Livv
Décisions

CRE, cordis, 17 février 2020, n° 11-38-19

COMMISSION DE RÉGULATION DE L'ÉNERGIE

Arrêt

sur le différend qui oppose la société Poste de Cressy à la société RTE relatif aux conditions de raccordement d’une installation de production au réseau public de transport d’électricité

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tuot

Rapporteur :

M. Corradi

Avocats :

Me Guiheux, Me Vogel

CRE n° 11-38-19

16 février 2020

Le comité de règlement des différends et des sanctions est saisi par la société Poste de Cressy des faits suivants.

La société Poste de Cressy, filiale de la société ENR-GRID, a pour objet l’aménagement, le développement, la construction et l’exploitation d’ouvrages de transformation, de transport, de distribution et de vente d’énergie renouvelable. 

*

Le 23 février 2018, la société ENR-GRID a formé auprès de la société RTE, en tant qu’utilisateur du réseau de transport, une demande pour le raccordement d’un poste de transformation pour l’évacuation de production d’origine éolienne de 75,6 MW, pour trois localisations différentes.

Des discussions ont eu lieu entre la société ENR-GRID et la société RTE quant à l’emplacement du point de livraison de l’installation au réseau public de transport.

Le 1er juin 2018, la société ENR-GRID et la société RTE ont signé la proposition d’entrée en file d’attente (PEFA) n°2018-064. Au terme de cette proposition, la société RTE propose un raccordement en piquage du poste à partir du pylône double terne n°17 de type « G4TD4 » supportant les lignes 225kV LATENA-PERTAIN et ABLAINCOURTLATENA.

Le 25 juin 2018, la société ENR-GRID a sollicité un avenant à la PEFA concernant la modification de l’emplacement du point de livraison et une augmentation de la puissance active maximale de 75,6 MW à 117,2 MW.

Le 2 juillet 2018, la société ENR-GRID a également formé auprès de la société RTE une demande de proposition technique et financière.

Le 11 juillet 2019, la société RTE a indiqué pouvoir instruire la proposition technique et financière en prenant en compte le nouveau point de livraison. En revanche, elle précisait ne pouvoir prendre en compte l’augmentation de la puissance active maximale au stade de la proposition technique et financière, en application de la documentation technique et financière.

Le 25 septembre 2018, la société ENR-GRID et la société RTE ont conclu la proposition technique et financière n°18-064. L’article 6-2 de la proposition technique et financière stipule que la société ENR-GRID est redevable de la quote-part applicable au raccordement en application du schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3REnR) de la région Picardie, pour un montant de 58 417,41 €/MW, révisé d’un coefficient de 1,011.

Par un courrier en date du même jour, la société ENR-GRID a indiqué à la société RTE qu’elle émettait des réserves quant à l’application de la quote-part S3REnR à sa demande de raccordement et sollicité dans le même temps une augmentation de puissance.

Le 3 octobre 2018, la société RTE a pris acte de ces réserves et confirmé la prise en considération de la demande d’étude complémentaire relative à l’augmentation de puissance.

Le 25 octobre 2018, la société VOL-V ELECTRICITE RENOUVELABLE a informé la société RTE que, par acte sous seing privé en date du 27 septembre 2018, la société ENR-GRID avait affecté en nantissement au profit de la société VOL-V ELECTRICITE RENOUVELABLE la créance nantie dont la société RTE était débitrice à l’égard de la société ENR-GRID.

Le 3 décembre 2018, la société ENR-GRID a sollicité une nouvelle augmentation de puissance à hauteur de 120 MW, qui a donné lieu à la signature avec la société RTE d’une deuxième convention d’étude complémentaire le 6 décembre 2018.

Le 18 décembre 2018, la société RTE a adressé à la société ENR-GRID les résultats de l’étude complémentaire sollicitée. Elle indiquait dans son courrier que l’augmentation de puissance envisagée était redevable de la quotepart du S3REnR et impliquait la modification par avenant de la proposition technique et financière n°2018-064.

Le même jour, la société ENR-GRID a confirmé son souhait d’obtenir un avenant à la proposition technique et financière pour une puissance totale de 120 MW. Elle sollicitait également la cession de cette proposition vers la société Poste de Cressy.

Le 20 décembre 2018, la société Poste de Cressy SAS a indiqué à la société RTE être désignée mandataire du raccordement pour le raccordement des parcs éoliens POSTE DE CRESSY, CENTRALE EOLIENNE DE FALVIEUXCEFAL, Enertrag SANTERRE IV, Enertrag SANTERRE V, FERME EOLIENNE DU CHAMP PERSONNETTE.

