CRE, cordis, 17 octobre 2016, n° 04-38-16
COMMISSION DE RÉGULATION DE L'ÉNERGIE
Arrêt
sur le différend qui oppose Monsieur Michel O. à la société Enedis, relatif à l’exécution de son contrat de raccordement, d’accès et d’exploitation pour une installation de production photovoltaïque
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Liebert-Champagne
Rapporteur :
Mme Dejobert
Avocats :
Me Coussy, Me de Pouzilhac
Une demande de règlement de différend a été enregistrée le 5 février 2016, sous le numéro 04-38-16, présentée par Monsieur Michel O., demeurant …, de nationalité française, à l’encontre de la société Enedis, anciennement dénommée Électricité Réseau Distribution France (ERDF).
Elle est relative à l’exécution de son contrat de raccordement, d’accès et d’exploitation pour une installation photovoltaïque.
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Le comité de règlement des différends et des sanctions est saisi des faits suivants.
Depuis le 8 février 2007, Monsieur O. était titulaire d’un contrat de fourniture d’énergie auprès de la société Enercoop.
Le 24 avril 2008, Monsieur O. a conclu avec la société ERDF un contrat de raccordement, d’accès et d’exploitation pour une installation photovoltaïque raccordée au réseau public de distribution d’électricité en injection BT ≤ 36 kVA (ci-après désigné « CRAE ») portant sur l’injection du surplus de l’énergie produite par l’installation, déduction faite de la consommation personnelle du producteur.
Le raccordement de l’installation de production a été mis en service le 7 juillet 2008.
Le 11 juillet 2008, la société Enercoop a transmis à la société ERDF une demande de résiliation par Monsieur O. de son contrat de fourniture, prise en compte par la société ERDF le 12 juillet 2008.
Le 14 février 2009, Monsieur O. a conclu un contrat d’obligation d’achat photovoltaïque avec la société Électricité de France (ci-après désignée « EDF »). Ce contrat porte sur « la totalité de l’énergie produite par l’installation objet du présent contrat, déduction faite des consommations d’énergie électrique de ses auxiliaires pendant les seules périodes de production ». Les consommations des auxiliaires hors période de production sont également déduites, sous réserve de ne pas dépasser 60 kWh/an. Au-delà, le producteur s’engage à conclure un contrat de fourniture pour la consommation de ces auxiliaires.
Monsieur O. s’est vu retourner deux factures du 5 septembre 2010 et 1er février 2011, avec pour motif « facture non conforme » s’agissant de la première et « index de non-consommation erroné » s’agissant de la seconde.
En août 2012, un technicien de la société ERDF s’est rendu chez Monsieur O., suite à un contrôle à distance du compteur de Monsieur O. faisant apparaître que la consommation d’électricité de l’installation photovoltaïque s’établissait annuellement à environ 150 kWh/an depuis juillet 2008, alors que le compteur en soutirage de cet utilisateur était réputé inactif depuis la notification à la société ERDF de la résiliation du contrat de fourniture initialement conclu avec Enercoop.
Le 5 mars 2013, la société ERDF a relevé l’index du compteur en soutirage de Monsieur O. et constaté une consommation totale de 678 kWh sur la période du 12 juillet 2008 au 5 mars 2013.
Le 6 mars 2013, la société ERDF a procédé à la déconnexion du câble de raccordement, interrompant les flux de soutirage et d’injection.
Par courrier du 18 mars 2013, Monsieur O. a contesté la suspension de son accès au réseau, qui serait selon lui intervenue sans préavis et sans notification justificative.
En réponse et par courrier du 4 avril 2013, la société ERDF a indiqué à Monsieur O. qu’il n’était pas en mesure de traiter sa demande, qui concerne son contrat de fourniture d’électricité.
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Vu la saisine enregistrée le 5 février 2016.
