Livv
Décisions

Cass. crim., 23 janvier 1997, n° 95-84.308

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Culié

Rapporteur :

M. Schumacher

Avocat général :

M. Dintilhac

Avocats :

M. Pradon, SCP Defrénois et Levis, SCP Gatineau, SCP Waquet, Farge et Hazan

Paris, du 6 juin 1995

6 juin 1995

LA COUR,

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 150 et 151 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a décidé que les délits de faux en écriture de banque et usage reprochés à Hervé X... et à Marie-Joëlle Y... et de complicité de faux en écriture de banque et usage reprochés à Gilles et André Z... n'étaient pas constitués ;

" aux motifs adoptés que, " pour masquer les découverts ainsi accordés ou pour diminuer en apparence des encours, Mme Y... a laissé " en attente " les débits de certains chèques en débitant les comptes de liaison de l'agence et ne régularisant les écritures de l'agence que fin décembre soit 1 ou 2 mois plus tard ", " que les écritures comptables correspondent aux manoeuvres effectuées, les chaînes d'écritures ayant pu être reconstituées, et aucun faux matériel n'ayant été commis ", " ces manipulations qui consistaient à " loger " sur un compte interne de la banque une opération durant quelques semaines alors que les habitudes bancaires n'autorisent ce procédé que durant quelques jours, ne peuvent être qualifiées de faux, ce délit exigeant une altération de la vérité " ;

" et aux motifs propres que c'est à juste titre que les délits de faux et d'usage relatifs aux écritures comptables n'étaient pas constitués à leur encontre " en l'absence d'altération de la vérité, dès lors que les comptes internes correspondaient, en définitive, aux opérations effectuées au vu des chaînes d'écritures qui ont intégralement pu être reconstituées " ;

" alors que, d'une part, constitue un faux en écriture de banque et usage de faux le fait, pour une personne chargée de la tenue des comptes d'une entreprise, de faire apparaître une position comptable fausse, par l'omission intentionnelle de certaines écritures tout aussi bien que par l'inscription d'écritures inexactes, que le tribunal et la Cour avaient constaté que, pour masquer les découverts accordés ou pour diminuer en apparence des encours, les inculpés avaient laissé en attente les débits de certains chèques en débitant les comptes de liaison de l'agence et en ne régularisant les écritures qu'1 mois ou 2 plus tard, et que la Cour n'a pu dénier l'existence d'un faux, au seul prétexte de l'absence d'altération matérielle qu'en refusant de tirer de ses propres constatations les conséquences nécessaires qu'elles comportaient, à savoir l'existence d'un faux intellectuel punissable ;

" alors que, d'autre part, la Cour ne pouvait s'abstenir de répondre à des conclusions dûment visées de ce chef délaissées, en omettant de rechercher si, comme cela était expressément soutenu par la partie civile, l'existence d'un faux matériel n'étant pas revendiquée par elle, les circonstances ne révélaient pas l'existence des délits de faux intellectuel en écritures de banque et d'usage " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que Hervé X..., directeur d'une agence de la Citibank International, et Marie-Joëlle B..., épouse Y..., comptable agissant sous ses ordres, ont accordé des découverts à la société Somms, dont Gilles et André Z... étaient les dirigeants ; que, pour certains d'entre eux, ils ont eu recours à des artifices consistant à retarder le débit de plusieurs opérations qui étaient placées en attente pendant plusieurs semaines sur des comptes internes de la banque, dits comptes de liaison ;

Attendu que, pour relaxer Hervé X... et Marie-Joëlle B... des chefs de faux et usage de faux, Gilles et André Z... du chef de complicité de ces délits, les juges, après avoir relevé que les 2 premiers n'avaient pas excédé les pouvoirs dont ils disposaient dans l'attribution de crédits, énoncent qu'en dépit de l'irrégularité des pratiques par eux suivies au regard des usages bancaires, les comptes internes de la banque ont en définitive correspondu aux opérations réellement effectuées, de sorte qu'aucune altération de la vérité n'en est résultée ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, et dès lors que l'altération de la vérité dans un document, élément constitutif du faux, ne peut être déduite de la seule irrégularité des pratiques incriminées, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 408 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions et manque de base légale :

" en ce que, par l'arrêt attaqué, la Cour décidait que le délit d'abus de confiance reproché à Hervé X... et à Marie-Joëlle Y... dans le cadre de leurs activités au service de la Citibank, leur employeur, ne pouvait être retenu ;

