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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-2, 14 octobre 2020, n° 19/14530

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

AGS CGEA Marseille, Selarl AJA & Associés (ès qual.), SCP BTSG² (ès qual.), Colsun Histo France (SAS), Moulin de Vernègues (SCA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lis-Schaal

Conseillers :

Mme Fournier, Mme Vassail

T. com. Marseille, du 4 sept. 2019, n° 2…

4 septembre 2019

Le groupe hôtelier MARANATHA, fondé en 2007 à Marseille par Olivier C., devenu le n°5 de l'hôtellerie française grâce aux apports de 6 000 investisseurs particuliers qui ont placé leur argent dans un ou plusieurs établissements (hôtel 3 et 4 étoiles) en échange d'un bon rendement ( jusqu'à 7% d'intérêts), connait en 2017 des difficultés.

Le groupe MARANATHA était constitué de plus de 200 sociétés s'inscrivant dans un schéma structuré consistant en une SAS MARANATHA contrôlée par le dirigeant du groupe M. Olivier C. qui prenait des participations à hauteur de 1 à 5 % dans des sociétés en commandite par actions (SCA) et intervenait en qualité d'associée commanditée et en assumait la gérance. Les 95 à 99% des actions restantes étaient souscrites et détenues par des investisseurs privés commanditaires. Plus de 450 millions d'euros ont été collectés auprès des 6 000 investisseurs privés à travers divers réseaux de conseils en gestion de patrimoine.

Ces sociétés avaient pour objet de faire l'acquisition de sociétés d'exploitation d'hôtels, la SAS MARANATHA en sa qualité de commanditée de l'ensemble des sociétés financières, exerçait un contrôle effectif sur toutes des sociétés et gérait seule avec sa société de gestion.

Olivier C., avait acquis en 2015 la chaîne des Hôtels du Roy (six palaces à Paris et à Nice) en endettant le groupe MARANATHA à hauteur de 275 millions d'euros auprès du fonds souverain du Koweit. L'exploitation de ces hôtels ne produira pas les effets escomptés en raison de la vague d'attentats et de la chute d'activité touristique.

Le groupe MARANATHA, en grande difficulté, ne pourra faire face à ses échéances et sera contraint de déposer son bilan.

Par jugement du 27 septembre 2017, le tribunal de commerce de Marseille a prononcé l'ouverture d''une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société MARANATHA SAS.

Le tribunal de commerce de Marseille a choisi comme repreneur par jugement du 17 octobre 2018 le fonds Colony Capital (substitué par la suite par la société COLSUN HISTO FRANCE) en raison de sa connaissance de l'univers hôtelier, des garanties financières apportées et aussi parce qu'un partenariat devait être conclu avec le Groupe Accor pour la gestion des établissements des Hôtels du Roy. De cette entente pendant 5 ans devait aboutir la revente du pôle valorisé à 220 millions d'euros qui protégerait les intérêts de ceux qui avaient investi dans des établissements de moindre envergure qui était nommé « le pôle historique ».

Cette reprise n'a pas fait l'unanimité notamment de certains petits créanciers (les investisseurs particuliers) qui ont dénoncé le plan de continuation estimant ne pas pouvoir être remboursés dans des conditions acceptables.

C'est dans ce contexte que certains investisseurs (plus d'une trentaine) ont introduit une procédure de tierce opposition au projet de Colony Capital avec le souhait de présenter un autre plan de redressement.

Parallèlement, ils ont exercé une demande de rétraction du liquidateur amiable qui a été désigné sans l'accord de l'Assemblée générale des actionnaires.

En l'espèce, la SCA LE MOULIN DE VERNEGUES a été placée en redressement judiciaire par jugement du 22 novembre 2017.

Ce jugement a désigné Me Franck M. et Me Vincent G. en qualité de co-administrateurs judiciaires des sociétés en redressement et sauvegarde et en qualité de mandataires judiciaires, Me Jean-Pierre L. et Me Marc S..

Me Vincent de C. a été désigné en qualité de liquidateur amiable de l'ensemble des structures financières constituées sous forme de sociétés en commandite par actions qui se sont trouvées en dissolution du fait du redressement judiciaire de leur associé commandité unique, la SAS MARANATHA. Il était désigné en qualité de liquidateur amiable de la SCA LE MOULIN DE VERNEGUES le 22 novembre 2017.

