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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 6 octobre 2015, n° 14/06528

VERSAILLES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

NEUBAUER (SA)

Défendeur :

VILP (Sté civ.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Monsieur Alain PALAU

Conseillers :

Monsieur Denis ARDISSON, Monsieur François LEPLAT

Avocats :

Me Christophe D., Me Isabelle-anne A., SARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Cabinet R.

Nanterre, du 26 mai 2014

26 mai 2014

Par acte du 11 mai 1995, Monsieur S., aux droits duquel se trouve la SCI Vilp, a donné à bail, en renouvellement, à la société Perrot Asnières, aux droits de laquelle se trouve la SA Neubauer, des locaux commerciaux situés [...].

 

Le bail décrit des locaux d'environ 1.415 m² consistant en un pavillon à usage d'habitation et en un bâtiment à usage de garage dans lequel sont comprises 5 petites boutiques en façade sur rue faisant l'objet de sous-locations.

 

L'activité exercée est celle de vente et réparation de véhicules automobiles.

 

Le bail, d'une durée de 9 ans à compter du 17 juin 1994, s'est poursuivi par tacite reconduction.

 

Par acte du 28 septembre 2009, la SCI Vilp a donné congé pour le 31 mars 2010 avec offre de renouvellement moyennant un loyer annuel principal de 232.900 euros.

 

Par acte du 31 mars 2010, la société Neubauer a fait part de son accord pour renouveler le bail mais a refusé le montant du loyer demandé.

 

Par jugement du 22 octobre 2012, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Nanterre a constaté le renouvellement du bail au 1 er avril 2010, dit que le loyer du bail renouvelé n'était pas soumis à la règle du plafonnement et ordonné une mesure d'expertise confiée à Monsieur Le V..

 

L'expert a déposé son rapport le 28 octobre 2013.

 

Il a conclu à une valeur locative dans le cadre d'un renouvellement de 214.000 euros au 1 er avril 2010.

 

Il a relevé que les locaux se trouvaient dans un quartier d'habitation dans lequel les immeubles collectifs étaient bien représentés et que la [...] était une voie commerçante à circulation automobile dense avec stationnement sur les deux côtés. Il a relevé qu'une station de métro et la gare SNCF étaient à environ un kilomètre des locaux. Il a conclu à une « bonne adéquation » de l'emplacement avec l'activité exercée.

 

Il a décrit un immeuble ancien de type industriel présentant une importante façade, élevé d'un rez de chaussée et de deux étages droits.

 

Il a noté, au rez de chaussée, la présence d'un hall d'exposition avec une façade de 8 mètres dont la presque totalité en vitrine pure, d'un important poteau en partie centrale, d'un escalier au fond desservant le premier étage. Il a fait état de 11 bureaux au rez de chaussée dont l'un, vaste, destiné à la réception de la clientèle et au service après-vente. Il a relevé l'existence d'un atelier d'entretien et mécanique rapide, de trois ponts élévateurs, d'une aire de lavage, d'un atelier et d'une cabine de peinture, de sanitaires et d'une rampe d'environ 3, 40 mètres desservant le 1er étage.

 

Il a constaté, au premier étage, une salle de réunion, deux bureaux, une aire de livraison et de stationnement des véhicules d'une capacité d'accueil de 20 automobiles, des zones de stockage des pièces détachées et des poubelles et une rampe de hauteur de 1, 94 mètre desservant le 2 ème étage.

 

Il a fait état au 2ème étage bas de l'existence d'une aire de préparation des véhicules (d'une capacité d'accueil de 5 automobiles) et au 2 ème étage d'un atelier de mécanique et de tôlerie pouvant accueillir 20 véhicules, de trois ponts élévateurs, de sanitaires, d'un réfectoire, d'un vaste magasin de pièces détachées et bureau d'accueil, de réserves et de locaux d'archives.

 

Il a considéré que le hall d'exposition et 5 bureaux au rez de chaussée étaient en bon état et que les autres locaux étaient en état d'usage.

 

L'expert a également décrit une boutique, faisant l'objet d'une sous location, numéro 1, au rez de chaussée, de configuration rectangulaire, à usage de vente de prêt à porter avec, au fond, un atelier de confection. Il a mesuré un linéaire de façade de 7,20 mètres dont la presque totalité de vitrine pure.

 

Il a fait état d'une boutique numéro 2, au rez de chaussée, à usage de vente de matériel de télévision satellite faisant également l'objet d'une sous location qu'il n'a pu visiter. Il a noté un linéaire de façade de 3,20 mètres.

