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Décisions

CA Versailles, 13e ch., 8 décembre 2020, n° 19/07967

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Scoa Spriint Inter (SAS), Union de Banques Arabes et Françaises (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Valay-Briere

Conseillers :

Mme Baumann, Mme Bonnet

T. com. Nanterre, du 19 juin 2019, n° 20…

19 juin 2019

La SAS Fadoul Gilibert Industries (la société FG Industries) exploite une activité de fabrication de remorques agricoles et industrielles. Elle a fait l' objet d'un plan de redressement de 10 ans arrêté en mars 2011.

Dans le cadre d'un marché de fabrication et de fourniture de camions plateaux grues passé par la société FG Industries avec la société de droit libyen Brega petroleum marketing company, l'Union des banques arabes et francaises (l'UBAF) a confirmé le 5 février 2015 deux crédits documentaires émis par la Libyan Foreign Bank, d'ordre de la société Brega petroleum marketing company en faveur de la société FG Industries, d'un montant de 121 000 euros chacun initialement valables jusqu'au 3 août 2015 mais dont la limite de validité a été prorogée jusqu'au 31 octobre 2015.

Pour fabriquer les camions grues, la société FG Industries a acheté divers matériels auprès de la société Scoa spriint inter (la société Scoa) laquelle a émis une facture n°151619 du 12 juin 2015 d'un montant de 229 341,29 euros TTC.

Par deux courriers datés du 15 juin 2015 signés de son directeur général, M. B., la société FG Industries a notifié à l'UBAF la cession à hauteur de 114 670,45 euros du produit de chacun des deux crédits documentaires en faveur de la société Scoa, selon l'article 39 des RUU 600, en règlement de 50 % de la facture précitée.

Sur déclaration de cessation des paiements, la liquidation judiciaire de la société FG Industries a été prononcée le 30 juin 2015, avec poursuite de l'activité jusqu'au 30 septembre 2015 en vue d'une éventuelle cession, la date de cessation des paiements étant fixée au 26 juin 2015.

Par mail du 2 septembre 2015, la société FG Industries a demandé à l'UBAF 1'annulation de la cession de créances en faveur de la société Scoa et le virement des sommes sur son compte, ce que l'UBAF a exécuté en deux paiements des 11 et 22 septembre 2015.

Par courrier du 7 octobre 2016, la société Scoa a demandé à 1'UBAF les motifs pour lesquels les cessions de crédits à son profit n'avaient pas été exécutées. L'UBAF lui a répondu, par courrier du 8 novembre 2016, qu'après avoir demandé à plusieurs reprises à la société FG Industries la confirmation de l'authenticité de la signature et des pouvoirs du signataire des courriers, elle a reçu de la société FG Industries une demande d'annulation des cessions et a en conséquence procédé au règlement desdites créances en faveur de celle-ci. Le 9 février 2017, la société Scoa a adressé à l'UBAF un courrier de contestation.

Puis, par acte du 13 décembre 2017, la société Scoa a assigné l'UBAF devant le tribunal de commerce de Nanterre lequel par jugement contradictoire du 19 juin 2019, a :

- dit nuls les deux actes de cession de créance du 15 juin 2015,

- débouté la société Scoa de l'ensemble de ses demandes,

- débouté l'UBAF de sa demande tendant à la condamnation de la société Scoa à lui verser une somme de 20 000 euros pour procédure abusive,

- condamné la société Scoa à payer à l'UBAF la somme de 15 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, déboutant pour le surplus,

- condamné la société Scoa aux entiers dépens.

Par déclaration du 15 novembre 2019, la société Scoa a relevé appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 13 octobre 2020, elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement sauf en ce qu'il a débouté l'UBAF de sa demande de condamnation pour procédure abusive,

statuant à nouveau :

- dire et juger valables les deux actes de cession de produit de crédit documentaire en date du 15 juin 2015, régulièrement notifiés à l'UBAF par la société FG Industries,

- dire et juger qu'elle est recevable et bien fondée en ses demandes à l'encontre de l'UBAF,

- dire et juger que l'UBAF a commis une faute qui a eu pour conséquence de la priver du bénéfice de la cession du produit du crédit documentaire à elle consenti pour règlement de sa facture n°151.619 du 12 juin 2015,

en conséquence

- condamner la société UBAF à lui payer les sommes de :

* 114 670,45 euros au titre du crédit documentaire TF 15 033 000 19,

* 114 670,45 euros au titre du crédit documentaire TF 15 033 000 20,

le tout avec intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2015,

- condamner la société UBAF à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- condamner la société UBAF au paiement d'une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société UBAF en tous les dépens de première instance et d'appel,

en tout état de cause,

- débouter la société UBAF de son appel incident,

en conséquence,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société UBAF de sa demande de condamnation à lui verser la somme de 20 000 euros pour procédure abusive.