" aux motifs adoptés que, si Hervé X... ne peut prétendre avoir ignoré l'utilisation des comptes internes ou des comptes de liaison pour marquer la rétention de certains chèques, " ces fautes ne sont pas constitutives d'abus de confiance en l'absence de détermination de la violation de l'un des contrats énumérés par l'article 408 ancien du Code pénal ", " qu'en effet Hervé X... disposait en sa qualité de directeur de l'agence du pouvoir d'accorder ou de refuser des découverts " ;

" aux motifs propres que s'il est bien établi que Hervé X... " était au courant de l'utilisation suspecte des comptes internes et des comptes de liaison ", et que ces agissements " constituaient des fautes graves à l'égard de (son) employeur ", ils n'entraient pas dans le champ d'application de l'article 408 ancien du Code pénal, que l'on doit de surplus observer que la Citibank n'avait pas manifesté l'intention d'arrêter brusquement ses concours au profit de Gilles et André Z..., " que l'ensemble de ces facilités ne sauraient, dès lors, constituer à l'encontre d'Hervé X..., directeur d'agence, qui n'avait donc pas reçu de mandat de ne pas dépasser un montant précis de découvert ou d'encours qu'en sa qualité il pouvait accorder et de Marie-Joëlle Y..., comptable travaillant sous ses ordres... un détournement ou une dissipation de fonds de la Citibank au sens de l'article 408 de l'ancien Code pénal " ;

" alors que, d'une part, l'utilisation frauduleuse des comptes de liaison et l'affectation irrégulière des chèques en cause ayant été faite à l'occasion du contrat de travail qui liait Hervé X... et Marie-Joëlle Y... à leur employeur, la Citibank, et le travail salarié faisant partie des contrats énumérés à l'article 408 de l'ancien Code pénal, la Cour ne pouvait écarter l'existence de l'abus de confiance faute de violation d'un des contrats énumérés par ce texte, qu'en violation de celui-ci ;

" alors que, d'autre part, la Citibank avait soutenu dans son mémoire d'appel dûment visé que les agissements frauduleux non déniés de Hervé X... et de Marie-Joëlle Y... constitués par des détournements ou des dissipations au préjudice de leur employeur de chèques qui ne leur avaient été remis qu'à l'occasion de leur contrat de travail, et que la Cour ne pouvait, sans entacher son arrêt d'un défaut de réponse à conclusions, s'abstenir de rechercher s'il n'y avait pas eu de ce fait violation d'un des contrats prévus à l'article 408 de l'ancien Code pénal " ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 404-1 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale :

" en ce que, par l'arrêt attaqué, la Cour a décidé que le délit d'organisation d'insolvabilité reproché à Jean A... ne pouvait être retenu ;

" aux motifs que " Jean A... justifie par les pièces qu'il verse au dossier de la date d'ouverture des comptes bancaires de ses enfants, le 10 novembre 1986, soit antérieurement aux nantissements litigieux ", " que délit d'organisation d'insolvabilité qui suppose l'existence d'une créance délictuelle, quasi délictuelle ou d'aliments ne peut être retenu, Jean A... n'ayant pas été condamné pécuniairement à l'égard de la Citibank " ;

" alors que la Citibank avait soutenu dans des conclusions dûment visées, de ce chef délaissées, que Jean A... avait " utilisé les comptes ouverts par lui au nom de ses 2 enfants afin de mettre en place un mécanisme frauduleux lui permettant de faire croire à la CGB Citibank à l'existence et à la réalité des garanties par lui à l'occasion des cautions données au bénéfice de ses amis Z... et de se soustraire à ses engagements lorsque la banque a voulu les rendre opérants en raison de défaillances constatées " ; " qu'il en est ainsi des nantissements opérés par Jean A... sur des titres dont il n'est pas juridiquement propriétaire et qui ont été accompagnés ou précédés à dessein de manoeuvres caractérisant le délit d'organisation d'insolvabilité prévu et réprimé par l'article 404-1 du Code pénal " et que la Cour aurait dû rechercher si la manoeuvre de Jean A... ainsi dénoncée, d'un nantissement sur des titres ne lui appartenant pas, ne caractérisait pas le délit d'organisation d'insolvabilité " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, répondant comme elle le devait aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a, sans insuffisance ni contradiction, exposé les motifs d'où elle a déduit que les faits reprochés n'étaient constitutifs d'aucune infraction et ainsi justifié sa décision déboutant la partie civile de ses demandes ;

Que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.