Monsieur O. indique qu’en août 2012 puis le 5 mars 2013, un agent de la société ERDF s’est présenté à son domicile, dans le but prétendu de vérifier son compteur. Puis, le 6 mars 2013, deux agents de la société ERDF ont interrompu sans préavis la distribution d’électricité en intervenant sur le poteau électrique. Il indique qu’après s’être rapproché du maire sans succès, pour obtenir des informations auprès des sociétés EDF et ERDF, il a, par courrier du 18 mars 2013 adressé à la société ERDF et dont EDF aurait reçu copie, contesté la suspension de son accès au réseau, qui est intervenue sans préavis et sans notification justificative. La société ERDF lui a opposé une fin de non-recevoir, tout en continuant à facturer un abonnement pour un compteur désormais coupé du réseau. Monsieur O. ajoute qu’il a dû investir d’importantes sommes dans l’achat de batteries en attendant le rétablissement de son raccordement.
Monsieur O. fait valoir que la déconnexion de son raccordement s’analyse en une suspension par la société ERDF de ses obligations. Or, aucun des motifs de suspension du contrat, listés à l’article 29.1 du CRAE, ne peut motiver cette soudaine coupure. De la même façon, il soutient qu’aucun cas de force majeure, ni aucunes circonstances exceptionnelles telles que définies à l’article 25.3.1 ne sauraient être allégués et aucune des conditions entourant les cas de résiliation du contrat détaillés à l’article 30.1 n’est remplie.
Monsieur O. demande par conséquent au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie, après avoir constaté que la société ERDF a méconnu les obligations auxquelles elle est tenue et a violé les principes de non-discrimination et d’égalité qui président normalement au traitement des utilisateurs de réseau, d’ordonner à la société ERDF de :
- rétablir sans délai le raccordement au réseau basse tension selon le schéma de principe du raccordement visé en annexe 2 du CRAE n° 3548 ;
- prendre à sa charge l’ensemble des frais de remise en tension et d’injection de l’installation sur le réseau, en ce compris ceux liés à l’attestation du CONSUEL ;
- attester au comité de règlement des différends et des sanctions et à Monsieur O. dans le délai de deux mois de la décision à intervenir que le raccordement est rétabli et que l’installation de Monsieur O. peut normalement injecter ;
- restituer l’ensemble des sommes indûment perçues durant la période de suspension, depuis le 6 mars 2013 jusqu’à complet rétablissement du raccordement ;
- sous l’égide d’un membre de la Commission de régulation de l’énergie ou du comité de céans en charge du règlement du présent différend qui lui plaira de désigner, proposer une indemnité correspondant à l’ensemble des dommages moraux et matériels subis par Monsieur O., à la suite de la coupure sauvage et discriminante décidée par la société ERDF le 6 mars 2013.
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Vu les observations en défense, enregistrées le 22 avril 2016, présentées par la société ERDF, société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro B 444 608 442, dont le siège social est situé 34, place des Corolles, 92079 Paris La Défense Cedex, représentée par son président du directoire, Monsieur Philippe MONLOUBOU, et ayant pour avocat, Maître Cédric de POUZILHAC, Cabinet ARAMIS, 9 rue Scribe, 75009 Paris.
La société ERDF indique que le Monsieur O. dispose sur son site d’installations de consommations d’électricité dont les besoins sont alimentés à titre principal par les panneaux photovoltaïques, mais subsidiairement par le réseau public. À cet effet et depuis le 8 février 2007, Monsieur O. était titulaire d’un contrat de fourniture d’énergie auprès de la société Enercoop. Toutefois, le 11 juillet 2008, Enercoop a transmis à la société ERDF une demande de résiliation par Monsieur O. de son contrat de fourniture, prise en compte par la société ERDF le 12 juillet 2008.
La société ERDF soutient qu’en août 2012, elle s’est aperçue lors d’un contrôle à distance du compteur de Monsieur O., que la consommation d’électricité de l’installation photovoltaïque s’établissait annuellement à environ 150 kWh/an depuis juillet 2008, alors que le compteur en soutirage de cet utilisateur était réputé inactif depuis la notification à la société ERDF de la résiliation du contrat de fourniture initialement conclu avec Enercoop. Un technicien assermenté de la société ERDF a alors alerté Monsieur O. de la consommation constatée sur son compteur et lui a expliqué qu’il convenait de conclure un contrat de fourniture d’électricité. Le 5 mars 2013, un technicien s’est présenté chez Monsieur O. en vue de procéder à la coupure en soutirage au niveau du compteur. L’accès au compteur n’ayant pas été possible compte tenu de refus de Monsieur O., la société ERDF a procédé à la coupure du câble de raccordement. Cette interruption de l’alimentation a automatiquement interrompu le flux d’injection puisque ce dernier passait par le même câble. La société ERDF indique enfin que Monsieur O. n’a plus réglé les factures annuelles d’utilisation du réseau public de distribution depuis juillet 2013.
