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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5-7, 4 octobre 2012, n° 2011/16015

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

SOPRODER (SARL)

Défendeur :

Électricité De France (SA), Commission de Régulation de l’Énergie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Remenieras

Conseillers :

Mme Beaudonnet, Mme Meslin

Avocats :

Me Ingold, Me Richier, Me Daboussy, Me Mortemard de Boisse

CoRDiS, 8 juill. 2011, n° 67-38-11

8 juillet 2011

Vu le recours déclaré le 1er septembre 2011 contre la décision prise le 8 juillet 2011 par le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie quant au débat opposant la société à responsabilité limitée Société de Production d' Energies Renouvelables (ci-après société SOPRODER) à la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF) quant aux conditions de raccordement au réseau public de distribution d'électricité, d'une installation de production photovoltaïque située sur l'immeuble SDVI à Cayenne (Guyane).

Vu le mémoire déposé le 28 septembre 2011 par la société SOPRODER complété par ses ultimes observations déposées le 3 avril 2012,

Vu les observations en réplique déposées le 25 janvier 2012 par la société anonyme Electricité de France, ci-après société EDF, complétées par les dernières écritures déposées le 3 avril 2012,

Vu les observations écrites de la Commission de régulation de l'énergie, ci-après CRE, déposées le 28 février 2012.

Vu les observations écrites du ministère public tendant au rejet du recours, mises à la disposition des parties le jour de l'audience.

Vu l'ensemble des pièces du dossier ;

Après avoir entendu à l'audience publique du 14 juin 2012, les conseils des sociétés SOPRODER et EDF ainsi que celui de la CRE, tous mis en mesure de répliquer et le ministère public.

SUR CE,

La compréhension des données factuelles d'un différend servant de support à son analyse juridique, il sera procédé à la présentation des éléments pertinents de celui présentement soumis à la cour de céans préalablement au rappel de son contexte procédural qui permet d'en mesurer exactement les enjeux.

1. les données factuelles du différend, objet du recours de la société SOPRODER

Ces données telles qu'elles ressortent des éléments versés aux débats et notamment, telles qu'exposées dans la décision précitée du Comité de règlement des différends et des sanctions, ci-après CoRDiS, de la CRE se résument de la manière suivante.

La société SOPRODER, société spécialisée dans la production d'électricité à partir d'énergie photovoltaïque, a développé le projet d'une installation de panneaux photovoltaïques d'une puissance de 104,72 KWC intégrée au bâti de l'immeuble SDVI situé 20 lotissement Collery 4 à Cayenne en Guyane (973). Elle a dans ce cadre, adressé à la Direction des Systèmes Energétiques Insulaires (SEI) de la société EDF, par l'intermédiaire de la société Solar Electric Guyane mandatée à cette fin, une demande de raccordement au réseau public de distribution sur le territoire de cette commune le 21 mai 2010.

La déclaration préalable aux travaux de construction, déposée le 1er mars 2010 pour ce projet par l'intermédiaire de la société Solar Electric Guyane avait en effet fait l'objet d'un arrêté de non-opposition.

La société EDF a, en tant que gestionnaire de ce réseau, accusé réception le 3 juin 2010, de la demande du producteur en l'informant de la validation des données techniques de son projet et de ce qu'une convention de raccordement BT lui serait transmise pour le 31 août suivant.

Cette convention n'a été adressée à la société SOPRODER que le 19 novembre 2010 : la lettre correspondante reçue le 26 novembre suivant était accompagnée d'une demande de versement d'un acompte de 2 329,98 euros TTC.

La société SOPRODER a signé la convention adressée le 1er décembre suivant avant de la déposer le lendemain dans les locaux de la société EDF SEI en Guyane accompagnée du chèque d'acompte.

La société EDF a le 8 décembre 2010 retourné à la société SOPRODER la convention de raccordement qu'elle avait signé le 2 décembre précédent. Elle a par lettre du 22 décembre 2010 informé la société SOPRODER que cette convention de raccordement ayant été signée et déposée postérieurement au 1er décembre précédent, le projet correspondant relevait non plus des conditions tarifaires fixées par l'arrêté du 12 janvier 2010 mais des dispositions du décret n° 2010-1510 du 9 décembre de la même année suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil.

Un différend est né entre les parties quant au droit de la société SOPRODER à bénéficier d'une convention de raccordement qui serait réputée acceptée à une date antérieure au 2 décembre 2010.