Les actifs du groupe MARANATHA (Maranatha SAS, Maranatha Gestion Hôtelière, Titranium, Maranatha Finance, SC Financière Hôtel du Roy EquityCo) ont été cédés à la société COLONY CAPITAL ACQUISITIONS LLC (le repreneur) par jugement de cessions du 17 octobre 2018.

En exécution de l'offre du repreneur du 12 septembre 2018 (offre de reprise) et du jugement de cession, les administrateurs judiciaires avec le concours du débiteur et du repreneur ont élaboré un plan de continuation pour la SCA LE MOULIN DE VERNEGUES qui a été déposé le 10 avril 2019.

Par jugement du 5 juin 2019, le tribunal de commerce de Marseille a notamment :

Arrêté le plan de redressement de l'entreprise présentée par la SCA LE MOULIN DE VERNEGUES,

Mis fin à la période d'observation accordée à la SCA LE MOULIN DE VERNEGUES,

Fixé à 6 ans la durée du plan de redressement conformément aux dispositions des articles L 626-12 et 631-19 du code de commerce ( ').

Par déclaration au greffe du tribunal de commerce de Marseille, M. Thierry M. a déclaré faire tierce opposition le 19 juin 2019 au jugement rendu le 5 juin 2019 dans la procédure collective de la SCA LE MOULIN DE VERNEGUES.

Il a soutenu que ledit jugement a été rendu en fraude de ses droits et lui a causé un grief. Il a donc sollicité la nullité dudit jugement au motif et qu'il portait atteinte à ses intérêts.

Par jugement du 4 septembre 2019, le tribunal de commerce de Marseille, après avoir écarté le problème du mandat du conseil de l'appelant, a notamment :

Déclaré irrecevable la tierce-opposition pour défaut d'intérêt à agir,

Rejeté l'ensemble des demandes reconventionnelles aux fins de condamnations à des dommages et intérêts et à des amendes civiles,

Condamné M. Thierry M. à payer la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du CPC à chacune des autres parties, soit les ex-commissaires à l'exécution du plan, le liquidateur amiable, les co-mandataires judiciaires, COLSUN HISTO France.

Ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Les premiers juges ont estimé que M. Thierry M. avait justifié de son statut d'associé mais pas de son statut de créancier.

Ils ont rappelé que le jugement du 17 octobre 2018 était définitif et que selon la jurisprudence, les associés sont représentés par le représentant légal de la personne morale débitrice en l'espèce Me Vincent de C. dont la nomination en qualité de liquidateur amiable n'a jamais été contestée et confirmée par l'ordonnance de référé du 11 juillet 2019 rendue sur requête en rétractation par le président du tribunal de commerce de Marseille, décision qui n'a pas fait l'objet d'un appel.

Ils ont rejeté l'allégation de manque d'information et de transparence dans l'élaboration du plan de la SCA LE MOULIN DE VERNEGUES, faisant état de nombreuses réunions d'informations des associés et d'un site de question-réponses mis en ligne par Me de C..

Ils ont estimé que la restructuration devait être soumise aux votes des associés et que le tiers opposant pourrait s'exprimer.

Il n'y a donc pas de grief.

Ils ont ajouté que la période d'observation exceptionnelle s'étant terminée le 22 avril 2019 et qu'aucun délai supplémentaire ne pouvait plus être accordé pour présenter un nouveau plan.

M. Thierry M. a interjeté appel de cette décision le 16 septembre 2019.

Il a intimé l'organisme AGS CGEA Marseille, la société AJA, la SCP G. et Associés, la société COLSUN HISTO FRANCE aux droits de COLONY CAPITAL, Me Vincent de C. es qualité de mandataire judiciaire, la SCA LE MOULIN DE VERNEGUES, la SCP JP L. et L. es qualité de co-mandataire judiciaire du débiteur et la SCP B.-T.- S.- G. (BTSG) es qualité de co-mandataire judiciaire du débiteur.