L'UBAF, dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 7 octobre 2020, demande à la cour de :

- dire et juger que les prétendues cessions de créance dont la société Scoa tente de se prévaloir sont inexistantes, ou à tout le moins nulles et au surplus inopposables, que ce soit en tant que cessions de créances professionnelles dites « Dailly » ou de cessions de créances de droit commun,

- dire et juger qu'il n'existe pas de cessions de créance propres aux crédits documentaires qui n'auraient pas à respecter le droit applicable, en l'espèce le droit français,

- en conséquence, confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Scoa de l'intégralité de ses demandes et condamné la société Scoa à lui verser une somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance,

- réformer le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages et intérêts et, statuant à nouveau, condamner la société Scoa à lui verser une somme de 20 000 euros pour procédure abusive sur le fondement de l'article 559 du code de procédure civile,

y ajoutant,

- condamner la société Scoa à lui verser une somme de 20 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de maître D..

L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 octobre 2020.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie à leurs écritures conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

1) sur la nullité des actes de cession

La société Scoa fait valoir qu'il a été convenu qu'à titre de paiement de sa facture du matériel destiné à la fabrication des camions grues pour la société Brega, la société FG Industries lui cède à hauteur de 114 670,45 euros le produit de chacun des deux crédits documentaires émis par la Libyan Foreign Bank et confirmés par l'UBAF. Elle rappelle que le crédit documentaire est régi par les Règles et Usances Uniformes (RUU) de la Chambre de commerce internationale, reconnues et appliquées dans le monde entier et précise que la "cession du produit du crédit" est abordée dans l'article 39 des RUU 600.

Rappelant que le crédit documentaire constitue une créance en germe au profit du bénéficiaire du crédit, la société Scoa soutient qu'il est d'usage que, pour céder sa créance, le bénéficiaire transmette une lettre écrite à la banque notificatrice/confirmatrice donnant des instructions irrévocables pour la cession du produit du crédit en faveur d'un tiers et que ces instructions constituent pour le bénéficiaire un engagement envers la banque de présenter les documents et traites exigés par le crédit, ce qui est le cas en l'espèce ainsi qu'en témoignent les deux lettres de la société FG Industries adressées à l'UBAF en date du 15 juin 2015, celles-ci comportant le visa de l'article 39 des RUU 600 et la mention suivante : 'cession irrévocable à hauteur de 114 670,45 euros du produit de chacun des deux crédits documentaires en faveur de la société Scoa Spriint Inter, en règlement de 50 % de sa facture relative à la marchandise expédiée dans le cadre de ce crédit documentaire'.

Précisant qu'il ne s'agit pas de cessions de créances professionnelles Dailly et rappelant les dispositions de l'article 1689 ancien du code civil et que la cession de créance est un contrat consensuel conclu sans forme, elle soutient qu'en l'espèce la copie des crédits documentaires lui a été remise en tant que cessionnaire et qu'il importe peu que les « actes » (faussement et par erreur intitulés actes de cession de créances professionnelles) joints aux deux lettres du 15 juin 2015 soient seulement revêtus du cachet de la société FG Industries et non pas en sus de la signature du représentant de cette dernière et de celle du cessionnaire. Elle affirme que la volonté de cession irrévocable du produit de ces deux crédits documentaires en sa faveur ressort expressément des deux courriers adressés par la société FG Industries le 15 juin 2015 à l'UBAF, signés par son directeur.

Elle relève que l'UBAF, professionnelle avertie des techniques bancaires, notamment en matière de crédit documentaire, n'a, à aucun moment, contesté la validité de ces deux cessions de produit de crédit documentaire intervenues dans le cadre des dispositions des RUU 600 mais s'est simplement contentée, d'après ses dires, et sans en justifier, d'interroger la société FG Industries, non pas sur la question de l'habilitation du signataire de ses deux courriers, en l'occurrence, M. B., directeur général de la société FG Industries, mais simplement sur « l'authentification» de cette signature.

