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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5-7, 8 novembre 2012, n° 2011/20346

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Électricité Réseau Distribution France

Défendeur :

Gaec de Saint Doue, Commission de Régulation de l’Énergie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Remenieras

Conseillers :

Mme Beaudonnet, mme Meslin

Avocats :

Me Scanvic, Me Gandet, Me Glénard

CoRDiS, du 26 sept. 2011, n° 198-38-11

26 septembre 2011

Vu le recours formalisé par lettre recommandée du 10 novembre 2011 avec accusé de réception reçue au greffe le 15 novembre 2011 par la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF) contre la décision prise le 26 septembre 2011 par le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie, (la CRE), quant au débat l'opposant à la société agricole Groupement agricole d'exploitation en commun de Saint Doué (GAEC de Saint Doué) se rapportant aux conditions de raccordement au réseau public de distribution d'électricité d' une installation de production photovoltaïque située sur des parcelles sises " La ville aux Houx commune de Tredion dans le Morbihan (RG 11/20346).

Vu la régularisation immédiate de ce recours le 1 5 novembre 2011 par déclaration écrite déposée au greffe, au visa de l'article 9 du décret no 2000-894 (RG 11/20368).

Vu la requête valant mémoire du 8 décembre 2011, complétée par le mémoire en réplique déposé le 29 juin 2012 par la société ERDF, partie requérante, tendant à titre principal, à l'annulation de la décision précitée et subsidiairement, à sa réformation et quoi qu'il en soit, à la condamnation du GAEC de Saint Doué au versement d'une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les observations de la CRE déposées le 11 avril 2012 tendant au rejet du recours et par voie de conséquence, à la confirmation de la décision attaquée.

Vu les observations déposées le 7 juin 2012 par le GAEC de Saint Doué concluant au rejet du recours comme étant irrecevable et mal fondé et sollicitant en tout état de cause la condamnation de la société ERDF à lui verser une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu le mémoire en réplique déposé le 29 juin 2012 par la société ERDF, maintenant et complétant les termes de son recours initial.

Vu les observations écrites du ministère public tendant au rejet du recours, mises à la disposition des parties le jour de l'audience.

Vu l'ensemble des pièces du dossier.

Après avoir entendu à l'audience publique du 27 septembre 2012, les conseils des société ERDF et GAEC Saint Doué ainsi que celui de la CRE, tous mis en mesure de répliquer et le ministère public.

SUR CE,

1. les données factuelles du différend, objet du recours de la société ERDF

Ces données telles qu'elles ressortent des éléments versés aux débats et notamment, telles qu'exposées dans la décision précitée du CoRDiS de la CR E se résument de la manière suivante.

Le GAEC de Saint Doué, société agricole, a lancé un projet de production d'électricité issue de l'énergie du soleil sur des parcelles précisément situées à "La ville aux Houx ", cette installation, d'une puissance de 216 kWc, ayant vocation à être intégrée à deux bâtiments d'élevage de volaille.

Le GAEC de Saint Doué a déposé le 27 juillet 2010 une déclaration préalable de travaux, dans le but de remplacer l'ancienne toiture de ces bâtiments et l'arrêté de non-opposition est intervenu le 28 août 2010.

Le mandataire de ce GAEC, la société SPIE Batignolles, a parallèlement entamé auprès de la société ERDF les démarches nécessaires au raccordement de son installation au réseau public de distribution de l'électricité. Elle a le 26 août 2010, déposé une demande de proposition technique et financière (PTF) entre les mains de la société ERDF, gestionnaire du réseau, qui lui en a accusé réception le 30 août suivant.

Aucune proposition technique et financière n'ayant pu être formalisée, la société ERDF a, par lettre du 17 janvier 2011, indiqué au GAEC de Saint Doué que sa demande tombait sous le coup des dispositions du décret 2010-1510 du 9 décembre 2010 et qu'ipso facto elle devenait caduque, à charge pour elle, si elle l'estimait opportun, de formuler une nouvelle demande à l'issue de la période de suspension d'achat.

