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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5-7, 14 septembre 2017, n° 2016/24675

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Enedis (SA)

Défendeur :

M. Michel Ots, Commission De Régulation De l’Énergie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Mollard

Conseillers :

M. Douvreleur, Mme Faivre

Avocats :

Me Bergerot, Me Coussy

CoRDiS et CRE, du 17 oct. 2016, n° 04-38…

17 octobre 2016

Faits et procédure

Le cadre contractuel

Le 24 avril 2008, M. Michel Ots a conclu avec la société Enedis S.A. (ci-après « Enedis ») – anciennement société Électricité Réseau Distribution France S.A. (ci-après « ERDF ») –, gestionnaire du réseau public de transport d’électricité, un contrat de raccordement, d’accès et d’exploitation pour une installation photovoltaïque raccordée au réseau public de distribution d’électricité en injection BT # 36 kVA, dit « CRAE » (ci-après le « CRAE »).

Aux termes du chapitre 1 des conditions particulières du CRAE, M. Ots – identifié comme le « Producteur » – mettait en place une installation de production d’électricité à son adresse personnelle, en vue d’injecter sur le réseau public l’excédent de la production d’énergie électrique de son installation.

Il s’agit donc d’un contrat d’injection « en surplus », ce qui signifie que le Producteur dispose sur son site non seulement d’une installation de production d’énergie électrique, mais également d’installations de consommation d’électricité, dont les besoins sont alimentés à titre principal par ses panneaux photovoltaïques et subsidiairement par le réseau public.

C’est pourquoi le même chapitre 1 des conditions particulières du CRAE stipule que « [p]our [l]es besoins en soutirage [du Producteur], non couverts par l’installation de Production, le Producteur est titulaire d’un contrat de soutirage ».

Les chapitres 29 et 30 des conditions générales du CRAE précisent, respectivement, les cas de suspension et de résiliation de ce contrat.

Le chapitre 31 des conditions générales du CRAE, intitulé « Contestations », est ainsi

libellé :

« Dans le cas de contestation relative à l’interprétation ou l’exécution du présent contrat, pendant la durée de celui-ci ou lors de sa résiliation, les Parties s’engagent à se rencontrer et à mettre en œuvre tous les moyens pour résoudre cette contestation.

Les Parties peuvent, en tant que de besoin, se faire assister par un expert.

À cet effet, la Partie demanderesse adresse à l’autre Partie, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, une notification précisant :

la référence du contrat (titre et date de signature) ;

l’objet de la contestation ;

la proposition d’une rencontre en vue de régler à l’amiable le litige. ».

À la date de la conclusion du CRAE, M. Ots était titulaire, depuis le 8 février 2007, d’un contrat de fourniture d’énergie auprès de la société Enercoop. Toutefois, le 11 juillet 2008, la société Enercoop a transmis à Enedis une demande de résiliation par M. Ots de son contrat de fourniture, résiliation prise en compte par Enedis le 12 juillet 2008.

Le 14 février 2009, en vue d’injecter sur le réseau public son excédent de production, M. Ots a conclu avec la société Électricité de France SA (ci-après « EDF ») un contrat intitulé « contrat d’achat de l’énergie électrique produite par les installations utilisant l’énergie radiative du soleil et bénéficiant de l’obligation d’achat d’électricité » (ci-après le « contrat d’obligation d’achat »).

Aux termes de l’article 3.4 du contrat d’obligation d’achat, « [l]e producteur fournit à l’acheteur la totalité de l’énergie produite par l’installation objet du présent contrat déduction faite des consommations d’énergie électrique de ses auxiliaires pendant les seules périodes de production ».