Puis, rappelant les dispositions de l'article L. 227-6 du code de commerce et invoquant l'article 13-2 des statuts de la société FG Industries, elle prétend que M. B., directeur général, disposant d'une procuration bancaire des plus larges sur le compte courant de la société conférée par la présidente de celle-ci, était parfaitement habilité à signer les actes de cession litigieux, lesquels n'entrent pas dans la cadre des restrictions des pouvoirs du directeur général énoncés à l'article 13-2 susvisé. Elle fait observer en outre que ces cessions de produit de crédit documentaire en date du 15 juin 2015 ont été faites, non pas en garantie, mais pour paiement de sa facture n°151.619 du 12 juin 2015 et que cette cession ne saurait en aucun cas être considérée comme constituant un mode anormal de paiement en période suspecte, au sens des dispositions de l'article L. 632-1 I 4° du code de commerce, précisant également que la date de cessation de paiements a été fixée au 26 juin 2015 dans le jugement de liquidation judiciaire de la société FG Industries. Elle estime qu'un tel acte de gestion courante, nécessaire à l'activité commerciale de la société FG Industries, n'encourt pas la nullité.

Elle souligne en outre que l'UBAF s'est contentée, pour annuler et ne pas respecter cet ordre de cession irrévocable conforme à l'article 39 du RUU, sans effectuer la moindre vérification, d'un mail sibyllin, émanant non pas d'un représentant légal de la société mais d'une employée, occupant un poste de « Coordinatrice export et achat-responsable marketing ». Elle prétend qu'en réalité seul l'administrateur judiciaire de la société FG Industries désigné par le tribunal de commerce avait le pouvoir d'annuler le cas échéant les actes de cession de créance du 15 juin 2015 et non une simple employée de cette société non habilitée.

L'UBAF soutient que les actes de cession transmis par M. B. ne sauraient avoir la moindre valeur, ni en tant que cessions « Dailly », ni même en tant que cessions de créance de droit commun. Elle souligne que les actes qui lui ont été transmis par celui-ci selon courriers reçus le 26 juin 2015 portaient la dénomination d' « acte de cession de créances professionnelles soumis aux dispositions des articles L. 313-23 à L. 313-34 du code monétaire et financier», plus communément appelés actes de cession « Dailly » et développe des moyens de nullité en lien avec ces textes.

Elle prétend que les actes dont il s'agit sont également nuls en tant que cession de droit commun au motif d'une première part qu'ils ne sont pas signés et de seconde part que les courriers les accompagnant étaient quant à eux signés par M. B., directeur général de la SAS FG Industries et non son président. Elle relève que la société FG Industries ne lui a jamais fourni de document attestant d'un quelconque pouvoir de M. B. de céder une créance dont elle est titulaire, et lui a même demandé de ne pas tenir compte des actes de cession reçus, reconnaissant ainsi clairement leur absence de validité.

Puis citant l'article 13-2 des statuts de la société FG Industries, elle fait valoir que les cessions de créance litigieuses entrent dans les restrictions des pouvoirs du directeur général, et ce, à plusieurs titres :

* le directeur général ne peut consentir de garantie, soulignant à cet égard que dans ses conclusions d'appel n°1 la société Scoa affirmaient que les prétendues cessions de créance auraient été faites à titre de garantie,

* le directeur général ne peut décider sans autorisation de « vendre ['] ou céder tous biens meubles et droits mobiliers », ce que constitue bien une cession de créance,

* le fait que le paiement d'une dette par cession de créance soit considéré comme un mode anormal de paiement en période suspecte, nul de ce fait selon l'article L. 632-1, I, 4° du code de commerce, démontre qu'il s'agit nécessairement d'une opération qui n'est pas une « opération courante ».

Elle estime en conséquence que les cessions de créance dont se prévaut la société Scoa sont inexistantes.

S'agissant de la remise du titre, l'UBAF, après avoir dit qu'il s'agit d'une question d'opposabilité de la cession et non d'existence, soutient qu'une copie d'un titre ne se confond pas avec le titre lui-même, et qu'ainsi la société Scoa reconnaît elle-même qu'aucun titre ne lui a été remis. Elle indique qu'en tout état de cause, un crédit documentaire ne constitue en rien un titre. L'UBAF ajoute qu'aux termes des RUU dont se prévaut la société Scoa il n'existe pas de cession de créance « spéciale crédit documentaire », mais que l'article 39 des RUU 600 se contente d'indiquer que la cession de créance est toujours possible en matière de crédits documentaires, et que, si cession de créance il y a, celle-ci sera régie par le droit étatique qui lui est applicable, soit en l'espèce le droit français.

L'article 39 des RUU 600 invoqué par la société Scoa rappelle le droit du bénéficiaire du crédit documentaire de céder tout droit de créance qu'il détient ou pourrait détenir en vertu de ce crédit conformément aux dispositions de la loi applicable, soit en l'espèce le droit français, ce qui n'est pas discuté par les parties.

