CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 14 février 2012, n° 10/25203
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Sem Expert (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Delbes
Conseillers :
M. Boyer, M. Picque
Mme Sandrine I. a acquis de sa mère un cabinet d'expert-comptable et de commissaire aux comptes, créé en 1981 sous la dénomination société Cabinet I.. Le capital social, fixé à 56 000 euros, était alors détenu par Mme Sandrine I., directement ou indirectement via sa holding Sem Expert, M. Jean-Paul G., expert-comptable et commissaire aux comptes, détenant une action.
Le 1er juillet 2005, la société B. Audit & Conseil, aujourd'hui devenue Fibeac, et son mandataire social, M. Vincent B., se sont associés au cabinet I. à hauteur de 49,97 % du capital pour un prix total de 212 000 euros, le prix de cession ayant été acquitté par l'apport de clientèle de la société B. Audit & Conseil à hauteur de 50 000 euros et le versement à Mme I. et à la Sem Expert, prises ensemble, d'une somme de 162 500 euros.
Le capital de la société, constituée sous forme de société par actions simplifiée, devenue Cabinet I. & B. Associés (cabinet IBA dans la suite de la décision) était ainsi détenu par la société B. Audit & Conseil (1 749 actions, soit 49,97 % du capital), Mme Sandrine I. (50 actions, 1,43 % du capital), la société Sem Expert (1 700 actions, 48,57% du capital) et M. Jean-Paul G. (1 action, 0,03% du capital).
Les statuts de la société ont été modifiés lors de l'assemblée générale extraordinaire du 27 décembre 2005 et M. Vincent B. a été nommé directeur général tandis que Mme Sandrine I. devenait présidente du Cabinet IBA.
Les relations entre M. B. et Mme I. se sont assez rapidement dégradées et M. B. a proposé le 31 octobre 2006 à Mme I. de lui racheter les 1 750 actions qu'elle détenait directement ou indirectement dans le Cabinet IBA. Cette dernière a, à son tour, proposé à la société B. Audit & Conseil de lui racheter ses 1749 actions.
A compter du 30 novembre 2006, et à la suite de circonstances qui demeurent discutées entre les parties, M. B. ne s'est plus présenté au Cabinet IBA.
L'assemblée générale ordinaire de la SAS, tenue le 31 mars 2007, a pris acte du 'départ volontaire' de M. Vincent B. de ses fonctions de directeur général, et a considéré, par application de l'article 14 des statuts, que ce départ devait être regardé comme une demande de retrait volontaire, laquelle entraînait la cession obligatoire de sa participation au sein du capital. Le prix d'acquisition des 1 749 actions de la société B. Audit & Conseil était fixé par l'assemblée générale à la somme de 107 766,40 euros, sauf à parfaire.
Sur assignation en référé de la société B. Audit & Conseil et de M. Vincent B. en date du 3 décembre 2007, une expertise judiciaire a été ordonnée aux fins d'apprécier la valeur des 1749 actions détenues par la première, au regard de la méthode fixée par l'article 14 des statuts du Cabinet IBA. L'expert a déposé son rapport le 30 septembre 2008 chiffrant à la somme de 132 252 euros la valeur de la part de capital considéré.
Par lettre officielle de leur conseil, en date du 12 novembre 2008, la société B. Audit & Conseil et M. Vincent B. ont mis en demeure leurs anciens associés de leur payer la somme de 134 252 euros. Ces derniers leur ont indiqué par courrier recommandé en date 2 décembre 2008, que la société Sem Expert se portait acquéreur des 1 749 actions pour le prix fixé par l'expert et un rendez-vous de signature a été prévu pour le 17 décembre 2008, date à laquelle la société B. Audit & Conseil et M. B., qui ont contesté les modalités de paiement du prix, ne se sont pas présentés.
