Cass. com., 5 janvier 2016, n° 14-11.126
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Gaschignard, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 5 novembre 2013) et les productions, que le 26 août 2008, la société GG & G, société du groupe Desk détenu par M. X..., a déclaré son intérêt pour l'acquisition des titres de la société OMR impression (la société OMR), filiale de la société Conseil et direction externalisés (la société CDE) ayant pour gérant M. Y... ; que la société Finance et conseil du Centre (la société FCC), créée par ce dernier, a, le 22 avril 2010, acquis les titres en cause ; qu'estimant que cette cession avait été faite en violation de ses droits, la société GG & G, après avoir pratiqué les 17 et 18 mai 2010 une saisie conservatoire sur les titres OMR détenus par la société FCC, a assigné cette dernière, ainsi que la société CDE et M. Y..., en nullité de cette vente et pour voir reconnaître le caractère parfait de la vente à son profit acceptée le 10 janvier 2010 ou, à titre subsidiaire, être indemnisée de son préjudice ;
Sur la demande de rejet des observations complémentaires en défense :
Attendu que la société GG & G demande que soient écartées des débats les observations complémentaires en défense, prises dans leur ensemble, comme se heurtant au secret professionnel ainsi qu'au contrat judiciaire non contesté, constaté par l'arrêt attaqué ;
Mais attendu que, la Cour de cassation se référant aux faits et circonstances du litige tels qu'exposés dans la décision qui lui est soumise et appréciant la pertinence des moyens au vu de l'ensemble des productions, lesquelles, en l'espèce, ne comportent ni les pièces écartées des débats ni l'assignation remplacée conformément aux termes du contrat judiciaire constaté par l'arrêt attaqué, les développements critiqués du mémoire complémentaire en défense sont dénués d'incidence sur la solution qui sera apportée au pourvoi ; que la demande doit être rejetée ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société GG & G fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen :
1°/ que l'acceptation, qui peut être verbale, peut se prouver par tout moyen ; qu'elle peut en particulier résulter d'un comportement et notamment d'actes d'exécution ; qu'au cas présent, la société GG & G faisait valoir dans ses conclusions que la circonstance que l'offre du 10 janvier 2010 avait été acceptée par elle, résultait du fait que le travail préparatoire à l'établissement, par les conseils des parties, d'un protocole sur les bases de l'offre, avait été enclenché dès le 12 janvier, la société GG & G ayant transmis à son avocat les coordonnées du conseil de M. Y... ainsi que les documents en sa possession, son avocat ayant reçu, courant février, des documents dont la transmission ne s'expliquait que dans la perspective de l'établissement de l'acte régularisant l'accord des parties, et la société GG & G ayant pris attache avec sa banque qui avait préparé le financement nécessaire au paiement des fonds convenus ; qu'en se bornant à indiquer que ne serait pas rapportée la preuve du contenu exact de la conversation téléphonique au cours de laquelle la société GG & G a donné son accord, et que la mention du courriel du 11 janvier 2010, « encore bravo, c'est toi le plus fort », ne serait pas probante, sans rechercher, comme elle y était ainsi invitée, si l'acceptation ne résultait pas ici de l'accomplissement des actes précités, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1101, 1134 et 1583 du code civil ;
2°/ que la preuve de l'acceptation peut être établie par tout moyen ; qu'au cas présent, la société GG & G soulignait que M. X... avait adressé des courriels à M. Y..., représentant de la société CDE, indiquant que « nous avions topé », courriel du 10 février, et que la vente concurrente est intervenue « alors que tu m'as donné ton accord verbal et écrit que tu m'avais vendu ta société OMR », courriels reçus sans protestation par M. Y... ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était ainsi invitée, si la réception sans protestation de ces courriels univoques ne caractérisait pas l'existence préalable d'un accord des parties sur la chose et sur le prix, accord effectivement remis unilatéralement en cause par M. Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1101, 1134 et 1583 du code civil ;
3°/ que le juge du fond ne peut accueillir ou rejeter les demandes dont il est saisi sans analyser, même sommairement, tous les éléments de preuve qui lui sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'au cas présent, dans une attestation versée aux débats, M. Z..., associé de la société Desk certifiait avoir assisté au rendez-vous du 8 mars 2010 au cours duquel « M. Y... nous a fait part qu'il ne souhaitait plus céder la société OMR au groupe Desk parce qu'il avait conclu ou qu'il était sur le point de conclure avec M. A.... Il était embarrassé car il nous a confirmé qu'il nous avait bien donné son accord pour nous céder sa société mais que l'offre faite par M. A... était trop belle et qu'il ne pouvait pas rater cette occasion ». Il a même ajouté : « à ma place, tu aurais fait la même chose » » ; qu'en retenant que « la société GG & G ne rapporte pas la preuve qu'elle a accepté cette dernière offre avant la vente des parts à la société FCC », sans s'expliquer ne serait-ce que sommairement sur l'attestation précitée, qui n'a pas été visée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que le courriel du 10 janvier 2010, de M. Y..., valant offre selon les constatations de l'arrêt attaqué, se terminait, après l'exposé des conditions offertes, par la phrase « fais rédiger un protocole sur ces bases et on le signe courant janvier » ; que le courriel du 11 janvier 2010 de M. Y..., sous le titre « OMR suite et fin », donnait à M. X... les coordonnées de son avocat chargé de la transaction, accompagnant cette transmission de « encore bravo, c'est toi le plus fort » ; qu'en énonçant que ce courrier n'ajoutait rien, cependant qu'il résultait de ses termes clairs et précis qu'était intervenue une acceptation verbale par M. X... de l'offre de M. Y..., la cour d'appel a dénaturé le courriel précité, violant ainsi l'article 1134 du code civil, ensemble le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ;
