CA Orléans, ch. com. économique et financière, 26 novembre 2020, n° 20/00522
ORLÉANS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
All Job (SARL)
Défendeur :
Triangle Energie (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Caillard
Conseillers :
Mme Chenot, Mme Michel
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :
Au début de l'année 2017, la société Advivo Solaire, qui intervient comme maître d'ouvrage d'installations photovoltaïques, a fait appel, pour un projet de 280 installations de panneaux photovoltaïques sur la toiture des logements de l'office HLM Advivo situé à Vienne (38), à la société Triangle et à la société Subsol Ingenierie (société Subsol), bureau d'étude.
La société Advivo Solaire a ainsi conclu le 21 mars 2017 en tant que maître d'ouvrage avec la société triangle, en qualité d'entrepreneur, qui s'est substituée le 1er juin 2018 la société Triangle énergie, un marché de construction de 280 centrales photovoltaïques portant sur l'étude, la pose avec fourniture des kits.
La société Triangle énergie a d'abord eu recours à la société Energisol en qualité de sous-traitant. Cette dernière ayant résilié le contrat le 4 avril 2018, la société Triangle Energie a sollicité une expertise à son égard et a fait appel à d'autres sous-traitants, les sociétés 1 2 3 Subsol Tech, B. et All Job pour exécuter le marché.
La société All Job s'est ainsi vu confier par contrat de sous-traitance conclu avec la société Triangle Energie le 1er juin 2018 la réalisation de 69 centrales, pour une puissance totale de 461,96 kilowatts, moyennant une rémunération de '50 centimes d'euros par watt crète installé' soit 500 euros du kilowatt installé, soit un prix forfaitaire total de 230.980€.
Faisant valoir qu'elle a dû intervenir non seulement sur les 69 sites prévus dans le contrat mais aussi pour construire ou achever les sites confiés à la société B. qui a pris du retard et reprendre ceux de la société Energisol non terminés et qu'elle n'a plus été réglée de ses travaux de sous-traitance à partir de novembre 2018, malgré un courrier recommandé adressé le 20 mars 2019 mettant en demeure la société Triangle Energie de lui régler la somme de 499.639,44€ TTC, puis un nouveau courrier recommandé du 11 juin 2019 ramenant la somme réclamée à 281.362,36€ TTC, la société All Job a déposé le 19 juillet 2019 devant le Président du tribunal de commerce de Blois une requête aux fins de saisie conservatoire d'une créance détenue par la SARL Triangle Energie entre les mains de la société Advivo Solaire, maître d'ouvrage, pour le montant de ses factures impayées, avoirs déduits, s'élevant à la somme de 234.470,97€ HT soit 281.362,36€ TTC.
Il a été fait droit à cette requête par ordonnance du 22 juillet 2019, dénoncée le 31 juillet 2019 à la société Advivo Solaire et le 7 août 2019 à la société Triangle Energie.
La société All Job a saisi le Président du tribunal de commerce de Blois afin d'obtenir une ordonnance d'injonction de payer. Par ordonnance du 17 août 2019, la société Triangle Energie a été condamnée à payer à la société All Job la somme de 281.362,36€. La société Triangle Energie a formé opposition à cette ordonnance et l'affaire est pendante au fond devant le tribunal de commerce de Blois.