2. les données analytiques procédurales antérieures à la présente instance

Le 23 mai 2011, le GAEC de Saint Doué a saisi le CoRDiS de la CRE sur le fondement de l'article L. 134-20 du code de l'énergie tendant :

- à titre principal, à ce que le CoRDiS constate d'une part, que la société ERDF aurait « méconnu ses obligations contractuelles et réglementaires tout comme sa propre documentation technique de référence » et d'autre part, que « le refus de raccordement de l'installation du GAEC de Saint Doué [serait] infondé. »,

- à titre subsidiaire d'une part, à déclarer illégal le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 « en ce qu'il méconnaît l'article 23 de la loi du 10 février 2000 » et d'autre part, d'enjoindre à la société ERDF « de transmettre une proposition technique et financière pour le projet du GAEC de Saint Doué, numéro OUE 3447 selon les dispositions en vigueur au 30 novembre 2010, date d'expiration du délai de transmission ».

Par décision du 26 septembre 2011, le CoRDiS a estimé que :

-Article 1 - la société ERDF a méconnu sa documentation technique de référence,

-Article 2 - il est sursis à statuer sur le surplus des demandes du groupement agricole d'exploitation en commun de Saint Doué jusqu'à l'intervention de la décision au fond du Conseil d'Etat sur le décret du 9 décembre 2010,

-Article 3 - la présente décision sera notifiée au groupement agricole d'exploitation en commun de Saint Doué et à la société Electricité Réseau distribution France. Elle sera publiée au Journal officiel de la République Française.

Le 15 novembre 2011 la société ERDF a formé un recours en annulation et en réformation contre cette décision.

Les motifs de ce recours seront développés dans le cadre des motifs du présent arrêt.

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR,

Considérant que les procédures ayant été enrôlées sous des numéros différents, il y a lieu d'en ordonner la jonction au visa des articles 367 et 368 du code de procédure civile ;

Considérant que la cour est aujourd'hui saisie de la question de la recevabilité et du bien fondé d'un recours en annulation ou en réformation d'une décision du CoRDiS formé au visa combiné des articles L. 134-21 et L. 134-24 du code de l'énergie ainsi que des articles 8 et 9 du décret no 2000-894 du I l septembre 2000 relatif aux procédures applicables devant la CRE dans un différend né entre une société ayant vocation à être productrice d'électricité, le GAEC de Saint Doué, d'une part et la société gestionnaire du réseau de raccordement (la société ERDF), d'autre part ;

Considérant que la logique d'ensemble de l'argumentaire développé par la société requérante conduit à son examen en deux points principaux se rapportant aux griefs de procédure puis de fond ;

Qu'il importe cependant, pour des besoins de clarté spécifiques à ce litige, de rappeler quelques éléments du contexte juridique dans lequel se situe le recours soumis à la cour de céans, au demeurant tirés des écritures des parties et notamment, de celles déposées par la société requérante elle-même ;

- considérations préliminaires

La procédure permettant le raccordement au réseau de distribution publique de l'électricité d'une installation de production est d'abord fondée sur les dispositions de deux textes principaux ;

L'article L.322-8 du code de l'énergie (issu de l'article 18 de la loi no 2000-108 du 10 février 2000) donne ainsi mission au gestionnaire du réseau de distribution « 1° De définir et de mettre en oeuvre les politiques d'investissement et de développement des réseaux de distribution afin de permettre le raccordement des installations des consommateurs et des producteurs ainsi que l'interconnexion avec d'autres réseaux .... 4° D'assurer, dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, l'accès à ces réseaux. »

Le décret no 2008-386 du 23 avril 2008 relatif aux prescriptions techniques générales de conception et de fonctionnement pour le raccordement d'installations de production aux réseaux publics d'électricité, pris pour l'application de cet article, prévoit en son article 7, l'obligation pour le producteur de communiquer au gestionnaire du réseau public d'électricité « les caractéristiques techniques de l'installation de production envisagée qui sont nécessaires à la définition du raccordement » permettant ainsi au dit gestionnaire d'effectuer « une étude des conditions techniques du raccordement, conformément aux méthodes, hypothèses de sûreté et caractéristiques du réseau mentionnées dans sa documentation technique de référence, sur la base des renseignements précités. »

Les résultats de cette étude, qui vise notamment à proposer au producteur la solution la plus avantageuse pour ce raccordement, sont communiqués au producteur par le gestionnaire du réseau sous la forme d'une proposition technique et financière permettant ainsi l'établissement des conventions de raccordement et d'exploitation prévue à l'article 2 du même décret.