2. la procédure antérieure à la présente instance

La société SOPRODER a saisi le CoRDiS de la CRE de la demande de règlement de différend suivante, enregistrée le 11 mars 2011 sous le numéro 67-38-11 :

-« constater le manquement commis par la société EDF en raison de l'absence de communication de convention de raccordement dans le délai de trois mois,

-dire que la société EDF n'est pas fondée à se prévaloir du décret du 9 décembre 2010 pour s'opposer à la communication d'une convention de raccordement à la société SOPRODER, -dire que le refus d'accès au réseau public de distribution est fautif » et en conséquence :

-«d'enjoindre à la société EDF de lui soumettre une convention de raccordement dans un délai d'un mois à compter de la date de notification à la société EDF de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et de prendre acte que l'acceptation de cette convention de raccordement par la société SOPRODER doit être réputée donnée à une date antérieure au 2 décembre 2010,

-enjoindre à la société EDF de réintégrer son projet dans la file d'attente des projets ayant fait l'objet d'une convention de raccordement signé avant le 2 décembre 2010,

-prendre toutes mesures utiles pour mettre la société SOPRODER en mesure de bénéficier de l'obligation d'achat aux conditions tarifaires fixées par l'arrêté du 12 janvier 2010,

-enjoindre à la société EDF de prendre toute mesures utiles pour mettre la société SOPRODER en mesure de bénéficier de l'obligation d'achat aux conditions tarifaires fixées par l'arrêté du 12 janvier 2010,

-et à titre subsidiaire, de

-« condamner la société EDF à réparer le préjudice financier subi par la société SOPRODER, constitué des frais qu'elle a engagés pour la réalisation de son installation de production d'électricité et de la perte résultant de l'impossibilité de bénéficier de l'obligation d'achat aux tarifs fixés par l'arrêté du 12 janvier 2010 ».

Le CoRDiS a le 8 juillet 2011, notamment décidé de :

-surseoir à statuer sur les demandes relatives au décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010, dans l'attente de l'intervention de la décision au fond du Conseil d'Etat sur l'appréciation de la légalité de ce décret,

-rejeter les autres demandes de la société SOPRODER, en expliquant que 1) il entrait bien dans sa compétence de connaître des questions liées aux modalités de raccordement d'une installation de production au réseau public de distribution, 2) le non-respect du délai convenu de trois mois ne permettait pas, si regrettable qu'il soit, de considérer que la société SOPRODER devait être réputée avoir accepté dès l'expiration de ce délai, soit pour le 31 août 2010, une convention de raccordement qui lui avait été adressée le 19 novembre 2010, 3) la demande relative à l'obligation d'achat d'électricité aux conditions tarifaires fixées par l'arrêté du 12 janvier 2010 ne correspondait pas à l'une des catégories limitativement énoncées par l'article 38 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, 4) il ne lui appartenait pas de condamner une des parties à la réparation d'un préjudice subi du fait de l'inexécution par l'autre partie de ces obligations.

Le Conseil d'Etat a statué le 16 novembre 2011 (CE, 16 novembre 2011, Société Ciel et Terre et autres, n° 344972). Il a rejeté l'ensemble des recours en annulation dirigés contre le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 en indiquant que cet acte réglementaire ne méconnaissait aucun principe général du droit national, y compris le principe de non-rétroactivité des actes administratifs.

Les motifs du recours en annulation et en réformation de la société SOPRODER seront développés dans le cadre des motifs de cette décision.

CELA ETANT EXPOSE,

LA COUR,

Considérant que la cour est aujourd'hui saisie du bien fondé d'un recours en annulation ou en réformation d'une décision du CoRDiS formé au visa combiné des articles L.134-21 et L.134-24 du code de l'énergie ainsi que des articles 8 et 9 du décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 relatif aux procédures applicables devant la CRE dans un différend né, entre une société productrice d'électricité (la société SOPRODER) et le gestionnaire du réseau de raccordement (la société EDF) ;

Considérant que pour des besoins spécifiques au présent litige, il apparaît préalablement utile de clarifier le contexte législatif et réglementaire dans lequel la demande de la société SOPRODER a été formée et instruite, ce contexte ayant d'ailleurs été exposé au moins en partie dans les écritures des parties ;

