CRE, cordis, 22 juin 2020, n° 02-38-20
COMMISSION DE RÉGULATION DE L'ÉNERGIE
Arrêt
sur le différend qui oppose la société WEB Grid à la société RTE relatif aux conditions de raccordement d’une installation de production au réseau public de transport d’électricité
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tuot
Rapporteur :
Mme Corradi
Avocats :
Me Guiheux, Me Vogel
Le comité de règlement des différends et des sanctions est saisi par la société WEB Grid des faits suivants.
Le 16 juin 2017, la société SAS Parc Eolien des Vallées a donné mandat à la société ENR GRID SAS pour effectuer en son nom et pour son compte les démarches nécessaires auprès de la société RTE pour le raccordement du site parc éolien des Vallées sur la commune de Tortefontaine (62140), dans la région Hauts-de-France.
Le 22 juin 2017, la société ENR GRID a transmis à la société RTE une demande de proposition d’entrée en file d’attente pour une installation de production composée de 12 éoliennes de 4,2 MW chacune pour une puissance totale de 50,4 MW.
Le 24 octobre 2017, la société RTE et la société Parc Eolien des Vallées ont signé la proposition d’entrée en file d’attente (PEFA) n°17-175, concernant le raccordement du projet d’une installation de production éolienne de 50,4 MW, en piquage sur la liaison 90 kV Hesdin-Sorrus. Aux termes de l’article 4 de la PEFA n°17-175, le montant pour la réalisation des ouvrages propres était évalué à 400 000 euros hors taxes. En outre, ce même article prévoyait que le producteur était redevable d’une quote-part des ouvrages à créer en application du schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3REnR), dont le montant était estimé à 461 786,47 euros hors-taxes.
Le 22 décembre 2017, la société ENR GRID a adressé à la société RTE une demande de proposition technique et financière pour le même projet.
Le 4 juin 2018, la société RTE et la société Parc Eolien des Vallées ont signé la proposition technique et financière n°17-175 pour le raccordement au réseau public de transport d’électricité de l’installation de production de Parc Eolien des Vallées sur la commune de Tortefontaine. La solution de raccordement retenue consistait en un raccordement en piquage sur la liaison 90kV Hesdin-Sorrus. Le montant total de la contribution financière au titre des ouvrages propres était évalué à hauteur de 515 000 euros hors taxes. La proposition technique et financière précisait également que le producteur était redevable de la quote-part du S3REnR Nord-Pas-de-Calais applicable, fixée à 919 000 €/MW, révisée d’un coefficient de 1,015.
Le 18 juin 2018, la société Parc Eolien des Vallées a transmis à la société RTE la proposition technique et financière n°17-175 signée et sollicité un échange s’agissant de l’application de la quote-part du S3REnR, compte tenu de l’annulation du décret n°2016-434 du 11 avril 2016 portant modification de la partie réglementaire du code de l'énergie relative aux schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables par le Conseil d’Etat le 22 décembre 2017.
Par courrier électronique en date du 28 juin 2018, la société RTE a proposé à la société Parc Eolien des Vallées des dates pour un entretien et apporté des précisions s’agissant de l’application de la quote-part.
Le 7 janvier 2019, la proposition technique et financière n°17-175 a été cédée, par avenant, à la société WEB Grid.
Le 4 février 2020, la société WEB Grid a confirmé à la société RTE sa désignation en tant que demandeur du raccordement au titre du décret n°2018-544 du 28 juin 2018 pour le parc éolien des Vallées (18 MW) et le parc éolien de Bouin-Plumoison (35 MW).
Le 10 février 2020, la convention de raccordement n°2017-175 en vue du raccordement de celle-ci au réseau de transport d’électricité a été signée par la société RTE et la société WEB Grid.
C’est dans ces conditions que la société WEB Grid a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions d’une demande de règlement de différend.
