CA Paris, 5e ch. B, 5 janvier 2005, n° 03/07666
PARIS
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
Société Européenne d’Extincteurs (SA)
Défendeur :
Pellegrini (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Remond
Conseillers :
Mme Robineau, M. Brunet
Avoué :
SCP Fisselier - Chiloux - Boulay
Avocats :
Me Guerin, Me Jusseau
Statuant, après renvoi par la Cour de cassation, sur l’appel interjeté par la S.A. Société européenne d’extincteurs, ci-après S.E.E. du jugement rendu entre les parties par le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Paris le 20 octobre 1998,
Vu les dernières conclusions déposées le 1er octobre 2004 par Maitre Bruno Sapin, commissaire à l’exécution du plan de la S.E.E., comme tel appelant, et le 21 octobre 2004 par Maitre Gilles Pellegrini, liquidateur à la liquidation judiciaire de la société civile professionnelle Cohen-Scali, appelé en intervention forcée et, comme tel, intime, auxquelles la cour se réfère, conformément à l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, pour I ’exposé des prétentions et moyens des parties,
Vu l'ordonnance de clôture du 21 octobre 2004 ;
Considérant que, par acte du 26 février 1998, la S.E.E. a assigné devant le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Lisieux la Banque Paribas et la société Socapi pour voir juger qu’elles avaient manqué à leurs obligations de tiers saisis à l’occasion de saisies conservatoires, puis de saisies-attributions pratiquées entre leurs mains au préjudice d’un sieur Verbiese, pour le recouvrement de condamnations prononcées par un arrêt de la cour d’appel de Paris du 3 juillet 1997 ; que, sur exception d’incompétence, l’affaire a été renvoyée devant le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Paris; que, devant ce magistrat, la Banque Paribas a, notamment, invoqué la nullité des saisies et assigné en intervention forcée la S.C.P. d’huissiers Cohen-Scali afin de permettre un débat contradictoire sur ce point;
Considérant que, par jugement du 20 octobre 1998, le juge de l’exécution a :
- déclare la S.E.E. irrecevable à solliciter la condamnation des tiers saisis en raison de la caducité saisies conservatoires du 4 juillet 1997 et des saisies-attributions et saisies de droits d’associé du 16 juillet 1997,
- déclare irrecevable la Banque Paribas en sa demande en nullité de la saisie-attribution du 15 juillet 1997,
- rejette une demande de sursis à statuer fondée sur l’exception d’illégalité de l’article 60 alinéa 1 du décret du 31 juillet 1992,
- rejette cette exception d’illégalité,
- rejette ‘l’exception d’irrecevabilité” soulevée sur le fondement de l’article 45 de la loi du 9 juillet 1991,
- déboute la S.E.E. de sa demande de condamnation de la Banque Paribas sur le fondement des saisies du 15 juillet 1997,
- déclare le jugement commun à la S.C.P. Cohen-Scali,
- condamne la S.E.E. à payer à la Banque Paribas et à la Socapi la somme de 5.000 francs chacune en application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens ;
Considérant que, par arrêt du 9 septembre 1999, la 8e chambre B de cette cour a :
- confirme ce jugement en toutes ses dispositions,
- y ajoutant, déboute la S.E.E. de sa demande de dommages-intérêts à l’encontre de la S.C.P. Cohen-Scali,
- déboute les sociétés Banque Paribas et Socapi de leurs demandes de dommages-intérêts à l’encontre de la S.E.E.,
- condamne la S.E.E. à payer à la Banque Paribas et à la Socapi, chacune la somme de 30.000 francs et à la S.C.P. Cohen-Scali celle de 10.000 francs en application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens ;
Considérant que, par arrêt du 18 février 2003, la Cour de cassation a cassé et annulé cet arrêt, mais seulement en ses dispositions rejetant la demande de dommages-intérêts fondés par la S.E.E. à l’encontre de la S.C.P. Cohen-Scali, a remis, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties concernées dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyés devant la cour d’appel de Paris autrement composée ;
Considérant que, dans le dernier état de leurs écritures, les prétentions et moyens des parties restant en cause se résument ainsi qu’il suit :