Dans le but d'informer les usagers de manière la plus transparente possible, la société ERDF a élaboré une « procédure de traitement des demandes de raccordement individuel en BT de puissance supérieure à 36 kVA et en HTA au réseau public de distribution géré par ERDF », identifiée « ERDF-PRO-RAC-14-E ». L'article 8.2.1 de cette procédure précise que le délai de transmission au demandeur de l'offre de raccordement d'une proposition technique et financière n'excédera pas trois mois à compter de la date à laquelle le gestionnaire du réseau estime que le dossier est complet, quel que soit le domaine de tension de raccordement.

1. sur la procédure (ou le contrôle de légalité externe)

1.1. en ce qui concerne la recevabilité du recours formé par la société ERDF

Considérant qu'à titre principal, la CRE et le GAEC de Saint Doué concluent à l'irrecevabilité du recours, observant que l'incertitude entourant la date de dépôt des conclusions de la société requérante en suite de sa déclaration d'appel, ne permettait pas d'être assuré du respect des exigences posées par l'article 9 du décret no 2000-894 du Il septembre 2000,

Considérant que la société ERDF réplique avoir déposé sa requête sommaire le 25 novembre 2011 et le mémoire complémentaire le 9 décembre suivant, de sorte que le délai d'un mois fixé par le texte précité, apparaît bien avoir été respecté ; qu'elle conclut donc au rejet de cette exception de recevabilité ;

Vu l'article 9 du décret no 2000-894 du 11 septembre 2000 dont il résulte que : « Le recours [devant la Cour d'appel] est formé dans le délai fixé à l'article 38 de la loi du 10 février 2000 susvisée par déclaration écrite déposée en quadruple exemplaire au greffe de la cour d 'appel de Paris contre récépissé. A peine d'irrecevabilité prononcée d'office, la déclaration précise l’objet du recours et contient un exposé sommaire des moyens./ S'agissant du recours dirigé contre les décisions de la commission autres que les mesures conservatoires, l'exposé complet des moyens doit, sous peine de la même sanction, être déposé au greffe dans le mois qui suit le dépôt de la déclaration. » [souligné par la cour]

Considérant qu'il est exact que l'exemplaire des écritures de la société requérante figurant au dossier, daté du 8 décembre 2011, ne comporte aucune mention sur sa date de dépôt au greffe de la cour de céans ; qu'il ressort cependant, de l'ensemble des éléments constants de ce dossier que si la déclaration de recours a bien été déposée le 15 novembre 2011, le cachet du service commercial du parquet de la cour d'appel de Paris porté sur le mémoire complémentaire fait quant à lui mention du 13 décembre 2011 de sorte que le recours de la société requérante apparaît bien devoir être déclaré recevable car conforme aux exigences posées par le texte précité ;

1.2. en ce qui concerne la compétence du CoRDiS pour trancher le règlement du différend introduit par le GAEC de Saint Doué

Considérant qu'après avoir rappelé que la compétence du CoRDiS est strictement limitée, la société ERDF explique que celui-ci n'était pas compétent pour se prononcer sur les questions qui lui étaient soumises en raison de la nature même du différend en cause, les demandes présentées ne portant en effet pas sur des difficultés techniques et/ou financières liées à l'accès au réseau d'électricité et se bornant à contester l'application du décret du 9 décembre 2010 du fait de prétendues fautes qui lui seraient imputables ; que ces questions sont parfaitement indifférentes à la mission du CoRDiS puisque ce décret s'impose à tous, y compris à ce dernier qui n'est pas une juridiction ,