 

Il a décrit une boutique numéro 3 au rez de chaussée à usage de serrurerie, faisant l'objet d'une sous location, de configuration rectangulaire au linéaire de façade de 3,20 mètres dont la presque totalité en vitrine pure. Il a mentionné la présence d'une arrière boutique comprenant deux pièces.

 

Enfin, il a mentionné une maison ancienne, en moellon de meulière, élevée sur caves d'un rez de chaussée, d'un étage droit et d'un deuxième étage mansardé. Il a souligné qu'elle était enclavée et vétuste avec un faible niveau d'équipement et de confort.

 

Monsieur Le V. a considéré comme positifs la situation des locaux, l'excellente visibilité de l'enseigne, leur caractère fonctionnel, la rareté des garages en centre ville, la configuration régulière, la qualité des aménagements et la bonne visibilité de la boutique numéro 1.

 

Il a estimé négatifs le caractère modeste des boutiques 2 et 3 et le caractère enclavé et vétuste de la maison avec un faible niveau d'équipement et de confort.

 

Il a retenu le tableau établi le 9 avril 2009 par la société Allo Diagnostic qui a mentionné une superficie de 2.429,66 m² pour le garage atelier soit 932, 98 m² au rez de chaussée, 480,73 m² au 1er étage et 1.015,95 m² au 2ème étage.

 

Il a précisé que l'usage était, s'agissant de locaux commerciaux, de prendre en compte la surface réelle et non la surface utile résultant de la loi Carrez. Il a indiqué qu'en l'espèce, les deux surfaces étaient quasiment identiques, un coefficient de 0,9932 devant être appliqué pour passer de la surface au sol à la surface utile.

 

Il a mesuré à 75,50 m² la surface de la 1 ère boutique, à 37 m² celle de chacune de deux autres boutiques et à 160 m² celle de la maison, les surfaces de la boutique 2 et de la maison étant approximatives.

 

Il a pondéré à 62,30 m², à 26 m² et à 26 m² la surface de chacune des boutiques.

 

Il a indiqué, concernant la valeur locative du garage et des boutiques, que seuls les éléments de référence situés en petite couronne et peu anciens pouvaient être pris en compte.

 

Il a souligné que les garages automobiles de moyenne surface pouvaient servir d'éléments de référence au motif que les garages de grande surface étaient si rares en centre ville que leur valeur locative unitaire n'était pas sensiblement plus faible. Il a déclaré que les loyers des garages de moyenne surface pouvaient donc être soumis à une analyse comparative rigoureuse et que chacun des éléments de référence devait être considéré séparément au regard de l'ensemble des facteurs de la valeur sans qu'une moyenne arithmétique des loyers unitaires soit réalisée. Il a estimé que, s'agissant d'un garage en centre-ville, les loyers des locaux d'activité polyvalents, généralement excentrés, ne devaient pas être privilégiés car relevant d'un autre marché.

 

Il a retenu des loyers de garage automobile dans la petite couronne fixés judiciairement (12) des loyers de renouvellement amiable (1) et des loyers en première location (2).

 

Ces références font état d'une valeur moyenne globale de 50 à 290 euros par m², certaines précisant cette valeur en fonction de la nature (hall, bureau ou atelier) des locaux. Un loyer en renouvellement à Levallois Perret a ainsi été fixé à la somme de 150 euros par m² pour la partie garage atelier en rez de chaussée au 15 février 2005. Un hall d'exposition et des bureaux en rez de chaussée dans un garage situé à Saint Maur des Fossés ont été évalués à 120 euros par m² au 1 er février 2005 et des ateliers et locaux sociaux au premier étage dans ce même garage à 50 euros. Un hall d'exposition et des bureaux au rez de chaussée d'un garage sis au Perreux sur Marne ont été évalués de 110 à 130 euros par m² au 1 er juin 2006, l'atelier au rez de chaussée étant estimé à 60 euros par m².

 

Il a considéré des loyers concernant des boutiques situées à Asnières sur Seine soit 6 fixés judiciairement (de 170 à 350 euros), 2 en renouvellement à la suite d'un accord amiable (de 227 à 266 euros) et 2 en première location (de 236 à 262 euros).