Par acte d'huissier du 28 août 2019, la société Triangle Energie a fait assigner la société All Job devant le Président du tribunal de commerce de Blois statuant en référé afin d'obtenir la mainlevée de la saisie conservatoire et subsidiairement son cantonnement à la somme de 93.622,44€ correspondant au solde du marché de travaux conclu entre les parties, outre une somme de 5000€ en réparation du préjudice subi et la somme de 3000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 12 décembre 2019, le juge des référés du tribunal de commerce de Blois, a statué ainsi :
Vu les articles 114 et 115 du Code de procédure civile,
Ordonnons la main levée partielle de la saisie conservatoire pratiquée entre les mains de la SAS Advivo Solaire suivant ordonnance en date du 22 juillet 2019,
Disons que le montant de la saisie conservatoire de la créance de la SARL Triangle Energie à l'égard de la SAS Advivo Solaire sera cantonné à la somme de 93 622,44 €,
Déboutons les parties de toutes leurs autres demandes,
Disons que chacune des parties conservera à sa charge les frais et dépens exposés en ceux compris les frais de la présente décision taxés et liquidés à la somme de 42,79 € avancés par la demanderesse ainsi que les frais d'huissier et le droit de plaidoirie portés pour mémoire,
Rappelons que l'exécution provisoire est de droit en matière de référé.
Le premier juge a déduit du montant du marché initial les sommes déjà versées, et retenu un solde restant dû de 93.622,44€ auquel il a cantonné la saisie. Pour refuser la saisie pour le surplus, il a retenu que la société All Job ne produisait aucun commencement de preuve permettant de justifier d'un accord des parties sur les prestations facturées et pour étendre le marché initial de sous-traitance et ne justifiait pas s'être trouvée dans l'obligation de se substituer à des sous-traitants défaillants, ou avoir opéré cette substitution d'un commun accord, de sorte qu'elle ne rapportait pas la preuve qui lui incombe en application de l'article 1353 du code civil.
La société All Job a formé appel de la décision par déclaration du 25 février 2020 en intimant la société Triangle Energie, et en critiquant tous les chefs de l'ordonnance. Dans ses dernières conclusions du 30 septembre 2020, elle demande à la cour de :
Vu l'article L511-1 du Code de procédure civile d'exécution ;
Vu les articles 114 et 115 du Code de procédure civile ;
Vu l'article R523-3 du Code de procédure civile d'exécution ;
Vu les pièces versées aux débats ;
Déclarer la société All Job recevable et bien fondée en son appel ; y faire droit,
Confirmer l'ordonnance de référé en ce qu'elle a jugé parfaitement recevable et régulière la saisie pratiquée par la société All Job,
Réformer l'ordonnance pour le surplus,
En conséquence,
Déclarer bien fondée la saisie conservatoire pratiquée le 19 juillet 2019 entre les mains de la société Advivo Solaire, maître d'ouvrage, pour un montant de 234 470,97 HT,
Rejeter en totalité les demandes de la société Triangle Energie,
Condamner la société Triangle Energie à régler à la société All Job la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel, qui pourront être recouvrés par Maître Estelle G., Avocat, selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Sur la régularité de l'acte de dénonciation à la société Triangle Energie de la saisie conservatoire, elle fait valoir :
- que l'acte de dénonciation n'a toujours comporté que 7 feuillets, ainsi que noté dans l'acte, et attesté par l'assistante de la société Triangle Energie, et ainsi que confirmé par Maître C. huissier de justice, par courrier du 23 septembre 2019,
- que cet acte respecte l'article R523-3 du Code des procédures civiles d'exécution qui exige la remise au débiteur d'une copie de la requête, de l'autorisation du juge ou du titre en vertu duquel la saisie a été pratiquée et du procès-verbal de saisie, lesquelles copies ont été remises ainsi qu'il résulte des mentions de l'acte de signification qui font foi jusqu'à inscription de faux, mais en aucun cas des pièces sur lesquelles s'est fondé le créancier pour obtenir la saisie conservatoire, étant ajouté que les dites pièces ont été adressées le 8 août 2019 à la société Triangle Energie et que la nullité des actes d'huissier de justice suppose un grief s'agissant d'un vice de forme relevant de l'article 114 du code de procédure civile, aucun grief n'étant établi en l'espèce,
- que l'acte de dénonciation a bien été établi le 7 août 2019, dans le délai légal de 8 jours et non le 23 septembre 2019, date à laquelle le document a été réimprimé par l'huissier de justice à la suite des contestations élevées par la société Triangle Energie.