Considérant que le GAEC de Saint Doué conteste cette approche, en objectant que le simple fait pour le gestionnaire de réseau de ne pas avoir produit de proposition technique et financière dans les trois mois de la demande de raccordement qui lui était soumise, s'apparente à un refus de raccordement, au demeurant également caractérisé par les stipulations du contrat de service public conclu avec l'Etat ; que partant, le différend constitue bien un litige lié à l'accès aux dits réseaux (...) entre les gestionnaires et les utilisateurs des réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité, relevant naturellement de la compétence du CoRDiS ; que la nature du différend et les modalités de règlement de celui-ci ne doivent pas être confondus ;

Vu ensemble les articles L. 134-19 ayant codifié l'article 38 de la loi no 2000-108 du 10 février 2009 et L. 134-20 du code de l'énergie ;

Considérant qu'aux termes de ces dispositions, le CoRDiS est compétent " en cas de différend entre les gestionnaires et les utilisateurs des réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité (...) " portant " sur l'accès aux dits réseaux, ouvrages et installations ou à leur utilisation, notamment en cas de refus d'accès ou de désaccord sur la conclusion, I 'interprétation ou I 'exécution des contrats mentionnés aux articles L. 111-91 à L. 111-94, L. 312-11 et L.312-12 (...), la saisine du comité est à l'initiative de l'une ou l'autre des parties " ; que par ailleurs, la décision du comité qui peut être assortie d'astreinte, est motivée et précise les conditions d'ordre technique et financier de règlement du différend dans lesquelles l'accès aux réseaux, ouvrages et installations mentionnés à l'article L. 134-19 ou leur utilisation sont, le cas échéant, assurés " ; qu'en outre " lorsque cela est nécessaire pour le règlement du différend, le comité peut fixer, de manière objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée, les modalités d 'accès aux dits réseaux, ouvrages et installations ou les conditions de leur utilisation ";

Que l'article L.111-91 du code de l'énergie précité, dont l'application a précisément pour effet de matérialiser le droit d'accès au réseau électrique, prévoit le cas de l'exécution des contrats d'achat d'électricité ;

Considérant qu'il s'infère des faits et de la procédure ci-avant énoncés que le GAEC de Saint Doué a soumis à l'examen du CoRDiS, un différend lié à l'accès d'un projet d' installation au réseau public de distribution géré par la société ERDF, en critiquant la carence dont les gestionnaires de ce réseau avaient fait preuve, nonobstant ses nombreuses relances, en ne lui communiquant aucune proposition technique et financière dans le délai de trois mois ni d'ailleurs ultérieurement et en observant, ne pas avoir pu, dans ces conditions, faire raccorder son installation de production photovoltaïque au réseau public de distribution en raison de l'entrée en vigueur du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 ; que par suite, le GAEC de Saint Doué a bien saisi le CoRDiS d'un désaccord né entre lui et le gestionnaire du dit réseau quant à la conclusion du contrat d'accès à celui-ci, en se bornant à constater les difficultés d'accès rencontrées par suite d'une carence de ce gestionnaire, sans tirer de conséquences de celle-ci en termes de responsabilité susceptible d'ouvrir droit à réparation ;

Considérant qu'en réalité, sous couvert d 'une exception d' incompétence, la société ERDF se prévaut d'un moyen d'irrecevabilité manifestement non fondé dès lors que l'intérêt de la requérante à l'exercice d'un recours contre une décision lui faisant grief reste établi ;

Considérant que la société ERDF précise en second lieu qu'à tout le moins, le CoRDiS ne pouvait décider ou constater l'existence d'une méconnaissance de sa documentation technique de référence sauf à caractériser l'existence d'une faute ouvrant la voie à un possible recours en réparation d'un éventuel préjudice causé par cette faute et ainsi, à outre-passer sa compétence ; que par suite, l'article Ier de la décision attaquée doit nécessairement être annulé ; qu'un comité de nature administrative tel que le CoRDiS ne peut constater des fautes, à charge pour un juge régulièrement saisi de décider de la réparation du préjudice que ces fautes ont pu causer ;

