Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 1 février 2012, n° 10/09121

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

TIBLE DUMONT ET FILS (SAS)

Défendeur :

LES AVIONNEURS (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Madame BARTHOLIN

Conseillers :

Madame BLUM, Madame REGHI

Avoués :

Me Louis-Charles HUYGHE, SCP BAUFUME GALLAND VIGNES

Avocats :

Me Thierry DAVID, Me Benjamin CHOUAI

Créteil, du 1er fév. 2010

1 février 2010

Par acte authentique en date du 9 décembre 1996, la sci Renée Dumont aux droits de laquelle se trouve la sci Les avionneurs a donné à bail commercial à la sas Tible Dumont et fils pour une durée de 9 années à compter du 1er janvier 1997, un local situé [...], moyennant un loyer annuel en principal de 480 000 francs soit 73.175 € pour l'année 1997, 600 000 francs soit 91.469 € pour l'année 1998, 720 000 francs soit 109. 763€ pour l'année 1999, avec clause de révision triennale.

 

Le local est loué à destination de « commerce en gros et en détail, de bois et matériaux de construction de toute nature, transformation du bois, fabrication de tous objets, manufactures intéressant la construction ».

 

Par acte d'huissier du 3 juin 2005, la sci les Avionneurs a donné congé à la sas Tible Dumont et fils avec offre de renouvellement pour le 1er janvier 2006, moyennant un loyer annuel en principal de 240.000 €.

 

Par mémoire notifié le 9 janvier 2006, la sci les Avionneurs a demandé le déplafonnement et la fixation du loyer à 240.000 €.

 

Par exploit d'huissier en date du 5 avril 2006, la sci Les Avionneurs fait citer la sas TibleSdumont et fils devant le Juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Créteil aux fins de voir fixer le loyer à la somme de 240.000 € avec intérêts au taux légal sur les arriérés et capitalisation des intérêts.

 

Par jugement du 6 novembre 2006, le Juge des loyers commerciaux a ordonné une expertise dont le rapport, concluant au déplafonnement, a été déposé le 12 décembre 2008.

 

Par un jugement en date du 1er février 2010, le Juge des loyers commerciaux près du Tribunal de Grande Instance de Créteil a :

 

-fixé le loyer du bail renouvelé à compter du 1er janvier 2006 à la somme de 164.300 € par an en principal ;

 

-dit que la sas Tible Dumont et fils devra payer à la sci Les avionneurs les intérêts au taux légal sur les compléments de loyers à compter du 1er janvier 2006 et au fur et à mesure de leur exigibilité ;

 

-ordonné la capitalisation des intérêts échus depuis au moins un an, à compter du 5 avril 2006, dans les conditions de l'article 1154 du Code civil ;

 

-ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

 

-rejeté toutes autres demandes de parties ;

 

-dit que les dépens qui comprendront les frais d'expertise seront supportés par moitié par chacune des parties.

 

La sas Tible Dumont et fils a relevé appel de cette décision le 21 avril 2010 et par ses dernières conclusions du 13 août 2010 demande à la Cour, au visa de l'article L.145-34 du Code de commerce, d'infirmer le jugement et de :

 

-dire et juger qu'il n'y a pas lieu à déplafonnement du montant du loyer du bail renouvelé à compter du 1er janvier 2006 ;

 

-fixer en conséquence le montant du loyer pour les locaux loués à la sas Tible Dumont et fils à compter du 1er janvier 2006 à la somme annuelle en principal de 136.110 € correspondant au loyer plafonné ;

 

A titre subsidiaire, fixer le montant du loyer pour les locaux loués à la sas Tible Dumont et fils à compter du 1er janvier 2006 à la somme annuelle en principal de 145.085 € correspondant à la véritable valeur locative ;

 

-condamner la sci Les Avionneurs aux entiers dépens.

 

La sci Les Avionneurs , par ses dernières conclusions du 2 décembre 2010, demande à la Cour, au visa des articles L. 145-33 et L. 145-34 du Code de commerce, de confirmer le jugement et de :

 

-débouter la sas Tible Dumont et fils de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

 

-condamner la sas Tible Dumont et fils à lui payer une somme de 10.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

 

SUR CE,

 

La sas Tible Dumont et fils fait valoir que les premiers juges ont retenu le déplafonnement sur le fondement de l'article R.145-8 du Code de commerce qui prévoit que pour apprécier les éventuelles modifications des obligations respectives des parties, il doit être tenu compte des modalités de fixation originaire du prix antérieurement applicable, que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, l'existence de liens familiaux entre les associés des sociétés bailleresse et locataire au moment de la conclusion du bail n'est pas suffisante pour justifier le déplafonnement du bail renouvelé, la preuve d'un lien entre les circonstances de la conclusion du bail et la faiblesse alléguée du loyer n'étant pas démontrée ; elle souligne que le loyer minoré les deux premières années pour tenir compte de travaux réalisés par la locataire était, dés le fin de la première période triennale, proche de la valeur locative.