Sur le bien-fondé de la mesure, elle soutient :
- que le premier juge a à tort retenu qu'il n'existait aucun commencement de preuve permettant de justifier un accord des parties sur les prestations facturées et ce faisant, a retenu une contestation sérieuse, alors que la contestation sérieuse n'est pas, en droit, un obstacle à une saisie conservatoire et que le premier juge n'a pas à retenir l'existence d'une créance fondée en son principe pour autoriser la saisie ni à fixer son quantum, ces deux missions relevant du juge du fond,
- qu'elle justifie suffisamment d'une apparence de créance en produisant le contrat de sous traitance, un relevé client du 4 juin 2019, les factures et avoirs libellés à l'ordre de la société Triangle énergie entre novembre 2018 et mai 2019 que cette dernière n'a jamais contestés, son courrier du 20 mars 2019, les deux mises en demeure par huissier de justice délivrées le 11 juin 2019 auxquelles celle-ci n'a pas répondu, même pour les contester, ainsi que diverses pièces, concernant la reprise par All Job de chantiers confiés initialement à Energisol et B., pour lesquels Triangle ne peut sérieusement soutenir que le bureau d'étude aurait outre passé ses fonctions en confiant sans son accord des chantiers Energisol à la société All Job,
- qu'elle n'a pas inclus dans la requête de saisie conservatoire la créance concernant les matériels de kit photovoltaïque dont elle a fait l'avance, et qu'elle réclame devant le juge du fond,
- qu'elle accepte de déduire la TVA de sa créance, la saisie conservatoire devant être ramenée à la somme de 234.470,97€,
- que contrairement à ce qu'elle soutient la société Triangle énergie a bien été payée par le maître de l'ouvrage,
- que la société Job justifie que sa créance est menacée de recouvrement, la débitrice ne lui ayant rien versé depuis novembre 2018 et n'ayant pas répondu à ses mises en demeure.
La société Triangle Energie demande à la cour, par dernières conclusions avant clôture du 29 octobre 2020 de :
Vu les articles L. 511-1 et L. 512-2 du code des procédures civiles d'exécution
Vu l'article R. 512-2 du même code donnant compétence au Président du tribunal de commerce pour prononcer la mainlevée
Vu l'article R. 523-3 du code des procédures civiles d'exécution
Vu les articles 495 et 497 du code de procédure civile
Vu les articles 695 et 700 du même code
Débouter la société All Job de ses demandes ;
Réformer l'ordonnance de référé du 12 décembre 2019 en ce qu'elle déboute la société Triangle Energie de sa demande de mainlevée totale de la saisie conservatoire de la créance et du surplus de ses demandes
Statuant à nouveau par l'effet dévolutif de l'appel :
A titre principal :
Ordonner la mainlevée totale de la saisie conservatoire de la créance de la société Triangle Energie pratiquée par la société All Job entre les mains de la société Advivo Solaire
A titre subsidiaire :
Ordonner la mainlevée partielle de la saisie conservatoire de la créance de la société Triangle Energie à l'égard de la société Advivo Solaire et cantonner son montant à la somme de 93.622,44 euros déterminée par référence au solde du marché de travaux conclu entre la première et la société All Job,
En toutes hypothèses :
Condamner la société All Job à verser à la société Triangle Energie une somme, à parfaire, de 11 363,89 euros en réparation de son préjudice subi
Condamner la société All Job à verser à la société Triangle Energie une somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance
Condamner la société All Job à verser à la société Triangle Energie une somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de la présente instance d'appel
Condamner la société All Job aux dépens de la première instance et de l'instance d'appel.
