CA Reims, ch. civ. sect. 1, 1 décembre 2015, n° 14/00373
REIMS
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Maillard
Conseillers :
Mme Simon-Rossenthal, Mme Maussire
Par jugement du 17 décembre 2013, le tribunal de commerce de Reims a, au visa des articles L.227-1 et L.225-1 du code de commerce, condamné M. Julien T. à régler à la société Comptoir Électrique Rémois la somme de 18 215,28 euros, outre intérêts à compter du 12 septembre 2013, avec capitalisation conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil et la somme de 500 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux dépens.
Le tribunal a retenu que par, ordonnance du 19 mars 2012, le président du tribunal de commerce de Meaux avait enjoint la société Elec Gen-Electricité Générale d'avoir à payer à la société Comptoir Électrique Rémois la somme de 18 215,28 euros outre intérêts au taux légal, frais accessoires et dépens au titre de factures impayées ; que par jugement du 8 avril 2013, le tribunal de commerce de Meaux avait placé la société Elec Gen-Électricité en liquidation judiciaire ; que cette dernière étant une société par actions simplifiée à associé unique, tout associé était responsable envers la société et les tiers à hauteur de son apport ; que M. Jean T., en sa qualité d'associé unique de la société, était responsable des dettes de la société et devait être condamné au paiement de la somme de 18 215,28 euros outre intérêts, avec capitalisation ainsi que d'une indemnité de procédure et aux dépens.
Monsieur Jean T. a relevé appel de ce jugement le 12 février 2014.
Par conclusions notifiées le 24 août 2015, l'appelant demande à la cour, au visa de l'article L 227-1 du code de commerce, de l'article 1382 du code civil, d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de débouter la société Comptoir Électrique Rémois représentée par la SCP T. - R., elle-même représentée par Maître Isabelle T., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société, de toutes ses demandes dirigées à son encontre.
Il prie la cour de condamner la SCP T. - R. représentée par Maître Isabelle T., prise en qualité de mandataire liquidateur de la société Comptoir Électrique Rémois, à lui rembourser la somme de 13 248,64 euros correspondant au montant des sommes reçues par elle au titre de l'exécution provisoire attachée au jugement entrepris, arrêtée au jour de signification des conclusions et celle de 303,68 euros correspondant aux frais supportés par Monsieur T. au titre de cette exécution, le tout majoré des intérêts au taux légal à compter de la date d'appréhension ou de paiement des dites sommes jusqu'à parfaite restitution.
Il sollicite le rejet des demandes formées par la SCP T. - R. représentée par Maître Isabelle T., prise en qualité de mandataire liquidateur de la société Comptoir Électrique Rémois et la condamnation de cette dernière ès qualités à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée et celle de 2 500 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel avec, pour ces derniers, distraction au profit de Maître Arnaud G..
Par conclusions notifiées le 3 août 2015, SCP T. - R. représentée par Maître Isabelle T., prise en qualité de mandataire liquidateur de la société Comptoir Électrique Rémois demande à la cour, au visa de l'article R.662-3 du code de commerce, de se déclarer incompétente pour statuer sur la demande de remboursement de l'appelant, d'autant qu'elle n'a reçu que la somme de 4 386,07 euros et non celle de 11 577,98 euros réclamés.
Elle prie la cour, au visa de l'article L.227-1 du code de commerce, de débouter M. Jean T. de ses demandes et de condamner ce dernier à lui payer, ès qualités, une indemnité de procédure de 3 000 euros ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel avec, pour ces derniers, faculté de recouvrement direct au profit de Maître Olivier P..
La clôture de l'instruction est intervenue par ordonnance du 8 septembre 2015.
Sur ce :
Ainsi que le rappelle justement l'appelant, si l'article L. 227-1 du code de commerce dispose que la contribution aux pertes de chaque associé d'une société par actions simplifiée ne peut excéder le montant de sa part dans le capital social de la société ; la contribution aux dettes ainsi visée se distingue de l'obligation aux dettes qui se caractérise par l'engagement des associés à l'égard des créanciers sociaux dans le cadre des sociétés commerciales. La personnalité juridique de chacun des associés est juridiquement distincte de celle de la société ; la règle étant celle de l'indépendance du passif sociétaire pour les sociétés anonymes et sociétés par actions simplifiées. Les associés ne sont pas tenus du règlement des dettes de la société envers les tiers. Par principe, l'associé d'une Société par Actions Simplifiée ne peut être tenu des dettes de la société sauf de manière exceptionnelle à savoir soit sur le fondement d'un engagement volontaire souscrit dans le cadre d'un cautionnement ou d'une garantie à première demande, soit sur le fondement d'une responsabilité civile.