- considérations préalables : le contexte juridique du recours examiné

Considérant que le cadre général du développement des énergies renouvelables est d'abord fondé sur les dispositions de la directive 2001/77/CE du 27 septembre 2001 qui, en cohérence avec le protocole de Kyoto, vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre de l'Union européenne en fixant aux Etats membres un objectif indicatif de développement des sources d'électricité renouvelable ;

Que jusqu'en décembre 2010 le gouvernement, dans le sillage des directives et les lois nationales, a fondé le développement du photovoltaïque sur deux outils incitatifs : une obligation d'achat de l'énergie produite par un certain nombre d'installations, d'une part et un tarif d'achat avantageux au regard des conditions générales du marché de l'électricité imposé à la société EDF, d'autre part ;

Considérant que l'article 10 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, depuis codifié à l'article L. 314-1 du code de l'énergie, et l'article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000, en vigueur au moment des faits, imposent ainsi à la société EDF d'acheter au producteur, l'électricité qu'il produit au moyen d'installations photovoltaïques dont la puissance, attestée par un certificat ouvrant droit à l'obligation d'achat délivrée par le préfet, est inférieure ou égale à 12 MW ;

Que les conditions tarifaires de ces achats d'électricité ont été fixées par des arrêtés ministériels successifs tels ceux des, 13 mars 2000, 10 juillet 2006, 12 janvier 2010 (complété par un arrêté du 16 mars 2010 définissant le régime transitoire applicable aux projets en cours) et 31 août 2010, chaque arrêté abrogeant la grille tarifaire fixée par le précédent ;

Considérant encore que les arrêtés des 12 janvier puis 31 août 2010 ont marqué un changement d'orientation de la politique d'encouragement à la production d'électricité photovoltaïque, en fixant des tarifs moins favorables que ceux en vigueur jusqu'alors ; que toutefois, afin de limiter les effets négatifs de la nouvelle grille tarifaire sur le projet en cours, l'arrêté du 31 août 2010 a expressément prévu, au titre des dispositions transitoires, que les installations ayant fait l'objet d'une demande complète de raccordement au réseau avant le 2 septembre 2010, pouvaient bénéficier des conditions tarifaires définies par l'arrêté précédent, plus favorables, du 12 janvier 2010 (article 8) ;

Considérant que le décret n° 2101-1510 du 9 décembre 2010 a suspendu l'obligation d'achat d'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil et a instauré un moratoire de 3 mois (expirant le 11 mars 2011 inclus) quant à l'obligation de conclure un contrat d'achat d'électricité photovoltaïque pesant sur la société EDF ; que ce même décret a cependant prévu que cette suspension ne s'appliquait ni aux projets dont la puissance est inférieure ou égale à 3 kW (article 2) ni à ceux pour lesquels le producteur a notifié, avant le 2 décembre 2010, son acceptation de la proposition de raccordement établie par le gestionnaire du réseau (article 3), l'administration ayant précisé que la date de notification correspond à la date d'envoi ;

Considérant que ce décret a été déféré à la censure du Conseil d'Etat lequel a, dans un premier temps, rejeté la demande de suspension en estimant que la condition d'urgence n'était pas remplie puis, sur le fond, a rejeté l'ensemble des recours formés devant lui et jugé le décret légal, confirmant ainsi la suspension de l'obligation d'achat ;

Considérant que l'arrêté tarifaire du 4 mars 2011 publié lors du prononcé de la décision du CoRDiS et annonçant la sortie du moratoire précité concerne les nouveaux projets soit ceux pour lesquels une demande complète de raccordement a été envoyée au gestionnaire du réseau à compter du 10 mars 2011 ; que l'arrêté tarifaire du 31 août 2010, abrogé par l'arrêté du 4 mars 2011, reste applicable aux projets respectant les critères de date énoncés dans le décret du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat des installations de taille et de forme modestes (installations de production d'électricité issue de l'énergie radiative du soleil pour lesquelles la somme des puissances crêtes situées sur la même toiture ou la même parcelle est inférieure ou égale à 3 kilowatts) qui ont fait l'objet d'une demande complète de raccordement auprès des gestionnaires de réseau public avant la fin de la période de suspension mentionnée à l'article 1er de ce décret ; que l'arrêté tarifaire du 12 janvier 2010 reste applicable aux projets pour lesquels une demande complète de raccordement a été formulée avant le 2 septembre 2010 et respectant les critères de date énoncés dans le décret du 9 décembre 2010 pour suspension de l'obligation d'achat ;