La société ERDF soutient que l’interruption du raccordement en soutirage sans préavis est justifiée par l’absence de contrat de fourniture conclu par Monsieur O. postérieurement à la résiliation de son contrat le 12 juillet 2008. Elle fait valoir que Monsieur O. n’est plus en conformité avec les stipulations du CRAE depuis cette date, dès lors qu’il n’est plus lié à un quelconque fournisseur d’électricité pour ses besoins en soutirage.
La société ERDF fait également valoir que Monsieur O. ne se s’est pas conformé à son contrat d’obligation d’achat conclu avec la société EDF dès lors que sa consommation dépasse les 60 kWh annuels prévus au contrat, cette faculté de soutirage n’ayant pas vocation à couvrir ses consommations domestiques.
Elle soutient enfin qu’elle a appliqué la note ERDF-PRO-CF_02 « Traitement des fraudes et des dysfonctionnements de comptage » qui prévoit que les fraudes commises par des utilisateurs ne disposant d’aucun contrat de fourniture sont traitées directement par la société ERDF, qui assure le recouvrement et suspend systématiquement l’alimentation.
La société ERDF considère par ailleurs que le comité de règlement des différends et des sanctions n’a pas compétence pour connaître des demandes indemnitaires formulées par les utilisateurs.
La société ERDF demande, par conséquent, au comité de règlement des différends et des sanctions de :
- constater que la société ERDF a fait une application régulière du CRAE du 24 avril 2008 ;
- déclarer mal fondé l’ensemble des demandes formées par Monsieur Michel O. ;
- déclarer irrecevables les demandes indemnitaires formées par Monsieur Michel O. ;
- rejeter l’ensemble des demandes de Monsieur Michel O. ;
- notifier aux parties la décision à intervenir.
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Vu les observations complémentaires et récapitulatives de Monsieur O., enregistrées le 26 septembre 2016.
Monsieur O. soutient que l’absence de contrat de fourniture ne figure pas au nombre des motifs de suspension du CRAE et que, quel que soit le manquement reproché par la société ERDF (Enedis), une lettre recommandée avec accusé de réception doit cristalliser le litige et tenter de le résoudre.
Monsieur O. fait également valoir que le moyen tiré de la méconnaissance du contrat d’achat est inopérant dès lors que la société ERDF (Enedis) n’agit pas pour le compte de sa maison-mère EDF et que le contrat de raccordement n’est pas l’accessoire du contrat d’obligation d’achat, de sorte que la prétendue méconnaissance de ce contrat d’obligation d’achat n’est pas de nature à entraîner la méconnaissance du CRAE. Monsieur O. ajoute que la méconnaissance du contrat d’obligation d’achat n’est pas un motif de suspension prévu au CRAE.
Monsieur O. fait enfin valoir qu’un CRAE constitue un contrat d’accès au réseau public de distribution d’électricité et qu’en présence d’un tel contrat, le référentiel ERDF-PRO-CF_02 ne peut s’appliquer. A cet égard, la société ERDF ne justifie pas du respect de la procédure d’interruption de raccordement prévu par cette note.
Monsieur O. persiste par conséquent dans ses demandes.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l’énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants et ses articles R. 134-7 et suivants ;
Vu la décision du 11 mars 2015, relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu la décision du 10 mai 2016 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie, relative à la désignation d’un rapporteur pour l’instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 04-38-16 ;
Vu la décision du 6 septembre 2016 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie, fixant la date de clôture de l’instruction relative au différend qui oppose Monsieur Michel O. à la société Enedis.