L’article 10 de ce même contrat, intitulé « Souscription d’un contrat de vente d’énergie électrique », stipule :

« Le producteur ne souhaite pas aujourd’hui souscrire un contrat de fourniture d’énergie électrique pour la consommation de ses auxiliaires en dehors des périodes de production car cette dernière est très faible. Il a été convenu que cette consommation serait déduite de la production livrée sous réserve qu’elle ne dépasse pas, au cours de l’année […] 60kWh. En cas de dépassement, le producteur devra souscrire un contrat de fourniture, sous un délai de trois mois. Passé ce délai, l’acheteur pourra suspendre le règlement des factures. Le producteur peut également, sous un préavis de 3 mois, revoir cette disposition particulière. »

La date d’effet du contrat d’obligation d’achat a été fixée au 7 juillet 2008, date de la mise en service du raccordement de l’installation photovoltaïque.

D’un point de vue technique, l’installation de M. Ots dispose d’une « injection en surplus », dispositif par lequel les flux en injection (vers le réseau public) et en soutirage (depuis le réseau public) passent par un seul câble de liaison, sur lequel est installé un unique dispositif de comptage (un compteur de production / un compteur de consommation tête-bêche), installation ne comprenant qu’un seul disjoncteur.

La coupure par Enedis du raccordement au réseau public de l’installation de M. Ots

En août 2012, lors d’un contrôle à distance du compteur de l’installation photovoltaïque de M. Ots, Enedis s’est aperçue que la consommation d’électricité de celle-ci s’établissait annuellement à environ 150 kWh par an depuis juillet 2008.

Cette mesure de consommation n’était pas cohérente avec l’information détenue par Enedis selon laquelle le compteur en soutirage de cet utilisateur était réputé inactif depuis la résiliation du contrat de fourniture initialement conclu avec la société Enercoop.

Selon Enedis, cette consommation d’électricité sans contrat actif de fourniture pendant plus de quatre ans et demi était passée inaperçue en raison de la faible consommation de M. Ots (consommation uniquement lorsque sa ressource photovoltaïque n’était pas utilisable).

En août 2012, un technicien assermenté d’Enedis s’est présenté à M. Ots. Selon Enedis, il a alerté ce dernier sur la consommation constatée sur son compteur censé être inactif et lui a expliqué qu’il convenait de conclure un contrat de fourniture d’électricité ; M. Ots s’y serait fermement opposé et, aux termes d’échanges tendus, aurait refusé au technicien l’accès à son compteur. Selon M. Ots, ce technicien lui aurait tenu « un discours décousu ».

Le 5 mars 2013, et alors que M. Ots n’avait ni modifié sa consommation électrique – l’historique de consommation laissant apparaître une consommation totale en soutirage de 678 kWh sur la période du 12 juillet 2008 au 6 mars 2013, soit, en moyenne, 145 kWh par an – ni conclu un contrat de fourniture, un technicien assermenté d’Enedis s’est à nouveau rendu sur site en vue de procéder à la coupure en soutirage au niveau du compteur. Celui-ci n’ayant pu accéder au compteur, Enedis a, le 6 mars 2013, procédé à la coupure du câble de raccordement.

Compte tenu de la configuration technique spécifique à une injection en surplus telle que rappelée ci-dessus, cette coupure destinée à interrompre le flux de soutirage a, en même temps, automatiquement interrompu le flux d’injection, puisque ce dernier passait par le même câble. Il est constant que l’effet aurait été le même si la coupure était intervenue au niveau du compteur.

Par lettre recommandée en date du 18 mars 2013, M. Ots s’est plaint auprès d’Enedis de la suspension de « l’accès au réseau de [son] installation photovoltaïque […] effectuée sans préavis et sans notification justificative ». Il faisait valoir que le chapitre 31 des conditions générales du CRAE n’avait pas été respecté et que, par conséquent, Enedis avait fautivement résilié ce contrat.

Par lettre du 4 avril 2013, Enedis lui a répondu ne pas être en mesure de traiter sa demande, au motif qu’elle concernait son « contrat d’énergie avec un fournisseur (facturation) », et l’a invité à adresser sa demande à son fournisseur d’électricité.