Considérant que le mécanisme d'obligation d'achat de la production d'électricité des énergies renouvelables, en ce compris le photovoltaïque, et le tarif privilégié sont financés par la contribution au service public d'électricité (CSPE) instituée par la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003, prélevée sur toutes les factures d'électricité ; qu'enfin, la participation du producteur au financement du coût de raccordement prévu à l'article L. 342-6 du code de l'énergie, fait l'objet, pour les installations de production à partir de sources d'énergie renouvelable, d'aménagements prévus à l'article L. 342-12 du même code ;

Considérant que l'accès des tiers au réseau est donc un droit attaché à la signature d'un contrat de vente d'énergie électrique, limité sur le plan technique et juridique pour tenir compte de l'intérêt général et des missions de service public des gestionnaires de réseau ; que la possibilité d'accéder au réseau électrique, c'est-à-dire celle d'y injecter de l'énergie lorsque l'on est producteur, nécessite en pratique une opération de raccordement réalisée par les gestionnaires de réseau ; que cette opération recouvre trois actions différentes qui sont, le branchement dont le financement relève du demandeur de raccordement, l'extension du réseau, dont le financement dépend de la qualité du demandeur de raccordement et de la nature des travaux et enfin, le financement du réseau, qui est à la charge du gestionnaire ;

Considérant enfin que les demandes de raccordement au réseau basse tension sont instruites par la société EDF SEI conformément aux prescriptions édictées par les documents techniques de référence établis par ERDF ; que le document technique de référence ERDF-PRO-RES-21E relatif à la procédure de traitement des demandes de raccordement au réseau public de distribution des installations de production d'électricité, de puissance supérieure à 36 kVA, applicable au 26 avril 2010, fixe ainsi le délai au terme duquel le gestionnaire du réseau doit adresser une proposition de raccordement au producteur à trois mois (article 4.2.1.3) ; que l'article 4.7 de ce document confirme ce délai de réponse imparti à ERDF et à EDF SEI ; que par ailleurs, le document technique de référence ERDF-PRO-RAC-14E relatif à la procédure de traitement des demandes de raccordement individuel en BT de puissance supérieure à 36 kVA et en HTA au réseau public de distribution gérée par ERDF, applicable au 3 juillet 2010 et ayant annulé et remplacé le document technique de référence n° ERDF-PRO-RES-21E précitée, a confirmé l'ensemble de ces exigences (articles 7.2.3. et 8.2.1.) ;

Considérant cela rappelé, que la société SOPRODER soulève principalement deux moyens d'illégalité tandis que pour sa part, la société EDF réitère son moyen tiré de l'incompétence du CoRDiS pour trancher le différend l'opposant au producteur d'électricité requérant ;

1. sur la compétence du CoRDiS pour trancher le règlement du différend introduit par la société SOPRODER

Considérant que la société EDF plaide que les demandes soumises au CoRDiS ne portaient pas sur des difficultés liées à l'accès au réseau d'électricité ; que ces demandes tendaient seulement à obtenir une décision dont la société requérante aurait ensuite pu se prévaloir du chef de l'obligation d'achat d'électricité imposée au gestionnaire de réseau par le législateur pour échapper à l'application du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 ; qu'en contestant les conditions de traitement de sa demande de raccordement et en demandant au CoRDiS, d'enjoindre au gestionnaire de réseau de soumettre au producteur une convention dans le mois de la notification de la décision à intervenir, de prendre acte en sa qualité d'acheteur d'électricité que l'acceptation de ce producteur doit être réputée donnée à une date antérieure au 2 décembre 2010, d'enjoindre à la société EDF Direction SEI de réintégrer le projet du producteur dans la file d'attente de ceux ayant fait l'objet d'une convention de raccordement signée avant le 2 décembre 2010, la société requérante cherchait en réalité à disposer d'un titre administratif l'excluant du champ d'application du nouveau régime d'obligation d'achat dont les conditions financières, fixées par arrêté du 4 mars 2011, sont moins avantageuses que celles fixées par l'arrêté précédent du 12 janvier 2010 pour pouvoir dans un second temps revendiquer le bénéfice de ce dernier ; que le différend concernait exclusivement les conditions tarifaires d'achat de l'électricité devant être produite dans le cadre du projet en cause, sans relever d'aucun des cas visés par l'article 38 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 ; qu'il ne s'agissait pas d'un différend entre un gestionnaire et l'utilisateur d'un réseau public d'électricité lié aux conditions d'accès au réseau ou à son utilisation mais d'un débat portant sur les conditions, permettant à un utilisateur d'électricité de bénéficier d'un contrat d'obligation d'achat soumis à des conditions réglementaires favorables ;

