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Décisions

CA Aix-en-Provence, 9e ch. B, 23 juin 2017, n° 15/06750

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

CGEA de Marseille

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Michel

Conseillers :

M. Mathis, M. Macouin

Cons. prud’h. Aix-en-Provence, sect. enc…

31 mars 2015

EXPOSE DU LITIGE

M. Christophe V. a été embauché en qualité de responsable grands comptes, suivant contrat à durée déterminée du 6 octobre 2010, renouvelé une fois, pour se terminer le 7 avril 2011, par la SAS Nhéolis qui a pour activité la construction et la vente d'éoliennes de faible puissance dédiées à l'équipement de maisons individuelles ainsi que d'autres produits dérivés.

Suivant contrat à durée indéterminée du 19 mars 2012, dont la validité est l'objet du présent litige, M. Christophe V. a été embauché par la SAS Nhéolis, représentée par M. Nordine H., président, en qualité de directeur général, statut cadre - position 3.3, coefficient 270 de la convention collective nationale des 'bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs conseils et sociétés de conseils’, laquelle est applicable aux relations contractuelles des parties. Sa rémunération mensuelle brute était fixée à 7500€, outre un intéressement au capital de la société Nhéolis et une rémunération annuelle variable de 30000€.

Par courrier recommandé en date du 2 octobre 2013, la société Nhéolis, en la personne de M. L., président désigné par assemblée générale du 12 juin 2013, a notifié à M. Christophe V. son licenciement pour faute lourde, avec mise à pied, en ces termes : « Monsieur, ainsi que vous le savez, puisque vous étiez secrétaire de séance, lors de l'assemblée générale des actionnaires de la SAS Nhéolis, qui, le 12 juin 2013 a accepté sans quitus la démission de M. Nordine H., et qui, à l'unanimité des votes exprimés, m'a nommé comme président. Depuis cette date, je suis le seul responsable de la gestion de cette société et seule habilité à l'engager financièrement. Bien qu'ayant, à plusieurs reprises, en ma qualité de représentant permanent de la SA Garlaban, l'un des principaux actionnaires historiques, émis des réserves quant à votre comportement à l'égard des intérêts de la SAS Nhéolis, je vous ai laissé continuer à exercer votre rôle de directeur général de la société, et, à ce titre, à superviser sa comptabilité, à assurer les paiements et à veiller à ce que les créances soient recouvrées en temps utile, soit, d'une façon plus générale à remplir des fonctions de supervision.

Or c'est avec regret que j'ai appris que vous aviez remis à Monsieur H. des carnets de chèques CIC de la société, ce qui lui a permis sans droit, de tirer notamment quatre chèques entre juillet et septembre deux montant de 15'332,05 € pour l'un et de 5000 € chacun pour les trois autres. Ces chèques aux dires de l'intéressé étaient destinés à lui payer son salaire prévu pour son CDD du 1er août, pour le premier, et pour les trois autres à le rembourser de son compte courant associé.

Cependant, dans le but de se soustraire au fisc, comme Monsieur H. nous l'a expliqué après coup, lors de notre enquête, s'agissant du premier il a été porté comme bénéficiaire les prénom et nom de Esteban H. (son fils âgé de moins d'un an') Ce chèque a attiré l'attention de la banque CIC qui nous a alerté. S'agissant des trois autres chèques, le nom de Madame Odile B. a été porté comme bénéficiaire, or vous n'êtes pas sans ignorer, qu'il s'agit de sa compagne et mère du petit Esteban.

Ainsi, votre manque de vigilance quant à la garde des chéquiers et à celle des souches des carnets, dont les chèques litigieux ont été extraits, pourrait en cas de contrôle de l'administration fiscale, valoir notre société d'être considérée comme complice de l'organisation frauduleuse et comme participant à l'insolvabilité de Monsieur H..

À cela s'ajoute le caractère irrégulier du contrat de travail dont vous prévalez. Ce contrat qui vous a été accordé par Monsieur H. n'a pas été soumis à l'autorisation du comité de suivi de l'entreprise, comme prévu dans les statuts pour tous les engagements financiers de Nhéolis, excédant la somme de 50'000 €.

