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Décisions

Cass. com., 25 novembre 2020, n° 19-18.255

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

M. Riffaud

Avocat général :

Mme Henry

Avocats :

SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Thouin-Palat et Boucard

Rouen, du 14 mars 2019

14 mars 2019


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 14 mars 2019), le 13 février 2015, la société P et S Nord a été mise en liquidation judiciaire, Mme E... étant désignée en qualité de liquidateur.

2. Le liquidateur a assigné M. P... et Mme A..., associés fondateurs de la société débitrice, devant le tribunal de la procédure collective, en responsabilité pour insuffisance d'actif et pour obtenir le prononcé de leur faillite personnelle. Il a, en outre, assigné la société Cuba libre et d'autres personnes en paiement de sommes irrégulièrement reçues.

3. Le 2 février 2018, le tribunal a donné acte au liquidateur de ce qu'il se désistait de sa demande en paiement formée contre la société Cuba libre, elle-même mise en liquidation judiciaire le 21 juillet 2017, et « dit que le surplus de l'instance se poursuit à l'audience publique du vendredi 16 mars 2018 pour être plaidée à l'égard des autres parties en cause. »

4. Par un jugement du 18 mai 2018, le tribunal a rejeté l'exception de nullité soulevée par M. P... et Mme A..., les a condamnés solidairement au paiement de la somme de 1 203 995,49 euros et a prononcé leur faillite personnelle pour une durée de sept ans.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. Mme V... et M. P... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande d'annulation du jugement rendu par le tribunal de commerce le 18 mai 2018, alors « que dans les procédures emportant sanctions à l'encontre des dirigeants d'une entreprise en difficulté, les juges du fond doivent préciser le sens de l'avis du ministère public, constater que les parties en avaient reçu communication écrite et avaient pu y répondre utilement ; qu'en s'étant bornée à mentionner que le ministère public avait rendu un avis le 20 septembre 2018 dont les parties avaient utilement pu prendre connaissance, sans préciser qu'elles en avaient reçu la communication écrite, la cour d'appel a violé les articles 16 et 431 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

6. Il résulte des mentions de l'arrêt que les parties ont eu connaissance en temps utile de l'avis du ministère public émis le 20 septembre 2018, avant les débats du 9 octobre suivant, de sorte qu'elles pouvaient répliquer à cet avis écrit. Elles pouvaient aussi répliquer, par la note en délibéré spécialement autorisée par l'article 445 du code de procédure civile, à l'avis qu'avait pu développer oralement lors des débats le représentant du ministère public. Dès lors, les mentions de l'arrêt suffisent à s'assurer de la régularité de celui-ci.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième, cinquième et sixième branches

8. Mme V... et M. P... font le même grief à l'arrêt, alors :

« 2°/ que si des actions en comblement de passif, en déclaration de faillite personnelle et en recouvrement d'une somme donnent lieu à une instance unique, l'ensemble des débats de cette instance doivent se dérouler en audience publique, peu important que la demande dirigée contre l'une des parties ait pu, si elle avait donné lieu à une instance distincte, être débattue en chambre du conseil ; qu'en jugeant, pour débouter Mme V... et M. P... de leur demande de nullité du jugement rendu par le tribunal de commerce du Havre le 18 mai 2018, que la circonstance que l'audience du 2 février 2018 se soit tenue en chambre du conseil n'affectait pas la régularité de la procédure dès lors qu'il n'avait été débattu, au cours de cette audience, que du seul désistement du liquidateur au profit de la société Cuba libre, poursuivie en recouvrement d'une certaine somme, quand Mme V... et M. P... étaient présents et représentés à cette audience, et qu'ils étaient poursuivis en comblement de passif et déclaration de faillite personnelle, ce qui imposait, à peine de nullité de la totalité de la procédure suivie à leur encontre que l'audience soit tenue publiquement, la cour d'appel a violé les articles L. 662-3 et R. 662-9 du code de commerce ;