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Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique, qui s’est tenue le 17 octobre 2016, du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de Madame Monique LIEBERT-CHAMPAGNE, président, Madame Henriette CHAUBON, Monsieur Claude GRELLIER et Monsieur Denis RAPONE membres, en présence de :
Madame Alexandra BONHOMME, directrice juridique, représentant le directeur général empêché,
Madame Maureen DEJOBERT, rapporteur,
Monsieur Michel O., assisté de Maître Benoît COUSSY,
Les représentants de la société Enedis, assisté de Maître Cédric de POUZILHAC,
Après avoir entendu :
- le rapport de Madame Maureen DEJOBERT, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
- les observations de Maître Benoît COUSSY pour Monsieur Michel O. ; Monsieur Michel O. persiste dans ses moyens et conclusions ;
- les observations de Maître Cédric de POUZILHAC pour la société Enedis ; la société Enedis persiste dans ses moyens et conclusions ;
Aucun report de séance n’ayant été sollicité ;
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré, après que les parties, le rapporteur, le public et les agents des services se sont retirés.
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Le comité de règlement des différends et des sanctions,
Il ressort des pièces du dossier que les installations de consommation de Monsieur O. ont vocation à être alimentées par les panneaux photovoltaïques.
Le contrat de raccordement, d’accès et d’exploitation conclu avec la société Enedis vise à pouvoir injecter sur le réseau public l’éventuel excédent de production de l’installation photovoltaïque (injection « en surplus »).
À l’inverse, en cas de production insuffisante de l’installation, les installations de consommation de Monsieur O. sont alimentées par le réseau public.
Techniquement, les flux en injection et en soutirage s’effectuent par un seul câble de liaison et deux compteurs ont été installés : un compteur de production et un compteur de consommation.
Monsieur O. a résilié son contrat de fourniture d’électricité, conclu avec la société Enercoop, le 11 juillet 2008.
Il a cependant continué de consommer de l’électricité, soutirée sur le réseau public. Le relevé de compteur effectué par la société Enedis le 5 mars 2013 laisse apparaître une consommation de 678 kWh sur la période du 12 juillet 2008 au 5 mars 2013.
La société Enedis s’est prévalue de cette consommation sans fournisseur pour procéder, le 6 mars 2013, à la déconnexion du câble de raccordement, interrompant à la fois les flux de soutirage et d’injection.
Cette déconnexion est intervenue sans mise en demeure écrite préalable.
Sur la nécessité pour Monsieur Michel O. d’avoir un contrat d’accès au réseau en soutirage pour ses besoins non couverts par son installation de production
L’article L. 111-91 du code de l’énergie du dispose que :
« I. ― Un droit d'accès aux réseaux publics de transport et de distribution est garanti par les gestionnaires de ces réseaux pour assurer :
1° Les missions de service public définies à l'article L. 121-5 [missions de fourniture d’électricité] ; (…)
II. ― Pour mettre en œuvre les dispositions du I, des contrats sont conclus entre les gestionnaires des réseaux publics de transport et de distribution concernés et les utilisateurs de ces réseaux. »
L’article 24 du modèle de cahier des charges de concession du réseau de distribution d’électricité dispose que : « Sauf cas particulier mentionné ci-après, toute fourniture d’énergie électrique est subordonnée à la passation d’un contrat écrit entre le concessionnaire et le client ».
Le chapitre 1 des conditions particulières du CRAE conclu entre Monsieur O. et la société Enedis le 24 avril 2008 stipule que « Le Producteur met en place une installation de Production à l’adresse suivante : … et injecte sur le réseau l’excédent de la production. La puissance de Production Maximale est égale à 1,34 kVA en monophasé. Ce générateur, raccordé sur l’installation intérieure, est destiné à être couplé au Réseau basse tension par l’intermédiaire du branchement existant, utilisé pour les besoins en soutirage du producteur. Pour ces besoins en soutirage, non couverts par l’installation de Production, le Producteur est titulaire d’un contrat de soutirage ».