Comme en première instance, la société Triangle énergie prétend que l'acte de dénonciation de la saisie conservatoire est irrégulier au regard de l'article R523-3 du Code de procédure civile d'exécution, ce qui justifie la mainlevée de la saisie car :
- l'acte aurait dû contenir les '57 feuillets' visés au procès-verbal de remise de l'acte correspondant aux pièces ayant fondé la requête, alors qu'il ne lui a été remis que '7 feuillets',
- le procès-verbal de dénonciation de saisie conservatoire mentionne mensongèrement que sont signifiées la requête et l'ordonnance du Président du tribunal de commerce en date du 22 juillet 2019, alors que ces documents n'ont pas été signifiés, ce que l'huissier a reconnu par téléphone, avant de les adresser par courrier simple,
- la société All Job a produit en cours d'instance l'original de l'acte de dénonciation de la saisie qui mentionne cette fois la date du '23 septembre 2019", et la violation de l'article R523-3 du Code des procédures civiles d'exécution est ainsi établie sans nécessité de justifier d'une inscription de faux et d'un grief.
Sur le fond, elle conteste avoir reconnu devoir la somme de 93.622,44€ et sollicite à titre principal la mainlevée totale de la saisie conservatoire. Elle prétend que la société All Job ne justifie pas d'une créance paraissant fondée en son principe et soutient ;
- que la société All Job, qui a déjà perçu 137.357,56€ soit 60% de sorte qu'il lui restera à percevoir un solde de 93.622,44€ seulement, doit établir avoir exécuté ses obligations et avoir été mandatée pour réaliser d'autres chantiers, pour justifier une créance égale au total au double du prix forfaitaire de son contrat, la seule émission de factures étant insuffisante,
- que la société All Job s'est uniquement vu confier la réalisation de 69 sites pour une puissance totale de 461,96 kilowatts, chaque centrale devant faire l'objet d'un procès-verbal de réception de travaux après vérification de tests de puissance et de rendement pour vérifier leur bon fonctionnement,
- que la société All Job n'a pas achevé son marché initial et sa facturation n'est pas conforme à son contrat de sous traitance ; qu'elle a d'ailleurs émis des avoirs sur des sommes trop perçues ; que la production de Consuel ne démontre pas la réalisation des prestations ; qu'elle a même réclamé la TVA alors qu'en matière de sous-traitance, la TVA est acquittée par l'entrepreneur et non par le sous-traitant, ainsi qu'il ressort de l'article 283 du Code général des impôts,
- que la société All Job ne démontre pas non plus avoir réalisé, pour le compte de la société Triangle Energie, d'autres chantiers que ceux prévus par son contrat de sous traitance,
- que les courriels adressés par M. R. qui est le dirigeant de Subsol ingenierie qui représente non la société Triangle, mais le maître de l'ouvrage et qui était aussi aussi salarié de la société All Job n'ont aucune force probante ;
- que M. M., gérant de la société All Job était aussi le directeur général de Subsol Ingenierie et qu'elle a déposé une plainte pénale contre M. M. et la société All Job pour vol et recel, faux, abus de biens sociaux
- que All job a varié sur le montant de sa créance, sa comptabilité n'ayant aucune force probante.
Elle indique qu'elle justifie d'un chiffre d'affaires en 2018 de plusieurs dizaines de millions d'euros et fait partie d'un important groupe de sorte que l'on conçoit mal comment la créance de solde d'un marché représentant à peine 0,1 % du chiffre d'affaires du groupe pourrait être menacée. Elle ajoute que la saisie conservatoire a provoqué l'immobilisation entre les mains du maître d'ouvrage d'une somme de 174.407,11€ devant lui revenir et qu'elle subit un préjudice.
L'affaire a été fixée à l'audience du 15 octobre 2020 en application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile.
Il est expressément référé aux écritures des parties pour plus ample exposé des faits ainsi que de leurs moyens et prétentions.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 1er octobre 2020.
Par conclusions du 6 octobre 2020, la société Triangle Energie a demandé le rabat de l'ordonnance de clôture et l'accueil de ses présentes conclusions et pièces et pour le surplus a réitéré ses demandes précédemment formées.
