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Décisions

Cass. com., 1 avril 2014, n° 13-13.574

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

Amiens, du 13 déc. 2012

13 décembre 2012

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 13 décembre 2012) et les productions, que la société Evelop France a été mise en liquidation judiciaire par jugement du 19 juin 2009, publié le 2 juillet suivant ; que la Société d'intérêt collectif agricole d'électricité de l'Aisne (SICAE), se disant copropriétaire de divers actifs, a, le 18 mars 2010, présenté requête en revendication au juge-commissaire ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la SICAE fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de son appel et d'avoir déclaré irrecevable sa requête en revendication, alors, selon le moyen, que les conclusions écrites prises par le ministère public avant l'audience doivent être communiquées aux parties afin qu'elles puissent y répondre utilement ; qu'après avoir constaté que le ministère public avait conclu le 30 août 2012, avant la date d'audience fixée le 27 septembre 2012, ce dont il résultait que ces conclusions, antérieures à l'audience, avaient été nécessairement prises par écrit, la cour d'appel ne pouvait s'abstenir de vérifier que la SICAE avait reçu communication des conclusions écrites du ministère public afin d'être en mesure d'y répondre utilement ; qu'en s'abstenant de cette constatation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 16 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'avis écrit par lequel le ministère public déclare s'en rapporter ne peut, étant sans influence sur la solution du litige, être assimilé à des conclusions écrites au sens de l'article 431 du code de procédure civile et n'a pas à être communiqué aux parties ; qu'il résulte des pièces de la procédure que le ministère public a, le 30 août 2012, par visa de la lettre de communication du dossier par le greffe, déclaré "s'en rapporter" ; que dès lors, cet avis n'avait pas à être communiqué aux parties ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la SICAE fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en soumettant, à peine d'inopposabilité du droit de propriété à la procédure collective, l'action en revendication du propriétaire à un délai particulièrement bref de trois mois à compter de la publication au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (Bodacc) du jugement d'ouverture de la procédure collective, les dispositions de l'article L. 624-9 du code de commerce privent le revendiquant de son droit de propriété et portent atteinte au droit au respect de ses biens ; qu'en effet, constitue une privation de propriété contraire au droit au respect des biens une disposition législative ayant pour conséquence de priver, en fait, le propriétaire de toutes les utilités de sa chose ; que le propriétaire dont le droit de propriété est inopposable à la procédure collective est en fait privé de toute les utilités de sa chose puisqu'il ne peut ni la céder, ni en tirer aucun avantage économique ; qu'en décidant pourtant, pour déclarer irrecevable l'action de la SICAE, que «la forclusion opposable à l'intéressée n'est, pour un motif d'intérêt général, qu'une restriction apportée à l'exercice de son droit de propriété (à supposer ce droit avéré) de sorte que, faute d'exercice dans le délai imparti par la loi, ce droit n'est pas éteint, mais seulement inopposable à la procédure collective», cependant que l'inopposabilité du droit de propriété à la procédure collective, en ce qu'elle prive le revendiquant de toutes les utilités de la chose, constitue une véritable privation de propriété, la cour d'appel a violé l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ qu'en subordonnant, à peine d'inopposabilité du droit de propriété à la procédure collective, l'action en revendication du propriétaire à une demande préliminaire devant le liquidateur judiciaire, les dispositions de l'article L. 624-17 du code de commerce privent le revendiquant de son droit de propriété et portent atteinte au droit au respect de ses biens ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a déclaré irrecevable la requête en revendication de la SICAE au prétexte qu'elle n'avait pas été précédée d'une demande d'acquiescement devant le liquidateur judiciaire, constatant sur ce point que la requête «n'a pas été précédée d'une demande de restitution amiable» ; qu'en statuant ainsi, cependant que ce préalable obligatoire constituait une privation de propriété portant atteinte au droit de propriété de la SICAE, la cour d'appel a violé l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu, d'une part, qu'après avoir énoncé que l'article L. 624-9 du code de commerce dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 18 décembre 2008 aux termes duquel la revendication des meubles ne peut être exercée que dans le délai de 3 mois suivant la publication du jugement ouvrant la procédure et que la forclusion résultant de l'inobservation de ce délai répond à un motif d'intérêt général, la cour d'appel en a exactement déduit que ne constituent pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété les restrictions ainsi apportées à l'exercice de ce droit ;

Attendu, d'autre part, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni de ses conclusions que la SICAE a soulevé devant la cour d'appel le moyen tiré de la non-conformité des dispositions de l'article L. 624-17 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, à celles de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la SICAE fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de son appel du jugement du 25 juin 2010 ayant confirmé l'ordonnance du 11 mai 2010 en ce qu'elle avait constaté le caractère abusif de la procédure et sursis à statuer sur la demande d'indemnisation de la liquidation judiciaire de la société Evelop France pour le préjudice subi, alors, selon le moyen :

1°/ que la SICAE faisait précisément valoir dans ses conclusions que son action n'avait aucun caractère abusif ; que pourtant ni le juge commissaire, ni le tribunal de commerce, ni la cour d'appel n'ont motivé en aucune façon leur décision constatant le caractère prétendument abusif de la procédure intentée par la SICAE, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en se fondant, pour retenir le caractère prétendument abusif de l'action en revendication formée par la SICAE, sur «les éléments produits par les parties», sans apporter la moindre précision sur la nature ou le contenu de ses éléments, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a totalement privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu qu'en l'absence de décision sur le caractère abusif de la procédure, le moyen est inopérant ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Société d'intérêt collectif agricole d'électricité de l'Aisne aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Grave Randoux, ès qualités la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier avril deux mille quatorze.