Qu'elle ajoute que quoi qu'il en soit, le délai de trois mois fixé par l'article 8.2. I . de sa documentation technique de référence pour lui permettre de produire une proposition de raccordement, est un simple délai indicatif, nullement prescrit à peine de nullité ; que le juge administratif, en charge du contrôle de la légalité des actes réglementaires, considère par principe que, sauf dispositions contraires, les délais d'action fixés par un texte réglementaire ne peuvent engager la responsabilité de l'administration ou de la personne en charge d'un service public qu'en cas de retard "anormal" ou "excessif" ; que le non respect d'un délai n'est pas en lui-même constitutif d'une faute ; qu'en l'espèce, le retard critiqué est de 2 ou 9 jours, ce qui est loin de caractériser l'existence d'un délai anormal ; que si le CoRDiS, a dans les décisions passées, déjà décidé que le délai de trois mois ne crée aucune obligation de résultat pour le gestionnaire de réseau, le simple constat par le CoRDiS qu'elle a en cette qualité " méconnu sa procédure sans prendre en compte ni les circonstances de l'affaire ni les moyens mis en oeuvre par elle, peut être perçu par une juridiction de droit commun comme la reconnaissance d'une obligation de résultat, génératrice de responsabilité ;

Considérant que le GAEC de Saint Doué réplique que cette thèse tend à donner à la décision attaquée une portée que celle-ci n'a pas ; que le seul fait pour le CoRDiS d'énoncer au dispositif de l'une de ces décisions que i' la société ERDF a méconnu sa documentation technique de référence " ne suffit pas à conclure que le principe d'une indemnisation est décidée ; que le CoRDiS n'a en effet, dans les circonstances propres de cette espèce, pas fait usage du terme de "faute " ni de celui "d'indemnisation" ; qu'il importe de ne pas confondre l'interprétation des textes au regard de l'objet de la demande soumise au CoRDiS - le refus de raccordement avec le fait de condamner voire de reconnaître une responsabilité civile et/ou contractuelle excédant la compétence de ce dernier ;

Vu ensemble les articles L. 134-19 ayant codifié l'article 38 de la loi n o 2000-108 du 10 février 2009 et L. 134-20 du code de l'énergie ;

Considérant, après analyse attentive de la décision attaquée, que le CoRDiS ne s'est pas substitué au juge du contrat en se bornant à constater le non-respect d'un délai prévu par la réglementation technique d'ERDF ; qu'en se prononçant ainsi, le CoRDiS apparaît en effet s'être borné à un constat objectif de l'application par le gestionnaire de réseau de l'article 8.2.1 de sa procédure de traitement des demandes de raccordement visant à garantir le respect des règles de non-discrimination et de transparence dans l'accès au dit réseau, sans en tirer aucune conséquence en termes de responsabilité susceptible d'ouvrir droit à réparation ; que par suite, la constatation reprise à l'article 1er de la décision demeure, dans les circonstances propres de la présente espèce, nécessairement circonscrite aux missions du CoRDiS, telles que celles-ci sont rappelées par les dispositions légales ci-dessus ,

 

Considérant qu'ici encore, il peut être dit qu'en réalité, sous couvert d'une exception d'incompétence, la société ERDF se prévaut d'un moyen d'irrecevabilité manifestement non fondé dès lors que l'intérêt de la requérante à l'exercice d'un recours contre une décision lui faisant grief reste établi ;

Considérant que sur ces constatations et pour cette raison, ce second grief d'incompétence sera écarté ;

2.  sur les prétendues erreurs de droit du CoRDiS (ou le contrôle de la légalité interne)

2.1. en ce qui concerne le moyen tiré du prétendu caractère indicatif du délai de traitement de la demande de raccordement

Considérant que la société requérante soutient que sur le fond, le CoRDiS a à tort décidé qu'elle avait méconnu sa propre documentation technique de référence ; qu'elle explique que le délai de trois mois fixé par cette réglementation n'est en effet nullement un délai impératif de sorte que le GAEC de Saint Doué ne peut se prévaloir du fait qu'en l'absence de carence de production dans ce délai de la proposition de raccordement dont s'agit, il aurait pu éviter l'application du décret no 2010-1510 du 9 décembre 2010 ;