Le 10 janvier 2019, la société RTE, la société ENR-GRID et la société Poste de Cressy en tant que nouveau bénéficiaire, ont signé l’avenant à la proposition technique et financière n°18-064.

C’est dans ces conditions que la société Poste de Cressy a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions d’une demande de règlement de différend.

Par une saisine, un mémoire et un mémoire récapitulatif enregistrés sous le numéro 11-38-19 les 20 novembre 2019, 19 décembre 2019 et 27 janvier 2020, la société Poste de Cressy, représentée par son représentant légal et ayant pour avocat Me Antoine GUIHEUX, cabinet VOLTA avocats, demande au comité de règlement des différends et des sanctions, dans le dernier état de ses écritures, de : 

- constater que la création du poste de transformation permettant le raccordement des installations n’a pas vocation à intégrer le périmètre de mutualisation et que, par suite, cette dernière n’est pas redevable de la quote-part au titre du S3REnR ;

- constater que le dispositif relatif au paiement de la quote-part était inapplicable à la date d’acceptation de la PEFA, privant de toute base légale l’application d’une quote-part pour l’installation en cause, ainsi qu’aux dates d’acceptation de la proposition technique et financière et de son avenant ;

- enjoindre à la société RTE, dans le mois suivant la décision à intervenir, de lui adresser un avenant à la proposition technique et financière conforme aux dispositions législatives et réglementaires opposables, voire un avenant à la convention de raccordement si celle-ci venait à être signée avant que le comité n’ait rendu sa décision.

A titre liminaire, la société Poste de Cressy indique que la conclusion de la PEFA et celle de la PTF sont intervenues avant la modification des articles L. 342-1 et L. 342-12 du code de l’énergie par l’article 54 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat. Elle soutient que cette modification législative témoigne de ce que le décret n°2018-544 du 28 juin 2018 portant modification de la partie réglementaire du code de l'énergie relative aux schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables et aux raccordements multi-producteurs n’a pas eu pour effet de modifier la portée actuelle de ces dispositions législatives, lesquelles excluent, dans leur version applicable au présent litige, le paiement de la quote-part aux installations qui ne relèvent pas du périmètre de mutualisation du S3REnR.

La société Poste de Cressy fait grief à la société RTE d’avoir méconnu la portée des dispositions de l’article L. 3421 et L. 321-7 en exigeant le paiement d’une quote-part pour le raccordement du poste de transformation au réseau public de transport de l’électricité. Elle soutient que :

- l’obligation du paiement d’une quote-part est consubstantielle à l’inscription de l’installation dans le périmètre de mutualisation défini par le S3REnR ;

- le périmètre est strictement défini par l’article L. 321-7 du code de l’énergie et ne peut comprendre que les catégories d’ouvrages auquel il renvoie expressément ;

- l’obligation de s’acquitter de la quote-part, qui permet la péréquation des coûts des investissements réalisés sur les réseaux électriques et en fait supporter une partie aux porteurs du projet, implique nécessairement que l’installation créée s’inscrive au sein du périmètre de mutualisation défini par le S3REnR ;

- en l’espèce, le poste de transformation ne relève d’aucune des catégories d’ouvrages définies par la loi et ne s’inscrit donc pas au sein du périmètre de mutualisation défini à l’article L. 321-7 du code de l’énergie, comme l’a déjà rappelé le comité dans de précédentes décisions ;

- la circonstance que l’installation soit qualifiée de « groupement multi-producteurs » ne conduit pas à soumettre son raccordement au règlement de la quote-part ;

- la liaison de raccordement en piquage ne constitue pas une liaison entre un poste source et un poste du réseau public de transport dans la mesure où le poste de transformation de la société Poste de Cressy ne relève pas du réseau public de distribution mais un poste privé dont le coût est supporté par le porteur de projet.

Subsidiairement, la société Poste de Cressy affirme que, en tout état de cause, à la date d’acceptation de la PEFA, aucun fondement réglementaire ne permettait d’exiger le versement d’une quote-part dans le cadre d’un schéma régional saturé, tel qu’au cas d’espèce, puisque le décret n°2016-434 du 11 avril 2016 portant modification de la partie réglementaire du code de l’énergie relative aux S3REnR avait été annulé par le Conseil d’Etat et non remplacé à cette date.