En conséquence de ce qui précède, notamment de l'aide apportée à Monsieur H. pour prélever dans la trésorerie exsangue de la société entre juillet et août 2013 plus de 30'000 € dont 15'000 € de remboursement du compte courant associé, ce qui est constitutif d'un abus de biens sociaux. Étant donné l'état de nos finances et de votre complicité dans la dissimulation et le traitement en interne de ses chèques, je me vois contraint de vous licencier pour faute lourde est inexcusable avec mise à pied.

Il vous est donc interdit de vous présenter au siège social de notre entreprise sans m'avertir au préalable et il vous est demandé de restituer les clés et autres moyens d'accès. En outre vous voudrez bien nous rendre l'ensemble des documents Nhéolis en votre possession. Par ailleurs nous vous accordons 48 heures pour vous organiser afin d'extraire vos données personnelles de la messagerie, car, bien évidemment pour des raisons de sécurité vous allez en être exclu.

Enfin, s'agissant du contrat de travail léonin que vous avez obtenu de la part de Monsieur H. tant personnellement qu'ès qualités, le 22 juillet 2011 sans aval du comité de suivi, il est inopposable à la société Nhéolis car contraire à ses statuts. S'agissant aussi du transfert de titre gratuit à votre profit de la part de Monsieur H., visé à son article cinq, cette opération serait contraire de surcroît au pacte d'actionnaires signé par celui-ci. En conséquence nous vous crée aucun droit à l'encontre de Nhéolis.......... ».

Par jugement du 14 octobre 2013, le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a prononcé le redressement judiciaire de la société Nhéolis puis, par jugement rendu le 25 février 2014, la société Nhéolis a été placée en liquidation judiciaire et Maître R. désigné en qualité de mandataire liquidateur.

Estimant son licenciement injustifié, M. Christophe V. a saisi le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence, lequel, par jugement rendu le 31 mars 2015, en sa section encadrement, a:

*dit qu'il est compétent pour examiner le litige et qu'il n'y a pas sursis à statuer,

*dit que la demande d'incompétence n'est pas retenue,

*dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

*constaté et fixé la créance de M. Christophe V. sur la liquidation judiciaire de la société Nhéolis représentée par son mandataire liquidateur, Maître R., aux sommes de :

-10000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-22500 € à titre d'indemnité de préavis,

-2250 € au titre des congés payés y afférents,

-22500 € au titre de l'indemnité de non-concurrence,

-22500 € au titre de l'indemnité de rémunération variable,

-2250 € au titre des congés payés y afférents,

-1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

*dit y avoir lieu à rectification des documents dans un délai de trente jours à compter de la notification du présent jugement. Passé ce délai, fixé une astreinte de 10 € par jour de retard,

*rappelé l'exécution provisoire de droit,

*débouté les parties du surplus de leurs demandes,

*déclaré le présent jugement opposable au CGEA de Marseille,

*dit que l'obligation du CGEA de Marseille de faire l'avance de la somme à laquelle est évalué le montant total des créances garanties aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé de créances par le mandataire judiciaire, et sur justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l'article L. 3253-19 du code du travail,

*dit que les dépens seront inscrits en frais de liquidation judiciaire.

Le 13 avril 2015, Maître R., en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Nhéolis, a interjeté régulièrement appel de cette décision qui lui a été notifiée le 8 avril 2015.

Dans ses conclusions régulièrement déposées et soutenues à l'audience, la SCP BR représentée par Me R. demande à la cour de :

*dire et juger le contrat à durée indéterminée du 19 mars 2012 nul, faute d'autorisation en assemblée générale ordinaire et, à tout le moins, inopposable à la société Nhéolis,

*dire et juger que M. Christophe V., complice de M. H., s'est rendu coupable d'une gestion de fait de la société Nhéolis, par utilisation de ses moyens de paiement sans droit ni légitimité depuis la démission de M. H.,

*dire et juger n'y avoir pas de lien de subordination entre M. Christophe V. et la société Nhéolis,

*débouter M. Christophe V. de l'intégralité de ses demandes,

Subsidiairement, si par extraordinaire, la cour devait reconnaitre la qualité de salarié de M. Christophe V.,

*dire et juger le licenciement notifié à M. Christophe V. fondé sur une faute lourde,

*le débouter de l'intégralité de ses demandes,

Très subsidiairement,

*dire et juger le licenciement de M. Christophe V. fondé sur une faute grave compte tenu des faits fautifs caractérisés mais également de son niveau de responsabilité et de sa parfaite connaissance de la situation et des conséquences de ses fautes,

*le débouter de plus fort de ses demandes, hors indemnité de congés payés.