Elle ajoute à ses précédents arguments que les 703 pages de pièces produites la veille de la clôture par la société All Job ne démontrent pas que la société Triangle Energie l'a mandatée pour des travaux supplémentaires puisque ces travaux ont été réalisés en marge de son contrat de sous traitance, sans demande de Triangle Energie et sous le seul contrôle du maître d'ouvrage.
A l'audience, avant le déroulement des débats, l'ordonnance de clôture du 1er octobre 2020 a été révoquée à la demande des parties et l'instruction de nouveau clôturée par mention au dossier.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la régularité de la dénonciation de la saisie
L'article R523-3 du Code de procédure civile d'exécution dispose :
'Dans un délai de 8 jours, à peine de caducité, la saisie conservatoire est dénoncée au débiteur par un huissier de justice.
Cet acte contient, à peine de nullité :
1° - Une copie de l'autorisation du Juge ou du titre en vertu duquel la saisie a été pratiquée ; toutefois s'il s'agit d'une obligation notariée ou d'une créance de l'Etat, des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics, il est seulement fait mention de la date, de la nature du titre ainsi que du montant de la dette ;
2° - Une copie du procès-verbal de saisie ;
3° - La mention, en caractère très apparent, du droit qui appartient au débiteur, si les conditions de validité de la saisine ne sont pas réunies, d'en demander la mainlevée au juge de l'exécution du lieu de son domicile ;
4° - La désignation de la juridiction devant laquelle seront portées les autres contestations, notamment celles relatives à l'exécution de la saisie ;
5° - La reproduction des articles R511-1 à R512-3 ;
6° - L'indication, en cas de saisie de comptes, du montant de la somme à caractère alimentaire laissé à la disposition du débiteur en application de l'article R162-2, ainsi que du ou des comptes sur lesquels cette mise à disposition est opérée ».
L'appelante prétend que l'acte de dénonciation de saisie qui lui a été délivré aurait dû contenir les « 57 feuillets » visés au feuillet joint à l'acte et intitulé 'modalité de remise', correspondant aux pièces ayant fondé la requête de la société All Job.
Il n'est pas certain, au vu de l'examen de ce document 'modalité de remise' (pièce 11 produite par l'appelante) que le nombre manuscrit du nombre de feuillets figurant au bas du document ('le présent acte comporte ... feuillets') soit bien le nombre '57".
Mme G., assistante juridique de la société Triangle Energie atteste en page 12 qu'elle a accusé réception de la dénonciation de saisie conservatoire de créance signifiée le 7 jours 2019, et que cet acte comportait 4 feuilles, soit 7 feuillets, étant observé que les dispositions susvisées n'exigent pas la communication, avec l'acte de dénonciation de la saisie des pièces produites à l'appui de la requête en saisie conservatoire et que l'appelante ne conteste pas avoir reçu postérieurement ces pièces. La société Triangle Energie ne justifie donc d'aucun grief à ce titre de nature à justifier la nullité de l'acte. Ce moyen sera écarté.
En second lieu, dans cet acte de dénonciation de la saisie à la société Triangle Energie, Maître C., huissier de justice, mentionne expressément qu'il signifie à cette dernière et lui remet copie 'd'une requête et d'une ordonnance rendues par M. Le président du tribunal de commerce de Blois en date du 22 juillet 2019 (...)'.
Ces mentions sont apposées par l'huissier instrumentaire et font foi jusqu'à inscription de faux. Or, l'appelante n'allègue ni ne justifie avoir engagé une telle procédure et l'attestation qu'elle verse aux débats est insuffisante pour remettre en cause les mentions apposées par l'huissier. Elle ne justifie pas non plus du grief subi à ce titre.