Par conclusions signifiées par le RPVA en date du 14 janvier 2020, , auxquelles il est fait droit pour plus ample exposé des motifs, de son argumentation et de ses moyens, M. Thierry M. conclut à la recevabilité de son appel et à l'infirmation du jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Dire et juger que le jugement a été rendu en fraude des droits du tiers opposant et lui cause grief,

Rétracter le jugement d'adoption du plan de la société civile rendu par le tribunal de commerce de Marseille,

Ouvrir une nouvelle période d'observation et enjoindre au débiteur et ses administrateurs judiciaires de présenter un nouveau projet de plan de redressement par voie de continuation dans un délai de 3 mois à compter du prononcé de l'arrêt,

Condamner chacun des intimés à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du CPC,

Ordonner aux intimés de lui restituer sous huitaine à compter du prononcé de l'arrêt les indemnités et les frais de recouvrement perçu au titre des condamnations de première instance, sous peine d’astreinte journalière de 1 000 euros,

Les condamner in solidum aux dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP PAUL&JOSEPH M..

En premier lieu, M. Thierry M. soutient qu'en sa qualité d'associé, son action est recevable en application de l'article 583 du CPC.

Il expose n'avoir ni n’été partie, ni représenté au jugement entrepris puisque le débiteur n'était pas représenté valablement par Me de C., sa nomination en qualité de liquidateur amiable étant illégale n'ayant pas été désigné par une assemblée générale extraordinaire des actionnaires et ayant élaboré seul le plan alors qu'il aurait dû être élaboré par l'administrateur judiciaire avec le concours du débiteur.

Il soutient également avoir un intérêt à agir car le plan adopté est contraire à ses intérêts, le tribunal n'ayant pas le pouvoir d'imposer aux associés des conditions de remboursement alors que les apports en capital ne constituent pas une créance au sens du droit des procédures collectives.

Il estime subir un grief personnel et certain puisque le plan l'oblige à accepter la disparition du débiteur pour espérer être remboursé de sa créance alors que ce débiteur, dont il est actionnaire et dont il a accepté de signer les statuts, dispose, par lui-même, des actifs nécessaires permettant de rembourser, même partiellement et directement son passif.

En deuxième lieu, il ajoute avoir la qualité de créancier chirographaire et être recevable à former tierce opposition en application de l'alinéa 2 de l'article 583 du CPC au motif que le jugement a été rendu en fraude de ses droits ( absence de consultation des créanciers, suspension des remboursements des investisseurs privés) et qu'il a un intérêt propre distinct de celui de la collectivité des créanciers du fait que le calendrier des paiements pour les créanciers investisseurs des dates de règlement différentes de celles des autres créanciers.

Sur le fond, il critique le plan adopté qui n'a pas prévu le remboursement à 100 % des investisseurs créanciers en compte-courant contrairement au jugement du 17 octobre 2018.

Par conclusions signifiées par le RPVA du 10 février 2020, auxquelles il est fait droit pour plus ample exposé des motifs, de son argumentation et de ses moyens, la société COLSUN HISTO FRANCE venant aux droits de COLONY CAPITAL au visa des articles 31,32,122 et 583 du CPC et L 626-5, L 631-19 et R 662-1 du code de commerce conclut :

Confirmer le jugement entrepris,

Déclarer irrecevable la tierce opposition de M. Thierry M. pour défaut d'intérêt à agir ;

Le condamner à payer une somme de 2 500 euros à chacune des parties intimées,

Le condamner aux entiers dépens,

En tout état de cause,

Débouter M. Thierry M. de toutes ses demandes,

Constater que M. Thierry M. a commis des manoeuvres établissant sa mauvaise foi à l'occasion de l'introduction de la tierce opposition ;

Dire et juger que ce comportement fautif engage la responsabilité de son auteur ;

Le condamner au paiement d'une amende civile de 10 000 euros en application de l'article 32-1 du CPC,

Le condamner à payer solidairement à COLSUN HISTO FRANCE la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du CPC,

Le condamner aux dépens.

Elle soutient que la tierce opposition formée par M. Thierry M. en sa qualité d'actionnaire est irrecevable en application des articles 31, 32 et 122 et de l'article 583 du CPC, l'actionnaire n'étant pas un tiers à l'instance et étant représenté dans un litige opposant la société à des tiers par le président et en l'espèce représenté par Me de C. valablement désigné en qualité de liquidateur amiable en application de les articles L 237-19 et R 237-12 al 1er du code de commerce ( confirmée par l'ordonnance de référé le 11 juillet 2019) et dont la désignation par ordonnances d' octobre et novembre 2017 du président du tribunal de commerce n'a jamais été contestée.