Par un mémoire en défense et un mémoire récapitulatif, enregistrés les 4 décembre 2019 et 6 janvier 2020, la société RTE, représentée par son représentant légal et ayant pour avocat Me Joseph VOGEL, SELAS VOGEL & VOGEL, demande au comité de règlement des différends et des sanctions, dans le dernier état de ses écritures, de :

- rejeter l’ensemble des demandes de la société Poste de Cressy ;

- dire que la société Poste de Cressy sollicite le raccordement au réseau public de transport d’un groupement d’installations de production à partir de sources d’énergie renouvelable en un point unique du réseau public de transport, considéré dans le cadre du raccordement au réseau public de transport comme une seule installation de production ; 

- dire que l’inscription d’une installation de production à partir de sources d’énergie renouvelable est de principe ;

- dire que l’installation pour laquelle la société Poste de Cressy sollicite le raccordement s’inscrit dans le S3REnR de la région anciennement dénommée Picardie ;

- en conséquence, constater que la société Poste de Cressy est redevable de la quote-part au titre du S3REnR de la région anciennement dénommée Picardie.

A titre subsidiaire,

- dire que le décret n°2018-544 du 28 juin 2018 s’applique au raccordement de l’installation de production de la société Poste de Cressy ;

- dire en conséquence que la société Poste de Cressy est redevable de la quote-part du S3REnR de la région anciennement dénommée Picardie même saturé.

La société RTE considère que l’installation de la société Poste de Cressy est bien une installation de production à partir de sources d’énergie renouvelable qui s’inscrit dans le S3REnR sachant qu’elle est raccordée en un point unique du réseau public de transport et est donc redevable de la quote-part. A ce titre, elle soutient que :

- l’inscription d’une installation de production à partir de sources d’énergie renouvelable est de principe, les seules installations ne s’inscrivant pas dans ce dispositif sont les installations de production à partir de sources d’énergie renouvelable ayant fait l’objet d’une procédure d’appel d’offres prévue à l’article L. 31110 du code de l’énergie ;

- la CRE a confirmé à plusieurs reprises que cette inscription dans le S3REnR est de principe. Notamment, elle a précisé dans un document publié sur son site Internet que toutes les installations de production à partir de sources d’énergie renouvelable d’une puissance supérieure à 100 kVA entrent dans le cadre des S3REnR et sont redevables à ce titre du coût des ouvrages propres à leur raccordement ainsi que d’une quote-part proportionnelle à la puissance de leurs installations. La CRE a confirmé dans sa délibération n°2019-025 du 31 janvier 2019 que les dispositions réglementaires actuellement en vigueur prévoient que les installations de production à partir de sources d’énergie renouvelable et les installations groupées dont la somme des puissances de raccordement est supérieure à 100 kVA entrent dans le périmètre des S3REnR. Le gouvernement a également rappelé cette position lors du Conseil des ministres du 22 mai 2019 ;

- cette inscription de principe est également confirmée par l’article L. 342-1 du code de l’énergie modifié par la loi n°2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, qui est venue clarifier le droit antérieur ;

- la société Poste de Cressy est demandeur au raccordement de plusieurs installations de production en un point unique du réseau public de transport au sens de l’article D. 342-15-2 du code de l’énergie issu du décret n°2018-544 du 28 juin 2018. Dès lors, toutes les installations de la société Poste de Cressy s’assimilent à une seule installation de production à partir de sources d’énergie renouvelable, elle-même raccordée au réseau public de transport. Le poste de transformation privé fait partie de cette installation de production parce qu’il est situé derrière le point unique de raccordement du groupement multi-producteurs. 

- ainsi, l’installation de production de la société Poste de Cressy n’est pas raccordée à un poste de transformation privé mais à un ouvrage du réseau public de transport, à savoir la liaison électrique aérienne à 225 kV Latena-Pertain, qui fait partie du périmètre de mutualisation ;

- l’inscription dans le S3REnR d’une installation de production dans le S3REnR n’est pas conditionnée à la présence d’ouvrages mutualisés pour permettre le raccordement. Au contraire, les dispositions de l’article D. 342-15-4 du code de l’énergie prévoient le paiement de la quote-part par les installations raccordées en un point unique du réseau public de transport ou de distribution ;