Enfin, il ressort de l'attestation susvisée établie par Mme G. que l'acte de dénonciation de saisie conservatoire de créance lui a été remis, pour la société Triangle Energie le 7 août 2019, soit dans le délai de 8 jours à compter de la saisie qui a été effectuée le 31 juillet 2019. La date du 23 septembre 2019 correspond à la date à laquelle Maître C. huissier de justice a transmis par courrier au conseil de la société All Job la copie de l'original de l'acte, qu'il a réimprimé à sa demande (pièces 10 dernier feuillet, 11 et 21 produites par l'intimée). A cette date du 23 septembre 2019, Mme G. avait déjà attesté de la remise de l'acte de dénonciation le 7 août
2019.
Il s'en déduit que la saisie conservatoire de créance a bien été dénoncée à la société Triangle Energie le 7 août 2020 et elle n'encourt ni la caducité ni la nullité, l'ordonnance étant confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de mainlevée de la saisie fondée sur l'irrégularité de sa dénonciation.
Sur le bien fondé de la mesure
L'article L511-1 du Code de procédure civile d'exécution dispose :
'Toute personne dont la créance parait fondée en son principe, peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.
La mesure conservatoire prend la forme d'une saisie conservatoire ou d'une sûreté judiciaire.'
- sur la créance paraissant fondée en son principe
Aucun titre exécutoire n'est requis pour mettre en oeuvre une mesure conservatoire. Il n'est pas non plus requis, que la créance soit certaine, ni exigible, le juge devant seulement rechercher s'il existe l'apparence d'une créance.
Devant la cour, la société All Job ramène le montant de la créance invoquée à l'appui de sa demande de saisie conservatoire à la somme de 234.470,97€ HT au lieu de 281.362,36€ TTC qui correspond selon elle pour une part à des travaux qu'elle a réalisés en exécution du contrat de sous traitance du 1er juin 2018 concernant les 69 sites qui lui ont été confiés et pour l'autre part, à des travaux qu'elle a réalisés, en plus de son contrat de sous traitance initial, afin d'achever ou reprendre des sites inialement confiés aux sociétés Energisol et B..
S'agissant des 69 sites confiés à la société All job par contrat de sous traitance du 1er juin 2018, celle-ci ne conteste pas avoir d'ores et déjà reçu paiement de la somme de 137.357,56€ sur un prix de marché forfaitaire total de 230.980€ selon le contrat de sous traitance (puissance de 461,96 kilowatts et rémunération à hauteur de 500€ du kilowatt installé). Elle verse aux débats, outre la copie de ce contrat, la copie de factures et avoirs, dont notamment la facture n° 1249 d'un montant de 45.600€ HT concernant 16 centrales phase 2 qui est réclamée dans le cadre de la mise en demeure du 20 mars 2019 délivrée pour un montant de 499.643,44€, et reste réclamée à hauteur de 45.000 € après que la société All job ait réduit la créance qu'elle réclame à la somme de 281.362,36€ TTC (pièces 5 et 14). La société Triangle Energie n'allègue pas avoir contesté cette facture.
Contrairement à ce que soutient l'intimée, la société All Job n'a pas à démontrer qu'elle a effectivement réalisé et achevé dans leur totalité les travaux contractés dans le respect de son contrat de sous traitance, mais seulement que sa créance apparaît bien fondée, ce qu'elle établit en l'espèce au vu des pièces susvisées.
S'agissant du surplus du montant de la saisie conservatoire réclamée par la société All Job, elle correspond selon elle à des prestations qu'elle a réalisées en plus de son contrat de sous traitance, afin d'achever ou reprendre des sites initialement confiés aux sociétés Energisol et B..
L'appelante produit en pièces 48 à 52 des attestations consuel ainsi que diverses factures correspondant selon elle à la finition des sites commencés et non terminés par les sociétés Energisol et B. et à la réalisation de sites à la place de ces dernières. Ces pièces sont de nature à établir que la société All Job a exécuté des travaux dépassant les 69 sites qui lui avaient été confiés dans le contrat de sous traitance du 1er juin 2018.