Elle rappelle qu'au sein de la SCA LE MOULIN DE VERNEGUES il n'existait qu'un associé commandité, la SAS MARANATHA qui a été placée en redressement judiciaire le 27 septembre 2017 entraînant par la même la dissolution de la SCA LE MOULIN DE VERNEGUES en application de l'article L 222-11 du code de commerce nonobstant le silence des dispositions statutaires (dissolution légale automatique , à savoir la disparition de commandité en redressement judiciaire).

Sur le fond, elle expose que la consultation des créanciers s'est tenue de manière parfaitement conforme à l'article L 626-5 du code de commerce (réunions, site internet, courriers aux investisseurs) et que le plan de continuation a été élaboré en toute transparence vis à vis des investisseurs privés par les co-administrateurs judiciaires conformément aux dispositions de l'article L 631-19 du code de commerce et non par Me de C. qui y a apporté son concours.

Ce plan fait bien une distinction entre les modalités de désintéressement des investisseurs privés et des autres créanciers chirographaires.

Elle soutient en outre que ce plan est parfaitement conforme aux intérêts des investisseurs privés (qui n'ont consenti à aucune remise) et ne prévoit aucune expropriation des investisseurs privés.

Elle explique que les conditions résolutoires prévues par le plan sont parfaitement valables, les assemblées générales des entités concernées demeurant souveraines et libres de voter ou pas les opérations.

Elle ajoute que le principe de mutualisation des risques de tous les investisseurs soutenus par M. Thierry M. a été écarté par les organes de la procédure et par le tribunal dans son jugement du 17 octobre 2018 devenu définitif car elle aboutissait à faire peser sur l'ensemble des investisseurs le risque de faire basculer tous les hôtels du périmètre historique en plan de cession.

A l'instigation des tierces oppositions, M. Olivier C. qui s'est engagé à prendre en charge la totalité des frais et des conséquences financières de ces recours, continue à promouvoir la mutualisation, la globalisation des actifs et du passif des sous-pôles du périmètre historique et à minimiser le passif.

Pour finir, elle rappelle qu'aucun nouveau plan ne pourrait être adopté, les périodes d'observation de 18 mois ont toutes expiré ce qui entrainerait la liquidation judiciaire des structures concernées.

Par conclusions signifiées par le RPVA en date du 7 février 2020, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, de leur argumentation et de leurs moyens, la SCA LE MOULIN DE VERNEGUES , la société LES MANDATAIRES agissant par Me Vincent de C. es qualité de liquidateur amiable de la SCA LE MOULIN DE VERNEGUES, la SELARL AJA & Associés administrateurs judiciaires es qualité de co-commissaire à l'exécution du plan de redressement de la SCA LE MOULIN DE VERNEGUES et la SCP G.& Associés, administrateurs judiciaires , es qualité de co-commissaire à l'exécution du plan de redressement de la SCA LE MOULIN DE VERNEGUES , au visa des articles 31,32, 32-1, 122, 583 du CPC, concluent:

A titre principal,

à la confirmation du jugement entrepris,

A titre subsidiaire, juger l'appel mal fondé,

Condamner M. Thierry M. à verser aux intimés la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Le condamner à verser à chacun des intimés la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du CPC et aux entiers dépens avec distraction conformément à l'article 699 du CPC.

Les intimés soutiennent que la tierce opposition réformation est conditionnée à la démonstration des moyens propres par l'appelant ou d'une fraude à ses droits et la tierce opposition nullité devra établir en plus un excès de pouvoir du juge.

Ils concluent donc à l'irrecevabilité de la tierce opposition en application des article 31, 32, 122 et 583 du CPC.

Ayant été représenté au jugement entrepris par Me Vincent de C., et ne justifiant pas que cette décision a été rendue en fraude de ses droits ou de moyens propres de la collectivité des créanciers, le recours de M. Thierry M. est irrecevable.

Au fond, ils estiment que cette tierce opposition est mal fondée au motif que la consultation des créanciers a été conforme à l'article L 625-5 du code de commerce, que les courriers d'information ne souffraient d'aucune ambiguïté, que le plan a été élaboré en toute transparence vis à vis des investisseurs privés en conformité avec l'article L 631-19 du code de commerce, que l'égalité des créanciers a été respectée avec distinction entre les créanciers chirographaires et les investisseurs privés et que les associés de la SCA restent libres de s'exprimer par leur droit de vote nonobstant l'existence d'une condition résolutoire portant sur la mise en oeuvre d'opérations de restructuration détaillées dans le cadre du plan de redressement.