- le raisonnement de la société Poste de Cressy est contraire aux objectifs du S3REnR. En contrepartie du paiement de la quote-part, le demandeur au raccordement bénéficie de capacités réservées du S3REnR, qu’il soit raccordé ou non aux ouvrages de création mutualisés. En l’espèce, la société Poste de Cressy bénéfice, dans les postes du réseau public de transport encadrant le point de piquage, de capacités réservées dans le S3REnR ;

- les ouvrages propres et les installations privées du client ne relèvent jamais du S3REnR, qui ne comprennent que les ouvrages du périmètre de mutualisation ;

- les ouvrages privés d’un producteur raccordés au réseau public de transport comportent systématiquement un outil de transformation de la tension qui permet la connexion à ce réseau de son installation de production située dans le niveau de tension HTA, qui ne fait pas partie du périmètre du réseau public de transport et, par voie de conséquence, n’a pas vocation à intégrer le périmètre de mutualisation du S3REnR, exclusivement constitué d’ouvrages des réseaux publics.

Sur la demande subsidiaire de la société Poste de Cressy, la société RTE indique que l’article D. 342-22-2 du code de l’énergie, relatif au paiement de la quote-part pour les producteurs dont les installations entrent en file d’attente en vue de leur raccordement dans un S3REnR saturé est pleinement applicable. 

Par une décision du 10 janvier 2020, la clôture de l’instruction a été fixée au 27 janvier 2020 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

˗ le code de l’énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants, R. 134-7 et suivants ;

˗ la décision du 13 février 2019, portant adoption du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie ;

˗ la décision du 19 décembre 2019 du président du comité de règlement des différends de la Commission de régulation de l’énergie, relative à la désignation d’un rapporteur pour l’instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 11-38-19.

Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique, qui s’est tenue le 10 février 2020, du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de M. Thierry TUOT, président, Mme Marie-Christine DAUBIGNEY, M. Nicolas MAZIAU et Mme Hélène VESTUR, membres, en présence de :

M. Emmanuel RODRIGUEZ, directeur adjoint de la direction des affaires juridiques et représentant le directeur général empêché,

Mme Jennifer CORRADI, rapporteur,

Le représentant de la société Poste de Cressy, assisté de Me Antoine GUIHEUX, 

Les représentants de la société RTE, assistés de Me Joseph VOGEL, Après avoir entendu :

˗ le rapport de Mme Jennifer CORRADI, présentant les moyens et les conclusions des parties ;

˗ les observations de Me Antoine GUIHEUX et M. Julien Isambert, Président de la société ENR-GRID, pour la société Poste de Cressy ; la société Poste de Cressy persiste dans ses moyens et conclusions ; 

˗ les observations de Me Joseph VOGEL et Mme Delphine PINCEMAILLE, juriste à la direction accès au réseau et offre de services pour la société RTE ; cette dernière persiste dans ses moyens et conclusions.

Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré après que les parties, le rapporteur, le public et les agents des services se sont retirés.

Sur la recevabilité des observations transmises le 28 janvier 2020 par la société RTE

1. Le 28 janvier 2020, soit le lendemain de la clôture de l’instruction, la société RTE a transmis au comité de règlement des différends et des sanctions de nouvelles observations.

2. Aux termes des dispositions de l’article R. 134-12 du code de l’énergie : « Après la clôture de l’instruction, aucune observation ne peut être déposée, ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office. Le président du comité peut rouvrir l'instruction par une décision qui n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. Cette décision est communiquée dans les mêmes formes que la décision de clôture. » L’article R. 134-13 du code prévoit que « […] Les demandes et les moyens sont récapitulés dans les dernières écritures ; les demandes et les moyens qui ne sont pas repris sont réputés abandonnés. Le comité de règlement des différends et des sanctions ne se prononce que sur les dernières écritures déposées. Les observations qui auraient été produites pendant la période comprise entre la clôture et la réouverture de l'instruction sont communiquées aux parties. »

3. Il résulte de ces dispositions que, sauf dans le cas où le comité invite lui-même les parties à produire des pièces ou à répondre par écrit à une question qui leur aurait été posée au cours de la séance publique, les parties ne sont pas recevables à présenter de leur propre initiative des observations ou à produire de nouvelles pièces postérieurement à la clôture de l’instruction.

4. En l’espèce, et en tout état de cause, les observations transmises le 28 janvier 2020 par la société RTE ne font état d’aucun nouvel élément de droit ou de fait, qu’elle n’aurait pu faire valoir antérieurement à la clôture de l’instruction, et de nature à justifier la réouverture de l’instruction ainsi que la transmission de ces observations à la partie adverse.