Considérant que le GAEC de Saint Doué conteste ces assertions en objectant que, dès lors que la société ERDF ne conteste pas elle-même avoir dépassé le délai de trois mois prévu dans sa documentation, il est vain de demander l'annulation d'une décision reconnaissant fort logiquement et à juste titre cette méconnaissance ; que le fait que le GAEC n'aurait pu échapper à l'application du décret susvisé, motif pris de ce que ce délai n'aurait qu'un caractère indicatif, est sans aucune incidence ; qu'il n'est quoi qu'il en soit, pas tout à fait exact de soutenir que ce délai n'est qu'indicatif, le gestionnaire de réseau ne disposant en effet pas d 'un pouvoir discrétionnaire pour organiser cet accès au réseau de distribution publique ; qu'il serait difficile de comprendre qu'il s'agisse d'un délai indicatif pour le gestionnaire de réseau, alors qu'un même délai de trois mois doit être respecté par l'utilisateur sous peine de voir sa demande de raccordement automatiquement exclue de la file d'attente, avec toutes les conséquences de droit qui en découlent ;

Vu l'article I de la loi du 9 août 2004 relative au service public d'électricité et de gaz outre les articles 10 et 23 de la loi no 2000-108 du 10 février 2000 sur la modernisation et le développement du service public d'électricité, ensemble l'article 1.3 du Titre II du contrat de service public conclu avec l'Etat dont il résulte que : "EDF Réseau Distribution s'engage à : (...) Retourner au producteur la proposition technique et financière dans un délai inférieur à 3 mois.

Considérant qu'il ressort des propres écritures de la société ERDF que celle-ci admet n'avoir adressé aucune proposition technique et financière au GAEC de Saint Doué en raison de l'intervention du décret no 2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat d'électricité, alors que le délai de trois mois courant de la réception par le gestionnaire de réseau de la demande de raccordement n'était pas expiré lors de l'entrée en vigueur de ce décret ;

Considérant que le CoRDiS n'a donc commis aucune erreur de droit en se bornant à constater de manière objective la méconnaissance par la société ERDF de ses obligations et de sa documentation technique, puisque l'obligation de cette société, ès qualités de gestionnaire de réseau, de se conformer à sa documentation technique, découle de l'obligation légale d'assurer l'accès au dit réseau dans des conditions transparentes et non-discriminatoires et ainsi, d'assurer l'effectivité de l'obligation d'achat comme celle du droit d'accès au réseau , ;Qu'en outre, ce délai n'est pas prescrit dans les textes à peine de nullité ; qu'il n'induit aucune obligation de résultat en ce qu'il ne fait naître aucune décision implicite du gestionnaire ; que partant, la méconnaissance de ce délai ne saurait caractériser aucune irrégularité de la procédure de demande de raccordement et le moyen selon lequel la décision du CoRDiS serait contraire à la légalité en raison de l'absence de caractère impératif du délai de 3 mois sera écarté ;

2.2. en ce qui concerne le moyen tiré de la survenance du décret n o 2010-1510 du 9 décembre 2010, justifiant prétendument la méconnaissance par le gestionnaire de réseau de sa propre documentation technique de référence

Considérant que la société ERDF soutient que la délivrance d'une proposition technique et financière était, dans les circonstances de cette espèce, en raison de la survenue du décret no 2010-1510 du 9 décembre 2010, dépourvue d'effet utile dès lors que le pétitionnaire n'aurait pas été en mesure de l'accepter, avant la date butoir du 2 décembre 2010 fixée par ce même décret ; que dans ces conditions le CoRDiS ne pouvait légitimement décider qu'en ne transmettant pas la proposition technique et financière sollicitée par le GAEC de Saint Doué dans un délai de trois mois au motif de l'entrée en vigueur prochaine du décret susvisé, elle avait nécessairement méconnu sa documentation technique de référence ; que quoi qu'il en soit, la décision du CoRDiS est insuffisamment motivée dans la mesure où elle n'entre pas véritablement dans son argumentation pour y répondre ;