 

Il a estimé la valeur locative de l'atelier garage à 190.071 euros, distinguant les diverses parties des locaux soit 17.754 euros pour le hall d'exposition (175 euros par m²), 17.808 euros pour les bureaux (de 125 à 150 euros par m²), 51.133 euros pour l'atelier (75 euros par m² ), 426 euros pour les réserves du rez de chaussée (30 euros par m² ), 7.466 euros pour la salle de réunion et les bureaux du 1 er étage (125 euros par m² ), 30.787 euros pour l'aire de stationnement de cet étage (75 euros par m²), 315 euros pour le dégagement (30 euros par m² et 10,50 m²), 50.581 euros pour l'atelier, l'aire de stationnement et les sanitaires du 2 ème étage (75 euros par m²), 5.079 euros pour les vestiaires, réfectoire , bureau d'accueil (100 euros par m²) et 8.722 euros pour les réserves et autres (30 euros par m² )

 

Il a estimé cette valeur à 15.575 euros, 5.200 et 5.600 euros pour chacune des boutiques et à 16.000 euros (100 euros par m²) celle de la maison.

 

Il a donc retenu une somme totale de 232.446 euros.

 

Il a pratiqué un abattement de 10% au titre des charges exorbitantes supportées par le preneur (deux tiers des taxes foncières, réparations relatives au clos et au couvert et travaux de mise en conformité) et une majoration de 2% compte tenu de la faculté de sous louer.

 

Par jugement du 26 mai 2014, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Nanterre a fixé à 210.906 euros en principal le montant du loyer dû à compter du 1 er avril 2010.

 

Il a dit que les compléments de loyers échus et impayés porteraient intérêts légaux à compter de chaque échéance depuis le 1 er avril 2010.

 

Il a ordonné la capitalisation des intérêts.

 

Il a condamné la société Neubauer au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Par déclaration du 25 août 2014, la société Neubauer a interjeté appel.

 

Dans ses dernières conclusions portant le numéro 2 en date du 22 mai 2015, la SA Neubauer demande que le jugement soit infirmé.

 

Elle sollicite la fixation du loyer à la somme principale de 118 000 euros.

 

Elle réclame le paiement d'une somme de 3.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

La société fait valoir qu'il n'existe aucun fondement à l'augmentation du loyer et à sa fixation à la somme de 223.900 euros. Elle se prévaut d'un rapport d'expertise judiciaire de Monsieur C. en date du 27 octobre 2008 qui a estimé la valeur locative des locaux du garage Peugeot situés [...] à une somme, actualisée, de 112.651 euros. Elle ajoute que le pavillon doit, conformément à son engagement, être démoli car le sous locataire a quitté les lieux.

 

Elle rappelle ses réponses aux mémoires notifiés avant la mesure d'instruction.

 

Elle se prévaut du rapport de Monsieur M. effectué à sa demande et de ses dires.

 

Elle estime à 2.413,14 m² la surface utile de l'atelier garage et invoque d'autres références de locations de garages moyennant un prix global de 50 à 105 euros par m².

 

Elle en conclut à un prix moyen par m² de 75 euros pour les ateliers, de 115 euros pour les halls d'exposition et bureaux et de 37 euros pour la réserve.

 

Elle évalue, compte tenu de la surface utile, au rez de chaussée, à 51.134 euros la valeur de l'atelier (75 euros par m²), à 27.255 euros celle des bureaux et du hall (115 euros par m²) et à 386 euros celle de la réserve (37 euros par m²) au 1er étage à 31.575 euros la valeur des ateliers (75 euros par m² ), à 6.869 euros celle des bureaux (115 euros par m²) et, au 2 ème étage à 50.402 euros la valeur de l'atelier (75 euros par m²) et à 12.254 euros les autres locaux (37 euros par m²).

 

Elle estime donc, sur cette base, à 170.874 euros la valeur locative du garage. Elle ajoute la valeur des trois boutiques, 23.260 euros, et celle de la maison, 8.000 euros .

 

Elle déduit de cette somme, 211.134 euros, 5% au titre de la gestion des sous locations qui constitue une charge que le bailleur lui fait supporter et 15% compte tenu des charges exorbitantes imposées par le bail. Elle en infère à une valeur locative de 178.000 euros.

 

Elle se prévaut, en outre, de sa propre estimation.