Par conclusions signifiées le 10 février 2020, auxquelles il est fait référence pour plus ample exposé des motifs, de leur argumentation et de leurs moyens, la SCP B.-T.-S.G. (BTSG) représentée par Me S., prise en sa qualité de co-mandataire de la SCA LE MOULIN DE VERNEGUES et la SCP Louis L. représentée par Me L., pris en sa qualité de co-mandataire de la société CAPITALISATION CESAR concluent à la confirmation du jugement entrepris,

Y ajoutant,

Condamner M. Thierry M. à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du CPC,

Le condamner aux dépens.

Elles soutiennent que la tierce opposition est irrecevable en application de l'article 583 alinéa 1 du CPC, M. Thierry M. n'étant pas un tiers au jugement entrepris.

Elle est aussi irrecevable pour défaut d'intérêt à agir et est infondée, M. Thierry M. n'ayant pas établi que le jugement aurait été rendu en fraude à ses droits et lui causerait un grief personnel.

Elles ajoutent que n'ayant pas la qualité de créancier, M. Thierry M. est mal fondée à critiquer la consultation des créanciers.

Elles exposent que la demande de rétractation de la désignation du liquidateur amiable est soumise aux dispositions de l'article R 237-2 du code de commerce qui impose la saisine par voie d'opposition dans le délai de 15 jours de la publication de l'ordonnance de désignation qui a été faite en l'espèce, les 20 et 21 novembre 2017.

L'organisme AGS CGEA MARSEILLE -UNEDIC AGS a été assigné à personne habilitée et conclusions d'appelante signifiées le 28 janvier 2020. Il n'a pas constitué avocat.

Par avis du 28 mai 2020, le ministère public conclut à la confirmation du jugement entrepris, la tierce opposition de M. Thierry M. devant être déclarée irrecevable au visa des articles L 661-1, L 661-2 du code de commerce et 583 du CPC.

Fixée à l'audience du 3 juin 2020, le conseil de l'appelant a refusé la procédure sans audience prévue par l'article 8 de l'ordonnance du 20 mars 2020 modifiée.

Elle a été renvoyée à l'audience du 23 septembre 2020.

L'affaire a été clôturée par ordonnance du 2 juillet 2020.

SUR CE ;

Sur la recevabilité de la tierce opposition ;

Attendu que l'article 31 du code de procédure civile dispose : « L'action est ouverte à ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. »,

Attendu qu'en application des articles L 661-2 du code de commerce : « Les décisions mentionnées aux 1° à 5° du I de l'article L 661-1 à l'exception du 4°, sont susceptibles de tierce opposition. Le jugement statuant sur la tierce opposition est susceptible d'appel et de pourvoi en cassation de la part du tiers opposant. »,

et

583 du code de procédure civile « Est recevable à former tierce-opposition toute personne qui a un intérêt, à la condition qu'elle n'ait été ni partie, ni représentée au jugement qu'elle attaque.

Les créanciers et autres ayant cause d'une partie, peuvent toutefois former tierce opposition au jugement rendu en fraude de leurs droits, ou s'ils invoquent des moyens qui leur sont propres(...) »;

Attendu qu'en l'espèce, M. Thierry M. est un investisseur privé, associé commanditaire de la SCA LE MOULIN DE VERNEGUES, le commandité étant la société MARANATHA détenant environ 3% du capital de la SCA,

qu'il n'est pas contesté qu'il a le statut d'associé actionnaire de la SCA et revendique le statut de créancier qui n'a pas été contestée par les intimés,

qu'il résulte d'une jurisprudence constante que l'associé ne peut être considéré comme un tiers à l'instance et est représenté dans un litige par le dirigeant de la société débitrice,

que l'appelant conteste la nomination de Me Vincent de C. qu'il estime illégale et irrégulière et soutient qu'il ne pouvait pas être représenté par ce dernier;

mais attendu que Me Vincent de C. a été désigné en qualité de liquidateur amiable par ordonnance du 22 novembre 2017 du président du tribunal de commerce de Marseille, désignation qui a été publiée au BODACC les 13 et 14 janvier 2018,