5. Dans ces conditions, le comité écarte comme irrecevables les observations transmises le 28 janvier 2020 par la société RTE.

Sur le paiement de la quote-part au titre des S3REnR

6. Le présent différend est relatif au paiement de la quote-part au titre du S3REnR de la région Picardie alors existante par la société Poste de Cressy pour le raccordement d’un poste de transformation au réseau public de transport d’électricité. Il ressort des pièces du dossier que ce paiement a été exigé par la société RTE, pour la première fois, dans la proposition technique et financière n°18-064. 

7. En conséquence, il y a lieu, aux fins de régler le présent différend, et dès lors que la première échéance de paiement de la quote-part est due au moment de l’acceptation de la proposition technique et financière, d’appliquer la réglementation en vigueur au moment de l’acceptation de cette proposition, soit en l’espèce le 25 septembre 2018.

8. Aux termes de l’article L. 342-1 du code de l’énergie alors en vigueur, « Le raccordement d'un utilisateur aux réseaux publics comprend la création d'ouvrages d'extension, d'ouvrages de branchement en basse tension et, le cas échéant, le renforcement des réseaux existants.

Par dérogation à l'alinéa précédent, lorsque le raccordement est destiné à desservir une installation de production à partir de sources d'énergie renouvelable et s'inscrit dans le schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables mentionné à l'article L. 321-7, le raccordement comprend les ouvrages propres à l'installation ainsi qu'une quote-part des ouvrages créés en application de ce schéma […] ».

9. L’article L. 342-12 du code, dans sa version alors en vigueur, prévoit que « Lorsque le raccordement est destiné à desservir une installation de production à partir de sources d'énergie renouvelable et s'inscrit dans le schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables mentionné à l'article L. 321-7, le producteur est redevable d'une contribution au titre du raccordement propre à l'installation ainsi qu'au titre de la quote-part définie dans le périmètre de mutualisation mentionné à l'article L. 321-7. Cette quote-part est calculée en proportion de la capacité de puissance installée sur la puissance totale disponible garantie sur le périmètre de mutualisation. La prise en charge prévue au 3° de l'article L. 341-2 porte sur l'un ou sur l'ensemble des éléments constitutifs de cette contribution. 

Est précisé par voie réglementaire le mode de détermination du périmètre de mutualisation des postes du réseau public de transport, des postes de transformation entre les réseaux publics de distribution et le réseau public de transport et des liaisons de raccordement au réseau public de transport, inscrits dans le schéma de raccordement au réseau des énergies renouvelables, que ces ouvrages soient nouvellement créés ou existants. […] ». 

10. L’article D. 321-10 du code précise que : « La présente section et la section 6 du chapitre II du titre IV du présent livre fixent les conditions de raccordement aux réseaux publics d'électricité des catégories d'installation suivantes : -installation de production d'électricité à partir de sources d'énergies renouvelables d'une puissance de raccordement supérieure à 100 kilovoltampères ;

- installations groupées dont la somme des puissances de raccordement est supérieure à 100 kilovoltampères. »

Sur la qualification d’installation de production à partir de sources d’énergie renouvelable 

11. L’article D. 342-15-2 du code de l’énergie issu du décret n°2018-544 du 28 juin 2018 portant modification de la partie réglementaire du code de l'énergie relative aux schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables et aux raccordements multi-producteurs dispose que « Pour le raccordement de plusieurs installations de production proches ou connexes en un point unique du réseau public de transport ou de distribution, le groupement des producteurs désigne un demandeur du raccordement. ». L’article D.342-15-3 du code précise que « L'ensemble des installations raccordées en un point unique du réseau public de transport ou de distribution dans les conditions définies à l'article D. 342-15-2 est considéré comme étant une seule installation de production qui comprend les équipements ayant vocation à raccorder l'ensemble des installations à un réseau public de transport ou de distribution […] ». Enfin, l’article D.342-15-4 du même code prévoit que le demandeur du raccordement « est notamment redevable de la contribution et de la quote-part prévues à l'article L. 342-12 pour l'intégralité de la somme des puissances actives maximales de chaque installation du groupement ».