 

Elle considère que la valeur au m² diminue en fonction de l'augmentation de la taille, l'accroissement des surfaces se faisant sur des surfaces de second choix et accroissant les contraintes de circulation. Elle distingue les loyers des locaux inférieurs à 950 m² et ceux des locaux supérieurs et retient la surface moyenne des références de moins de 950 m² (490,26 m²) et de celles supérieures (1.231, 82 m²) et souligne que son bien est sur trois niveaux. Elle en infère à une valeur de 60 euros par m² soit 152.058,60 euros et déduit 6,85% au titre de la surface utile et 15% du chef des charges exorbitantes. Elle en conclut à une valeur de 120.196,20 euros à laquelle elle ajoute la valeur des sous locations soit un total de 149.893,20 euros.

 

Elle se fonde, également, sur l'expertise de Monsieur C. portant sur le local situé également [...], à une centaine de mètres, mieux placé mais un peu moins bien entretenu, ces deux éléments se compensant. Elle souligne que le garage ayant fait l'objet de cette expertise est quasiment de plain pied et qu'il est possible de garer des véhicules dans un local annexe. Elle observe que Monsieur C. a retenu une valeur unitaire de 75 euros par m² au 24 mai 2014 soit des coefficients de 1, 3 pour les magasins et bureaux magasin, de 1 pour l'atelier et les bureaux de plain pied et de 0,3 pour l'étage en soupente. En reprenant ces bases, elle calcule une valeur de 110.652,22 euros avant décote soit 87.611,66 euros après celle-ci, la valeur totale étant, compte tenu des sous locations, de 117.308,66 euros.

 

L'appelante invoque, au surplus, des inadéquations entre les références prises par l'expert et le local concerné, ces références concernant des locaux beaucoup plus petits et situés en quasi-totalité de plain pied. Elle ajoute que certains garages bénéficient d'une possibilité de parking et que les activités de concessionnaire, comme elle, utilisent des locaux moins valorisés car de faible utilité (stockage de véhicules). Elle affirme, enfin, que certaines références ont été prises dans des viles plus chères.

 

Elle estime qu'afin de corriger ces différences, il convient d'appliquer un coefficient inférieur à 1 lorsque la valeur de référence a de meilleurs atouts que son local et supérieur à 1 dans le cas inverse. Au vu des éléments précités, elle retient une valeur de 56,16 euros par m² soit une baisse de 33% de la valeur moyenne retenue, 76,20 euros. Sur la base du rapport de Monsieur Le V., elle calcule alors à 125.809,48 euros la valeur des locaux professionnels soit 99.612,80 euros après abattements et à 129.309,80 euros la valeur totale en prenant en compte tous les locaux.

 

Elle considère que la seule base de comparaison valable est celle de la concession Safi située à Saint Maur des Fossés. Elle fait état de surfaces sensiblement identiques (2.130 m²), de locaux destinés à des concessionnaires, d'une valeur de l'immobilier comparable et d'une répartition des surfaces sur trois niveaux. En appliquant au local litigieux les valeurs retenues par la cour d'appel sur celui de Saint Maur, elle calcule à 131.840,10 euros la valeur locative. Compte tenu des abattements et des sous locations, elle estime alors à 134.084,70 euros la valeur locative des locaux.

 

Elle estime excessive la valeur des boutiques et demande que soit retenue une valeur de 170 euros par m².

 

Elle demande également que le pavillon soit valorisé à la seule valeur d'une cour cimentée car il doit être détruit. Elle demande donc qu'une somme de 9.727,05 euros soit déduite de toutes les valorisations précédentes.

 

Enfin, elle produit des annonces de mises en location de garages, fait état du déclin du secteur automobile et se prévaut d'un tableau émanant de son directeur financier comparant les valeurs locatives fiscales et les loyers effectifs.

 

Dans ses dernières écritures en date du 20 janvier 2015, la SCI Vilp conclut à la confirmation du jugement et réclame le paiement d'une somme totale de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Elle reproche à la société Neubauer d'avoir eu, durant l'expertise, une attitude dilatoire en attendant le 25 juillet 2013 pour adresser à l'expert un dire assorti d'un rapport de Monsieur M. alors que l'expert avait accordé un délai, déjà prorogé, jusqu'au 23 juillet. Elle déclare que ce dire, qui constituait une critique « tous azimuts » du pré rapport de l'expert a fait l'objet d'une réponse complète de celui-ci. Elle ajoute que l'argumentation développée par l'appelante est identique à celle formée dans ce dire et devant le juge des loyers commerciaux.

 

Elle rappelle les constatations de Monsieur Le V. et sa méthode d'estimation et ses éléments de référence.

