3REnR de la région anciennement dénommée Picardie par la société Eoliennes des Tulipes pour le raccordement d’un poste de transformation au réseau public de transport d’électricité. Il ressort des pièces du dossier que ce paiement a été exigé par la société RTE, pour la première fois, dans le premier avenant à la proposition technique et financière n°17-233. 

2. En conséquence, il y a lieu, aux fins de régler le présent différend, et dès lors que la première échéance de paiement de la quote-part est due au moment de l’acceptation du premier avenant à la proposition technique et financière, d’appliquer la réglementation en vigueur au moment de l’acceptation de cet avenant, soit en l’espèce le 25 février 2019.

3. Aux termes de l’article L. 342-1 du code de l’énergie alors en vigueur, « Le raccordement d'un utilisateur aux réseaux publics comprend la création d'ouvrages d'extension, d'ouvrages de branchement en basse tension et, le cas échéant, le renforcement des réseaux existants.

Par dérogation à l'alinéa précédent, lorsque le raccordement est destiné à desservir une installation de production à partir de sources d'énergie renouvelable et s'inscrit dans le schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables mentionné à l'article L. 321-7, le raccordement comprend les ouvrages propres à l'installation ainsi qu'une quote-part des ouvrages créés en application de ce schéma […] ».

4. L’article L. 342-12 du code de l’énergie, dans sa version alors en vigueur, prévoit que « Lorsque le raccordement est destiné à desservir une installation de production à partir de sources d'énergie renouvelable et s'inscrit dans le schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables mentionné à l'article L. 321-7, le producteur est redevable d'une contribution au titre du raccordement propre à l'installation ainsi qu'au titre de la quotepart définie dans le périmètre de mutualisation mentionné à l'article L. 321-7. Cette quote-part est calculée en proportion de la capacité de puissance installée sur la puissance totale disponible garantie sur le périmètre de mutualisation. La prise en charge prévue au 3° de l'article L. 341-2 porte sur l'un ou sur l'ensemble des éléments constitutifs de cette contribution. 

Est précisé par voie réglementaire le mode de détermination du périmètre de mutualisation des postes du réseau public de transport, des postes de transformation entre les réseaux publics de distribution et le réseau public de transport et des liaisons de raccordement au réseau public de transport, inscrits dans le schéma de raccordement au réseau des énergies renouvelables, que ces ouvrages soient nouvellement créés ou existants. […] ». 

5. L’article D.321-10 du code de l’énergie précise que : « La présente section et la section 6 du chapitre II du titre IV du présent livre fixent les conditions de raccordement aux réseaux publics d'électricité des catégories d'installation suivantes :

- installation de production d'électricité à partir de sources d'énergies renouvelables d'une puissance de raccordement supérieure à 100 kilovoltampères ; 

- installations groupées dont la somme des puissances de raccordement est supérieure à 100 kilovoltampères. »

Sur la qualification d’installation de production à partir de sources d’énergie renouvelable 

6. L’article D.342-15-2 du code de l’énergie issu du décret n°2018-544 du 28 juin 2018 dispose que « Pour le raccordement de plusieurs installations de production proches ou connexes en un point unique du réseau public de transport ou de distribution, le groupement des producteurs désigne un demandeur du raccordement. ». L’article D.342-15-3 du code précise que « L'ensemble des installations raccordées en un point unique du réseau public de transport ou de distribution dans les conditions définies à l'article D. 342-15-2 est considéré comme étant une seule installation de production qui comprend les équipements ayant vocation à raccorder l'ensemble des installations à un réseau public de transport ou de distribution […] ». Enfin, l’article D.342-15-4 du même code prévoit que le demandeur du raccordement « est notamment redevable de la contribution et de la quote-part prévues à l'article L. 342-12 pour l'intégralité de la somme des puissances actives maximales de chaque installation du groupement ».

7. La qualification d’installation de production à partir de sources d’énergie renouvelable n’est pas contestée par les parties. En application des dispositions du décret n°2018-544 du 28 juin 2018 codifiées au sein de la partie réglementaire du code de l’énergie précitées, la société Eoliennes des Tulipes doit être regardée comme le demandeur du raccordement d’une installation de production, qui est redevable de la quote-part prévue à l’article L. 34212 du code pour l’intégralité de la somme des puissances actives maximales de chaque installation éolienne, à condition que son installation s’inscrive dans le S3REnR au sens des dispositions du même article.

Sur « l’inscription » de l’installation dans le S3REnR au sens des dispositions de l’article L. 342-12 du code de l’énergie

8. L’article L. 321-7 du code de l’énergie auquel les articles L.342-1 et L.342-12 précédemment cités renvoient dispose que « […] le schéma régional de raccordement définit les ouvrages à créer ou à renforcer pour atteindre les objectifs fixés par le schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie. Il définit également un périmètre de mutualisation des postes du réseau public de transport, des postes de transformation entre les réseaux publics de distribution et le réseau public de transport et des liaisons de raccordement de ces postes au réseau public de transport […] ».