La société Triangle Energie conteste toutefois lui avoir confié l'exécution de ces travaux et la société All Job ne produit aucun avenant signé avec l'entrepreneur étendant sa mission initiale. Elle verse toutefois aux débats deux courriels émanant de la société Triangle.
Dans un courriel du 19 octobre 2018, M. P. (société Triangle) écrit à M. R. (Subsol) avec copie à M. M. (société All Job) : 'Enfin, notre engagement de reprise des travaux des centrales initiées par Energisol non terminées ne saurait être valable uniquement si All Job ou Galip peuvent les reprendre. A ce sujet, il conviendrait de fixer un planning' (pièce 22). Il ressort a minima de ce courriel que la société Triangle envisageait de reprendre les travaux initiés par Energisol et non terminés à condition que All Job ou Galip les reprenne, étant observé que l'intervention effective dans le marché litigieux de la société Galip ne résulte d'aucune pièce.
S'agissant des sites initialement confiés à la société B. que cette dernière n'a pu terminer au 31 décembre 2018 comme convenu initialement, la société All Job produit en pièce 24 un courriel du 20 février 2019 de M. C. M. (All Job) à M P. (Triangle) lui transmettant un état récapitulatif des sites B. auquel ce dernier répond : 'on avait ce doc qui est bon au regard de ce qui avait été arrêté avec B.'. Or, le récapitulatif des sites confiés à la société B., ne concernait en rien la société All Job, sauf à ce qu'il soit envisagé que cette dernière reprenne ces sites et le fait que l'entrepreneur réponde uniquement que le document émanant de la société All Job est 'bon au regard de ce qui a été arrêté', sans aucune contestation, laisse présager de son accord pour lui confier ces sites.
La société All Job produit en outre plusieurs courriels adressés par elle ou par la société Subsol à la société Triangle Energie relatifs à ces travaux supplémentaires.
- un courriel du 29 mai 2018 adressé par M. R. (adresse e-mail de la société Subsol) à M. D. (société Triangle) avec copie à M. M. (gérant de la société All Job) indiquant:
'voici les points que nous devrons débloquer demain :
(...)
4- Mise en place du fonctionnement Le Triangle/All job pour la remise en ordre des sites Energisol non terminés (envoi devis/validation/lancement des travaux)' (pièce 33)
- un courriel en date du 6 décembre 2018 adressé par la société Subsol à la société Triangle (M. P.), dans lequel elle lui transmet l'état de l'avancement des non-façons Energisol (1232 sites au 6 décembre 2018 en précisant que 'dans le tableur joint, les éléments en bleu sont réalisés par All job'. (Pièce 29)
- un courriel en date du 23 janvier 2019 de la société Subsol (M. R.) avec copie à M. M. (société All Job) dans lequel elle envoie à la société Triangle les factures All job en indiquant qu'elles 'couvrent respectivement les reprises sur chantier Energisol du 31 décembre 2018 (factures 1242 et 1248), le matériel payé par All Job en lieu et place de Triangle (facture n° 1247) et la facture d'avancement des chantiers réalisés par All Job au 31 décembre 2018". Ce courriel ajoute : 'concernant les chantiers réalisés par All Job et faisant partie initialement des 80 chantiers confiés à B., veux tu que nous te les facturions ' Préfères que nous les facturions à B. qui à son tour te les factuera '' et se termine par 'n'hésite pas à me faire remonter tes remarques' (pièce 23). Sont jointes à ce courriel les factures FC 1242 du 7 novembre 2018 et 1248 du 27 décembre 2018 concernant 141 sites Energisol (pour 48.296,10€ HT), 1247 (facture de matériel à hauteur de 66.611,74€ non prise en compte dans la saisie conservatoire) et 1249 du 27 décembre 2018 concernant l'avancement de 16 centrales phase 2 pour 45.000€ HT. Toutes ces factures sont au nom de la société Triangle Energie en tant que débitrice.