 

Elle soutient que, comme y a procédé l'expert, les éléments de référence doivent être pris pour l'essentiel dans les Hauts de Seine voire dans la petite couronne. Elle souligne que la ville de Saint Maur des Fossés est relativement éloignée de Paris et que la valeur a été fixée au 1 er février 2005.

 

Elle rappelle le raisonnement de l'expert sur les petites surfaces.

 

Elle fait valoir que le garage situé [...] était en mauvais état d'entretien et que sa valeur a été fixée 6 ans avant la date concernée. Elle ajoute que l'expert avait préconisé d'effectuer des travaux d'urgence, pour 210.552,46 euros, par le bailleur.

 

Elle admet la dépréciation de 8% retenue par le juge des loyers commerciaux conformément à l'avis de l'expert. Elle soutient qu'une clause autorisant la sous location n'est jamais considérée comme un critère de dépréciation mais toujours comme un avantage. Elle ajoute qu'il en est de même de la clause autorisant le preneur à démolir le pavillon d'habitation pour l'intégrer dans la surface qu'il occupe.

 

Elle rappelle que le chiffre d'affaires ne peut être pris en compte, le preneur n'étant pas l'associé du bailleur, et qu'en toute hypothèse, la crise récente ne peut influer sur une valeur locative fixée au 1 er avril 2010.

 

L'ordonnance de clôture est intervenue le 26 mai 2015.

 

*************************

 

Considérant que les constatations et descriptions effectuées par Monsieur Le V. ne sont pas contestées ;

 

Considérant, en ce qui concerne la surface du garage, que l'expert a retenu une surface réelle de 2.429,66 m², identique à celle prise en compte par Monsieur M. ; que ce dernier a calculé la surface utile à 2.413,14 m² en pondérant la surface réelle des réserves (165,19 m²) ; que, compte tenu de la nature des locaux et de la hauteur des pièces, la surface utile est, comme l'indique à juste titre l'expert, quasiment identique à la surface au sol, un coefficient de 0,9932 devant être appliqué ;

 

Considérant que l'expert a justement, au regard de l'article R 145-7 du code de commerce, estimé la valeur locative du garage, des boutiques et du pavillon en comparant des éléments de référence prenant en considération, notamment, la situation géographique des locaux et le niveau de commercialité de l'emplacement, leurs caractéristiques physiques, les conditions et la date de fixation des loyers, l'évolution de ceux-ci, les clauses et conditions locatives et la nature des activités exercées dans les boutiques ;

 

Considérant qu'il résulte des constatations de Monsieur Le V. que le garage est d'une grande surface et est situé en centre ville et à proximité des transports publics ce qui est exceptionnel;

 

Considérant que ce caractère exceptionnel justifie de prendre en compte les loyers de garage de moyenne surface ; que la valeur locative unitaire du bien litigieux n'est pas, au vu de ses caractéristiques, « sensiblement plus faible » que celle de ces garages ; que le calcul opéré par le preneur est trop général et ne prend pas en compte les particularités du bien ; qu'il ne peut donc être suivi ;

 

Considérant que l'expert est donc fondé à avoir utilisé ces éléments de référence en les adaptant ; qu'il a, à bon escient, souligné que chacun des éléments de référence devait être considéré séparément au regard de l'ensemble des facteurs de la valeur sans que jamais une moyenne arithmétique des loyers unitaires sélectionnés ne soit réalisée ; que sa méthode d'analyse sera donc retenue ;

 

Considérant que doivent être pris en compte, compte tenu de la situation et de la destination du local, des loyers de garages, établis à une date proche de 2010 et afférents à des biens situés en petite couronne ; que les nouveaux éléments de référence produits par la société Neubauer ne sont pas pertinents compte tenu de la date prise en compte ou de la localisation des biens ; que les petites annonces ne peuvent établir la valeur locative recherchée ;

 

Considérant que le garage automobile situé à Saint Maur des Fossés est plus éloigné de Paris ; que son loyer a été fixé à compter du 1er février 2005 ; que sa valeur locative ne peut donc être transposée sans adaptation ;

 

Considérant qu'un garage automobile, de 609 m², loué également par la SA Neubauer est situé [...] soit à proximité des locaux faisant l'objet de la présente procédure ; que sa situation géographique est donc identique ;

 

Mais considérant que son loyer a été fixé à effet au 24 mai 2004 ; qu'en outre, le bien était en très mauvais état, le rapport de Monsieur C., expert, préconisant même des travaux de remise en état à la charge du bailleur chiffrés par la société locataire à la somme de 210.522,46 euros ;