C'est donc à tort que le tribunal de commerce de Reims a indiqué que tout associé d'une société par actions simplifiée était responsable envers la société et les tiers à hauteur de son apport et déclaré M. Jean T. responsable des dettes de la société en sa qualité d'associé de la société Elec Gen-Électricité Générale et l'a condamné à payer à la société Comptoir Électrique Rémois la somme de 18 215,28 euros.
Le jugement entrepris sera dès lors infirmé en toutes ses dispositions et la société Comptoir Électrique Rémois représenté par son mandataire liquidateur la SCP T. - R. elle-même représentée par Maître Isabelle T. sera déboutée de sa demande en paiement.
Nonobstant le fait que M. Jean T. soit accueilli en sa demande, le fait pour l'intimée d'avoir conclu, en défense, à la contribution aux dettes de la société, ne constitue pas un abus de procédure. M. Jean T. sera dès lors débouté de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée.
M. Jean T. sollicite la condamnation de l'intimée à lui rembourser les sommes versées au titre de l'exécution provisoire attachée au jugement entrepris à hauteur de la somme de 13 248,64 euros en principal, outre la somme de 303,68 euros au titre des frais bancaires exposés.
L'exécution d'une décision non définitive par une partie se fait à ses risques et périls. Toute infirmation ultérieure de celle-ci doit donner lieu à une remise en état des parties.
Cependant la cour n'a pas à ordonner expressément le remboursement des sommes versées en vertu du jugement de première instance revêtu de l'exécution provisoire. L'obligation de rembourser résulte de plein droit de l'infirmation de la décision ; la partie qui doit restituer les sommes qu’elles détenaient en vertu de la décision exécutoire n'en devant les intérêts au taux légal qu'à compter de la notification valant mise en demeure de la décision ouvrant droit à restitution.
Mais l'infirmation d'une décision exécutoire qui oblige celui qui a poursuivi l'exécution à restituer les sommes qu'il a perçues, l'oblige également à réparer le préjudice causé par l'exécution sans qu'il y ait lieu de relever de faute dans l'exécution de la décision ce qui, contrairement à ce que soutient l'intimée, ne constitue par une contestation de saisie mais des conséquences résultant de l'infirmation du jugement entrepris et qui relève de la compétence de la cour.
En l'espèce, M. Jean T. justifie, pas ses relevés bancaires, avoir dû régler des frais bancaires au titre de l'exécution de la décision entreprise à hauteur de 303,68 euros. Il est dès lors bien fondé à en solliciter le remboursement. La société Comptoir Électrique Rémois représenté par son mandataire liquidateur la SCP T. - R. elle-même représentée par Maître Isabelle T. sera condamnée à payer à M. Jean T. la somme de 303,68 euros.
Les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.
L'intimée sera déboutée de sa demande d'indemnité de procédure et sera condamnée à payer à l'appelant la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Reims le 17 décembre 2013 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Déboute la société Comptoir Électrique Rémois représentée par son mandataire liquidateur la SCP T. - R. elle-même représentée par Maître Isabelle T. de sa demande de paiement,
Dit que les dépens de première instance seront employés en frais privilégiés de la procédure collective de la société Comptoir Électrique Rémois,
Y ajoutant,
Déboute Monsieur Jean T. de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée,
Dit n'y avoir lieu à ordonner le remboursement des sommes versées en vertu du jugement de première instance revêtu de l'exécution provisoire,
Condamne la société Comptoir Électrique Rémois représentée par son mandataire liquidateur la SCP T. - R. elle-même représentée par Maître Isabelle T. à payer à Monsieur Jean T. la somme de 303,68 euros en remboursement des frais bancaires exposés,
Dit que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective de la société Comptoir Électrique Rémois avec faculté de recouvrement direct au profit de Maître Arnaud G., conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Déboute la société Comptoir Électrique Rémois représentée par son mandataire liquidateur la SCP T.R. elle-même représentée par Maître Isabelle T. de sa demande d'indemnité de procédure,
Condamne la société Comptoir Électrique Rémois représentée par son mandataire liquidateur la SCP T. - R. elle-même représentée par Maître Isabelle T. à payer à Monsieur Julien T. la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.