La société Sem Expert a consigné le 23 janvier 2009 auprès de la Carpa la somme de 134 252 euros au moyen d'une chèque de banque représentant 50% du total, l'autre moitié étant versée en 20 traites trimestrielles sur cinq ans, dans l'attente de la remise par la société Fibeac des ordres de mouvements correspondants aux 1 749 actions.
Deux actions croisées ont alors été engagées par les parties.
Par actes en date des 21 janvier et 4 février 2009, la société Cabinet I., Mme I., M. G. et la société Sem Expert ont assigné la société Fibeac et M. B. devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de voir constater la vente des actions, ordonner la remise des ordres de mouvements, sous une astreinte de 1 000 euros par ordre de virement non remis dans les 15 jours de la signification du jugement à intervenir, et de voir condamner les défendeurs à leur payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts ainsi que sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par acte en date du 27 janvier 2009, la société Fibeac et M. Vincent B. ont assigné les demandeurs à la précédente instance devant le tribunal de commerce d'Evry aux fins:
- de voir constater l'irrégularité des assemblées générales des 31 mars 2007 et 31 mars 2008, de voir dire et juger que la société B. Audit & Conseil a fait l'objet d'une exclusion forcée et de condamner les défendeurs à leur payer la somme de 134 252 euros à titre d'indemnisation,
- subsidiairement, de voir condamner la société Sem Expert à payer à la société B. Audit et Conseil la somme de 134 252 euros en un seul versement et sans délai de paiement, et en tout état de cause une somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- de constater que M. B. n'était pas démissionnaire de ses fonctions de directeur général et de condamner les défendeurs à lui payer la somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts pour l'avoir révoqué de manière brusque et vexatoire desdites fonctions,
- de dire et juger que les associés majoritaires du cabinet IBA ont commis un abus de majorité à leur préjudice en ne leur distribuant pas les dividendes sur les deux derniers exercices sociaux et de les condamner à leur payer une somme de 40 000 euros à parfaire au vu du procès-verbal d'assemblée générale du 31 mars 2008,
- de les voir condamner à leur payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Ensuite d'un arrêt sur contredit de compétence de la cour d'appel de Paris en date du 7 mai 2010, les deux instances ont été jointes pour se poursuivre devant le tribunal de commerce d'Evry.
C'est ainsi que par jugement du 20 octobre 2010, le tribunal de commerce d'Evry a :
-débouté les demandeurs du chef de leurs demandes au titre des irrégularités qui auraient pu être commises dans la préparation ou la tenue des assemblées générales des 31 mars 2007 et 2008 ainsi que de leurs demandes de convocations de nouvelles assemblées,
- dit que la Sarl Fibeac, anciennement B. Audit & Conseil, n'a pas fait l'objet d'une exclusion forcée et que M. Vincent B. s'est retiré volontairement de la société,
- condamné la société Sem Expert à acquérir les actions détenues par la Sarl Fibeac pour la somme de 134 252 euros avec paiement immédiat au profit de cette dernière de la somme de 67 126 euros à intervenir dans les 15 jours de la signification de ce jugement et assorti de la remise des ordres de mouvements correspondants, le solde étant réparti en 8 trimestrialités d'un montant de 8 390,75 euros sous forme de lettres de change dont la première prendra effet 3 mois après la signification du jugement,
- débouté les parties de leurs demandes de dommages et intérêts,
- débouté la société Fibeac et M. Vincent B. de leurs demandes de distribution de dividendes,
- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné la société Fibeac et M. Vincent B. aux dépens.
La Société Fibeac et M. B. ont interjeté appel de cette décision.