 

Considérant que sa valeur locative ne peut donc pas davantage être transposée sans adaptation ;

 

Considérant que Monsieur Le V. a pu, compte tenu des adaptations nécessaires, conclure qu'au vu de ces deux seuls éléments de référence, la valeur locative brute de la partie atelier du local faisant l'objet de la procédure serait supérieure à 75 euros par m², montant retenu par lui ;

 

Considérant que l'expert a donc pu retenir des éléments de référence concernant des garages automobiles situés principalement dans les Hauts de Seine, trois autres se trouvant en Seine Saint Denis et dans le Val de Marne ;

 

Considérant que les locaux situés en étage bénéficient d'un éclairement naturel et/ou d'une hauteur supérieure pour l'essentiel à 4 mètres ; que cette situation ne justifie donc pas, compte tenu de leur usage, un abattement de la valeur locative ;

 

Considérant que l'activité de concessionnaire, prévue au bail, et donc la nécessité de disposer d'une surface consacrée à la vente, n'entraîne pas une diminution de la valeur locative unitaire;

 

Considérant que la faculté pour le preneur, dans certaines valeurs de référence, d'utiliser d'autres surfaces ne modifie pas la pertinence de ces éléments;

 

Considérant que la crise automobile est postérieure à la date de renouvellement du bail et donc de fixation du nouveau loyer ;

 

Considérant que les valeurs locatives fiscales ne constituent pas un critère de fixation du loyer du bail renouvelé ; que leur comparaison avec les loyers effectifs ne peut être prise en compte ;

 

Considérant qu'au vu de l'ensemble des développements ci-dessus, la valeur locative brute du garage retenue par l'expert et détaillée supra est justifiée ; qu'elle s'élève donc à la somme de 190.071 euros ;

 

Considérant, en ce qui concerne les boutiques, que Monsieur Le V. a retenu 10 éléments de référence variant de 170 à 350 euros par m² ; qu'il a souligné que le loyer de 170 euros par m² a pris effet en 2004 et que cette référence était trop ancienne pour pouvoir être seule prise en compte ;

 

Considérant qu'au vu de l'ensemble de ces éléments de comparaison et des caractéristiques des boutiques concernées développées ci-dessus, leur valeur locative sera fixée respectivement à 15.575 euros, à 5.200 euros et à 5.600 euros soit 26.375 euros ;

 

Considérant que le pavillon n'était pas détruit lors de l'expertise et existait donc lors du renouvellement du bail ; qu'il doit dès lors être pris en compte pour déterminer la valeur locative des locaux loués par la société Vilp ;

 

Considérant que compte tenu de sa bonne situation en centre ville mais de sa vétusté, de son faible niveau de confort et de son enclavement, une somme de 80 euros par m² est justifiée ; que sa valeur locative s'élève donc à 12.800 euros ;

 

Considérant que la valeur locative brute des locaux loués est donc, au 1 er avril 2010, de 229.246 euros ;

 

Considérant que le bail met à la charge du preneur les grosses réparations, y compris celles de la clôture et de la toiture, et les deux tiers des taxes foncières ; que ces clauses exorbitantes justifient un abattement de 10% ;

 

Considérant que le locataire a la faculté de sous louer les boutiques et le pavillon ; que cette autorisation constitue un avantage ; que cette faculté ne peut être analysée en un transfert au preneur de la charge de la gestion de ces locaux ; qu'une majoration de 2% est ainsi justifiée ;

 

Considérant que le premier juge a donc exactement fixé à la somme de 210.906 euros le montant hors taxes et hors charges du loyer à compter du 1 er avril 2010 ;

 

Considérant que les autres dispositions du jugement ne sont pas contestées ; que celui-ci sera dès lors confirmé en toutes ses dispositions ;

 

Considérant que la société appelante devra payer à la société Vilp la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles exposés en appel ;

 

PAR CES MOTIFS

 

Contradictoirement

 

Confirme en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 26 mai 2014 par le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Nanterre,

 

Y ajoutant

 

Condamne la SA Neubauer à payer à la SCI Vilp la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel,

 

Condamne la société Neubauer aux dépens,

 

Autorise la SELARL LEXAVOUE Paris- Versailles à recouvrer directement à son encontre ceux des dépens qu'elle a exposés sans avoir reçu provision,

 

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

 

signé par Monsieur Alain PALAU, Président et par Monsieur James B., Faisant Fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.