Qu'elle souligne que la société SOPRODER ne se plaignait d'ailleurs pas des conditions techniques ou financières de raccordement qu'elle lui a proposées et les avait au demeurant acceptées en signant la convention de raccordement qui lui avait été transmise ;

Qu'elle conclut encore, qu'étant en situation de compétence liée, le CoRDiS ne pouvait que rejeter les demandes dont il était saisi ; qu'il n'y a aucun intérêt à annuler une décision que l'administration était tenue de prendre ;

Considérant que la société SOPRODER conteste cette approche qu'elle analyse comme une qualification inexacte de l'objet de sa demande ;

Qu'elle observe avoir en réalité, uniquement cherché à faire sanctionner la carence fautive dont la société EDF a fait preuve dans l'instruction de sa demande de raccordement pour voir reconnaître qu'une convention de raccordement devait être réputée avoir été acceptée à son bénéfice antérieurement au 2 décembre 2010 ; qu'elle reproche à la société EDF de confondre l'objet effectif de la demande de règlement d'un différend portant sur les conditions dans lesquelles le gestionnaire de réseau a exercé sa mission avec la finalité du processus d'achat d'électricité dont la demande de raccordement constitue une étape essentielle et indispensable ; qu'elle conclut pour ces raisons au rejet de ce moyen d'irrecevabilité ;

Vu ensemble les articles L.134-19 ayant codifié l'article 38 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 et L.134-20 du code de l'énergie ;

Considérant qu'aux termes de ces dispositions le CoRDiS est compétent « en cas de différend entre les gestionnaires et les utilisateurs des réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité (') portant « sur l'accès aux dits réseaux, ouvrages et installations ou à leur utilisation, notamment en cas de refus d'accès ou de désaccord sur la conclusion, l'interprétation ou l'exécution des contrats mentionnés aux articles L.111-91 à L.111-94, L.321-11 et L.321-12 ('), la saisine du comité est à l'initiative de l'une ou l'autre des parties. » ; que par ailleurs, « la décision du comité, qui peut être assortie d'astreintes, est motivée et précise les conditions d'ordre technique et financier de règlement du différend dans lesquelles l'accès aux réseaux, ouvrages et installations mentionnés à l'article L.134-19 ou leur utilisation sont, le cas échéant, assurés » ; qu'en outre « lorsque cela est nécessaire pour le règlement du différend, le comité peut fixer, de manière objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée, les modalités de l'accès aux dits réseaux, ouvrages et installations ou les conditions de leur utilisation. » ;

Que l'article L.111-91 du code de l'énergie précité, dont l'application a précisément pour effet de matérialiser le droit d'accès au réseau électrique, prévoit le cas de l'exécution des contrats d'achat d'électricité ;

Considérant précisément qu'il s'infère des faits et de la procédure ci-avant énoncés, que la société requérante a soumis à l'examen du CoRDiS un différend lié à l'accès d'un projet d'installation au réseau public de distribution géré par la société EDF SEI ; qu'elle critique essentiellement la carence dont le gestionnaire de réseau a fait preuve en lui communiquant les conditions techniques et financières du raccordement en cause dans un délai de 6 mois au lieu des 3 mois visés par les textes applicables lors du dépôt de cette demande en expliquant que ce comportement l'a subséquemment mise dans l'impossibilité d'obtenir une convention de raccordement dans des délais lui permettant de poursuivre un projet lancé dans les conditions envisagées au départ, sur la base de la grille tarifaire fixée par l'arrêté du 12 janvier 2010 ; que partant, elle a saisi le CoRDiS du désaccord né entre elle et le gestionnaire quant à la conclusion d'un contrat d'accès au réseau en observant que les difficultés d'accès qu'elle a rencontrées en raison du comportement fautif du gestionnaire, justifiaient une application de la réglementation antérieure à celle fixée par le décret du 9 décembre 2010 ;