3°/ que si des actions en comblement de passif, en déclaration de faillite personnelle et en recouvrement d'une somme donnent lieu à une instance unique, l'ensemble des débats de cette instance doivent se dérouler en audience publique, peu important que la demande dirigée contre l'une des parties ait pu, si elle avait donné lieu à une instance distincte, être débattue en chambre du conseil ; qu'en jugeant, pour débouter Mme V... et M. P... de leur demande de nullité du jugement rendu par le tribunal de commerce du Havre le 18 mai 2018, que la circonstance que l'audience du 2 février 2018 se soit tenue en chambre du conseil n'affectait pas la régularité de la procédure dès lors qu'à l'issue de celle-ci, le tribunal avait renvoyé l'examen des demandes dirigées contre eux à une audience publique, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants en violation des articles L. 662-3 et R. 662-9 du code de commerce ;

4°/ que toutes les audiences, y compris de procédure, afférentes à une sanction envisagée contre un dirigeant d'une entreprise en difficulté, doivent être tenues publiquement et non en chambre du conseil ; qu'en jugeant, pour débouter Mme V... et M. P... de leur demande de nullité du jugement rendu par le tribunal de commerce du Havre le 18 mai 2018, qu'il importait peu que plusieurs audiences de la procédure aient été tenues en chambre du conseil, dès lors qu'à l'issue de l'audience du 2 février 2018, tenue en chambre du conseil, le tribunal avait renvoyé à une audience publique les débats relatifs au fond de l'action dirigée contre les exposants, la cour d'appel a violé ce texte, ensemble l'article L. 662-3 du code de commerce, l'article R. 662-9 du même code et les articles 22 et 433 du code de procédure civile ;

5°/ que l'article 437 du code de procédure civile interdit uniquement de prononcer la nullité d'une décision rendue à l'issue d'une audience qui, ayant à tort commencé en chambre du conseil (respectivement publiquement), s'est poursuivie à bon droit publiquement (respectivement en chambre du conseil) ; qu'il n'empêche en revanche nullement de faire constater l'irrégularité d'une procédure au cours de laquelle plusieurs audiences se sont à tort tenues en chambre du conseil au motif que l'audience finale aurait été publique ; qu'en affirmant, pour débouter Mme V... et M. P... de leur demande de nullité du jugement rendu par le tribunal de commerce du Havre le 18 mai 2018, qu'à supposer même que la tenue en chambre du conseil des premières audiences puisse constituer une irrégularité de la procédure, il y aurait lieu alors de faire application des dispositions de l'article 437 du code de procédure civile, la cour d'appel a violé ce texte ;

6°/ que devant les juges du fond, Mme V... et M. P... faisaient valoir que la procédure suivie à leur encontre, ayant conduit au jugement du tribunal de commerce du Havre du 18 mai 2018 était nulle à raison de la tenue de plusieurs audiences – en particulier celle du 2 février 2018 – en chambre du conseil ; qu'en relevant, par motifs éventuellement adoptés, pour les débouter de leur demande de nullité du jugement rendu le 18 mai 2018, qu'il n'apparaissait pas dans le jugement du 2 février 2018 que M. P... et Mme V... auraient protesté contre le renvoi de l'affaire au fond à une audience publique ni qu'ils auraient sollicité la tenue des débats en chambre du conseil lors de cette audience au fond, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants en violation des articles L. 662-3 et R. 662-9 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

9. Aux termes de l'article 562, alinéa 2, du code de procédure civile, la dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement, sauf si l'irrégularité invoquée atteint l'acte introductif de l'instance devant le premier juge. Les griefs développés devant la cour d'appel par Mme V... et M. P..., qui étaient relatifs au caractère public ou non des débats tenus devant le tribunal, ne dénonçant pas une telle irrégularité, la cour d'appel aurait, même si elle avait annulé le jugement, dû statuer sur le fond de l'affaire. Il en résulte que Mme V... et M. P... sont sans intérêt à critiquer l'arrêt pour n'avoir pas accueilli leur demande d'annulation.

10. Le moyen est donc irrecevable.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.