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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5-7, 10 mai 2012, n° 2011/14047

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

3EHabitat (SAS)

Défendeur :

ERDF, Commission de Régulation de l’Énergie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Remenieras

Conseillers :

Mme Beaudonnet, Mme Meslin

Avocats :

Me Gandet, Me Teytaud, Me Granjon, Me Mortemard De Boisse

CoRDiS, du 22 juin 2011

22 juin 2011

La société 3EHabitat a, le 28 février 2011, saisi le Comité de règlement des différends et des Sanctions (le CoRDiS) d'un différend l'opposant à la société ERDF sur les conditions de raccordement au réseau public de distribution d'électricité d'un projet de centrale photovoltaïque situé sur la commune de Vieillevigne (44). Il était demandé au CoRDiS "d'ordonner à la société ERDF de confirmer officiellement l'acceptation par la société 3E Habitat de son acceptation, pour le compte de Monsieur Joseph GUIBERT, de la proposition de raccordement no D327/099804/001001 à la date du 30 novembre 2010"

Par décision du 22 juin 2011, le CoRDiS a rejeté la demande de la société 3EHabitat.

SUR CE,

Vu la déclaration d'appel formée par lettre recommandée du 19 juillet 201 1 par la société 3EHabitat et enregistrée sous le no 11/14047 ;

Vu la seconde déclaration d'appel formée "à titre de précaution" par la société 3EHabitat par dépôt au greffe de la cour le 27 juillet 2011, enregistrée sous le n° 11/14134 et tendant, dans les mêmes termes que la première, "à ce qu'il plaise à la Cour : d'annuler la décision du...CoRDIS en date du 22 juin 2011, notifiée le 13 juillet 2011 sur le différend... , de constater que la société ERDF a méconnu ses obligations contractuelles et réglementaires, et notamment les directives de la DGEC, d'ordonner à la société ERDF de confirmer officiellement l'acceptation par la société 3E Habitat de son acceptation à la date du 30 novembre 2010, pour le compte de Monsieur Joseph GUIBERT, de la proposition de raccordement no D327/099804/001001 " et de lui allouer 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu le mémoire d'appel comportant exposé complet des moyens déposé par la société 3EHabitat le 19 août 2011 et son mémoire no 2 déposé le 29 février 2012 ;

Vu les conclusions en réppnse de la société ERDF déposées le 14 décembre 2011 qui prie la cour de "confirmer la décision" du CoRDiS, de "rejeter intégralement les demandes de la société 3E Habitat" et de lui allouer 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les observations de la CRE déposées le 26 janvier 2012 et tendant à l'irrecevabilité et en tout état de cause au rejet du recours ;

Vu les conclusions écrites du Ministère Public du 21 mars 2012 mises à disposition des parties et tendant à titre principal à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet ;

Après avoir entendu à l'audience publique du 29 mars 2012, en leurs observations orales, les conseils des parties, le représentant de la CRE ainsi que le Ministère Public, chaque partie ayant été mise en mesure de répliquer ;

Considérant qu'il convient de procéder à la jonction des deux appels successivement formés dans les mêmes termes par la société 3EHabitat, le premier par lettre recommandée avec accusé de réception et le second dans les formes prévues par l'article 9 du décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'électricité ;

Considérant que la CRE invoque à titre liminaire l'irrecevabilité de l'appel formé par la société 3EHabitat au motif que les articles 8 et suivants du décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 prévoient une procédure spécifique de recours et non d'appel contre ses décisions ; qu'elle invoque, en ce sens et par analogie, une décision de la Cour de cassation (Com.29 janvier 2008, n° 0712945) ;

Considérant que le Ministère Public conclut également à titre principal à l'irrecevabilité du recours tel qu'exercé ;

Considérant que la société 3EHabitat réplique qu'à supposer le CoRDiS fondé à invoquer une irrecevabilité de procédure bien que non partie à l'instance, une simple erreur terminologique sur l'intitulé du recours qu'elle a formé n'est pas de nature à entraîner son irrecevabilité alors qu'est visé l'article L. 134-21 du code de l'énergie et qu'est mentionné un exposé sommaire des moyens avec visa de l'article 9 du décret no 2000-894 du 11 septembre 2000 ; qu'en outre, si son recours n'avait pas été recevable, il ne lui aurait pas été délivré par le greffe le 27 juillet 2011 un procès-verbal de réception de recours et il n'aurait pas été rendu le 30 août 2011 par le délégué de M. le Premier Président de la cour une ordonnance visant son recours et portant convocation ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 134-21 du code de l'énergie (ancien article 38 de la loi du 10 février 2000) : "Les décisions prises par le comité de règlement des différends et des sanctions en application de l'article L. 134-20 sont susceptibles de recours en annulation ou en réformation."