La saisine du CoRDiS

Le 5 février 2016, M. Ots a saisi le Comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie (ci-après « le CoRDiS ») en règlement du différend l’opposant à Enedis, soutenant en substance que la déconnexion de son raccordement, sans explication ni préavis, s’analysait en une suspension du CRAE alors que sa situation ne relevait d’aucun des motifs de suspension énumérés limitativement au chapitre 29.1 des conditions générales du CRAE.

Par la décision n° 04-38-16 en date du 17 octobre 2016 sur le différend [qui] oppose Monsieur Michel Ots à la société Enedis, relatif à l’exécution de son contrat de raccordement, d’accès et d’exploitation pour une installation de production photovoltaïque (ci-après la « décision attaquée »), le CoRDiS a enjoint à Enedis de procéder au rétablissement du raccordement dans les meilleurs délais et rejeté le surplus des demandes de M. Ots.

Tout en constatant que M. Ots doit, préalablement à tout soutirage non couvert par son installation de production d’électricité, conclure un contrat d’accès au réseau public pour le soutirage d’électricité – soit un contrat d’accès au réseau de distribution (CARD-S) auprès d’Enedis ainsi qu’un contrat de fourniture d’électricité souscrit auprès du fournisseur de son choix, soit un contrat unique (CU) portant sur la fourniture et la distribution d’électricité auprès du fournisseur de son choix –, le CoRDiS a considéré en substance que, dès lors qu’il était techniquement impossible d’interrompre le raccordement en soutirage de M. Ots sans interrompre en même temps son raccordement en injection, les deux flux passant par le même câble, il appartenait à Enedis de respecter la procédure de règlement des contestations prévue au chapitre 31 des conditions générales du CRAE.

Selon le CoRDiS, en effet, il se déduit dudit chapitre 31 que, bien que M. Ots ne soit plus en conformité avec les stipulations du chapitre 1 des conditions particulières du CRAE depuis le 12 juillet 2008, faute d’être lié à un fournisseur d’électricité pour couvrir ses besoins en soutirage, Enedis ne pouvait pas interrompre le raccordement en injection objet du CRAE sans préavis ni mise en demeure écrite préalable.

Par déclaration en date du 9 décembre 2015, Enedis a formé le recours prévu par les articles L. 134-21 du code de l’énergie, ainsi que 14 et suivants du décret n° 2015-206 du 24 février 2015 relatif au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie.

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Vu la déclaration de recours déposée au greffe de la cour le 9 décembre 2015 par Enedis contre la décision du CoRDiS n° 04-38-16 en date du 17 octobre 2016 ;

Vu le mémoire complémentaire et récapitulatif et le mémoire en réplique et récapitulatif déposés au greffe de la cour les 5 janvier et 11 mai 2017 par Enedis ;

Vu le mémoire en défense déposé au greffe de la cour le 22 février 2017 par M. Ots ;

Vu les observations de la Commission de régulation de l’énergie (ci-après « la CRE ») déposées au greffe de la cour les 30 mars et 24 mai 2017 ;

Vu l’avis écrit du Ministère public déposé au greffe de la cour le 5 juin 2017 et communiqué le même jour aux parties ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 6 juin 2017 en leurs observations orales le conseil d’Enedis, qui a été mise en mesure de répliquer, le conseil de la CRE et le Ministère public, M. Ots, dûment convoqué, n’ayant ni comparu ni été représenté ;

Aux termes de sa déclaration de recours et de ses mémoires récapitulatifs, Enedis demande à la cour de :

– annuler la décision attaquée ;

– dire qu’Enedis était bien fondée à procéder à la coupure objet du différend ;

– condamner M. Ots à payer à Enedis la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner M. Ots aux entiers dépens de la procédure d’appel, lesquels pourront être directement recouvrés sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de son mémoire en défense, M. Ots demande à la cour de :

– confirmer en toutes ses dispositions la décision attaquée ;

– débouter Enedis de l’ensemble de ses demandes ;

– condamner Enedis à payer à M. Ots la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Aux termes de ses observations, la CRE invite la cour à :

– confirmer en toutes ses dispositions la décision attaquée ;

– débouter Enedis de l’ensemble de ses demandes ;

– condamner Enedis au paiement des entiers dépens ainsi que de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Mme l’Avocat général conclut à la confirmation de la décision attaquée.