Dans leurs dernières conclusions signifiées le 5 décembre 2011, la société Fibeac et M. Vincent B. demandent à la cour :
- sur les irrégularités des assemblées générales : d'infirmer le jugement déféré, de prononcer l'annulation des assemblées générales des 31 mars 2007 et 31 mars 2008 ainsi que des assemblées générales ayant été appelées à se prononcer sur les comptes clos les 30 septembre 2008, 30 septembre 2009 et 30 septembre 2010, d'ordonner sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard et par document à Mme Sandrine I. de mettre à la disposition de la société B. Audit et Conseil (1) le registre des mouvements de titres ainsi que celui des comptes d'actionnaire, (2) les feuilles de présence des assemblées générales du Cabinet IBA les 31 mars 2007 et 31 mars 2008 , (3) les comptes annuels comprenant le bilan, le compte de résultat et une annexe des exercices clos les 30 septembre 2006, 30 septembre 2007, 30 septembre 2008, 30 septembre 2009, 30 septembre 2010, (4) le procès-verbal des assemblées générales d'approbation des comptes clos les 30 septembre 2008, 2009, 2010, non déposés au greffe du tribunal de commerce, d'ordonner la régularisation des comptes sociaux des années 2006 à 2009 inclus, d'ordonner la convocation des assemblées générales ayant pour objet l'approbation des comptes modifiés des exercices clos en 2006 jusqu'en 2010, de condamner Mme Sandrine I. à verser à la société B. Audit & Conseil, devenue Fibeac, la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour avoir violé les dispositions législatives et réglementaires ainsi que les statuts du Cabinet IBA,
- sur l'exclusion forcée de la société B. Audit & Conseil : d'infirmer le jugement déféré, de prendre acte que Mme I. a tenté de dissimuler l'exclusion forcée de la société B. Audit & Conseil en prétendu retrait volontaire, de prononcer l'annulation de la résolution du procès-verbal de l'assemblée générale du 31 mars 2007 constatant le prétendu retrait volontaire de la société B. Audit & Conseil, d'ordonner la convocation d'une assemblée générale constatant l'exclusion forcée non statutaire de la société B. Audit & Conseil, de condamner la société Sem Expert à verser la somme de 41 943,75 euros correspondant au solde du prix de cession des 1.749 actions précédemment détenues par la société B. Audit & Conseil, et solidairement les intimés à lui verser la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour l'avoir exclue sans droit du Cabinet IBA,
- sur la révocation abusive de M. B. de ses fonctions de directeur général : d'infirmer le jugement déféré, de condamner solidairement les intimés à lui verser la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts et le cabinet IBA a lui verser la somme de 165 407 euros correspondant à ses appointements du 1er décembre 2006 à ce jour,
- sur la non-distribution des dividendes : d'infirmer le jugement déféré, de dire et juger que les associés majoritaires du Cabinet IBA ont commis un abus de majorité, d'ordonner aux intimés de déposer au greffe ses comptes annuels comprenant le bilan, le compte de résultat et une annexe des exercices clos les 30 septembre 2006, 30 septembre 2007, 30 septembre 2008, 30 septembre 2009, 30 septembre 2010, sous astreinte de 1 000 euros par jour et par document de retard, de condamner Mme I., M. G. et la SEM Expert, en leurs qualités d'associés, à payer à la société B. Audit & Conseil la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts, sauf à parfaire au regard des procès-verbaux des assemblées générales du 31 mars 2008 et du mois de mars 2009,
- en tout état de cause, d'enjoindre au cabinet IBA d'émettre des avoirs pour un montant de 14 925 euros envers les clients énumérés à l'annexe 9 du rapport d'expertise déposé par Mme P. sous astreinte de 200 euros par jour et par avoir de retard, de condamner solidairement les intimés à verser à la société B. Audit et Conseil la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts et une somme de 6 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions signifiées le 30 novembre 2011, la société Cabinet I., Mme Sandrine I., M. Jean-Paul G. et la société Sem Expert demandent à la cour de confirmer le jugement déféré , de confirmer que la cession des 1749 actions appartenant à Fibeac au profit de la société Sem Expert est devenue parfaite le 2 décembre 2008, et que cette cession a été réalisée par les échanges d'ordres de mouvements et remise de prix à la date du 14 décembre 2010, de constater que les comptes clos le 30 septembre 2006 ne sont pas irréguliers et que le compte associé de M. Vincent B. ouvert dans les livres du Cabinet I. est débiteur d'une somme de 2 252, 28 euros, de dire irrecevables, pour être nouvelles en cause d'appel, la demande de nullité des assemblées générales ordinaires ayant approuvé les comptes de l'exercice clos le 30 septembre 2009 et 30 septembre 2010, la demande d'injonction de déposer les comptes annuels pour les exercices clos 2006 à 2010 inclus, la demande d'injonction d'émettre des avoirs au bénéfice des clients facturés par le Cabinet B. Audit & Conseil, de faire droit à leur appel incident et de condamner la société Fibéac et M. B. à leur payer la somme de 50 000 euros en application de l'article 1382 du code civil et 6 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE
Sur la demande de nullité de l'assemblée générale ordinaire du 31 mars 2007
Aux termes d'une argumentation confuse, les appelants invoquent la nullité de l'assemblée générale ordinaire du 31 mars 2007 au motif d'un défaut de communication de l'ensemble des documents nécessaires à l'information des actionnaires.