Aux termes de ses conclusions régulièrement déposées et soutenues à l'audience, M. Christophe V. demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé le licenciement de M. Christophe V. sans cause réelle et sérieuse, et fixé la créance de ce dernier sur la liquidation judiciaire de la société Nhéolis aux sommes suivantes :

-10000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-6250 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

-22500 € à titre d'indemnité de préavis,

-2250 € au titre des congés payés y afférents,

-22500 € au titre de l'indemnité de non-concurrence,

-22500 € au titre de l'indemnité de rémunération variable,

-2250 € au titre des congés payés y afférents,

-1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Et, statuant à nouveau, condamner et fixer au passif de la procédure collective de la société Nhéolis les sommes de :

-50000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en sus de la somme octroyée par le conseil de prud'hommes à ce titre,

-7500 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,

-31500 € au titre de l'indemnité compensatrice de non-concurrence en sus de la somme octroyée par le conseil de prud'hommes à ce titre,

-7500 € bruts au titre de la rémunération variable non perçue, outre 750 € bruts d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents, en sus des sommes octroyées par le conseil de prud'hommes à ce titre,

-3000 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

-70687,35 € au titre des heures complémentaires et supplémentaires non rémunérées, outre 7068,72 € bruts d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents,

-15255, 32 € au titre de la contrepartie obligatoire en repos,

-45000 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

-3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

*condamner et fixer au passif de la procédure collective de la société Nhéolis le montant des intérêts au taux légal.

Dans ses conclusions régulièrement déposées et soutenues à l'audience, le CGEA de Marseille, en sa qualité de gestionnaire de l'Association pour la gestion du régime de Garantie des créances des Salariés (AGS), demande à la cour de :

Vu la procédure collective ouverte contre Nhéolis : redressement judiciaire du 14 octobre 2013, jugement de cession du 14 décembre 2013 puis liquidation judiciaire après cession le 25 février 2014,

Vu l'article 17 des statuts de la société qui requiert l'autorisation préalable obligatoire du comité de suivi en cas d'engagement financier supérieur à 50000 € annuel, et de tout investissement d'un montant unitaire supérieur à 50000 € non prévu dans le budget annuel,

Vu les quatre procédures d'alerte déclenchées par le commissaire aux comptes de la société Nhéolis, les 4 février 2010, 14 avril 2010, 3 octobre 2011 et 12 avril 2012,

- dire et juger que M. Christophe V. a été admis aux fonctions de directeur général de Nhéolis par contrat de travail conclu avec M. H. es qualité le 19 mars 2012 sans autorisation préalable du comité de crédit qui n'était plus réuni depuis le mois de juin 2010, et sans approbation obligatoire de l'assemblée des associés; alors que le contrat prévoyait une rémunération annuelle de 90000 € de M. Christophe V. outre une partie variable de 30000 € et en cas d'atteinte d'objectif le droit d'avoir accès à 10% du capital de la société. Qu'il aura le titre de directeur général et remplira les fonctions en rapport,

- dire et juger nul et de nul effet tant à l'égard de la société qu'à l'égard des tiers, le contrat de directeur général invoqué par M. Christophe V. dès lors qu'aucune assemblée générale ordinaire n'a entériné la nomination en violation des statuts,

- réformer le jugement du 31 mars 2015 et débouter M. Christophe V. de toutes ses demandes, fins et conclusions tendant à voir fixer des créances salariales dans le cadre des articles L. 625-1 et suivants du code du commerce à l'encontre de la procédure collective de la société Nhéolis représentée par son liquidateur, Maître R., subsidiairement,

Vu l'article L 225-51-1 du code de commerce,

- dire et juger que le poste de directeur général confié à Monsieur V. est un mandat social exclusif de tout lien de subordination, des lors qu'il avait accès à tous les centres décisionnaires et d'analyse de l'entreprise,

' réformer le jugement déféré et débouter de toutes ses demandes tendant à voir fixer des créances salariales dans le cadre de la procédure collective,