Par une saisine et un mémoire récapitulatif enregistrés sous le numéro 02-38-20 les 14 janvier 2020 et 14 février 2020, la société WEB Grid, représentée par son représentant légal et ayant pour avocat Me Antoine GUIHEUX, cabinet VOLTA avocats, demande au comité de règlement des différends et des sanctions, dans le dernier état de ses écritures, de :
- constater que la création du poste de transformation permettant le raccordement des installations n’a pas vocation à intégrer le périmètre de mutualisation et que, par suite, cette dernière n’est pas redevable de la quote-part au titre du S3REnR ;
- constater que le dispositif relatif au paiement de la quote-part était inapplicable à la date d’acceptation de la PEFA, privant de toute base légale l’application d’une quote-part pour l’installation en cause, ainsi qu’aux dates d’acceptation de la proposition technique et financière et de son avenant ;
- enjoindre à la société RTE, dans le mois suivant la décision à intervenir, de lui adresser un avenant à la proposition technique et financière conforme aux dispositions législatives et réglementaires opposables.
A titre liminaire, la société WEB Grid indique que la conclusion de la PEFA et celle de la PTF sont intervenues avant la modification des articles L. 342-1 et L. 342-12 du code de l’énergie par l’article 54 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat. Elle soutient que cette modification législative témoigne de ce que le décret n°2018-544 du 28 juin 2018 portant modification de la partie réglementaire du code de l'énergie relative aux schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables et aux raccordements multi-producteurs n’a pas eu pour effet de modifier la portée actuelle de ces dispositions législatives, lesquelles excluent, dans leur version applicable au présent litige, le paiement de la quote-part aux installations qui ne relèvent pas du périmètre de mutualisation du S3REnR.
La société WEB Grid fait grief à la société RTE d’avoir méconnu la portée des dispositions de l’article L. 342-1 et L. 321-7 en exigeant le paiement d’une quote-part pour le raccordement du poste de transformation au réseau public de transport de l’électricité. Elle soutient que :
- l’obligation du paiement d’une quote-part est consubstantielle à l’inscription de l’installation dans le périmètre de mutualisation défini par le S3REnR ;
- le périmètre est strictement défini par l’article L. 321-7 du code de l’énergie et ne peut comprendre que les catégories d’ouvrages auquel il renvoie expressément ;
- l’obligation de s’acquitter de la quote-part, qui permet la péréquation des coûts des investissements réalisés sur les réseaux électriques et en fait supporter une partie aux porteurs du projet, implique nécessairement que l’installation créée s’inscrive au sein du périmètre de mutualisation défini par le S3REnR ;
- en l’espèce, le poste de transformation ne relève d’aucune des catégories d’ouvrages définies par la loi et ne s’inscrit donc pas au sein du périmètre de mutualisation défini à l’article L. 321-7 du code de l’énergie, comme l’a déjà rappelé le comité dans de précédentes décisions ;
- le poste de transformation ne bénéficie pas non plus d’ouvrages relevant du périmètre de mutualisation indispensables à son raccordement.
Subsidiairement, la société WEB Grid affirme que, en tout état de cause, à la date d’acceptation de la proposition technique et financière, aucun fondement réglementaire ne permettait d’exiger le versement d’une quote-part dans le cadre d’un schéma régional saturé, tel qu’au cas d’espèce, puisque le décret n°2016-434 du 11 avril 2016 portant modification de la partie réglementaire du code de l’énergie relative aux S3REnR avait été annulé par le Conseil d’Etat et non remplacé à cette date.
Par deux mémoires en défense et un mémoire récapitulatif, enregistrés les 31 janvier 2020, 25 février 2020 et 11 juin 2020, la société RTE, représentée par son représentant légal et ayant pour avocat Me Joseph VOGEL, SELAS VOGEL & VOGEL, demande au comité de règlement des différends et des sanctions, dans le dernier état de ses écritures, de :
- rejeter l’ensemble des demandes de la société WEB Grid ;
- dire que l’inscription dans le S3REnR d’une installation de production à partir de sources d’énergie renouvelable est de principe ;
- dire que l’installation pour laquelle la société WEB Grid sollicite le raccordement s’inscrit dans le S3REnR de la région anciennement dénommée Nord-Pas-de-Calais ;
- en conséquence, constater que la société WEB Grid est redevable de la quote-part au titre du S3REnR de la région anciennement dénommée Nord-Pas-de-Calais ;
- dire que la société WEB Grid est redevable de la quote-part du S3REnR de la région anciennement dénommée Nord-Pas-de-Calais même saturé.