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SUR CE,

Sur la demande d’annulation de la décision attaquée

Enedis rappelle, en premier lieu, que M. Ots soutirait de l’énergie électrique sur le réseau public sans avoir conclu un contrat d’accès, en violation des articles L. 111-91 du code de l’énergie et 24 du cahier des charges de concession pour le service public de la distribution d’énergie électrique.

Elle soutient qu’il lui incombait d’y mettre fin en coupant l’alimentation en électricité de l’installation photovoltaïque de M. Ots.

À cet égard, elle fait valoir qu’une telle coupure est expressément prévue par la note ERDF-PRO-CF_02 intitulée « Traitement des fraudes et des dysfonctionnements de comptage », rendue publique sur son site internet, qui prévoit que « les fraudes commises par des utilisateurs ne disposant d’aucun contrat sont traitées directement par Enedis. […] Enedis assure le recouvrement et suspend systématiquement l’alimentation » (p. 2, § 2).

Selon Enedis, la CRE et M. Ots ne sauraient nier que ce dernier soutirait frauduleusement de l’électricité, au sens de ladite note, alors qu’il a lui-même mis fin, en 2008, au contrat de fourniture d’électricité passé avec la société Enercoop ; que le contrat d’obligation d’achat qu’il a conclu avec EDF décrivait une utilisation en injection de la totalité de sa production d’électricité, et qu’il a été informé de sa consommation sauvage par les agents assermentés d’Enedis.

En second lieu, Enedis fait valoir, à titre principal, que les stipulations du chapitre 31 des conditions générales du CRAE n’étaient pas applicables, dans la mesure où il n’existait en l’espèce aucune contestation relative à l’interprétation ou à l’application de ce contrat, la coupure n’étant intervenue qu’afin de mettre fin au soutirage sauvage d’électricité par M. Ots et le raccordement en injection n’ayant été interrompu que par voie de conséquence.

Subsidiairement, Enedis soutient qu’à supposer même que la procédure stipulée audit chapitre 31 soit considérée comme applicable à la coupure litigieuse, M. Ots ne pouvait se prévaloir de ses droits contractuels au titre du CRAE dans le but de maintenir une situation de violation de la réglementation relative au raccordement en soutirage. Au soutien de cette analyse, Enedis invoque une jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. com., 10 juillet 2007, n° 0614.768; Cass. civ. 3e, 9 décembre 2009, n° 04-19,923) aux termes de laquelle les juges refuseraient de donner effet à des stipulations contractuelles, pourtant applicables, lorsque leur invocation par une partie procède d’une démarche opportuniste, caractérisant une déloyauté confinant à l’abus de droit.

M. Ots soutient, d’une part, qu’Enedis a violé les chapitres 29 et 30 des conditions générales du CRAE en interrompant le raccordement en injection de son installation en dehors des hypothèses de suspension ou de résiliation prévues auxdits articles et qu’en tout état de cause, Enedis devait respecter l’article 31 des conditions générales du CRAE, lequel lui imposait, avant toute coupure, à lui adresser une lettre recommandée avec avis de réception pour cristalliser le litige et tenter de le résoudre.

Il fait valoir, d’autre part, qu’il disposait bien d’un contrat d’accès au réseau public de distribution d’électricité, au sens de l’article L. 111-91 du code de l’énergie, de sorte que la note ERDF-PRO-CF_02, précitée, n’était pas applicable en l’espèce.

La CRE soutient, d’une part, que la note ERDF-PRO-CF_02, précitée, était inapplicable, faute pour Enedis de démontrer le caractère frauduleux du soutirage d’électricité par M. Ots.