Il résulte de l’ensemble de ces dispositions que Monsieur O. doit avoir un contrat d’accès au réseau en soutirage, pour ses besoins non couverts par son installation de production, le CRAE n’étant qu’un contrat d’accès au réseau pour l’injection.
Il appartiendra à Monsieur Michel O. de conclure, préalablement à tout besoin de soutirage non couvert par l’installation de production, un contrat d’accès au réseau pour le soutirage d’électricité, soit un contrat d’accès au réseau de distribution (CARD-S) auprès de la société Enedis ainsi qu’un contrat de fourniture d’électricité souscrit auprès du fournisseur de son choix, soit un contrat unique (CU) portant sur la fourniture et la distribution d’électricité auprès du fournisseur de son choix, mentionné à l’article L. 332-3 du code de l’énergie.
Sur la demande de rétablissement du raccordement
La société Enedis soutient qu’en l’absence d’un tel contrat, elle a fait application de la note ERDF-PRO-CF_02 intitulée « Traitement des fraudes et des dysfonctionnements de comptage », accessible depuis son site Internet dans le référentiel clientèle.
Cette note prévoit la méthodologie d’évaluation des consommations, le redressement de la facturation et son recouvrement en cas de fraude ou de dysfonctionnement de comptage.
Cette note précise que « les fraudes commises par des utilisateurs ne disposant d’aucun contrat sont traitées directement par ERDF. La régularisation de la base acheminement se fait sur la base des tarifs TURPE ; la régularisation de la part énergie se fait sur la base d’un prix publié annuellement par ERDF. Dans ce cas, ERDF assure le recouvrement et suspend systématiquement l’alimentation ».
Concernant la procédure de traitement des fraudes, la note précise au point II.2 que « dans les cas des fraudes, un constat de fraude est dressé par un agent assermenté. ERDF s’efforce de le faire signer par l’utilisateur concerné » et au point II.3 que « Dans le cas des fraudes comme dans le cas des dysfonctionnements de comptage, ERDF remplace systématiquement le compteur (…) En outre, l’alimentation peut être suspendue par ERDF, particulièrement si l’installation présente un risque pour la sécurité des biens ou des personnes. »
La société Enedis n’apporte aucun élément permettant de penser qu’elle a effectivement mis en œuvre cette procédure de traitement des fraudes, en application de la note ERDF-PRO-CF_02.
En tout état de cause, il était techniquement impossible en l’espèce d’interrompre le raccordement en soutirage de Monsieur O. sans interrompre en même temps son raccordement en injection, les deux flux passant par le même câble.
Il appartenait par conséquent à la société Enedis, qui ne pouvait se fonder sur la seule application de la note ERDF-PRO-CF_02 pour suspendre le raccordement en injection de Monsieur O., de respecter la procédure de règlement des contestations prévue au chapitre 31 des conditions générales du CRAE :
« Dans le cas de contestation relative à l’interprétation ou l’exécution du présent contrat, pendant la durée de celui-ci ou lors de sa résiliation, les Parties s’engagent à se rencontrer et à mettre en œuvre tous les moyens pour résoudre cette contestation.
Les Parties peuvent, en tant que de besoin, se faire assister par un expert.
A cet effet, la Partie demanderesse adresse à l’autre Partie, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, une notification précisant :
- la référence du contrat (titre et date de signature)
- l’objet de la contestation ;
- la proposition d’une rencontre en vue de régler à l’amiable le litige».
En application de cette stipulation, les Parties s’engagent, en cas de manquement allégué à une obligation prévue au CRAE, à préciser l’objet de la contestation par lettre recommandée avec demande d’avis de réception et à organiser une rencontre en vue de régler à l’amiable le litige.
Par conséquent, le moyen tiré de ce que Monsieur O. n’était plus en conformité avec les stipulations du chapitre 1 des conditions particulières du CRAE depuis le 12 juillet 2008 dès lors qu’il n’était plus lié à un fournisseur d’électricité pour couvrir ses besoins en soutirage qui se sont élevés à 678 kWh sur la période du 12 juillet 2008 au 5 mars 2013, n’est pas de nature à justifier une interruption du raccordement en injection sans préavis ni mise en demeure écrite préalable.