Il sera rappelé qu'aux termes de l'article L 235-1 du code de commerce, la nullité des délibérations autre que statutaires ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du livre deuxième dudit code ou des lois qui régissent les contrats et que, dans un objectif de souplesse et de simplicité de fonctionnement des sociétés par actions simplifiées, l'article L 227-1 de ce code, a exclu l'application à ces dernières des articles L 225-115 à L 225-18 qui régissent le droit des actionnaires des sociétés anonymes à obtenir communication de documents précisément énumérés par la loi ou le règlement.
L'article 24 des statuts du Cabinet IBA prévoit que la convocation est accompagnée de tous documents nécessaires à l'information des actionnaires.
Les intimés justifient que les associés ont été convoqués 15 jours avant la date de la réunion, avec un ordre du jour auquel était joint un rapport de gestion satisfaisant aux exigences de l'article L 232-1-I et R 225-102 du code de commerce, une plaquette complète des comptes annuels, et le texte des résolutions.
M. B. souligne que le rapport de gestion ne comportait ni le tableau des résultats des cinq derniers exercices ni la liste des mandats exercés par les mandataires sociaux, ce qui n'est pas sérieusement contesté. Mais il sera relevé que s'étant associé au Cabinet IBA le 1er juillet 2005, non sans avoir pris naturellement connaissance des résultats des derniers exercices, et ayant aussitôt exercé les fonctions de directeur général au sein de la SAS , M. B., pas plus que la société B. Audit & Conseil, ne sauraient se faire un grief de l'absence formelle d'informations sur ces points à l'occasion de la convocation de l'assemblée générale, alors qu'ils en avaient eu nécessairement connaissance lors de leur association.
Les appelants ne sauraient pas plus arguer, pour invoquer la nullité de cette assemblée générale, de l'absence de réponses écrites à diverses questions qu'ils avait préalablement posées par courrier du 28 mars 2007, au visa des articles L 225-232 et R 225-164 du code de commerce, qui autorisent les associés représentant 5 % du capital social à poser, deux fois par exercice, des questions écrites au président sur des opérations de gestion de la société ou de ses filiales ou sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l'exploitation, ce droit n'ayant pas vocation à s'exercer lorsque les actionnaires ont été convoqués à une assemblée générale, le droit de poser des questions écrites auxquelles l'assemblée est tenue de répondre, prévu par l'article L 225-108, s'y substituant alors, et ce dernier texte n'étant pas applicable aux SAS , comme il est dit à l'article L 227-1 du code de commerce.
C'est également vainement que les appelants invoquent, au soutien de la nullité, un refus d'ajournement de l'assemblée générale qu'ils avaient sollicité, subsidiairement et si un certain nombre de réponses ne leur était pas apporté sur divers points en rapport avec le litige déjà consommé entre les parties, dès lors qu'ils ne contestent pas avoir pu prendre part à cette assemblée et y défendre leur point de vue, contesteraient-ils la régularité des décisions alors prises et qui seront examinées ci-après séparément.