Très subsidiairement,

' confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur V. de ses demandes au titre des rappels de salaire pour heures supplémentaires et indemnité pour travail dissimulé,

' réformer le jugement déféré, le conseil de prud'hommes ne pouvait juger que le liquidateur ne produisait pas d'élément probant sur l'intention de nuire de Monsieur V. ayant présidé à son licenciement pour faute lourde alors que le liquidateur versé aux débats les pièces démontrant l'intention de nuire et à tout le moins la faute grave de Monsieur V. privatives d'indemnité de rupture,

' réformer le jugement sur ce point et débouter Monsieur V. de toute demande de dommages-intérêts saufs à lui accorder une indemnité d'un mois de salaire sur le fondement de l'article L 12 35 ' 2 du code du travail, faute de convocation un entretien préalable au licenciement,

Très subsidiairement,

' dire et juger qu'en l'état d'un licenciement pour faute lourde ou subsidiairement pour faute grave, la faute contractuelle exclue le versement de la contrepartie financière,

' réformer le jugement sur ce point,

Plus subsidiairement encore,

' dire et juger que si la lettre n'a pas délié Monsieur V. de la clause de non-concurrence, ce dernier n'a pas justifié devant le conseil des prud'hommes sa situation professionnelle, le débouter de toute demande à ce titre,

Plus subsidiairement encore,

' débouter Monsieur V. de sa demande d'un montant de 54'000 des lors qu'il a été licencié le 2 octobre 2013 et que la société a fait l'objet d'une liquidation judiciaire le 25 février 2014,

' réformer la fixation de créances d'un montant de 22'000 € faite par les premiers juges des lors que la clause n'a pu courir que de la date du licenciement du 2 octobre 2013 à la date de la liquidation judiciaire qui a opéré cessation d'activité,

' fixer l'indemnité de clause de non-concurrence sur cinq mois à 3750 € (5/10ème de 7500 € mensuels) soit au total 18'750 € en tout état de cause,

' dire et juger que les sanctions pour irrégularité de procédure de licenciement et absence de cause réelle et sérieuse ne se cumulent pas,

' dire et juger que Monsieur V.  justifie pas d'un préjudice à hauteur de 60'000 €,

' confirmer l'appréciation faite par les premiers juges à une somme de 10'000 € de dommages-intérêts.

Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

1. Sur la validité du contrat de travail de travail de M. V.,

Au soutien de sa demande de nullité ou subsidiairement d'inopposabilité de ce contrat à la société, le liquidateur de la SAS Nhéolis se prévaut des dispositions des articles 17-2 et 17-5 des statuts selon lesquels, pour le premier, sur proposition du président, le directeur général est désigné par décision collective ordinaire des associés pour une durée limitée ou non, et pour le second, l'accord préalable du comité de suivi est nécessaire pour tout fait, événement, acte ou décision portant sur la société relatif à un engagement supérieur à 50 000 €, non prévu dans le budget annuel, lesquelles n'ont pas été respectées en l'espèce par M. H.. Il ajoute que ce non-respect délibéré caractérise une fraude, à laquelle a participé M. V. qui n'ignorait pas le contexte économique, ni les obligations juridiques de son engagement.

Il est constant que M. H. était président de la société à la date de la conclusion de ce contrat, représentant légal de cette dernière disposant du pouvoir d'engager des salariés. Il est également constant qu'en application de l'article L 227-6 alinéa 4 du code de commerce, les dispositions statutaires limitant les pouvoirs du président sont inopposables aux tiers, peu important que les tiers en aient eu ou non connaissance. M. V., qui n'est pas associé, bien qu'ayant des liens privilégiés avec M. H., est un tiers par rapport à la société. La collusion frauduleuse entre MM. V. et H. n'est pas par ailleurs articulée autrement que par la connaissance par le premier ' du niveau de responsabilité du poste proposé, du contexte économique ou des obligations juridiques de son engagement'.

Il s'ensuit qu’en l'absence de limitation légale des pouvoirs du président sur ce point, la société Nhéolis est valablement engagée à l'égard des tiers, par son représentant légal, par un contrat qui relève de son objet social. En conséquence, les demandes du liquidateur aux fins d'annulation ou d'inopposabilité du contrat ne peuvent être accueillies.