Mais attendu que c'est souverainement et sans dénaturation que, par une décision motivée faisant ressortir qu'il n'y avait pas eu d'accord sur le prix et la chose vendue ni sur la clause de non-concurrence et les modalités de garantie, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle décidait d'écarter, a considéré que la vente alléguée du 10 janvier 2010 n'était pas parfaite ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la société GG & G fait grief à l'arrêt d'ordonner la mainlevée des saisies alors, selon le moyen, que la demande de mainlevée d'une saisie conservatoire est présentée devant le juge qui a autorisé la mesure ; qu'au cas présent, il est constant que les saisies conservatoires pratiquées les 17 et 18 mai 2010, visées par l'arrêt attaqué, ont été ordonnées par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nantes ; qu'en acceptant de connaître de la demande de mainlevée de ces saisies conservatoires, non présentée au juge qui les avait ordonnées, la cour d'appel a violé l'article R. 512-2 du code des procédures civiles d'exécution ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui était saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel et qui était juridiction d'appel tant du juge de l'exécution que du tribunal de commerce, avait compétence pour, après avoir rejeté les demandes formées par la société GG & G, apprécier elle-même la demande de mainlevée des saisies conservatoires présentée par les sociétés CDE et FCC ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen :
Attendu que la société GG & G fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à chacune des sociétés CDE et FCC des dommages-intérêts alors, selon le moyen :
1°/ que le juge de l'exécution connaît de manière exclusive des demandes en réparation fondées sur l'exécution ou l'inexécution dommageables des mesures conservatoires ; qu'au cas présent, en acceptant de connaître de demandes indemnitaires fondées sur l'exécution de saisies conservatoires, demandes qui n'ont pas été présentées au juge de l'exécution compétent pour en connaître, la cour d'appel a violé l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire ;
2°/ que le juge du fond ne peut accueillir ou rejeter les demandes dont il est saisi sans analyser même sommairement les éléments de preuve qui lui sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'au cas présent, la société GG & G a fait signifier aux sociétés FCC et CDE un acte d'huissier sommant de lui « indiquer dans un délai de trois jours francs à compter de signification de la présente, si vous entendez exécuter la décision rendue le 5 septembre 2011 par la remise à la société GG & G d'un chèque Carpa libellé à son nom », précisant avoir « obtenu de la Société générale une caution bancaire telle qu'exigée par la décision du 5 septembre 2011 » et indiquant être prête à « ordonner la mainlevée des saisies conservatoires qui ont été pratiquées » ; que, pour toute réponse, la société CDE a saisi le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bourges ; qu'en considérant que « la société GG & G n'a pas sollicité de paiement au titre de l'exécution provisoire, celle-ci ayant été conditionnée à une caution bancaire et à une mainlevée des saisies conservatoires », la cour d'appel, qui ne s'est pas expliquée sur les sommations versées aux débats, faisant apparaître que la société GG & G avait requis l'exécution provisoire en offrant de satisfaire aux conditions posées par le jugement, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que le titulaire de droits sociaux qui nantit ses titres en dispose et ne peut ainsi se plaindre de ne pas avoir pu en disposer du fait d'une saisie conservatoire pratiquée postérieurement au nantissement ; qu'au cas présent, la cour d'appel a considéré que les saisies conservatoires pratiquées par la société GG & G avaient entraîné, au préjudice des titulaires des parts sociales de OMR, une « privation de la disponibilité des titres » qu'il conviendrait d'indemniser ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il est constant que la saisie des titres OMR n'avait pas porté, ceux-ci ayant été nantis au préalable, et leur titulaire ayant dès lors pu en disposer, la cour d'appel a violé l'article L. 512-2 du code des procédures civiles d'exécution ;
Mais attendu, en premier lieu, que la compétence exclusive instituée au profit du juge de l'exécution par l'article L. 213-6, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire n'interdit pas au juge saisi de l'instance au fond, qui a ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire, de connaître de la demande en réparation fondée sur l'exécution ou l'inexécution dommageable de cette saisie ;
Et attendu, en second lieu, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni de ses conclusions que la société GG & G ait soutenu devant la cour d'appel qu'elle avait fait sommation aux sociétés CDE et FCC d'exécuter le jugement en fournissant la caution bancaire exigée en contrepartie de cette exécution par provision et en déclarant être prête à ordonner la mainlevée des saisies conservatoires, ni que la saisie des titres OMR, qui avaient fait l'objet d'un nantissement préalable, n'avait pas eu d'effet et que leur titulaire pouvait en disposer ; que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en ses deuxième et troisième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE la demande tendant au rejet des débats des observations complémentaires en défense ;
REJETTE le pourvoi.