La société RTE considère que le poste de transformation de la société WEB Grid est compris dans l’installation de production à partir de sources d’énergie renouvelable, dont le raccordement s’inscrit en conséquence dans le S3REnR et est donc redevable de la quote-part. A ce titre, elle soutient que :
- tout raccordement d’une installation de production à partir de sources d’énergie renouvelable entre par principe dans le champ d’application du S3REnR, les seuls raccordement d’installations n’entrant pas dans le champ d’application de ce dispositif sont les installations de production à partir de sources d’énergie renouvelable dont les conditions de raccordement sont fixées dans le cadre d’une procédure d’appels d’offres ;
- la CRE a confirmé à plusieurs reprises que cette inscription dans le S3REnR est de principe, notamment, dans son avis du 21 février 2012 concernant le projet du futur décret n°2012-533. Elle a également précisé dans un document publié sur son site Internet que toutes les installations de production à partir de sources d’énergie renouvelable d’une puissance supérieure à 100 kVA entrent dans le cadre des S3REnR et sont redevables à ce titre du coût des ouvrages propres à leur raccordement ainsi que d’une quote-part proportionnelle à la puissance de leurs installations. La CRE a confirmé dans sa délibération n°2019-025 du 31 janvier 2019 que les dispositions réglementaires actuellement en vigueur prévoient que les installations de production à partir de sources d’énergie renouvelable et les installations groupées dont la somme des puissances de raccordement est supérieure à 100 kVA entrent dans le périmètre des S3REnR. Le gouvernement a également rappelé cette position lors du Conseil des ministres du 22 mai 2019 ;
- la loi n°2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat et le décret n° 2020-382 du 31 mars 2020 portant modification de la partie réglementaire du code de l’énergie relative aux schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables, qui ont un caractère interprétatif et sont d’application immédiate, ont apporté une clarification, confirmant l’inscription de l’installation de la société WEB Grid dans le S3REnR ;
- les articles L. 342-12 et D. 342-22 du code de l’énergie ne conditionnent pas l’inscription du raccordement d’une installation de production dans le S3REnR à la présence d’ouvrages mutualisés, comme cela a été confirmé par l’article 3 du décret n°2020-282 du 31 mars 2020 ;
- le poste de transformation privé fait partie de l’installation de production et non du « raccordement » de l’installation au sens de l’article L. 342-1 du code de l’énergie ;
- le poste de transformation privé HTA/HTB, qui fait l’interface entre toute installation de production et le réseau public de transport, en ce qu’il est compris dans l’installation de production, ne peut pas être mentionné dans le S3REnR et n’intègre pas par définition le périmètre de mutualisation ;
- le raisonnement de la société WEB Grid prive de tout son sens le dispositif S3REnR, dans la mesure où refuser l’inscription dans le S3REnR d’une installation de production au motif que son poste de transformation privé n’appartient pas au périmètre de mutualisation revient à exclure des S3REnR le raccordement de toutes les installations de production ;
Sur la demande subsidiaire de la société WEB Grid, la société RTE indique que l’article D. 342-22-2 du code de l’énergie, relatif au paiement de la quote-part pour les producteurs dont les installations entrent en file d’attente en vue de leur raccordement dans un S3REnR saturé est pleinement applicable. Elle affirme qu’en tout état de cause, à défaut, la règlementation applicable au litige serait celle en vigueur au moment de l’acceptation de la PEFA, laquelle est antérieure à l’annulation du décret de 2016. Selon RTE, l’annulation de ce décret n’a pas remis en cause les contrats de droit privé conclus sous le régime S3REnR entre le 14 avril 2016 (date d’entrée en vigueur du décret) et le 22 décembre 2017 (date de l’annulation du décret).
Par une décision du 27 février 2020, la clôture de l’instruction a été fixée au 16 mars 2020 à 12h00.