Qu'en réalité, sous couvert d'une exception d'incompétence, la société EDF se prévaut d'une exception d'irrecevabilité manifestement non fondée dès lors que l'intérêt de la requérante à l'exercice d'un recours contre une décision lui faisant grief reste établi ;

Considérant que sur cette constatation et pour l'ensemble de ces raisons, ce premier moyen sera écarté ;

2. sur les prétendues erreurs manifestes d'appréciation du CoRDiS

Considérant qu'aux termes du recours exercé par la société productrice ces erreurs s'analysent d'une part, en une dénaturation de la demande déférée au CoRDiS et d'autre part, en une erreur de droit tirée de la décision de sursis à statuer dans l'attente de la décision du Conseil d'Etat saisi de la question de la légalité du décret du 9 décembre 2010 puisque ce décret ne lui serait pas opposable ;

2.1. en ce qui concerne le moyen tiré de la dénaturation de la demande de la société SOPRODER

2.1.1. s'agissant de la dénaturation du périmètre de la demande de la société SOPRODER

Considérant que la société SOPRODER observe qu'ayant adressé sa demande de convention de raccordement le 21 mai 2010 soit avant le 2 décembre 2010, elle a pu légitimement estimer compte tenu de la réglementation alors applicable, que ses droits au maintien des conditions d'achat fixées par l'arrêté du 12 janvier 2010 seraient cristallisés par le double effet de l'obligation d'achat instituée par l'article 10 de la loi du 10 février 2000 et des dispositions transitoires de l'arrêté du 31 août 2010 ; que partant, l'instruction de sa demande de raccordement dans des conditions conformes à la réglementation applicable, ne pouvait que lui garantir le bénéfice de cet arrêté ; que l'instruction défaillante de sa demande que le CoRDiS s'est refusée de sanctionner la prive aujourd'hui de cet avantage, la société gestionnaire (EDF SEI) ne lui ayant en effet transmis la proposition attendue que le 19 novembre 2010 et l'ayant de facto, privée de la faculté de manifester un quelconque accord dans les délais utiles ;

Qu'elle ajoute que le CoRDiS s'est borné à reconnaître la réalité du manquement commis par la société EDF sans en tirer les conséquences logiques alors qu'il aurait du considérer, non pas qu'un accord tacite sur une proposition de raccordement devait nécessairement être réputé intervenu à l'expiration des trois mois réglementaires d'instruction ainsi que le soutient la société EDF mais plus exactement, qu'une instruction de la demande de raccordement conforme aux textes applicables aurait nécessairement conduit le producteur à manifester dans les délais utiles soit avant le 2 décembre 2010, son accord sur la proposition de raccordement reçue à la date annoncée ; qu'il existe donc une différence fondamentale entre ce qu'elle a effectivement demandé au CoRDiS et la demande que ce dernier a rejetée ; que dès lors que le CoRDis a statué sur la question de savoir si la date d'acceptation de la proposition technique et financière pouvait être réputée intervenue le 31 août 2010 et non pas simplement à une date antérieure au 2 décembre 2010 soit au cours de la période comprise entre le 31 août et le 31 novembre 2010, la décision attaquée a à l'évidence, dénaturé l'objet de sa demande et subséquemment commis une erreur de droit justifiant sa pleine annulation ;

Considérant que la société EDF conteste l'existence d'une quelconque dénaturation en objectant que la société requérante ayant demandé au CoRDiS de prendre acte que son acceptation de la convention de raccordement devait être réputée donnée à une date antérieure au 2 décembre 2010, celui-ci a légitimement pu se prononcer sur la non-intervention de cet accord à l'expiration du délai d'instruction en cause, soit le 31 août 2010 ou ultérieurement ;

Qu'elle ajoute que quoi qu'il en soit, le CoRDiS s'est pleinement prononcé sur les demandes dont il était saisi dans le dispositif de sa décision de sorte que ce premier moyen d'annulation doit être écarté ;