Considérant que l'article 8 du décret no 2000-894 du 11 septembre 2000 dispose :

"Les recours contre les décisions et mesures conservatoires prises par la Commission de régulation de l'énergie en application de l'article 38 de la loi du 10 février 2000 susvisée sont de la compétence de la cour d'appel de Paris et sont formés, instruits et jugés conformément aux dispositions du présent chapitre, par dérogation aux dispositions du titre VI du livre II du code de procédure civile."

Que l'article 9 du même décret est ainsi rédigé :

"Le recours est formé dans le délai fixé à l'article 38 de la loi du 10 février 2000 susvisée par déclaration écrite déposée en quadruple exemplaire au greffe de la cour d'appel de Paris contre récépissé. A peine d'irrecevabilité prononcée d'office, la déclaration précise l'objet du recours et contient un exposé sommaire des moyens. S'agissant du recours dirigé contre les décisions de la commission autres que les mesures conservatoires, l'exposé complet des moyens doit, sous peine de la même sanction, être déposé au greffe dans le mois qui suit le dépôt de la déclaration."

Considérant qu'en l'espèce, les recours effectués par la société 3EHabitat par courrier du 19 juillet 2011 puis par dépôt au greffe le 27 juillet 2011 mentionnent. "Déclaration d'appel Exposé sommaire des moyens Article L 134-21 du Code de l'Energie", qu'au numéro 24 du corps de cet acte, sous l'intitulé "Exposé sommaire des moyens", il est indiqué : "La présente déclaration d'appel, faite conformément à l'article 9 du décret no 2009-894 (sic) du 11 septembre 2000, présente sommairement les moyens d'appel à l'encontre de la décision querellée du CoRDiS du 22 juin 2011." ;

Qu'en outre, la société 3EHabitat a déposé le 19 août 2011 un mémoire intitulé "mémoire d'appel, Exposé complet des moyens" ainsi introduit : "Par déclaration d'appel transmise le 20 juillet 201 1 par LRAR, et le 27 juillet 2011 par dépôt au Greffe, la société 3E HABITAT a interjeté appel de la décision rendue par le CoRDIS le 22 juin 201 1. Par la présente, l'appelante a l'honneur de produire un mémoire d'appel conformément à l'article 9 du décret 1102000-894 du 11 septembre 2000" ; que, dans le corps de ces écritures, il est, à plusieurs reprises, fait référence à la qualification d' "appel"; qu'ainsi, en page 5, dans le cadre d 'un moyen présenté pour contester l’impartialité du CoRDiS, est mentionné le décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 "qui prévoit la procédure de règlement des différends et d'appel" (n° 17), puis "dans le cadre de l'appel de ses propres décisions"…" l'instance d'appel" (n° 18) ;

Considérant que, nonobstant le visa de l'article L. 134-21 du code de l'énergie et celui de l'article 9 du décret du 11 septembre 2000, au demeurant mentionné inexactement comme prévoyant "la procédure de règlement des différends et d'appel", la société 3E Habitat, qui s'est référée à de multiples reprises à l'"appel" et s'est qualifiée d'"appelante", ne peut soutenir qu'il s'agirait d'une simple erreur de terminologie ;

Considérant que la voie de l'appel n'est pas ouverte contre les décisions émanant du CoRDiS, qui ne peuvent être critiquées devant le juge judiciaire que par la voie du recours spécifique prévu par l'article L. 134-21 du code de l'énergie ; que le recours exercé par la société 3E Habitat n'étant pas celui prévu par les textes ne peut qu'être déclaré irrecevable ;

Qu'il importe peu à cet égard que ce recours ait été enregistré par le greffe de la cour d'appel qui n'est pas juge de sa recevabilité, pas plus qu'il n'importe que les parties aient été destinataires d'un calendrier de procédure et convoquées par ordonnances à des réunions de procédure et à l'audience ;

Considérant que l'équité conduit à allouer à la société ERDF une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Ordonne la jonction des procédures n° 11/14134 et n° 11/14047 ;

Dit irrecevables les appels formés par la société 3EHabitat ;

Condamne la société 3EHabitat à payer à la société ERDF la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société 3EHabitat aux dépens.