Sur la demande de nullité de l'assemblée générale ordinaire du 31 mars 2008
Les appelants invoquent à ce titre une absence de réponse à une demande d'explications qui aurait été adressée au cabinet IBA le 16 janvier 2008, mais ce courrier n'est pas produit, et à une demande du 24 mars 2008, soit postérieurement à la convocation de l'assemblée générale, de sorte que les dispositions de l'article L. 225-232 n'avaient plus vocation à s'appliquer.
Ils font, par ailleurs, divers griefs relativement au caractère insatisfaisant de certaines réponses à eux apportées lors de cette assemblée générale, mais sans invoquer alors de disposition impérative dont la méconnaissance devrait être sanctionnée de nullité.
Il sera relevé en tout état de cause, sur les deux points évoqués à ce titre :
- qu'une attestation est produite par les intimés aux termes de laquelle M. B. reconnaît avoir reçu, le 31 mars 2008, le rapport général et le rapport spécial du commissaire aux comptes au 30 septembre 2007, les réponses à ses demandes de renseignements, la copie d'un procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire du 31 mars 2008, le tableau des résultats des cinq derniers exercices, et un extrait du compte courant associé à son nom, de sorte que ce dernier qui en a, en signant cette attestation, donné décharge à la société, ne saurait sérieusement invoquer, dans le cadre de la présente instance, une absence de communication, le caractère tardif de cette dernière n'affectant pas l'assemblée générale de nullité, étant de surcroît observé que M. Vincent B. a été désigné secrétaire de cette assemblée dont il a tenu, en cette qualité, le procès-verbal de séance,
- que, s'agissant du compte associé débiteur au nom de M. B., et à la suite des remarques appropriées de ce dernier, Mme I. qui a reconnu avoir, par facilité de gestion, regroupé le compte de M. B., directeur général, avec celui de FIBEAC, actionnaire, de sorte que le compte désormais unique se trouvait en position débitrice, a rescindé ces deux comptes, la situation ayant été régularisée avant l'assemblée générale du 31 mars 2008 et un chèque de 5 000 euros ayant été remis par le Cabinet IBA à M. B., en sa qualité de dirigeant de FIBEAC, au titre du solde de dividendes, ce que ce dernier a reconnu par écrit en attestant avoir reçu l'extrait de son compte courant, de sorte que la controverse qu'il entretient sur ce point dans le cadre de la présente instance en mettant en cause le commissaire aux comptes - qui n'est pas dans la cause- ou en contestant le caractère effectif de la régularisation intervenue est vaine et, en tout état de cause, étrangère à la régularité de l'assemblée générale au titre de la nullité de laquelle il l'invoque.
M. B. sera, par conséquent, débouté de sa demande de nullité de l'assemblée générale ordinaire du 31 mars 2008.
Sur les conditions du retrait de M. B., telles qu'actées par l'assemblée générale du 31 mars 2007
M. B. invoque son exclusion forcée de la société FIBEAC en contestant tout retrait volontaire de sa part du capital de la SAS et une violation des statuts.
Il sera relevé, après les premiers juges, que, quoique les parties soient contraires sur les circonstances les ayant conduites à se séparer, les deux associés principaux de la société, M. B. et Mme I. se proposaient respectivement, dès la fin du mois d'octobre 2006, de se racheter les parts l'un de l'autre, M. B. évoquant alors les 'visions très éloignées de l'orientation que nous souhaitons donner au cabinet'.
Ce dernier ne conteste pas n'avoir plus travaillé à compter du 30 novembre 2006 dans les locaux du Cabinet IBA. S'il soutient en avoir été empêché, notamment en ayant été privé d'accès aux ordinateurs, ou dissuadé par une grave mise en cause personnelle que Mme I. aurait formulée devant ses collaborateurs, il ne justifie par aucune pièce des faits qu'il invoque à cet égard- attestation, constat d'huissier ou témoignage.