- Maitre Sapin, en qualité de commissaire à l’exécution du plan de la S.E.E., soutient que la S.C.P. Cohen-Scali, en ne procédant pas à la dénonciation des saisies litigieuses, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en le privant de toute voie de recours à l’encontre de la Banque Paribas; qu’il demande, en conséquence; à la cour de fixer le préjudice subi à la somme de 6.389.968,90 €, montant des sommes dues par M. Verbiese en vertu de l’arrêt du 3 juillet 1997, et de dire que la S.C.P. Cohen-Scali, en ne déclarant pas à Maitre Pellegrini, liquidateur à sa liquidation judiciaire, l’existence de la présente procédure, a commis une fraude au sens de l’article L. 622-32 du Code de commerce, ce qui l’autorise à agir directement contre cette S.C.P. “ou tout substituant” sur le fondement de l’article 1382 du Code civil ; qu’il réclame, à l’encontre de Maitre Pellegrini, la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile;
- Maitre Pellegrini, liquidateur à la liquidation judiciaire de la S.C.P. Cohen-Scali, conclut à l’irrecevabilité de la demande de dommages-intérêts de Maitre Sapin aux motifs, d’une part, qu’elle est dirigée contre cette société elle-même et non contre son liquidateur, seul habilité à la représenter, d’autre part, que la demande prévue par l’article L. 622-32 du Code de commerce ne peut être formée qu’après le jugement de clôture de la liquidation judiciaire ; que, subsidiairement, au cas où la demande de Maitre Sapin serait jugé recevable, il sollicite la réouverture des débats pour lui permettre d’y répondre au fond;
SUR CE, LA COUR,
Considérant qu’aux termes de l’article L. 622-32 III du Code de commerce, les créanciers recouvrent leur droit de poursuite individuelle en cas, notamment, de fraude à leur égard ;
Considérant que Maitre Sapin expose qu’une telle fraude est établie en la cause du fait que la S.C.P. Cohen-Scali ne l'a jamais informé de l’ouverture à son encontre d’une procédure de liquidation judiciaire, par jugement du 12 juillet 2001, de sorte que, n’ayant appris l’existence de la procédure collective que lors de la signification de ses conclusions du 5 mars 2004, il n’a pas été en mesure de déclarer sa créance en temps utile et se trouve désormais forclos ;
Mais considérant que, dans toutes les hypothèses prévues par l’article L. 622-32 du Code de commerce, les créanciers ne recouvrent leur droit de poursuite individuelle que par l’effet du jugement prononçant la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif, ainsi que le prévoit l’article L. 622-321 ; que, la liquidation judiciaire de la S.C.P. Cohen-Scali n’étant pas clôturée à ce jour, la demande de Maitre Sapin est irrecevable faute de droit d’agir ;
Considérant que la seule éventualité du recouvrement du droit de poursuite individuelle ne permet pas au créancier dont la créance n’a pas été déclarée d’en demander néanmoins la fixation au passif, est-ce à la seule fin de se prévaloir de son admission au soutien de l’action qu’il se propose d’engager, le moment venu, sur le fondement de l’article L. 622-32 du Code de commerce, contre le débiteur ou son assureur ;
Sur les frais de l'instance
Considérant que Maitre Sapin, qui succombe, doit supporter les dépens d’appel afférents à la partie du litige opposant la S.E.E. et lui-même à Maitre Pellegrini, en qualité de liquidateur de la S.C.P. Cohen-Scali, y compris ceux de l’arrêt cassé, mais que l’équité commande, eu égard aux circonstances de la cause, que chacune des parties garde à sa charge les frais judiciaires non taxables qu’elle a exposés ;
PAR CES MOTIFS,
Déclare irrecevable la demande de Maitre Sapin, en qualité de commissaire à l’exécution du plan de la S.E.E., contre Maitre Pellegrini, en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la S.C.P. Cohen-Scali ;
Dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du nouveau code procédure civile ;
Condamne Maitre Sapin, en qualité de commissaire à l’exécution du plan de la S.E.E., aux dépens d’appel afférents à la partie du litige opposant à Maitre Pellegrini, en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la S.C.P. Cohen-Scali, et admet la S.C.P. Varin et Petit, avoue, au bénéfice de l’article 699 du nouveau Code de procédure civile.