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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 5, 30 septembre 2009, n° 08/01640

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Edifice (SARL)

Défendeur :

Enox (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Zavaro

Conseillers :

Mme Thevenot, Mme Beaussier

Avoués :

SCP Bernabe - Chardin - Cheviller, SCP Lagourgue - Olivier

Avocats :

Me Rampazzo, Me Lewin

T. com. Paris, 4e ch., du 29 nov. 2007, …

29 novembre 2007

Dans le cadre des travaux entrepris sous la maîtrise d'ouvrage de la SARL ENOX dans le restaurant à l'enseigne [...], la société EDIFICE a été chargée du lot plâtrerie, cloisons, isolation phonique selon devis accepté du 18 novembre 2005 d'un montant de 88.100€ HT, augmenté selon avenant n°1 du 29 décembre 2005 de travaux supplémentaires à hauteur de 15.000€.

Les travaux, commencés le 22 novembre 2005 ont été interrompus suite à un arrêté de la Préfecture de Paris du 21 janvier 2006 faisant injonction à la société ENOX d'interrompre immédiatement les travaux en cours ; le permis de construire ayant été accordé le 6 juin 2006, le chantier a été réouvert le jour même ; cependant la société EDIFIS n'a pas repris les travaux et par courrier du 14 juin 2006, la société ENOX a résilié son contrat à la date du 13 juin en raison de son absence, en lui réclamant la restitution d'une somme de 20.000€ HT à titre de trop payé au vu de l'avancement des travaux.

Sur présentation des factures des 31 décembre 2005 et 31 janvier 2006, la société EDIFIS a obtenu à l'encontre de la SARL ENOX une ordonnance d'injonction de payer à hauteur de 35.311,90€ au principal et 500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur opposition de cette ordonnance, le tribunal de commerce de Paris a, par jugement du 29 novembre 2007, notamment :

- dit la société ENOX bien fondée en son opposition,

- condamné la SARL EDIFICE à payer à la société ENOX :

44.358€ au titre de l'inexécution des prestations contractuellement prévues,

3.000€ à titre de dommages et intérêts,

1.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 14 avril 2009, la société EDIFIS sollicite l'infirmation du jugement et demande à la cour de :

- constater que la société ENOX a rompu le contrat de manière abusive et brutale,

- dire que la société a manqué à ses obligations de loyauté et de respect du préavis,

- en conséquence, condamner celle-ci à lui payer :

35.311,90€ avec intérêts à compter du 5 septembre 2006 en application de l'article 1794 du code civil,

35.311,90€ en application de l'article 1134 du code civil pour non-respect de son obligation de loyauté,

10.000€ à titre de dommages et intérêts en application de l'article L.442-6 5° du code de commerce pour non-respect d'un préavis écrit et suffisant

4.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 7 octobre 2008, la société ENOX sollicite la confirmation du jugement et demande à ce qu'il y soit ajouté les intérêts à compter de la mise en demeure du 14 juin 2006, 2.000€ au titre de ses frais irrépétibles de 1ère instance et 2.000€ au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

SUR CE

Considérant que le jugement déféré a considéré que la rupture des relations contractuelles était imputable à la société EDIFICE en raison de sa défection désinvolte lors de la reprise du chantier qui a nécessité le recours à une entreprise tierce pour pallier sa défaillance ;

Considérant qu'aux termes de son courrier du 14 juin 2006, la société ENOX a résilié le contrat en raison de l'absence de l'entreprise à la reprise du chantier ; que dans son courrier du 21 juin, la société EDIFICE se justifie en invoquant d'une part la brièveté du délai de reprise, d'autre part le défaut de règlement des factures des 31 décembre 2005 et 31 janvier 2006 ;