2. Sur la qualité de salarié de M. V.,

Selon le contrat de travail litigieux, M. V. est désigné directeur général de la société Nhéolis. Par application de l'article 227-1 du code de commerce, les règles concernant les sociétés anonymes sont applicables à la société par actions simplifiée.

Il est soutenu par le CGEA que le poste de directeur général est un mandat social exclusif de tout lien de subordination dès lors qu'en cette qualité, M. V. avait accès à tous les centres décisionnaires et d'analyse de la société.

Certes, le poste de directeur général d'une société par actions simplifiée est en principe un mandat social, cependant en l'espèce, la cour ne peut que constater que M. V., qui n'a pas été désigné par la société dans les conditions prévues par les statuts, dont la désignation n'a été l'objet d'aucune publicité légale, n'a pas été mandaté par la société pour la diriger et la représenter, laquelle précisément conteste cette qualité.

Il convient en conséquence s'agissant de l'existence d'un contrat de travail d'appliquer les règles de preuve de droit commun selon lesquelles elle incombe à celui qui s'en prévaut, mais en présence d'un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, l'existence d'un contrat de travail apparent résulte de :

- la signature d'un contrat de travail le 19 mars 2012 entre M. V. et la société Nhéolis, représentée par son président,

- le paiement des salaires et la remise de bulletins de salaires pendant toute la relation de travail, il incombe en conséquence au liquidateur qui conteste l'existence d'un contrat de travail et soutient que M. V. se comportait comme un gérant de fait, de rapporter la preuve que les relations de travail ne s'inscrivaient pas dans un rapport de subordination, lequel est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Alors que M. V. produit différents mails établissant ce rapport de subordination tant à l'égard de M. H. que de M. L., désigné président de la société suivant assemblée générale du 12 juin 2013, lequel a notifié le licenciement, le liquidateur ne produit pas d'éléments probants permettant de démontrer cette gestion de fait. En effet, le contrat conclu le 22 juillet 2011, soit plusieurs mois avant le contrat de travail litigieux, ne saurait, à lui seul, et alors même que la levée de fonds dont il est question n'est jamais intervenue, remettre en cause, les conditions dans lesquelles s'exécutait la relation entre MM. H. et V., révélatrice d'un lien de subordination.

Sur la gestion de fait qui résulterait de sa complicité en raison de l'utilisation des moyens de paiement de la société par M. H., elle relève de la faute reprochée à M. V. et sera examinée plus loin.

3. Sur l'exécution du contrat de travail,

3.1. Sur la demande au titre de la rémunération variable,

Le contrat de travail prévoit que la rémunération de Monsieur V. est composée 'd'une partie variable de 30'000 € payés en complément de la rémunération fixe, en fonction de l'atteinte d'objectifs et selon des modalités définies dans le cadre d'un avenant au présent contrat au plus tard le 30 juin 2012. Il est d'ores et déjà convenu que le montant de cette part variable sera égal à 30 % de la part fixe. L'avenant consistera donc essentiellement en la définition des objectifs du salarié et en l'affectation des montants correspondants.'

Le salarié soutient que nonobstant l'absence de signature de cet avenant, la part variable doit lui être intégralement versée dès lors que l'employeur n'a pas précisé les objectifs à réaliser.

Dès lors que les parties sont convenues du montant même de la part variable, soit 30 % de la rémunération fixe, il appartenait à l'employeur de fixer et de notifier au salarié les objectifs à atteindre pour bénéficier de cette part variable.

En conséquence, l'employeur est débiteur de la somme de 30 000 €, outre les congés payés afférents.

3.2 Sur les demandes au titre des heures supplémentaires et de la contrepartie obligatoire en repos,

Monsieur V. fait valoir qu'il était soumis au forfait annuel en jours conformément au dispositif de la convention collective des bureaux d'études techniques. Il soutient que cette convention de forfait est nulle, qu'il n'a jamais bénéficié d'entretiens annuels et que la société n'a mis en place aucun dispositif de contrôle de la durée du travail. Il sollicite le paiement des heures supplémentaires effectuées au-delà de 35 heures par semaine, soit la somme de 70 685,35 €.