9. L’article D. 321-15 du code prévoit que « le schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables comprend :

1° Un document identifiant les postes sources, les postes du réseau public de transport ainsi que les liaisons entre ces différents postes et le réseau public de transport, dès lors que ces différents ouvrages ont vocation à intégrer le schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables ; il s’agit aussi bien des ouvrages à créer que des ouvrages existants, ces derniers pouvant le cas échéant être à renforcer ;

3° La liste détaillée des ouvrages électriques mentionnés au 1° à créer, le cas échéant par volet particulier, qui ont vocation à intégrer le périmètre de mutualisation prévu à l’article L. 321-7 et, le cas échéant, la liste détaillée des ouvrages à créer par volet particulier du schéma ».

10. A titre liminaire,  s’agissant du cadre juridique applicable, les dispositions invoquées de l’article 54 de la loi n°2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat, modifiant les article L. 342-1 et L. 342-12 du code de l’énergie sont sans incidence sur la solution du présent différend, dans la mesure où ces dispositions n’ont pas, contrairement à ce que soutient la société RTE, une simple portée interprétative mais prévoient, au contraire, de nouvelles conditions s’agissant de l’inscription dans les S3REnR des raccordements destinés à desservir une installation de production à partir de sources d’énergie renouvelable. Ces dispositions ne sont ainsi pas applicables aux différends antérieurs à l’entrée en vigueur de cette loi. 

11. Il ressort des pièces du dossier que le poste de transformation privé HTB dont la société Eoliennes des Tulipes demande le raccordement ne constitue ni un poste du réseau public de transport, ni un poste de transformation entre le réseau public de distribution et le réseau public de transport au sens de l’article L.321-7 du code de l’énergie. Par conséquent, il n’a pas vocation à intégrer le périmètre de mutualisation du S3REnR de la région anciennement dénommée Picardie. 

12. Toutefois, en l’espèce, la proposition technique et financière n°17-233 précise que le raccordement de l’installation de production de la société Eoliennes des Tulipes impliquera des travaux de passage en coupure d’artère du poste du réseau public de transport 225 kV de Valescourt, qui sont, comme l’a indiqué la société RTE, des ouvrages de création relevant du périmètre de mutualisation du S3REnR et intégrés à l’établissement de la quotepart. Le coût de cet ouvrage est ainsi pris en charge au titre de la quote-part.

13. Aux termes de l’article 6 de l’arrêté 23 avril 2008 relatif aux prescriptions techniques de conception et de fonctionnement pour le raccordement au réseau public de transport d'électricité d'une installation de production d'énergie électrique «  I. ― Sont interdits les raccordements dits « en piquage » sur une liaison existante lorsque celle-ci est en HTB3 ainsi que, dans les autres cas, lorsque la puissance de l'installation à raccorder est supérieure à 120 MW. / II. - Lorsqu'ils ne sont pas interdits en application du I, les raccordements en piquage sont autorisés uniquement dans les cas précisés dans la documentation technique de référence du gestionnaire du réseau public de transport d'électricité. ». La documentation technique de référence de RTE exclue expressément le raccordement en piquage lorsque la liaison existante comporte déjà un autre piquage.

14. Il résulte ainsi de la réglementation applicable précitée que la gestion du raccordement de l’installation de production de la société Eoliennes des Tulipes devait, dès lors qu’un piquage existait déjà sur la liaison du poste public de transport 225 kV de Valescourt, obligatoirement engendrer les travaux de passage en coupure d’artère sur ce poste, ce qu’aucune des parties ne conteste.

15. Dès lors que, dans les circonstances de l’espèce, le raccordement de l’installation de production de la société Eoliennes des Tulipes bénéficie directement de la création d’ouvrages relevant du périmètre de mutualisation, indispensables à son raccordement et qui ne sont pas des ouvrages de renforcement couverts par le tarif d’utilisation du réseau public de transport alors applicable, son installation s’inscrit dans le S3REnR de la région anciennement dénommée Picardie, sans qu’il ne soit besoin d’examiner la portée qu’aurait selon la société RTE  la position de la Commission de régulation de l’énergie ou le contenu du compte-rendu du conseil des ministres du 22 mai 2019.

16. En conséquence, la demande de raccordement doit être regardée comme présentée au titre du deuxième alinéa de l’article L. 342-1 du code de l’énergie et la société Eoliennes des Tulipes est dès lors redevable de la quote-part au titre du S3REnR de la région anciennement dénommée Picardie. 

Sur la demande de communication d’un avenant à la convention de raccordement

17. La société Eoliennes des Tulipes demande au comité d’enjoindre à la société RTE, sous un délai d’un mois, de lui adresser un avenant à la convention de raccordement conforme aux dispositions législatives et réglementaires opposables.

18. Il résulte de tout ce qui précède qu’il n’y a pas lieu d’enjoindre à la société RTE d’adresser à la société Eoliennes des Tulipes un avenant à la convention de raccordement.

DÉCIDE : 

Article 1er. – La société Eoliennes des Tulipes est redevable de la contribution au titre des ouvrages propres et de la quote-part des ouvrages mutualisés en application du schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables de la région anciennement dénommée Picardie. 

Article 2. – Les demandes de la société Eoliennes des Tulipes sont rejetées.

Article 3. – La présente décision sera notifiée à la société Eoliennes des Tulipes et à la société RTE. Elle sera publiée au Journal officiel de la République française.