En tout état de cause, il a cessé, à compter de cette date, de percevoir sa rémunération au titre de son mandat social sans jamais avoir émis la moindre réclamation ou protestation. Il résulte encore d'un échange de mels entre les intéressés au mois de février 2007, relatifs à la perspective d'une séparation amiable et à une éventuel protocole d'accord à conclure, que ces derniers ne se rencontraient plus dans la société commune depuis de nombreux mois.
Enfin, M. B. ne conteste pas davantage avoir cessé de facturer à partir du 1er décembre 2006 sur le Cabinet IBA, les clients apportés en juillet 2005 ni avoir repris la clientèle alors cédée.
Il résulte de ce faisceau d'éléments concordants qu'à la suite d'une mésentente entre associés, M. B., qui ne rapporte pas la preuve d'un manquement de la société IBA à son égard, a délibérément laissé vacant, à compter du 30 novembre 2006, son poste de directeur général.
C'est dès lors à juste titre que l'assemblée générale ordinaire du Cabinet IBA a constaté cette situation de fait en ces termes : 'L'assemblée générale constate que M. Vincent B., directeur général, n'a plus aucune activité au sein de la société depuis le 30 novembre 2006, date à laquelle il a laissé vacant, sans préavis, son poste de directeur général et que le départ volontaire de M. B. n'a pas respecté les conditions statutaires. L'assemblée générale constate, également, que depuiscette date, il a abandonné toute activité rémunérée au sein du cabinet et a transféré le portefeuille de clients apporté lors de son arrivée, néanmoins partie de la clientèle d'expertise comptable du cabinet. A la demande du Président, l'assemblée générale décide de ne pas nommer de nouveau directeur général en remplacement de M. Vincent B.'.
L'article 14 des statuts du Cabinet BIA dispose, par ailleurs, d'une part, que 'tout associé a le droit de se retirer du cabinet en respectant un préavis de six mois formulé par lettre recommandée avec accusé de réception', d'autre part, en son dernier alinéa, que 'la démission par un associé des fonctions de salarié ou de collaborateur qu'il occupe au sein du cabinet est assimilée à une demande de retrait volontaire et entraîne donc la cession obligatoire de la participation' au capital de la société.
C'est par application de cette dernière disposition statutaire que la vacance par M. B. depuis de nombreux mois, et sans préavis d'aucune sorte, de son poste de directeur général, laquelle ne pouvait qu'être regardée comme une démission, a produit les effets d'un retrait volontaire.
Dès lors, la discussion entretenue par les appelants sur l'absence de volonté de retrait au sens du premier alinéa de l'article 14 des statuts est inopérante, la situation de retrait par conséquence d'une démission, visée par le dernier alinéa de ce texte, statutairement 'assimilé' à un 'retrait volontaire', étant distincte de celle que les appelants invoquent vainement.
Aussi, M. B. sera-t-il débouté de ses demandes indemnitaires au titre d'une exclusion forcée résultant d'une violation des statuts.
Il sera de même débouté des demandes qu'il forme au titre d'une révocation sans juste motif, abusive ou vexatoire de ses fonctions de directeur général, compte tenu des circonstances ci-dessus exposées dans lesquelles il a laissé vacantes, de sa propre volonté et sans préavis, ses fonctions de mandataire social.
Sur la cession des 1749 actions appartenant à la société B. Audit & Conseil et la demande de nullité des assemblées générales appelées à se prononcer sur les comptes clos les 30 septembre 2008, 30 septembre 2009 et 30 septembre 2010
M. B. invoque la nullité des assemblées générales appelées à se prononcer sur les comptes clos en 2008, 2009 et 2010 au motif que la société Fibeac n'y a pas été convoquée alors que les intimés soutiennent qu'elle n'avait pas à l'être, n'étant plus associée depuis le 2 décembre 2008.
Il sera relevé sur ce point que c'est sur assignation en référé délivrée par la société Fibeac qu'un expert, en la personne de Mme Marie-Christine P., a été désigné aux fins de fixer le prix des actions par elle détenue au sein du Cabinet IBA.
