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Décisions

Cass. com., 22 janvier 2020, n° 18-20.362

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Alain Bénabent, SCP Claire Leduc et Solange Vigand

Colmar, du 23 mai 2018

23 mai 2018

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (deuxième chambre civile, 27 février 2014, pourvoi n° 12-26.998), que le 12 avril 1990, M. M... a acquis un ensemble immobilier au moyen de trois prêts d'un montant total de 110 810 000 francs, consentis par la société de droit italien Intesa Sanpaolo SPA, venant aux droits de la société Caripolo Banque (la banque) ; que les prêts étaient remboursables dans le délai d'un an pour le prêt principal et de deux ans pour les deux autres, la banque bénéficiant d'un privilège de prêteur de deniers de premier rang ; que M. M... a été mis en redressement judiciaire le 6 mai 1993, puis en liquidation judiciaire le 3 novembre 1994, M. W..., aux droits duquel est venue la SCP [...] , étant désigné mandataire à la liquidation judiciaire ; que la procédure de liquidation a été étendue à Mme M... le 5 janvier 1995 ; qu'après la réalisation de l'immeuble par adjudication publique, au prix de 17 millions de francs, le liquidateur a recherché la responsabilité de la banque du chef de crédit ruineux et soutien abusif ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le deuxième moyen, pris en ses première et seconde branches :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que pour condamner la banque à réparer le préjudice causé par l'octroi de crédits ruineux et le soutien abusif, l'arrêt retient que le préjudice est constitué par la différence entre la situation patrimoniale qui aurait existé et celle qui existe du fait de la faute de la banque, qu'en l'espèce, les créances, frais et charges de la procédure collective représentent la somme totale de 58 339 098,77 euros à déduire le prix de revente de l'immeuble correspondant au prix d'adjudication soit 2 698 347,61 euros outre le produit des autres ventes réalisées à hauteur de 2 145 837,09 euros, ce qui correspond à la situation actuelle de 55 640 751,16 euros, la créance de la banque correspondant à 23,2 millions de francs, soit 41 % arrondi de la somme de 55 640 751,16 euros, de sorte que le préjudice est égal à la somme de 55 640 751,16 X 41%= 22 812 707,97 euros ;

Qu'en statuant ainsi, sans expliquer pourquoi elle retenait comme préjudice réparable, non la seule aggravation de l'insuffisance d'actif due à la faute de la banque, mais la totalité de l'insuffisance d'actif actuelle et pourquoi elle estimait que la banque devait réparer le préjudice en fonction de la proportion, dont le taux est au demeurant incompréhensible, existant entre le montant de sa créance libellée en francs et celui de l'insuffisance d'actif calculée en euros, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Et sur le troisième moyen, qui est recevable, comme étant de pur droit :

Vu l'article L. 622-29 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que le montant de l'actif, distraction faite des frais et dépens de la liquidation judiciaire et des subsides accordés au chef d'entreprise ou aux dirigeants ou à leur famille, est réparti entre tous les créanciers en tenant compte de leur rang ; que la condamnation d'un créancier à réparation pour octroi d'un crédit ruineux ou soutien abusif ne le prive pas du bénéfice de cette répartition en fonction de son rang ;

Attendu que l'arrêt retient qu'étant à l'origine du préjudice, la banque ne pourra faire valoir sa créance sur l'actif distribuable du patrimoine de M. M... qu'après le complet désintéressement des créanciers de ce dernier ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé, par refus d'application, le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz.