Cass. 2e civ., 26 février 1997, n° 94-18.899
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Zakine
Rapporteur :
M. Séné
Avocat général :
M. Kessous
Avocat :
Me Choucroy
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 6 juillet 1994), que le président d'un tribunal de commerce ayant, par ordonnance sur requête, autorisé la Société de développement floral Moreux Fleurs (la société) à procéder, entre les mains de la société Y..., à une saisie conservatoire sur le compte courant d'associé de M. Y..., a rejeté les demandes de rétractation de cette ordonnance et de mainlevée de la saisie; qu'infirmant, la cour d'appel a donné mainlevée de la saisie et ordonné la consignation entre les mains d'un bâtonnier de l'Ordre des avocats, de la somme figurant au compte d'associé de M. Y...;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir implicitement écarté le moyen tendant à l'irrecevabilité de la demande de mainlevée de la saisie, alors, selon le moyen, qu'il se déduit des articles 217 et 218 du décret du 31 juillet 1992, que si la mainlevée d'une saisie conservatoire peut être ordonnée à tout moment, c'est à la condition qu'aucune procédure de fond n'ait été engagée devant la juridiction commerciale avant la demande en mainlevée, ce qui au reste est conforme à la bonne administration de la justice en matière de sûretés et à la finalité des mesures conservatoires prises par le créancier avant tout procès tendant au recouvrement de sa créance; que l'arrêt a donc violé les textes susvisés;
Mais attendu que lorsqu'une saisie conservatoire a été pratiquée sur l'autorisation du juge, la demande de mainlevée est portée devant le juge qui a autorisé la mesure, quand bien même une instance au fond aurait été engagée avant la demande de mainlevée; qu'ayant relevé que le président d'un tribunal de commerce avait préalablement autorisé une saisie conservatoire, la cour d'appel a décidé à bon droit qu'il appartenait à ce juge de statuer sur la demande de mainlevée;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir donné mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée et d'avoir ordonné la consignation entre les mains du bâtonnier de l'Ordre des avocats de la somme figurant au compte d'associé de M. Y..., alors, selon le moyen, que, d'une part, l'arrêt ne pouvait légalement justifier la mainlevée par le fait que le tiers saisi était débiteur envers le saisi d'une somme immédiatement exigible qui donc aurait été perdue pour le saisissant à défaut de saisie conservatoire; qu'il a ainsi méconnu l'utilité et l'objet de ce type de saisie qui est notamment de conserver au profit du saisissant les créances éventuelles du saisi sur le tiers saisi; que l'arrêt a donc violé les articles 210 et suivants du décret du 31 juillet 1992; alors que, d'autre part, l'arrêt ne pouvait non plus justifier la mainlevée de la saisie conservatoire par les difficultés financières du tiers saisi dont le saisissant en ayant pris le risque avait intérêt à y pallier en sa qualité de repreneur de la société Y... dont il avait acquis la totalité des actions, aux conditions du protocole du 19 novembre 1990 le rendant créancier du seul saisi, ainsi que le rappelaient les conclusions du saisissant; que l'arrêt est donc entaché d'un défaut de base légale au regard des articles 210 et suivants du décret du 21 juillet 1992; alors, enfin, que l'arrêt ne pouvait valablement substituer à la saisie conservatoire autorisée la mesure de consignation réclamée par le saisi dans son seul intérêt, sans préalablement rechercher le principe de créance du saisissant qui a été à tort éludé malgré qu'il fût de nature à justifier le maintien de cette saisie conservatoire; que l'arrêt a donc violé les articles 210 et suivants du décret du 31 juillet 1992;
Mais attendu qu'après avoir relevé que le tiers saisi avait subi d'importantes pertes au cours de l'année 1993, de sorte que le maintien, entre ses mains, de la somme figurant au compte d'associé de M. Y..., constituait pour les autres parties un risque non négligeable, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation qu'à la demande du débiteur, l'arrêt a substitué à la saisie conservatoire initialement pratiquée une mesure propre à sauvegarder les intérêts des parties;
Et attendu que la société, créancier saisissant, n'est pas recevable à reprocher à l'arrêt de ne pas avoir recherché si la créance, dont elle-même se prévalait, paraissait justifiée en son principe;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.