D’autre part, même à supposer la fraude établie, dans la mesure où il était techniquement impossible d’interrompre le raccordement en soutirage sans interrompre en même temps le raccordement en injection et, partant, sans suspendre l’exécution du CRAE, Enedis aurait dû respecter les stipulations du chapitre 31 des conditions générales du CRAE avant toute coupure. ***

En premier lieu, il est constant que la coupure litigieuse n’est intervenue qu’afin de mettre fin au soutirage d’électricité par M. Ots, alors que celui-ci n’avait pas conclu de contrat de fourniture, et que ce n’est que par voie de conséquence, et pour des raisons exclusivement techniques, que cette coupure a entraîné l’interruption du flux d’injection, dans le réseau public, de l’électricité produite par l’installation photovoltaïque de M. Ots.

Dès lors, c’est à juste titre qu’Enedis fait valoir qu’il n’existait entre M. Ots et elle aucune contestation relative à l’interprétation ou à l’exécution du CRAE, au sens du chapitre 31 de ses conditions générales, de sorte qu’elle n’était pas tenue de mettre en œuvre la procédure prévue audit chapitre.

De même, il ne ressort nullement du dossier qu’Enedis ait entendu suspendre ou résilier le CRAE conclu avec M. Ots. Il est donc indifférent que les faits de l’espèce ne relèvent d’aucune des hypothèses de suspension ou de résiliation du CRAE, prévues respectivement aux chapitre 29 et 30 des conditions générales de ce contrat.

En second lieu, il résulte de l’article 24 du cahier des charges de concession pour le service public de la distribution d’énergie électrique que, « [s]auf cas particulier mentionné ci-après, toute fourniture d’énergie électrique est subordonnée à la passation d’un contrat écrit entre le concessionnaire et le client ».

Tenue, aux termes de l’article L. 321-2 du code de l’énergie, de respecter cette disposition, Enedis a donc non seulement le pouvoir, mais le devoir de mettre fin, de sa propre initiative, à des situations de soutirage d’électricité qui interviendraient en l’absence de tout contrat de fourniture d’électricité.

Une telle hypothèse est, ainsi que le souligne Enedis, prévue dans sa note ERDF-PROCF_02, précitée, rendue publique sur son site internet : dans la partie « Champ d’application » de cette note, il est précisé que « [l]es fraudes commises par des utilisateurs ne disposant d’aucun contrat sont traitées directement par ERDF » et que, « [d]ans ces cas, ERDF assure le recouvrement et suspend systématiquement l’alimentation ».

La cour relève toutefois que, ainsi que le reconnaît expressément Enedis, une telle suspension de l’alimentation n’est possible à son initiative qu’en cas de fraude commise par l’utilisateur.

Or, la situation de M. Ots apparaît notablement différente de celle d’un utilisateur qui, par exemple, aurait procédé à un branchement « sauvage ».

D’abord, l’installation de M. Ots était raccordée au réseau public en vertu du CRAE et le câble de liaison assurant ce raccordement était muni d’un dispositif de comptage permettant de décompter non seulement l’électricité produite par cette installation et injectée dans le réseau public, mais également celle soutirée de ce réseau. Il n’est d’ailleurs nullement soutenu que M. Ots aurait, de quelque façon que ce soit, tenté de dissimuler la consommation de son installation photovoltaïque.

Ensuite, il résulte de l’article 10 du contrat d’obligation d’achat conclu avec EDF que, nonobstant l’absence de conclusion d’un contrat de fourniture par M. Ots, celui-ci était autorisé à soutirer de l’électricité du réseau public, sous réserve que sa consommation ne dépasse pas 60 kWh au cours de l’année, tolérance qu’Enedis n’a pas remise en cause dans la présente instance.