Selon l'article L 3121-43 du code du travail, peuvent conclure une convention de forfait en jours sur l'année les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable ainsi que les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'exercice de leur emploi du temps.

La conclusion de conventions individuelles de forfait doit être prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut par une convention ou un accord de branche qui détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait ainsi que la durée annuelle de travail laquelle ne peut excéder 218 jours (article L 3121-44) et fixe les caractéristiques principales de ces conventions. Les stipulations de cet accord collectif doivent assurer la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

L'article 4 de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail, pris en application de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, n'est pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, de sorte que la convention de forfait en jours est nulle.

M. V. est en donc en droit de prétendre dans le principe au paiement d'heures supplémentaires.

L'article L 3171-4 du code du travail dispose qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il résulte de ce texte que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et qu'il appartient au salarié de fournir préalablement au juge des éléments suffisamment précis de nature à étayer sa demande de façon à permettre à l'employeur d'y répondre.

Le tableau produit par le salarié (pièce 25) est basé pour les années 2012 et 2013 sur un nombre d'heures supplémentaires moyen journalier de 2 h 45, sans autre précision, et sur la production de 11 e-mails envoyés à des heures décalées, selon lui. Ces éléments ne sont pas suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur d'y répondre en apportant ses propres éléments, de sorte que le salarié qui n'étaye pas sa demande en sera débouté.

Il sera également débouté de sa demande au titre des repos compensateurs.

3. 3 Sur l'indemnité pour travail dissimulé,

La dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article L.8221-5 du code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué ; qu'une telle intention ne peut se déduire de la seule application d'une convention de forfait illicite.

Cette demande sera en conséquence rejetée.

3. Sur le licenciement,

3. 1 Sur la procédure de licenciement,

Il est établi que le licenciement est intervenu en méconnaissance totale des dispositions de l'article 1232-2 du code du travail. La société occupant habituellement moins de onze salariés, le salarié est en droit de prétendre à une indemnité calculée en fonction du préjudice subi, lequel sera entièrement indemnisé par l'allocation de la somme de 1000 €.

3.2 Sur la faute,

La faute lourde est celle qui est commise par le salarié avec l'intention de nuire à l'employeur ou à l'entreprise, laquelle ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable. La charge de la preuve incombe à l'employeur qui l'invoque.

Il est établi par les pièces du dossier, qu'à une date où il n'était plus président de la société, M. H., qui était encore dépositaire de la signature auprès de la banque, et ce, jusqu'au 5 septembre 2013, a signé et établi le 27 juillet 2013, trois chèques de 3000 € chacun, tirés sur le compte de la société, au nom d'Odile B., sa compagne. Il a également signé un chèque, remis par M. V., de 15 332,05 € le 2 septembre 2013, libellé à l'ordre de son fils Esteban H., mineur, chèque rejeté.

Selon les termes de la lettre de licenciement, il est reproché à M. V. un manque de vigilance dans la garde des chèquiers et une complicité dans la dissimulation et le traitement en interne de ces chèques. Pour autant, il n'est caractérisé aucune intention de nuire, au demeurant exclusive d'un manque de vigilance.

Subsidiairement, il est invoqué une faute grave laquelle se définit comme étant celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, constituant une violation des obligations qui résultent du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle justifie la rupture immédiate du contrat de travail. Il incombe également à l'employeur d'en rapporter la preuve.

La cour observe d'une part qu'il appartenait au président de la société, dès sa désignation, de retirer à M. H. la signature dont il disposait sur les comptes bancaires, et d'autre part que par ailleurs, les chèques litigieux correspondent à l'exécution du protocole d'accord entre M. H. et M. L., 'agréé à l'unanimité par l'assemblée générale ordinaire du 12 juin 2013", selon lequel il était convenu que M. H. bénéficierait d'un contrat de travail, effectivement signé le 1er août 2013 jusqu'au 31 décembre 2013, 'moyennant une rémunération de 7500 € bruts, auquel verront s'ajouter 5000 € de remboursement mensuels sur six mois sur son compte courant (total 30 000 € sur 150 000 € de son compte courant actuel'.