Loin de contester les conclusions du rapport d'expertise, déposé le 30 septembre 2008, qui avait chiffré à la somme de 134 252 euros la valorisation des actions, la société Fibeac a mis en demeure le cabinet IBA, par lettre officielle du 12 novembre 2008 adressé au conseil de cette dernière, de payer ladite somme, proposition qui a été acceptée par courrier recommandé du 2 décembre 2008, indiquant que la société Sem Expert, la holding de Mme I., se portait acquéreur des 1 749 actions pour le prix fixé par l'expert, un rendez-vous de signature ayant alors été convenu.
C'est dès lors à cette date du 2 décembre 2008 qu'est devenu parfait l'accord sur la chose et sur le prix.
Les appelants, pour le contester, invoquent cependant un désaccord opposant encore à cette date les parties sur les modalités de paiement du prix. Mais, ils manquent à rapporter la preuve que ces dernières constituaient un élément déterminant de leur consentement, alors que seul le prix était auparavant discuté et les modalités de règlement résultant des statuts de la société IBA, que les parties avaient arbitré ensemble moins de trois ans auparavant, lesquels disposent que 'les départs volontaires ne devront pas mettre en péril l'équilibre de la société' et que 'le mode de financement, dans le cadre de l'acquisition par les autres associés prendra la forme suivante: paiement pour partie suivant l'obtention des prêts [...] avec un minimum de financement représentant 50% de la transaction, le solde étant financé par un crédit vendeur sur une durée maximale de 5 ans'.
C'est dans ces conditions qu'un règlement, conforme à ces dispositions, a été effectué par le cessionnaire sur un compte Carpa dès le mois de janvier 2009 au moyen d'une chèque de banque représentant 50% du total de la somme, l'autre moitié étant versée en 20 traites trimestrielles sur cinq ans, dans l'attente de la remise par la société Fibeac des ordres de mouvements correspondants aux 1 749 actions cédées.
Aussi la cession sera-t-elle jugée parfaite au 2 décembre 2008 et la société Fibeac regardée comme n'étant plus actionnaire du cabinet IBA à compter de cette date.
Elle sera par conséquent déboutée de ses demandes de nullité de l'assemblée générale ordinaire du 30 mars 2009, à laquelle elle n'avait pas à être convoquée, et des assemblées générales ordinaires ultérieures.
S'agissant de la demande des intimés relative à la cession des 1 749 actions, le jugement déféré, sera confirmé en ce qu'il a condamné la SEM expert à acquérir les actions détenues par la Sarl Fibeac pour la somme de 134 252 euros avec paiement immédiat au profit de cette dernière d'une somme de 67 126 euros, le solde étant échelonné en huit trimestrialités -et non pas vingt- d'un montant de 8 390,75 euros chacune, sous la forme de lettres de change.
Sur la distribution des dividendes
M. B. qui souligne que les comptes annuels du Cabinet IBA ont été déposés avec retard et ensuite de la demande d'injonction de les communiquer qu'il avait formulée dans ses écritures (comptes clos le 30 septembre 2006 déposés le 23 décembre 2009, comptes clos le 30 septembre 2007 et le 30 septembre 2008, déposés respectivement, les 23 mars et 1er avril 2011) invoque un refus de distribuer les dividendes résultant d'un abus de majorité au titre des exercices clos les 30 septembre 2007 et 30 septembre 2008 -les demandes formées au titre des exercices ultérieurs n'ayant pas à être examinés pour les motifs ci-dessus retenus- et sollicite à ce titre une somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Il sera relevé, comme l'ont justement observé les premiers juges, que le résultat de l'exercice en cours pour 2006 a été pris en compte par l'expert judiciaire dans l'évaluation de la valeur brute des 1 749 actions détenues par la société Fibeac, qu'il n'est pas contesté qu'à compter du 30 novembre 2006, M. B. n'a plus participé aux activités du Cabinet IBA, ayant au contraire repris, de fait, la clientèle qu'il avait apportée lors de son association, que les statuts de la société ne prévoient aucune règle particulière d'affection des résultats, les appelants ne démontrant pas que l'affectation des bénéfices aux réserves procéderait d'un abus de majorité, lequel ne peut être caractérisé que si la décision en litige est contraire à l'intérêt général de la société, ce que les appelants ne démontrent nullement.