Enfin, s’il n’est pas contesté que M. Ots a dépassé, entre 2008 et 2013, le seuil de consommation de 60 kWh par an, force est de constater que sa consommation est restée extrêmement faible, de l’ordre de 145 kWh par an en moyenne. Or M. Ots n’étant pas un professionnel de l’énergie et des réseaux électriques, il n’était vraisemblablement pas en mesure de prévoir que ses besoins en soutirage dépasseraient 60 kWh par an. La preuve contraire n’est en tout cas pas rapportée par Enedis, alors que c’est à elle qu’il incombe d’établir la réalité de la fraude alléguée.

Dans ces conditions, un tel dépassement ne suffit pas, à soi seul, à caractériser un comportement frauduleux, c’est-à-dire nécessairement volontaire, de M. Ots.

Par ailleurs, pendant plus de quatre ans, Enedis n’a pas contrôlé la consommation en soutirage de l’installation photovoltaïque de M. Ots.

Si, une fois l’anomalie relevée lors d’un contrôle à distance du compteur, Enedis a envoyé sur le site de cette installation, en août 2012 puis le 5 mars 2013, des techniciens assermentés qui se sont entretenus avec M. Ots, ceux-ci n’ont établi aucune attestation ou procèsverbal permettant de connaître la teneur des informations communiquées à M. Ots, ce dernier soutenant quant à lui que le technicien qui s’est présenté en août 2012 a tenu un discours décousu et que ceux passés le 5 mars 2013 n’ont pas précisé l’objet de leur visite.

Force est également de constater qu’Enedis n’a, avant de procéder à la coupure, adressé aucun courrier à M. Ots l’informant de son intention de déconnecter son installation et des motifs de cette décision.

Dans ces conditions, elle ne démontre pas que M. Ots a été préalablement informé, et de façon claire et compréhensible pour un non-professionnel, de l’irrégularité dans laquelle il se trouvait, eu égard au dépassement du seuil de 60 kWh par an de sa consommation d’électricité, et du moyen d’y remédier.

La cour constate surabondamment que la lettre du 4 avril 2013, par laquelle Enedis a répondu à la réclamation de M. Ots, lettre en tout état de cause postérieure à la coupure litigieuse, n’exposait pas de façon claire pour un non-professionnel les raisons de celle-ci.

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que, faute pour Enedis d’établir la fraude prétendument commise par M. Ots, sa décision de couper l’alimentation de l’installation photovoltaïque de ce dernier apparaît fautive.

C’est donc à juste titre que le CoRDiS a ordonné à Enedis de procéder dans les meilleurs délais au rétablissement du raccordement de ladite installation.

Il importe peu qu’à ce jour, M. Ots n’ait toujours pas souscrit un contrat de fourniture d’électricité – ou du moins n’allègue ni ne démontre l’avoir fait –, la cour devant, comme l’a fait le CoRDiS, se placer à la date du 6 mars 2013, à laquelle a eu lieu la coupure litigieuse.

La cour ajoutera toutefois, en tant que de besoin, que ni la décision attaquée ni le présent arrêt ne sauraient être interprétés comme reconnaissant à M. Ots le droit de continuer à soutirer de l’électricité, au-delà du seuil de 60 kWh par an, sans souscrire un contrat de fourniture d’électricité. Ainsi M. Ots est-il désormais parfaitement informé par la présente instance de l’obligation qui pèse sur lui de passer un tel contrat, si sa consommation en soutirage continue de dépasser le seuil de 60 kWh par an.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il convient de condamner Enedis à payer à M. Ots la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité commande en revanche de rejeter la demande de la CRE fondée sur le même article.

Enedis sera condamnée aux entiers dépens.

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PAR CES MOTIFS

REJETTE le recours formé par la société Enedis S.A. contre la décision du Comité

de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie n° 0438-16 du 17 octobre 2016 sur le différend [qui] oppose M. Michel Ots à la société Enedis, relatif à l’exécution de son contrat de raccordement, d’accès et d’exploitation pour une installation de production photovoltaïque ;

CONDAMNE la société Enedis S.A. à payer à M. Michel Ots la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la Commission de régulation de l’énergie de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Enedis S.A. aux dépens du recours.