C’est donc à tort que la société Enedis a procédé à une déconnexion du câble sans mise en demeure écrite préalable le 6 mars 2013.
Dès lors, la société Enedis devra procéder au rétablissement du raccordement dans les meilleurs délais et au plus tard dans le délai standard prévu au catalogue des prestations annexes.
Sur le moyen tiré de ce que Monsieur Michel O. ne se serait pas conformé à son contrat d’obligation d’achat
La société Enedis soutient que Monsieur O. ne se serait pas conformé à son contrat d’obligation d’achat conclu avec la société EDF dès lors que sa consommation dépassait les 60 kWh annuels prévus au contrat, cette faculté de soutirage n’ayant pas vocation à couvrir ses consommations domestiques.
Cependant, le moyen tiré du non-respect du contrat d’obligation d’achat conclu entre Monsieur O. et la société EDF ne saurait être utilement invoqué devant le comité, qui n’est pas compétent pour en connaître.
Sur la demande tendant à obtenir la restitution des sommes prétendument perçues par la société Enedis en exécution du CRAE pendant la période de suspension de fait du contrat par la société Enedis
Monsieur Michel O. sollicite également la restitution de « l’ensemble des sommes indûment perçues durant la période de suspension, depuis le 6 mars 2013 jusqu’à complet rétablissement du raccordement ».
Il ressort des pièces du dossier que, malgré la suspension de fait du CRAE par l’interruption de l’accès au réseau en injection, la société Enedis a continué à facturer annuellement ses services à Monsieur O..
Il résulte des dispositions de l’article L.134-19 et L.134-20 du code de l’énergie que le comité de règlement des différends et des sanctions peut être saisi notamment en cas de différend entre les gestionnaires et les utilisateurs des réseaux publics de distribution d'électricité portant sur la conclusion, l'interprétation ou l'exécution des contrats mentionnés à l’article L. 111-91 du code de l’énergie. La décision du comité est motivée et précise les conditions d'ordre technique et financier de règlement du différend dans lesquelles l'accès aux réseaux, ouvrages et installations ou leur utilisation sont, le cas échéant, assurés. Lorsque cela est nécessaire pour le règlement du différend, le comité peut fixer, de manière objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée, les modalités de l'accès auxdits réseaux, ouvrages et installations ou les conditions de leur utilisation.
Le comité est, en vertu de ces dispositions, compétent pour préciser les conditions d’ordre financier de règlement d’un différend et statuer le cas échéant sur le sort des sommes qui auraient été versées par Monsieur O. dans le cadre du CRAE, dont l’exécution a été suspendue de fait par la société Enedis.
Cependant, la facture du 7 juillet 2013, couvrant la période du 7 juillet 2012 au 6 juillet 2013, n’a pas été acquittée par Monsieur Michel O., pas plus que les factures postérieures du 8 juillet 2014 et du 7 juillet 2015. Cette demande est donc sans objet et sera rejetée.
Sur la demande tendant à chiffrer le préjudice subi par Monsieur Michel O.
Monsieur Michel O. demande au comité, « sous l’égide d’un membre de la Commission de régulation de l’énergie ou du comité de céans en charge du règlement du présent différend qui lui plaira de désigner, [de] proposer une indemnité correspondant à l’ensemble des dommages moraux et matériels subis par Monsieur O., à la suite de la coupure sauvage et discriminante décidée par la société Enedis le 6 mars 2013 ».
Il résulte des dispositions de l’article L. 134-19 et L.134-20 du code de l’énergie qu’il n’appartient pas au comité de statuer sur les demandes tendant à la réparation d’un préjudice.
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DÉCIDE :
Article 1. – Il est enjoint à la société Enedis de procéder au rétablissement du raccordement dans les meilleurs délais et au plus tard dans le délai standard prévu au catalogue des prestations annexes.
Article 2. – Le surplus des demandes de Monsieur Michel O. est rejeté.
Article 3. – La présente décision sera notifiée à Monsieur Michel O. et à la société Enedis. Elle sera publiée au Journal officiel de la République française.