Considérant que le GAEC de Saint Doué objecte que cet argument est totalement inopérant dans la mesure où il ne saurait avoir aucune incidence sur le fait que la société ERDF a méconnu le délai de trois mois pour transmettre la proposition technique et financière dont s'agit ; qu'en effet, le motif tiré de l'entrée en vigueur d'un texte réglementaire n'est nullement mentionné par les textes spécifiques en la matière comme pouvant justifier un refus de conclure un contrat d 'accès aux réseaux ; que tout gestionnaire public de distribution sollicité par un pétitionnaire producteur, doit lui adresser une proposition technique et financière pour raccordement, sauf à justifier les motifs de son refus lesquels ne peuvent se fonder que sur les motifs prévus par la loi et en conformité avec les procédures de raccordement édictées conformément au référentiel technique du gestionnaire de réseau.

Vu le décret no 2010-1510 du 9 décembre 2010, ensemble les dispositions de la directive 2009/28 du 23 avril 2009 dont les termes sont rappelés par la CRE dans ses observations, cette directive imposant aux Etats membres de l'Union européenne de soumettre les gestionnaires de réseau à l'obligation de fournir aux producteurs les informations requises pour le raccordement, notamment en ce qui concerne le calendrier de réception et de traitement des demandes de raccordement ;

Considérant que le délai de trois mois dont s'agit n'est par principe qu'un délai maximum laissé au gestionnaire de réseau pour examiner les demandes de raccordement, puisqu'il n'a ni pour objet ni pour effet, de faire naître une décision ; que par suite, une proposition technique et financière peut être communiquée au producteur et acceptée par lui avant l'expiration de ce délai et le décret dont s'agit ne saurait avoir aucun effet sur le constat de la méconnaissance par la société ERDF de son obligation de communiquer une proposition technique et financière dans le délai en cause dès lors que la publication de ce décret n'est intervenue, ainsi que son entrée en vigueur, que 9 jours après l'expiration du délai de trois mois considéré ;

Considérant par conséquent que la société ERDF n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions du décret no 2010-1510 du 9 décembre 2010 pour justifier le non-respect du délai déterminé par la documentation technique et l'absence de transmission de toute proposition technique et financière au GAEC de Saint Doué ;

Considérant que sur cette constatation et pour ces raisons, le moyen selon lequel au fond, la société ERDF n'aurait pas méconnu sa documentation technique de référence doit être écarté ;

3. Synthèse des points 1 et 2 et autres demandes

Considérant finalement que tous les moyens d'annulation de la société requérante, qu'ils relèvent du contrôle de la légalité externe ou interne de la décision attaquée, s'avèrent inopérants à fonder une censure de la décision déférée ;

Vu l'article 696 du code de procédure civile ;

Considérant que la société ERDF qui succombe sera condamnée aux entiers dépens de cette instance ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile ;

Considérant que l'équité commande de condamner la société ERDF à verser au GAEC de Saint Doué une indemnité de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Par ces Motifs, la cour,

Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire,

Ordonne la jonction des dossiers enrôlés sous les n° 11/20346 et 11/20368,

Rejette en tous ses moyens, fins et conclusions, le recours formé par la société Electricité Réseau Distribution France contre la décision du comité de règlement des différends et des sanctions de la commission de régulation de l'énergie du 28 septembre 2011 dans le différend qui l'opposait à la société agricole Groupement agricole d'exploitation en commun de Saint Doué relatif aux conditions de raccordement d'une installation de production photovoltaïque située sur la commune de Trédion (56) au réseau public de distribution d'électricité,

Rappelle que cette décision, objet du dit recours, demeure inchangée pour produire ses entiers effets,

Condamne la société Electricité Réseau Distribution France aux entiers dépens de cette instance,

Condamne la société Electricité Réseau Distribution France à verser la société agricole Groupement agricole d'exploitation en commun de Saint Doué une indemnité de mille euros (1 000 euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.