Cass. com., 6 février 2001, n° 98-11.475
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Rapporteur :
M. Badi
Avocat général :
M. Lafortune
Avocat :
Me Bouthors
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite de la conversion en liquidation des biens du règlement judiciaire de la société les Chaussures Gounin, le juge des ordres a ouvert un ordre judiciaire aux fins de répartition du produit de la vente de deux ensembles immobiliers réalisée par le syndic ; que le Crédit d'équipement des petites et moyennes entreprises (le CEPME), créancier hypothécaire, a déposé un dire de contestation à l'état de collocation dressé et a relevé appel du jugement ayant rejeté sa demande tendant à voir juger que les éléments du fonds de commerce cédés le 19 décembre 1985 constituaient des immeubles par destination ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu que le syndic fait grief à l'arrêt d'avoir dit que l'Assedic Maine Tourraine n'avait pas à être colloquée sur le produit de la vente des immeubles au titre du superprivilège des salaires et d'avoir enjoint au syndic d'établir une production ne devant inclure que les frais de justice et dépenses nécessaires à la conservation des biens hypothéqués, alors, selon le moyen, que les créances nées après le jugement ayant ouvert la procédure collective doivent être payées avant les créances dans la masse, même privilégiées ; que les frais de procédure collective constituant une créance née régulièrement après le jugement d'ouverture, il en résulte qu'en cas de liquidation ces frais doivent être payés par priorité à une créance hypothécaire antérieure, quand bien même ils ne pourraient bénéficier sur le prix de vente de l'immeuble grevé du privilège général des frais de justice institué par l'article 2104.1 du Code civil ; qu'en décidant cependant que si les créanciers de la masse étaient normalement payés avant tous les autres créanciers antérieurs au jugement déclaratif, hormis le superprivilège des salaires, ils étaient néanmoins primés par les créanciers du débiteur qui disposaient sur ses biens d'une sûreté spéciale affectée à leur garantie, et qu'il n'en était autrement que si les créanciers de la masse avaient contribué à la conservation du bien grevé, la cour d'appel a violé les articles 35 et 89 de la loi du 13 juillet 1967, 2104 et 2105 du Code civil ;
Mais attendu que si les frais de la procédure collective constituent une créance née après le jugement d'ouverture de celle-ci, ils ne sont privilégiés sur la généralité des immeubles, en vertu de l'article 2104.1 du Code civil, que dans la mesure où ils ont été utiles à la conservation et à la réalisation des biens et exposés dans l'intérêt commun des créanciers ; qu'en enjoignant au syndic d'établir une production n'incluant que les frais de justice et dépenses nécessaires à la conservation des biens hypothéqués, la cour d'appel a fait l'exacte application du texte précité ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident du CEPME, pris en ses deux branches :
Attendu que le CEPME fait grief à l'arrêt d'avoir dit n'y avoir lieu à réintégrer le produit de la vente de l'actif mobilier dans le prix à distribuer aux créanciers privilégiés, alors, selon le moyen :
1 ) que, suivant les articles 524 et 2092-2 du Code civil, en cas de vente séparée des actifs mobiliers garnissant un immeuble par nature grevé d'une hypothèque, le créancier hypothécaire dispose d'un droit de préférence sur lesdits actifs immobiliers, lesquels constituent les accessoires de la sûreté réelle immobilière ; que pour refuser de réintégrer le produit de la vente des actifs mobiliers dans le prix à distribuer aux créanciers privilégiés, la cour d'appel a retenu que les actifs mobiliers avaient perdu leur caractère d'immeubles par destination du fait de leur vente séparée ; qu'en statuant ainsi, à la faveur d'un motif inopérant, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ce CEPME, en sa qualité de créancier hypothécaire n'avait pas un droit de préférence sur le produit de la vente des actifs mobiliers, la cour d'appel a violé les textes précités ;
2 ), que, selon l'article 524 du Code civil, la vente séparée par le syndic des actifs mobiliers, devenus des immeubles par destination du fait de leur incorporation par le propriétaire dans un immeuble, ne fait pas perdre à ces derniers leur nature d'immeubles par destination ; qu'en retenant que les actifs mobiliers avaient perdu leur qualité d'immeubles par destination du fait de leur vente séparée par le syndic, la cour d'appel a violé le texte précité ;
Mais attendu qu'ayant retenu que si certains éléments du fonds de commerce cédés par le syndic avaient pu être immeubles par destination comme servant à l'exploitation commerciale, cette immobilisation avait cessé dès lors que l'immeuble d'un côté et le fonds comprenant ces éléments de l'autre, avaient été cédés à des acquéreurs différents, c'est à bon droit que la cour d'appel, peu important que ces cessions aient procédé de l'obligation du syndic de réaliser l'actif de la liquidation des biens, a statué comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident de l'AGS et l'UNEDIC, pris en sa première branche :
Vu les articles 2105 du Code civil et 51 de la loi du 13 juillet 1967 ;
Attendu que, pour dire que l'Assedic Maine Tourraine n'avait pas à être colloquée sur le produit de la vente des immeubles au titre du superprivilège des salaires, l'arrêt, après avoir exactement énoncé que l'article 2105 du Code civil n'institue pour les créanciers privilégiés de l'article 2104 un privilège sur les immeubles qu'à titre subsidiaire dans le cas où l'actif mobilier ne permet pas en application de l'article 2101 de les désintéresser, retient que l'actif mobilier était suffisant "pour régler le superprivilège" ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le créancier subrogé dans le superprivilège des salariés doit être préféré aux créanciers de la masse et remboursé dès la première rentrée des fonds nécessaires sans qu'aucun autre créancier puisse y faire opposition, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du pourvoi incident de l'AGS et l'UNEDIC :
REJETTE le pourvoi principal et le pourvoi incident du Crédit d'équipement des petites et moyennes entreprises ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que l'Assedic Maine Tourraine n'avait pas à être colloquée sur le produit de la vente des immeubles au titre du superprivilège des salaires, l'arrêt rendu le 11 décembre 1997, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.