Aussi sera-t-il débouté de ses demandes de ce chef.
Sur la demande relative à l'émission d'avoirs au bénéfice des clients facturés par le Cabinet B. Audit & Conseil
Les appelants font valoir que l'expert judiciaire a retranché du montant du prix de la participation de la société B. Audit & Conseil, des honoraires non encaissés par le Cabinet IBA à hauteur d'une somme de 14 925 euros, correspondant, selon les termes de leurs écritures, 'à la clientèle reprise parM. B.', en faisant grief au Cabinet IBA de refuser d'émettre des avoirs sur les factures émises sans que les honoraires aient été encaissés, de sorte qu'ils se trouveraient dans l'impossibilité de facturer les prestations.
Cette demande ne sera pas regardée comme nouvelle dès lors qu'elle est l'accessoire de la demande en paiement du prix de rachat des actions qui avait été soumise aux premiers juges. Mais c'est à juste titre que les intimés se prévalent, sans réplique sur ce point, d'un courrier en date du 8 septembre 2007 dans lequel M. B. leur indiquait recevoir directement le paiement de la clientèle 'reprise', ne pas mettre les chèques à l'encaissement mais être disposé à les restituer à l'issue du différent entre les parties, de sorte que ce dernier, qui s'est délibérément placé dans une telle situation, ne démontre nullement l'impossibilité, qu'il invoque, de facturer à son nom ou au nom de la société Fibeac les prestations d'une clientèle qu'il s'était de la sorte appropriée.
Aussi sera-t-il débouté de sa demande.
Sur les demandes en dommages et intérêts et indemnités sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Les intimés sollicitent une somme de 50 000 euros sur le fondement de l'article 1382 du code civil au motif de la déloyauté de l'attitude de M. B. et de la société Fibeac tant lors de leur association qu'une fois le litige entre les parties consommé.
Compte tenu cependant des circonstances dans lesquelles la rupture entre associés est intervenue, pour des motifs qu'aucune des parties n'explicite, les fautes invoquées à la seule charge de M. B. - distinctes des conditions de sa démission des fonctions de directeur général- ne seront pas regardées comme suffisamment caractérisées, étant observé en tout état de cause, que l'intéressé s'est assez rapidement montré disposé à céder ses parts, comme les statuts l'imposaient, s'est vu initialement proposer lors de l'assemblée générale ordinaire du 31 mars 2007 une valorisation de ses actions très largement inférieure à celle finalement retenue par l'expert, puis un paiement du prix échelonné sur cinq ans, sans que le Cabinet IBA ou Mme I. n'invoquent sérieusement le péril auquel un paiement plus rapide aurait exposé la société, tous éléments qui ont incontestablement envenimé les relations entre parties.
Ces dernières seront dès lors déboutées de leurs demandes en dommages et intérêts et le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions.
Des considérations d'équité conduiront, néanmoins, à allouer une somme de 2 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens à la société Cabinet I., Sandrine I., Jean-Pierre G., et la société Sem Expert, pris ensemble, en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Condamne in solidum la société Fiduciaire B. Audit & Commissariat aux comptes ( Fibeac) et M. Vincent B. à payer à la société Cabinet I. Expert Comptable & commissaire aux comptes, Sandrine I., Jean-Paul G. et la société Sem Expert une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la Sarl Fiduciaire B. Audit & Commissariat aux comptes ( Fibeac) et M. Vincent B. aux entiers dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux disposition de l'article 699 du code de procédure civile.