Considérant qu'il ressort des énonciations de la décision attaquée que le périmètre du litige figé par la saisine de la société SOPRODER était notamment exprimé dans les termes suivants : « prendre acte que l'acceptation de cette convention de raccordement par la société SOPRODER doit être réputée donnée à une date antérieure au 2 décembre 2010 » ; que partant, l'article 1er du dispositif de cette même décision disant rejeter la demande tendant à ce que la société requérante soit « réputée avoir accepter avant le 2 décembre 2010 la convention de raccordement signée le 1er décembre 2010 » au motif que « le non-respect du délai [de trois mois], si regrettable qu'il soit, ne permet pas de considérer que la société SOPRODER doit être réputée avoir accepté dès l'expiration de ce délai, soit le 31 août 2010, une convention de raccordement qui ne lui a été adressée que le 19 novembre 2010 » permet de conclure que la décision du CoRDiS n'est de ce chef, entachée d'aucune erreur de droit pour cause de dénaturation ; qu'il apparaît s'être en réalité, pleinement prononcé sur les demandes dont il était saisi ;

Que sur cette constatation et pour cette raison, ce premier moyen sera rejeté ;

2.1.2. s'agissant du moyen tiré de la dénaturation de l'objet même de la demande de la société SOPRODER

Considérant que la société SOPRODER critique le rejet de sa demande tendant au bénéfice des conditions tarifaires issues de l'arrêté du 12 janvier 2010 du fait du non-respect par le gestionnaire du réseau concerné de son obligation de transmettre au producteur d'électricité, une offre de raccordement dans le délai réglementaire de 3 mois maximum ;

Qu'elle explique que dans la pratique les gestionnaires de réseaux, en ce compris la société EDF SEI elle-même, ont appliqué les textes concernés avec souplesse lorsque, en raison de la carence qu'ils avaient manifestée dans l'instruction des demandes de raccordement qui leur avaient été adressées, un producteur d'électricité se trouvait ipso facto soumis à des dispositions moins favorables que celles auxquelles il pouvait initialement prétendre ; qu'au cas présent, rien ne peut justifier le retard important avec lequel la société EDF SEI a instruit ce dossier puisque cette société n'a dû faire face à aucune difficulté particulière de traitement des demandes de raccordement au cours de l'été 2010 ainsi qu'en attestent les graphiques établis par elle ; que quoi qu'il en soit, le manquement de cette société lui cause un préjudice direct ; qu'il n'est pas sérieux de soutenir que l'on ne peut être certain qu'elle aurait accepté la proposition de raccordement avant le 31 novembre 2010 si celle-ci avait été adressée dans des délais initialement convenus, dès lors qu'elle justifie avoir fait preuve de célérité en signant le 1er décembre 2010, dans les délais octroyés, la proposition technique et financière reçue le 26 novembre précédent pour la déposer le lendemain soit le 2 décembre 2010 dans les locaux de la société EDF SEI en Guyane ; que le règlement des différends soumis aujourd'hui à la cour n'exige pas de s'interroger sur les difficultés de principe qu'il y aurait à reconnaître qu'une proposition de raccordement tacite est née le 31 août 2010 puisque la société EDF lui a bien adressé une proposition de raccordement le 26 novembre 2010 qu'elle a acceptée ; qu'il était simplement demandé au CoRDiS et aujourd'hui à la cour d'appel de Paris, de considérer que cette proposition de raccordement expresse doit être réputée avoir été acceptée par elle avant le 2 décembre 2010, eu égard à la faute commise par la société EDF SEI dans l'exercice de ses missions réglementaires ;

Considérant que la société EDF réplique que le délai de trois mois dont elle disposait pour adresser une convention de raccordement au producteur requérant tel qu'il est prévu dans les documents techniques de référence ERDF-PRO-RES-21E et ERDF-PRO-RAC-14E, est un délai indicatif et non impératif ; qu'il ne s'agit que d'un objectif interne que se donne le gestionnaire de réseau pour traiter dans les meilleurs délais possibles, les demandes dont il est saisi, sans que cet objectif soit assorti d'une quelconque sanction ; que c'est par conséquent à juste titre et à suffisance de droit, que la décision attaquée précise qu'aucune obligation de résultat quant au respect d'un tel délai ne se trouvait être imposée à la société ERDF ; que quoi qu'il ne soit, elle a traité la demande de la société SOPRODER dans les meilleurs délais possibles, selon les conditions qui prévalaient alors ; qu'elle a du à cette période, faire face à un afflux massif de demandes de raccordement des producteurs ; que l'annonce le 23 août 2010 par le Ministre de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement Durable et de la Mer et le Ministre de l'Economie, de l'Industrie et de l'Emploi d'une baisse des tarifs réglementaires applicables aux projets professionnels et aux grosses installations, a amplifié la hausse des demandes ; qu'aucun manquement véritable ne saurait donc lui être reproché compte tenu de l'action du Gouvernement à cette période, assimilable à une cause étrangère ;