Ce courriel fait clairement état de travaux relevant de sites initialement confiés à Energisol et B., que la société All Job prétend avoir réalisés ; il invite l'entrepreneur à faire remonter ses remarques, et il est accompagné de factures qui sont établies à l'adresse de la société Triangle aux fins de règlement. Celle-ci ne pouvait donc ignorer à ce stade que la société All job prétendait avoir effectué pour le compte de la société Triangle Energie des travaux sur des sites initialement confiés aux sociétés Energisol ou B.. Or, la société Triangle Energie ne soutient ni n'établit avoir réagi à ce courriel ou aux précédents pour contester avoir mandaté la société All job ou pour refuser de payer.
De même, la société All job a adressé le 20 mars 2019 à la société Triangle énergie une mise en demeure de régler à All Job la somme de 499.643,44€ TTC, ramenée, à la suite d'avoirs, à 281.362,36 TTC par mise en demeure de Maître F. huissier de justice en date du 11 juin 2019, (pièces 2 et 5) sans réaction à ce stade de la société Triangle Energie.
Il appartiendra au juge du fond de se prononcer définitivement sur l'existence de la créance de la société All Job à l'égard de la société Triangle Energie au vu des preuves produites de part et d'autre, tant concernant la réalisation des sites qui lui ont été confiés le 1er juin 2018 que sur d'autres prestations réalisées par elle.
La cour doit en l'espèce statuer uniquement de manière provisoire, en fonction des apparences telles qu'elles résultent des pièces produites et compte tenu des éléments ci-dessus rappelés et du silence gardé pendant plusieurs mois, entre décembre 2018 et juin 2019, par la société Triangle Energie à réception des courriels adressés par la société All Job ou le bureau d'étude, et des factures et mises en demeure adressées par la société All Job, il convient de retenir que la créance de cette dernière apparaît fondée en son principe.
- sur la menace de recouvrement
Il ne peut être déduit du seul fait que la société Triangle Energie fait partie d'un groupe dont le bilan consolidé fait apparaître pour l'exercice 2018 plus de 70 millions de chiffre d'affaires que la condition de menace de recouvrement ferait défaut. En effet, au regard des pièces versées aux débats, cette société bien que mise en demeure par courrier recommandé du 20 mars 2019 puis par acte d'huissier du 11 juin 2019 n'a pas répondu à ce courrier ni réglé le solde réclamé. Ce silence de la débitrice, en dépit d'une mise en demeure, créée au moins une apparence de défaillance, qui suffit à caractériser une menace dans le recouvrement de la somme litigieuse.
En conséquence, il convient d'infirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a rejeté la demande de mainlevée de la saisie fondée sur l'irrégularité de la dénonciation, et de faire droit à la demande de saisie conservatoire pour le montant de 234.470,97€ HT.
Sur les autres demandes
Il n'est pas donné mainlevée de la saisie et la société Triangle Energie qui succombe, ne peut obtenir de dommages et intérêts au titre de l'immobilisation de la somme saisie. Sa demande de dommages et intérêts sera rejetée.
Elle doit en outre supporter les dépens de première instance et d'appel, outre le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître G. et règlera une somme de 2500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
- Confirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a rejeté la demande de mainlevée de la saisie fondée sur l'irrégularité de la dénonciation ;
- Infirme l'ordonnance déférée en toutes ses autres dispositions ;
Statuant à nouveau sur ces chefs et y ajoutant,
- Déclare bien fondée la saisie conservatoire pratiquée le 19 juillet 2019 entre les mains de la société Advivo Solaire, tiers saisi, pour un montant de 234 470,97 HT,
- Condamne la société Triangle Energie à verser à la société All job une indemnité de 2500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Rejette toutes les autres demandes ;
- Condamne la société Triangle Energie aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.