Par une décision du 20 mai 2020, en raison d’une part des contraintes liées à l’état d’urgence sanitaire et d’autre part de la nécessité de régler dans des délais raisonnables le différend dont le comité est saisi, l’instruction de la demande de règlement de différend a été rouverte. La clôture de l’instruction a, par la même décision, été fixée au 12 juin 2020 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
˗ la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 ;
˗ l’ordonnance n° 2020-347 du 27 mars 2020 adaptant le droit applicable au fonctionnement des établissements publics et des instances collégiales administratives pendant l'état d'urgence sanitaire ;
˗ l’ordonnance n° 2014-1329 du 6 novembre 2014 relative aux délibérations à distance des instances administratives à caractère collégial, notamment ses articles 2, 3 et 4 ;
˗ le code de l’énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants, R. 134-7 et suivants ;
˗ la décision du 13 février 2019, portant adoption du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie ;
˗ la décision du 3 février 2020 du président du comité de règlement des différends de la Commission de régulation de l’énergie, relative à la désignation d’un rapporteur pour l’instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 02-38-20 ;
Les parties ayant été régulièrement informées de la tenue des séances publiques du comité de règlement des différends et des sanctions au moyen d’une communication électronique, conformément aux dispositions de l’article 4 de l’ordonnance du 27 mars 2020 et de l’article 3 de l’ordonnance du 6 novembre 2014 visées ci-dessus ;
Un test de connexion au logiciel de visio-conférence ayant été réalisé avec les parties le 12 juin 2020 et n’ayant révélé aucune anomalie ;
Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de M. Thierry TUOT, président, Madame Marie-Christine DAUBIGNEY, Monsieur Henri DE LAROSIERE DE CHAMPFEU, Madame Hélène VESTUR, membres, qui s’est tenue par visio-conférence le 15 juin 2020, après vérification de l’identité des parties et de leurs représentants, en présence de :
Mme Alexandra Bonhomme, directrice de la direction des affaires juridiques et représentant le directeur général empêché,
Mme Jennifer CORRADI, rapporteur,
Le représentant de la société WEB Grid, assisté de Me Antoine GUIHEUX,
Les représentants de la société RTE, assistés de Me Joseph VOGEL,
Les parties ayant été informées qu’à tout moment, le président du comité peut décider de lever la séance pour qu’elle soit prorogée à une date ultérieure en cas de difficulté matérielle, notamment liée à la capacité de connexion de l’un des participants, ne permettant pas le déroulement normal de la séance ;
L’ensemble des parties ayant confirmé la bonne qualité de la liaison électronique et avoir été dûment informées des modalités de convocation à la séance publique.
Après avoir entendu :
˗ le rapport de Mme Jennifer CORRADI, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
˗ les observations de Me Antoine GUIHEUX et M. Julien Isambert, Président de la société ENR-GRID, pour la société WEB Grid ; la société WEB Grid persiste dans ses moyens et conclusions ;
˗ les observations de Me Joseph VOGEL et Mme Delphine PINCEMAILLE, responsable de produit national au sein de DIES - Département Accès au réseau et Offre de services - Pôle Raccordement, pour la société RTE ; cette dernière persiste dans ses moyens et conclusions.
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré après que les parties, le rapporteur, le public et les agents des services se sont retirés de la séance publique par visio-conférence.
Sur le paiement de la quote-part au titre des S3REnR
1. Le présent différend est relatif au paiement de la quote-part au titre du S3REnR de la région Nord-Pas-de-Calais alors existante par la société WEB Grid pour le raccordement de son installation de production au réseau public de transport d’électricité. Il ressort des pièces du dossier que ce paiement a été exigé par la société RTE, pour la première fois, dans la PEFA n°17-175.
2. En conséquence, il y a lieu, aux fins de régler le présent différend, et dès lors que la première échéance de paiement de la quote-part est due au moment de l’acceptation de la PEFA, d’appliquer la réglementation en vigueur au moment de l’acceptation de cette proposition, soit en l’espèce le 24 octobre 2017.
3. Dès lors que les conditions prévues aux articles L. 342-1 et L. 342-12 du code de l’énergie font obstacle à la détermination du paiement de la quote-part par le producteur, la circonstance que le décret n°2016-434 du 11 avril 2016 portant modification de la partie réglementaire du code de l’énergie relative aux S3REnR alors applicable ait été annulé par le Conseil d’Etat par une décision du 22 décembre 2017 est sans incidence sur la solution du litige.