qu'en application de l'article R 237-12 du code de commerce, cette désignation devait être contestée dans les 15 jours à compter de la publication au BODACC, ce qui n'a pas été le cas,

qu'en outre il est établi que la SCA LE MOULIN DE VERNEGUES avait pour unique associé commandité la société MARANATHA SA qui a été placée en redressement judiciaire par jugement du 27 septembre 2017 entrainant sa dissolution en application de l'article L 222-11 du code de commerce à moins que, s'il existe un ou plusieurs autres associés commandités, la continuation de la société ne soit prévue par les statuts ou que les associés ne le décident à l'unanimité,

que l'application de l'article 19 des statuts de la SCA qui prévoit la continuation de la société même en cas de redressement judiciaire ne peut trouver application qu'en présence de plusieurs associés commandités et en cas de décès de l'unique associé commandité,

que le recours formé contre cette décision a été rejeté par ordonnance de référé du 11 juillet 2019 confirmée par l'arrêt du 1er juillet 2020 rendu par la présente cour,

qu' ainsi la désignation de Me Vincent de C. en qualité de liquidateur judiciaire était donc régulière,

qu'en conséquence, M. Thierry M. était valablement représenté au jugement qu'il conteste par Me Vincent de C.;

Attendu que M. Thierry M. revendique sa qualité de créancier,

qu'il ne peut invoquer une atteinte à ses droits propres ou une atteinte aux intérêts collectifs des créanciers, en sa qualité de créancier du compte-courant de la société, qualité qui n'est pas contestée par les intimées, n'ayant pas démontré par des moyens qui lui sont propres, au sens d'un moyen qu'il serait le seul susceptible de faire valoir,

qu' en effet, l'intérêt propre doit être distinct de la collectivité des créanciers, ( monopole du mandataire judiciaire pour les créanciers),

qu'il ne fait qu'évoquer des moyens communs à la communauté des investisseurs,

qu'enfin, l'appelant n'établit pas que le jugement a été rendu en fraude de ses droits de créancier ou d'associé alors que les créanciers et les associés ont été informés de différentes manières ( courriers, site internet, réunions etc...) et que le jugement entrepris a prévu une restructuration juridique de la société débitrice qui devra être approuvée par le vote des associés,

qu'en conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris qui a déclaré la tierce opposition de M. Thierry M. irrecevable;

Sur les demandes de dommages et intérêts ;

Attendu que les parties intimées sollicitent la condamnation de M. Thierry M. soit à une amende civile sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile, soit à des dommages et intérêts pour procédure abusive,

mais attendu que l' exercice d' une action en justice ne dégénère en abus que s' il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi ou s' il s' agit d' une erreur grave équipollente au dol ce que les parties intimées n'ont pas établi, aucune disposition l’égale n'interdisant à des plaideurs de se regrouper et de bénéficier des largesses de l'ex dirigeant de la société pour faire face aux frais de justice,

qu' il y a donc lieu à confirmer le jugement entrepris qui a rejeté les demandes en dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Attendu que l'équité impose de condamner M. Thierry M. à payer à la société COLSUN HISTO FRANCE venant aux droits de COLONY CAPITAL la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du CPC,

à la SCP B.-T.-S. G. ( BTSG) et à la SCP Louis L. la somme de 3 000 euros,

à la SCA LE MOULIN DE VERNEGUES, à la société LES MANDATAIRES , à la SELARL AJA & Associés et à la SCP G. la somme de 5 000 euros pour chacune;

PAR CES MOTIFS ;

La Cour statuant publiquement et par arrêt de défaut,

Confirme le jugement entrepris ;

Déboute les parties de leurs plus amples prétentions ;

Y ajoutant,

Condamne M. Thierry M. à payer en application de l'article 700 du code de procédure civile à la société COLSUN HISTO FRANCE venant aux droits de COLONY CAPITAL la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du CPC,

à la SCP B.-T.-S. G. ( BTSG) et à la SCP Louis L. la somme de 3 000 euros,

à la SCA LE MOULIN DE VERNEGUES, à la société LES MANDATAIRES , à la SELARL AJA & Associés et à la SCP G. la somme de 5 000 euros pour chacune;

Le condamne aux entiers dépens avec distraction en application de l'article 699 du code de procédure civile.