Considérant qu'il est établi que l'arrêt brutal du chantier en janvier 2006 est imputable à la société ENOX et à son maître d'oeuvre qui ont fait commencer les travaux sans avoir obtenu les permis de démolir et de construire correspondants ; qu'il n'est pas démontré que la société EDIFICE, dont les travaux n'avaient jusqu'alors fait l'objet d'aucune critique tant sur leur qualité que sur le respect du planning, ait été informée de la raison de cette interruption ni de l'évolution des démarches de régularisation administrative ; que les parties s'entendent pour dire qu'elle n'a été prévenue verbalement d'une reprise de chantier au 6 juin 2006 que le 4 juin; qu'en raison de son extrême brièveté, ce délai de reprise ne revêt pas un caractère raisonnable au regard des contraintes normales de réorganisation d'un planning pour une petite entreprise du type de celle-ci ; que la présence des autres entreprises à la réunion de chantier ne saurait en soi valider ce délai ; que par ailleurs, il résulte du document intitulé 'situation des prestataires le 6 juin 2006" établi par le maître d'oeuvre que dès cette date le remplacement de la société EDIFICE par la société MCR était déjà programmé puisqu'il y est mentionné MCR: Maçon Reprise des travaux d'EDIFICE' ;

Considérant par ailleurs que la société ENOX prétend que la société EDIFICE aurait reçu des acomptes au-delà des travaux réalisés par elle et que les factures de décembre 2005 et janvier 2006 n'étaient pas dues ; qu'il n'a pas été dressé de constat contradictoire de l'état d'avancement des travaux au jour de la résiliation ; que cependant, il résulte du tableau des situations daté du 29 août 2006 que la situation 2 au 8 décembre 2005, réglée sans réserve par la société ENOX dont il sera rappelé qu'elle était assistée d'un maître d'oeuvre chargé de vérifier les situations, correspondait à un avancement de travaux de 70% ; que dès lors, un avancement à tout le moins à 85% du marché au 31 décembre 2005 et de 40% de travaux supplémentaires au 31 janvier 2006 apparaît cohérent, alors au surplus que la société ENOX ne justifie pas avoir, au titre du solde du marché EDIFICE, réglé une entreprise tierce au-delà de 17.043€ (factures MCR des 20 juin et 3 juillet 2006) ; qu'en effet, il n'est pas établi que la facture d'acompte non détaillée de la société TRADING CHR, chargée du lot cuisiniste, concerne la reprise du marché EDIFICE ; que la société ENOX était donc bien débitrice de la société EDIFICE au jour de la reprise du chantier ; que dès lors, cette résiliation précipitée et sans mise en demeure préalable, constitue en faute la société ENOX qui devra indemniser la société EDIFICE du préjudice subi ;

Considérant que la société EDIFICE réclame plus de 80.000€ en visant les articles 1794 et 1134 du code civil, et L.442-6 5ème du code de commerce ; que celle-ci peut se prévaloir d'un préjudice composé des travaux exécutés non payés, du bénéfice résultant de la perte de marge sur les travaux qu'elle n'a pu réaliser et du préjudice moral résultant de la brusque rupture du contrat et de la nécessité de faire une procédure judiciaire pour faire valoir ses droits ; qu'elle chiffre le préjudice compris dans l'article 1794 du code civil à 35.311,90€, somme qui correspond à l'évaluation de la Cour au regard du prix de l'achèvement des travaux ; qu'il convient de lui allouer en sus la somme de 8.000€ à titre de dommages et intérêts tant sur l'article1134 du code civil que L.442-6 du code de commerce ; que s'agissant de dommages et intérêts, les intérêts sur cette somme commenceront à courir à compter de la présente décision;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré l'opposition de la société ENOX recevable,

L'infirme sur le surplus et statuant à nouveau,

Condamne la société ENOX à payer à la société EDIFICE la somme de 43.311,90€ à titre de dommages et intérêts, tous préjudices confondus,

Condamne la société ENOX aux dépens de première instance et d'appel et la condamne à payer à la société EDIFICE la somme de 4.000€ au titre de ses frais irrépétibles de 1ère instance et d'appel,

Dit que les dépens seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.