4. Aux termes de l’article L. 342-1 du code de l’énergie alors en vigueur, « Le raccordement d'un utilisateur aux réseaux publics comprend la création d'ouvrages d'extension, d'ouvrages de branchement en basse tension et, le cas échéant, le renforcement des réseaux existants.
Par dérogation à l'alinéa précédent, lorsque le raccordement est destiné à desservir une installation de production à partir de sources d'énergie renouvelable et s'inscrit dans le schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables mentionné à l'article L. 321-7, le raccordement comprend les ouvrages propres à l'installation ainsi qu'une quote-part des ouvrages créés en application de ce schéma […] ».
5. L’article L. 342-12 du code, dans sa version alors en vigueur, prévoit que « Lorsque le raccordement est destiné à desservir une installation de production à partir de sources d'énergie renouvelable et s'inscrit dans le schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables mentionné à l'article L. 321-7, le producteur est redevable d'une contribution au titre du raccordement propre à l'installation ainsi qu'au titre de la quote-part définie dans le périmètre de mutualisation mentionné à l'article L. 321-7. Cette quote-part est calculée en proportion de la capacité de puissance installée sur la puissance totale disponible garantie sur le périmètre de mutualisation. La prise en charge prévue au 3° de l'article L. 341-2 porte sur l'un ou sur l'ensemble des éléments constitutifs de cette contribution.
Est précisé par voie réglementaire le mode de détermination du périmètre de mutualisation des postes du réseau public de transport, des postes de transformation entre les réseaux publics de distribution et le réseau public de transport et des liaisons de raccordement au réseau public de transport, inscrits dans le schéma de raccordement au réseau des énergies renouvelables, que ces ouvrages soient nouvellement créés ou existants. […] ».
6. L’article L. 321-7 du code de l’énergie auquel les articles L. 342-1 et L. 342-12 précédemment cités renvoient dispose dans sa version alors en vigueur que « […] le schéma régional de raccordement définit les ouvrages à créer ou à renforcer pour atteindre les objectifs fixés par le schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie. Il définit également un périmètre de mutualisation des postes du réseau public de transport, des postes de transformation entre les réseaux publics de distribution et le réseau public de transport et des liaisons de raccordement de ces postes au réseau public de transport […] ».
6. L’article D. 321-10 du code alors applicable précise que : « Les conditions de raccordement aux réseaux publics d'électricité des installations de production d'électricité à partir de sources d'énergies renouvelables sont fixées par la présente section et la section 6 du chapitre II du titre IV du présent livre.
Pour l'application du deuxième alinéa de l'article L. 342-1, ne s'inscrivent pas dans le schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables :
1° Les raccordements d'installations d'une puissance installée inférieure ou égale à 100 kilovoltampères ; 2° Les raccordements d'installations dont les conditions sont fixées dans le cadre d'un appel d'offres en application de l'article L. 311-10. »
7. L’article D. 321-15 du code prévoit que « le schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables comprend :
1° Un document identifiant les postes sources, les postes du réseau public de transport ainsi que les liaisons entre ces différents postes et le réseau public de transport, dès lors que ces différents ouvrages ont vocation à intégrer le schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables ; il s’agit aussi bien des ouvrages à créer que des ouvrages existants, ces derniers pouvant le cas échéant être à renforcer ; […]
3° La liste détaillée des ouvrages électriques mentionnés au 1° à créer, le cas échéant par volet particulier, qui ont vocation à intégrer le périmètre de mutualisation prévu à l’article L. 321-7 et, le cas échéant, la liste détaillée des ouvrages à créer par volet particulier du schéma ».
8. A titre liminaire, s’agissant du cadre juridique applicable, les dispositions invoquées de l’article 54 de la loi n°2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat, modifiant les articles L. 342-1 et L. 342-12 du code de l’énergie, ainsi que celles du décret n°2020-282 du 31 mars 2020 portant modification de la partie réglementaire du code de l’énergie relative aux schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables sont sans incidence sur la solution du présent différend, dans la mesure où ces dispositions n’ont pas, contrairement à ce que soutient la société RTE, une simple portée interprétative mais prévoient, au contraire, de nouvelles conditions s’agissant de l’inscription dans les S3REnR des raccordements destinés à desservir une installation de production à partir de sources d’énergie renouvelable. Ces dispositions ne sont ainsi pas applicables aux différends antérieurs à leur entrée en vigueur.