Dès lors qu'il n'est pas contesté que M. V.ne disposait pas de la signature sur le compte bancaire de la société aux dates ci-dessus, qu'il n'est pas contesté que ces chéquiers étaient dans un caisson de bureau, auquel M. H., présent dans les locaux au moins jusqu'à fin juillet 2013, conformément au protocole d'accord susvisé, avait accès et que la société était, en vertu de ce même protocole, débitrice envers M. H. de salaires ( chèque de 15 332,05 €) et de remboursement de compte courant ( trois chèques de 5000 €), il ne peut être reproché à M. V. une faute dans l'exercice de sa fonction de directeur général ou de complicité dans les manoeuvres de M. H. qui a, dans un but de dissimulation fiscale, libellé ces chèques au nom de son entourage.

En l'absence de faute, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

4. Sur les indemnités,

M. V. est en droit de prétendre au paiement d'une indemnité de préavis égale à 22 500 €, outre les congés payés afférents, soit 2250 € ainsi qu'à une indemnité de licenciement de 6250 € sur la base d'une ancienneté de deux ans et six mois, conforme aux mentions des bulletins de salaire et du certificat de travail. Le jugement sera confirmé de ces chefs. Il est également en droit de prétendre à une indemnité compensatrice de congés payés dans les conditions prévues par l'article L 3141-28 du code du travail, soit 3000 €, non contesté dans son montant.

Sur l'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, s'agissant d'une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, le salarié a droit, en application de l'article L. 1235-5 du code du travail, à une indemnité correspondant au préjudice subi. Compte-tenu de son âge au moment du licenciement, 52 ans, de son ancienneté dans l'entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi eu égard à son expérience professionnelle et de l'absence de justification de sa situation, les premiers juges ont fait une exacte appréciation de la situation en estimant que son préjudice serait réparé par l'allocation de la somme de 10 000 €, le jugement sera confirmé de ce chef.

5. Sur l'indemnité de non-concurrence,

L'article 17 du contrat de travail contient une clause de non-concurrence pendant une durée d'un mois, renouvelable une fois, dont la société n'a pas libéré Monsieur V.. En contrepartie il est prévu que pendant toute la durée de l'interdiction, dans le cas d'un licenciement non provoqué par une faute grave ou lourde, l'indemnité mensuelle versée au salarié sera portée à 6/10ème de la moyenne mensuelle des appointements dont le salarié aura bénéficié au cours de ses 12 derniers mois de présence dans la société tant qu'il n'aura pas retrouvé un nouvel emploi.

Il incombe à l'employeur, qui se prétend délivré de l'obligation de payer la contrepartie financière d'une clause de non-concurrence, de rapporter la preuve de la violation de cette clause par le salarié.

Lorsque l'entreprise fait l'objet d'une mise en liquidation judiciaire et que les salariés n'ont pas été dispensés ou n'ont pas demandé à être libérés de leur obligation de non-concurrence, l'employeur demeure tenu de payer la contrepartie pécuniaire.

En conséquence, l'indemnité due à ce titre s'élève à 54 000 € sur 12 mois.

6. Sur les autres demandes,

Les dépens de première instance et d'appel seront supportés par la SCP BR, ès qualités. Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de M. V. l'intégralité des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- constaté et fixé la créance de M. Christophe V. au passif de la liquidation judiciaire de la société Nhéolis aux sommes de :

-10000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-22500 € à titre d'indemnité de préavis,

-2250 € au titre des congés payés y afférents,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Fixe comme suit les créances de M. Christophe V. au passif de la liquidation judiciaire de la société Nhéolis aux sommes suivantes :

- 3000 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 54 000 € au titre de la clause de non-concurrence,

- 30 000 € au titre de la part variable,

- 3000 € au titre des congés payés afférents,

Déboute M. V. de ses demandes au titre des heures supplémentaires, de contrepartie en repos compensateurs et d'indemnité pour travail dissimulé,

Constate que le jugement du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence en date du 14 octobre 2013, qui a prononcé l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de SAS Nhéolis, a arrêté le cours des intérêts légaux,

Déclare le présent arrêt opposable à l'AGS (CGEA de Marseille) dans les limites de sa garantie légale, laquelle ne comprend pas l'indemnité de procédure, et dit que cet organisme ne devra faire l'avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens de première instance et d'appel seront supportés par la SCP BR, prise en la personne de Me R., ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Nhéolis.