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Décisions

Cass. com., 5 juillet 2017, n° 15-25.121

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Gaschignard, SCP Le Bret-Desaché, SCP Ohl et Vexliard, SCP Waquet, Farge et Hazan

Paris, du 8 sept. 2015

8 septembre 2015

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 8 septembre 2015), que la société holding Euro Disney SCA, dont les actions sont admises aux négociations sur le compartiment B du marché réglementé d'Euronext Paris, a pour principal actif une participation de 82 % dans le capital de la société en commandite par actions Euro Disney Associés (la société EDA), laquelle exploite le parc d'attraction Disneyland Paris, et qu'elle est gérée par la société par actions simplifiées Euro Disney SAS (la société ED), filiale à 100 % de la société américaine The Walt Disney Company (la société TWDC) ; qu'à la suite d'opérations de recapitalisation et de réduction d'endettement, la société américaine EDL Holding Company (la société EDL Holding) et les sociétés Euro Disney Investments (la société EDI) et EDL Corporation (la société EDLC), toutes trois indirectement détenues à 100 % par la société TWDC, ont détenu ensemble et de concert 72,34 % du capital et des droits de vote de la société Euro Disney SCA ; qu'elles ont donc déposé un projet d'offre publique d'achat simplifiée des actions de la société Euro Disney SCA ; que l'Autorité des marchés financiers (l'AMF) ayant, par décision n° 215C0380 du 31 mars 2015, déclaré le projet d'offre publique d'achat simplifiée des sociétés EDL Holding, EDI et EDLC conforme aux dispositions législatives et réglementaires applicables, la société Charity Investment Merger Arbitrage Fund (la société CIMA), actionnaire de la société Euro Disney SCA, a formé un recours en annulation de cette décision ;

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche :

Attendu que la société CIMA fait grief à l'arrêt de rejeter son recours alors, selon le moyen, que le droit à un procès équitable suppose que la décision de première instance puisse faire l'objet d'un contrôle ultérieur d'un organe judiciaire de pleine juridiction présentant les garanties d'un tel procès ; que tel ne peut être le cas que si la juridiction de deuxième instance a la possibilité de réexaminer les faits et les preuves, et de substituer sa décision à la décision contestée ; que la cour d'appel de Paris, qui se borne à un contrôle formel des offres et n'exerce pas un réel pouvoir de réformation des décisions de l'AMF et de substitution de ses propres décisions aux décisions annulées, ne saurait être considérée comme offrant aux parties un procès équitable au sens de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en retenant que la question du respect de cet article devant l'AMF ne se posait pas dès lors que les décisions de l'AMF en matière d'examen des projets d'offre publique pouvait être déférées à la cour d'appel de Paris "dans le cadre d'un recours effectif et de plein contentieux présentant toutes les garanties prescrites par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme", la cour d'appel a violé ce texte ;

Mais attendu que, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH, X...c.Autriche n° 12235/86, 21 septembre 1993, §§ 31-32 ; Z... et autres c.Pologne, n° 33776/96, 4 octobre 2001 ; Sigma Radio Television Ltd c. Chypre, n° 32181/04, 35122/05, 21 juillet 2011 et A... c. Royaume-Uni, n° 42509/05, 27 octobre 2009), l'exigence que le "tribunal" visé par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose d'une "plénitude de juridiction" sera satisfaite si l'organe en question est doté de compétence d'une "étendue suffisante" ou exerce un "contrôle juridictionnel suffisant" pour traiter l'affaire en cause et que le rôle de l'article 6 n'est pas de garantir l'accès à un tribunal qui pourrait substituer son propre avis à celui des autorités administratives ; qu'ayant pu examiner tous les moyens soulevés par les parties, en fait comme en droit, et apprécier toutes les pièces produites devant elle, la cour d'appel a retenu à bon droit que, quoique ne disposant que d'un pouvoir d'annulation et non de réformation de la décision déférée, elle avait été saisie dans le cadre d'un recours effectif et de plein contentieux présentant toutes les garanties prescrites par les dispositions susvisées ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société CIMA fait grief à l'arrêt de rejeter son recours alors, selon le moyen, que les offres publiques d'achat doivent respecter le libre jeu des offres, l'égalité de traitement et d'information des actionnaires, la transparence et l'intégrité du marché et la loyauté dans les transactions et la compétition ; qu'il appartient donc au juge de la régularité d'une offre de contrôler la pertinence et la cohérence des informations fournies au public à l'occasion de l'offre ; qu'au cas d'espèce, la société CIMA faisait valoir que la société Euro Disney, dont les titres étaient l'objet de l'offre contestée, avait conclu avec diverses autres sociétés du groupe Disney divers contrats conduisant à minorer artificiellement son résultat ; qu'elle en déduisait que le prix auquel l'offre d'acquisition était faite était lui-même artificiellement minoré, en violation des principes de loyauté, d'égalité de traitement des actionnaires, d'intégrité du marché et de libre jeu des offres ; qu'en affirmant, pour écarter ce grief, qu'il "ne lui appartenait pas de se prononcer sur ces contrats dans le cadre de l'examen de conformité du projet d'offre dont elle était saisie", quand il lui appartenait de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les contrats litigieux, indépendamment de leur régularité intrinsèque, n'avaient pas eu pour conséquence de minorer artificiellement le cours du titre Euro Disney, la cour d'appel a violé les articles L. 433-3 du code monétaire et financier, 231-1, 231-21 et 234-6 du règlement général de l'AMF ;

Mais attendu qu'il n'entre pas dans la mission de l'AMF, ni ne relève de la compétence de la cour d'appel statuant sur les recours formés contre ses décisions, de se prononcer sur les violations éventuelles d'obligations dont les sanctions de droit privé n'entrent pas dans les mesures que l'autorité de marché est habilitée à prendre ; que c'est par une appréciation souveraine de la cohérence et de la pertinence des différentes méthodes d'évaluation mises en oeuvre et des critères utilisés, qu'elle a contrôlés, que la cour d'appel a décidé que les critiques du bien-fondé de la décision de l'AMF n'étaient pas fondées ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en sa première branche, ni sur le troisième moyen, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.