9. En premier lieu, il n’est pas contesté que le raccordement en l’espèce est destiné à desservir une installation de production à partir de sources d'énergie renouvelable.
10. En deuxième lieu, s’agissant de l’inscription du raccordement dans le S3REnR mentionné à l'article L. 321-7, il ressort des pièces du dossier que de la société WEB Grid a demandé à la société RTE le raccordement d’un poste de transformation privé HTA/HTB, auquel seront elles-mêmes raccordées 12 éoliennes. Ce poste privé ne constitue ni un poste du réseau public de transport, ni un poste de transformation entre le réseau public de distribution et le réseau public de transport au sens de l’article L.321-7 du code de l’énergie. En outre, la ligne aérienne en piquage 90 kV à créer pour raccorder l’installation de la société WEB Grid relie un poste privé à une liaison du réseau public de transport. Cette ligne ne constitue ainsi pas une liaison de raccordement entre des postes du réseau public de distribution ou de transport au sens des mêmes dispositions. Le raccordement de l’installation de la société WEB Grid ne bénéficie ainsi pas directement de la création d’ouvrages relevant du périmètre de mutualisation, indispensables à son raccordement.
11. Au surplus, le fait que, comme le relève la société RTE, la Commission de régulation de l’énergie indique, dans un document à caractère informatif publié sur son site internet ainsi que dans des délibérations du 21 février 2012 et 31 janvier 2019 portant avis sur des projets de décret relatifs aux schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables, que les dispositions réglementaires prévoient que toutes les installations de production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelable de puissance supérieure à 36 ou 100 kVA entrent dans le cadre des S3REnR, est sans incidence sur la solution du différend, dès lors que, comme il a été constaté au point précédent, le raccordement de l’installation n’est pas compris dans le périmètre de mutualisation.
12. Il s’ensuit que le raccordement de l’installation de production de la société WEB Grid ne pouvait, en tout état de cause, s’inscrire dans le S3REnR de la région Nord-Pas-de-Calais alors existante.
13. En conséquence, la demande de raccordement doit être regardée comme présentée au titre du premier alinéa de l’article L. 342-1 du code de l’énergie.
14. Il résulte de tout ce qui précède que, si la société WEB Grid doit payer la contribution due en raison de son raccordement au titre du premier alinéa de l’article L. 342-1 du code de l’énergie, elle n’est pas redevable de la contribution au titre des ouvrages propres et de la quote-part des ouvrages mutualisés en application du S3REnR de la région Picardie qui seraient dues si son raccordement relevait du deuxième alinéa du même article.
Sur la demande de communication d’un avenant à la proposition technique et financière
15. La société WEB Grid demande au comité d’enjoindre à la société RTE, sous un délai d’un mois, de lui adresser un avenant à la proposition technique et financière conforme aux dispositions législatives et réglementaires opposables.
16. Le 10 février 2020, la convention de raccordement a été signée par les parties.
17. Il ressort de tout ce qui précède que la demande de raccordement de la société WEB Grid ne s’inscrit pas dans le cadre du S3REnR de la région Picardie.
18. Dans ces conditions, il appartient au comité de règlement des différends et des sanctions d’enjoindre à la société RTE de communiquer à la société WEB Grid, dans un délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision, une version corrigée et modificative de la convention de raccordement, établie en application du premier alinéa de l’article L. 342-1 du code de l’énergie.
DÉCIDE :
Article 1er. – La société WEB Grid n’est pas redevable de la contribution au titre des ouvrages propres et de la quote-part des ouvrages mutualisés en application du deuxième alinéa de l’article L. 342-1 et de l’article L. 342-12 du code de l’énergie.
Article 2. – La société RTE communiquera à la société WEB Grid, dans un délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision, une version corrigée et modificative de la convention de raccordement, établie en application du premier alinéa de l’article L. 342-1 du code de l’énergie
Article 3. – La présente décision sera notifiée à la société WEB Grid et à la société RTE. Elle sera publiée au Journal officiel de la République française.