Considérant qu'il est constant au cas présent que le délai de 3 mois institué dans le cadre de la procédure de traitement des demandes de raccordement au réseau de distribution d'électricité pour transmettre une offre de raccordement au producteur n'a pas été respecté ;

Que toutefois il ressort des textes ci-dessus rappelés, que ce délai n'est pas assorti de sanction et qu'il n'est pas assimilable à une obligation de résultat ; qu'il ne saurait en être conclu que la société SOPRODER doit être réputée avoir accepté dès l'expiration de ce délai soit le 31 novembre 2010, une convention de raccordement qu'il n'a reçue que le 26 novembre précédent sauf, à créer ex nihilo une situation de droit qui ne relève que de la compétence du pouvoir législatif ou réglementaire ; qu'en décider autrement, aurait conduit la société EDF à faire preuve de discrimination envers les autres producteurs au mépris des dispositions de l'article L.322-9 du code de l'énergie ; que quoi qu'il en soit, une proposition technique et financière ne s'assimile pas à une acceptation pure et simple de la demande de raccordement mais constitue une proposition détaillée identifiant les conditions techniques auxquelles le producteur doit satisfaire (solution de raccordement, travaux d'extension, de branchement ou de renforcement nécessaires, position du point de livraison, acompte à verser...), à l'issue d'une étude technique réalisée par la société EDF ;

Considérant que sur ces constatations et pour cette raison, ce moyen d'annulation sera écarté ;

2.2. en ce qui concerne l'erreur de droit du CoRDiS quant au sursis à statuer prononcé

Considérant que la société SOPRODER reproche encore au CoRDiS d'avoir commis une erreur de droit en décidant de surseoir à statuer sur le surplus des demandes dont il se trouvait saisi, dans l'attente de l'appréciation par le Conseil d'Etat de la légalité du décret du 9 décembre 2010 qui lui avait été déféré ;

Qu'elle souligne que ce décret est dépourvu de tout effet juridique sur la demande de raccordement qu'elle a déposée ; qu'il lui est inopposable, la situation où elle s'est trouvée résultant de la seule carence du gestionnaire du réseau considéré ;

Considérant que la société EDF relève pour sa part qu'il ne lui appartenait pas de décider d'écarter l'application de ce décret ainsi que l'a déjà rappelé le CoRDiS dans le cadre de sa pratique décisionnelle passée ;

Considérant qu'il s'infère de la motivation développée aux points 2.1.1 et 2.1.2 de cette décision que les demandes dont le CoRDiS étaient saisies concernaient bien l'applicabilité du décret du 9 décembre 2010 au projet photovoltaïque développé par la requérante ; que partant, c'est à bon droit que le CoRDiS a souverainement décidé, dans un souci de bonne administration de la justice, de surseoir à statuer dans l'attente de la décision à venir du Conseil d'Etat saisi de la question de la légalité de ce décret ;

Que sur ces constatations et pour ces raisons, ce dernier moyen sera écarté ;

Vu l'article 696 du code de procédure civile ;

Considérant que la société SOPRODER qui succombe, sera condamnée au entiers dépens de cette instance,

Vu l'article 700 du code de procédure civile ;

Considérant qu'aucune considération d'équité ne commande de faire droit à la demande de la société EDF tendant à l'attribution d'une indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Par ces Motifs,

Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire,

REJETTE en tous ses moyens, fins et conclusions, le recours formé par la société à responsabilité limitée Société de Production d'Energies Renouvelables (SOPRODER) contre la décision du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie du 8 juillet 2011 dans le différend qui l'opposait à la société Electricité Réseau de Distribution France (ERDF) relatif aux conditions de raccordement d'une installation de production photovoltaïque au réseau public de distribution d'électricité située sur l'immeuble SDVI 20ZI Collery 4 situé à Cayenne (Guyane),

RAPPELLE que cette décision, objet du dit recours, demeure inchangée pour produire ses entiers effets,

CONDAMNE la société à responsabilité limitée Société de Production d'Energies Renouvelables aux entiers dépens de cette instance,

DIT n'y avoir lieu à attribution d'une indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.