 

L'existence de liens familiaux étroits entre les associés de la sci Renée Dumont bailleresse et la société locataire Tible Dumont et fils n'est pas contestée, la société locataire contestant que cette proximité familiale ait conduit à minorer à l'excés le prix du loyer.

 

Le loyer a été fixé de la façon suivante :

 

En ce qui concerne l'année 1997 : un loyer annuel hors taxe de 480 000 francs

 

En ce qui concerne l'année 1998 un loyer annuel hors taxe de 600 000 francs

 

En ce qui concerne l'année 1999 ujn loyer annuel hors taxe de 720 000 francs

 

Il convient d'admettre que le bail malgré ce mode de fixation du prix du loyers par périodes successives n'est cependant pas un bail à paliers dans la mesure ou les parties ont pris le soin de préciser qu'elles convenaient d'arrêter le montant du loyer de la manière susvisée pour tenir compte des améliorations et transformations mises à la charge du preneur et ou elles ont également convenu qu'à la fin de la première période triennale, le loyer de 720 000 francs serait révisé suivant les dispositions applicables aux baux commerciaux, ce qui implique que l'intention des parties était de fixer le loyer au montant de 720 000 francs dés l'origine, la locataire bénéficiant d'une franchise de loyers les deux premières années du fait des travaux mis à sa charge.

 

Le bail ne peut donc être qualifié bail à paliers, ce qui exclurait d'emblée le plafonnement du loyer lors du renouvellement.

 

Madame Boitard, expert désigné par le premier juge, a conclu, après recherche des prix moyens du marché lors de la conclusion du bail initial, que le montant de 720 000 francs soit 109 763 € ce qui correspond à 36€ le m² est inférieur de prés de moitié au prix moyen du marché de 70€ /m² , et de 40% en appliquant au loyer un abattement de 15% au titre des charge exorbitantes, confirmant un rapport d'expertise de Monsieur Robine qui concluait à une valeur locative des locaux en 1996 de 1 070 000 francs, soit 163 120€, valeur supérieure de 49 % au prix convenu ;

 

La société baillereresse fait d'ailleurs observer qu'au 1er janvier 2006 par le seul effet de l'indexation, le prix était de 136 109€, somme toujours sensiblement inférieure au prix estimé de Monsieur Robine en 1996.

 

En ce qu'il a retenu en accord avec l'expert que seule l'existence des liens familiaux permettaient d'expliquer la fixation du loyer d'origine à un prix anormalement peu élevé par rapport à la valeur locative, qu'il y a lieu à déplafonnement lors du renouvellement et fixation du loyer à la valeur locative, le premier juge doit être approuvé.

 

S'agissant de la valeur locative, la société bailleresse ne discute pas le prix retenu par le premier juge de 164 300€ sur la base du rapport d'expertise ;

 

La société locataire estime pour sa part que la moyenne arithmétique des éléments de comparaison retenus par l'expert s'établit à la somme de 72€ 07 /m² , que si l'on écarte trois éléments de comparaison qui ne sont pas pertinents, s'agissant de surfaces de bureau exclusivement ou le prix est de plus 100€ /m², la moyenne des éléments de comparaison s'établit à 64€ 45 ; elle demande que la valeur locative brute soit appréciée à 75€ /m² compte tenu des caractéristiques des locaux et de leur emplacement.

 

Or l'expert a apprécié la valeur locative des locaux à la somme de 245 000€ qui diminuée de l'abattement de 15% pour tenir compte de l'ensemble des charges supportées par le preneur ( réparations des articles 605 et 606 du code civil, assurances .. ) aboutit à une somme de 208 250€ soit une valeur de 72€ 48 correspondant à la valeur moyenne des éléments de comparaison dont ne peuvent êtres exclus les éléments situés [...] ( loyer 109€/m² ) qui se composent de bureaux mais également de surfaces d'activités à l'instar des lieux loués et ceux des [...] et [...] uniquement à usage de bureaux ( loyer de 106 et 85€ /m²), sauf à tenir compte, comme l'expert l'a fait, des différences constatées.

 

En ce qu'il a fixé le loyer au montant de 164 300€ après abattement de 15% et déduction de l'impôt foncier, le jugement sera confirmé.

 

La société Tible Dumont ne critique pas les autres dispositions du jugement déféré, notamment celles relatives aux intérêts et à la capitalisation de ceux- ci.

 

Elle supportera les dépens de l'instance d'appel, ceux de première instance incluant les frais d'expertise restant partagés par moitié entre les parties.

 

Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

PAR CES MOTIFS

 

Confirme le jugement déféré,

 

Déboute la société Tible Dumont et fils de ses demandes et la sci Les Avionneurs de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

 

Condamne la société Tible Dumont et fils aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.