12. La qualification d’installation de production à partir de sources d’énergie renouvelable n’est pas contestée par les parties. En application des dispositions du décret n°2018-544 du 28 juin 2018 codifiées au sein de la partie réglementaire du code de l’énergie précitées, la société Poste de Cressy doit être regardée comme le demandeur du raccordement d’une installation de production, qui est redevable de la quote-part prévue à l’article L. 342-12 du code pour l’intégralité de la somme des puissances actives maximales de chaque installation éolienne, à condition que son installation s’inscrive dans le S3REnR au sens des dispositions du même article.

Sur « l’inscription » de l’installation dans le S3REnR au sens des dispositions de l’article L. 342-12 du code de l’énergie

13. L’article L. 321-7 du code de l’énergie auquel les articles L. 342-1 et L. 342-12 précédemment cités renvoient dispose que « […] le schéma régional de raccordement définit les ouvrages à créer ou à renforcer pour atteindre les objectifs fixés par le schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie. Il définit également un périmètre de mutualisation des postes du réseau public de transport, des postes de transformation entre les réseaux publics de distribution et le réseau public de transport et des liaisons de raccordement de ces postes au réseau public de transport […] ».

14. L’article D. 321-15 du code prévoit que « le schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables comprend :

1° Un document identifiant les postes sources, les postes du réseau public de transport ainsi que les liaisons entre ces différents postes et le réseau public de transport, dès lors que ces différents ouvrages ont vocation à intégrer le schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables ; il s’agit aussi bien des ouvrages à créer que des ouvrages existants, ces derniers pouvant le cas échéant être à renforcer ; […]

3° La liste détaillée des ouvrages électriques mentionnés au 1° à créer, le cas échéant par volet particulier, qui ont vocation à intégrer le périmètre de mutualisation prévu à l’article L. 321-7 et, le cas échéant, la liste détaillée des ouvrages à créer par volet particulier du schéma ».

15. A titre liminaire, s’agissant du cadre juridique applicable, les dispositions invoquées de l’article 54 de la loi n°2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat, modifiant les articles L. 342-1 et L. 342-12 du code de l’énergie sont sans incidence sur la solution du présent différend, dans la mesure où ces dispositions n’ont pas, contrairement à ce que soutient la société RTE, une simple portée interprétative mais prévoient, au contraire, de nouvelles conditions s’agissant de l’inscription dans les S3REnR des raccordements destinés à desservir une installation de production à partir de sources d’énergie renouvelable. Ces dispositions ne sont ainsi pas applicables aux différends antérieurs à l’entrée en vigueur de cette loi.

16. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier de la proposition technique et financière, que la société Poste de Cressy a demandé le raccordement d’un « poste de transformation ». Ce poste privé ne constitue ni un poste du réseau public de transport, ni un poste de transformation entre le réseau public de distribution et le réseau public de transport au sens de l’article L.321-7 du code de l’énergie. Par conséquent, il n’avait pas vocation à intégrer le périmètre de mutualisation du S3REnR de la région Picardie. A cet égard, peu importe que le poste en cause soit assimilé à une installation de production dans le cadre d’un groupement multi-producteur en application des dispositions de l’article D.342-15-3 et qu’il soit situé derrière le point unique de raccordement comme l’affirme la société RTE, dans la mesure où  le raccordement de cette installation de production au réseau public de transport ne bénéficie pas directement de la création d’ouvrages relevant du périmètre de mutualisation, indispensables à son raccordement.

17. Au surplus, le fait que, comme le relève la société RTE, la Commission de régulation de l’énergie indique dans un document à caractère informatif publié sur son site internet ainsi que dans une délibération du 31 janvier 2019 portant avis sur le projet de décret portant modification de la partie réglementaire du code de l’énergie relative aux schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables que les dispositions réglementaires de ce code prévoient que toutes les installations de production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelable de puissance supérieure à 100 kVA entrent dans le cadre des S3REnR, est sans incidence sur la solution du différend, dès lors que, comme il a été constaté au point précédent, le poste de transformation privé en cause n’est pas compris dans le périmètre de mutualisation. 

18. Il s’ensuit que, conformément à ce qu’a décidé le comité dans sa décision n°19-38-16 en date du 19 juillet 2017 sur le différend qui opposait la société Volkswind France à la société RTE relatif aux conditions de raccordement d’un poste de transformation au réseau public de transport d’électricité, l’installation de production de la société Poste de Cressy ne pouvait s’inscrire dans le S3REnR de la région Picardie.

19. En conséquence, la demande de raccordement doit être regardée comme présentée au titre du premier alinéa de l’article L. 342-1 du code de l’énergie.

20. A titre subsidiaire, la société RTE demande au comité de dire que le décret n° 2018-544 du 28 juin 2018 s’applique au raccordement de l’installation de production de la société Poste de Cressy et fait à ce titre valoir que, en application des dispositions de l’article D. 342-22-2 du code de l’énergie issues de ce décret, la société Poste de Cressy est redevable de la quote-part du S3REnR alors saturé de la région Picardie.

21. Aux termes de l’article D. 342-22-2 du code « Les producteurs dont les installations entrent dans la file d'attente en vue de leur raccordement alors que la totalité de la capacité d'accueil globale du schéma régional de raccordement a été réservée sont redevables de la quote-part définie par ce schéma. La nouvelle quote-part unitaire est applicable à toute installation entrant dans la file d'attente en vue de son raccordement postérieurement à l'approbation du schéma révisé ou à la notification du schéma adapté. » L’article 13 du décret n° 2018-544 du 28 juin 2018 dont ces dispositions sont issues prévoit que « Le présent décret entre en vigueur au lendemain de sa publication. Le premier alinéa de l'article D. 342-22-2 s'applique aux opérations de raccordement pour lesquelles la convention de raccordement mentionnée aux articles L. 342-4 et L. 342-9 n'a pas été signée à la date d'entrée en vigueur du présent décret. »

22. Si les dispositions de l’article D. 342-22-2 du code de l’énergie sont bien applicables aux faits d’espèce, dans la mesure où la convention de raccordement n’avait pas été signée à la date d’entrée en vigueur du décret du 28 juin 2018, soit le 1er juillet 2018, ces dispositions ont seulement pour objet de déterminer la quote-part applicable dans l’hypothèse d’un schéma saturé, dans les cas où le producteur est bien redevable de la quote-part définie dans le périmètre de mutualisation, selon les conditions prévues aux articles L. 342-1 et L. 342-12 du code de l’énergie. 

23. En l’espèce, il résulte des considérations précédemment exposées que l’installation de production de la société Poste de Cressy ne s’inscrit pas dans le S3REnR de la région Picardie alors applicable aux faits de l’espèce au sens des articles L. 342-1 et L. 342-12 du code de l’énergie. Il s’en suit que les dispositions de l’article D. 342-22-2 sont sans incidence sur la solution du différend. 

24. Il résulte de tout ce qui précède que, si la société Poste de Cressy doit payer la contribution due en raison de son raccordement au titre du premier alinéa de l’article L. 342-1 du code de l’énergie, elle n’est pas redevable de la contribution au titre des ouvrages propres et de la quote-part des ouvrages mutualisés en application du S3REnR de la région Picardie qui seraient dues si son raccordement relevait du deuxième alinéa du même article.

Sur la demande de communication d’un avenant à la proposition technique et financière

25. La société Poste de Cressy demande au comité d’enjoindre à la société RTE, sous un délai d’un mois, de lui adresser un avenant à la proposition technique et financière conforme aux dispositions législatives et réglementaires opposables, voire un avenant à la convention de raccordement si celle-ci venait à être signée avant que le comité n’ait rendu sa décision.

26. Il ressort de tout ce qui précède que la demande de raccordement de la société Poste de Cressy ne s’inscrit pas dans le cadre du S3REnR de la région Picardie.

27. Dans ces conditions, il appartient au comité de règlement des différends et des sanctions d’enjoindre à la société RTE de communiquer à la société Poste de Cressy, dans un délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision, une version corrigée et modificative de la proposition technique et financière, ou le cas échant, de la convention de raccordement, établie en application du premier alinéa de l’article L. 342-1 du code de l’énergie. 

DÉCIDE : 

Article 1er. – La société Poste de Cressy n’est pas redevable de la contribution au titre des ouvrages propres et de la quote-part des ouvrages mutualisés en application du deuxième alinéa de l’article L. 342-1 et de l’article L. 342-12 du code de l’énergie. 

Article 2. – La société RTE communiquera à la société Poste de Cressy, dans un délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision, une version corrigée et modificative de la proposition technique et financière, ou le cas échéant, de la convention de raccordement, établie en application du premier alinéa de l’article L. 342-1 du code de l’énergie.

Article 3. – La présente décision sera notifiée à la société Poste de Cressy et à la société RTE. Elle sera publiée au Journal officiel de la République française.