Nonobstant le libellé des actes joints aux deux lettres datées du 15 juin 2015 adressées par M. B., directeur général de la société FG Industries, à l'UBAF 'acte de cession de créances professionnelles soumis aux dispositions des articles L. 313-23 à L. 313-34 du code monétaire et financier en application de la loi n° 81-01 du 2 janvier 1981", la société Scoa admet que les cessions de créance litigieuses ne sont pas des cessions de créances professionnelles en sorte qu'il n'y a pas lieu de répondre aux moyens de nullité soulevés par l'UBAF en tant que cessions Dailly.

La cession de créance est un contrat consensuel qui n'étant soumis à aucun formalisme particulier peut être prouvé par tous les moyens admissibles en droit commun. La charge de la preuve de la cession incombe au cessionnaire qui l'invoque contre le débiteur cédé.

En l'espèce, les deux courriers datés du 15 juin 2015 notifiant à l'UBAF les cessions par la société FG Industries à la société Scoa du produit des crédits documentaires sont signés du directeur général de la société FG Industries, M. B., étant observé que les actes de cession de créance joints à chaque lettre, s'il comportent le tampon commercial du cédant, la société FG Industries, ne sont pas signés par celui-ci.

L'article L. 227-6 du code de commerce dispose, s'agissant des sociétés par actions simplifiées, que : 'La société est représentée à l'égard des tiers par un président désigné dans les conditions prévues par les statuts. Le président est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l' objet social .

(...)

Les statuts peuvent prévoir les conditions dans lesquelles une ou plusieurs personnes autres que le président, portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué, peuvent exercer les pouvoirs confiés à ce dernier par le présent article.

Les dispositions statutaires limitant les pouvoirs du président sont inopposables aux tiers.'

Il résulte du courriel du 30 juin 2015 adressé par la société FG Industries à sa banque, le Crédit coopératif, qu'à réception par l'UBAF le 26 juin 2015 des deux lettres datées du 15 juin 2015, la première date n'étant pas contestée par l'appelante, et suite à une conversation téléphonique entre l'UBAF et la société FG Industries, il a été demandé à celle-ci de déposer les deux courriers du 15 juin 2015 auprès de sa banque, le Crédit coopératif, et à cette dernière d'adresser à l'UBAF un message SWIFT pour authentifier la signature de M. B.. Il n'est justifié d'aucune suite donnée à ce message pas plus qu'au courriel de relance du 1er septembre 2015 envoyé par la société FG Industries à sa banque avec copie à l'UBAF. Le 2 septembre 2015, l'UBAF a reçu un nouveau mail de la société FG Industries faisant suite à une autre conversation téléphonique lui demandant d'annuler l'exécution de la cession en faveur de la société Scoa.

La société Scoa ne peut ainsi sérieusement soutenir que la question de l'habilitation du signataire des deux lettres du 15 juin 2015 n'a pas été posée par l'UBAF mais uniquement celle de l'authentification de la signature de M. B..

Ainsi, l'UBAF a pu et peut légitimement demander qu'il soit justifié des pouvoirs du directeur général de la société FG Industries pour céder les créances, dès lors que selon l'article L. 226-7 du code de commerce précité, une société par actions simplifiée est représentée à l'égard des tiers par son président.

La société Scoa ne conteste pas qu'il n'a pas été justifié avant la présente instance des pouvoirs du directeur général de la société FG Industries tels que figurant à l'article 13-2 de ses statuts.

Il y est prévu que : 'Dans les rapports avec les tiers, le directeur général représente la société et est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société dans les limites de l' objet social et des pouvoirs expressément dévolus par les dispositions légales et les présents statuts (').

Toutefois à titre de règlement intérieur non opposable aux tiers, le directeur général ne pourra prendre les décisions suivantes qu'après autorisation préalable du Président ou de la collectivité des associés.

- (...)

- consentir tous avals ou garanties ;

- vendre, acquérir, échanger, apporter ou céder tous biens meubles et droits mobiliers et notamment tous fonds de commerce ;

- (...)'.

Les cessions de créance, contrairement à ce que soutient la société Scoa, entrent dans les restrictions des pouvoirs conférés au directeur général puisque celui-ci ne peut céder, sans autorisation préalable du président ou de la collectivité des associés, des droits mobiliers, ce qui est le cas des créances cédées et il ne s'agit pas d'un acte de gestion courante. M. B., directeur général de la société FG Industries, n'avait donc pas le pouvoir de signer les cessions de créance litigieuses, peu important qu'elles l'aient été en paiement d'une facture de la société Scoa, limitation de pouvoir dont l'UBAF peut se prévaloir.

Ainsi, en l'absence de tout autre élément, la société Scoa ne rapporte pas la preuve que la société FG Industries a régulièrement consenti à lui céder le produit des crédits documentaires confirmés par l'UBAF.

C'est donc à juste titre que le tribunal a dit que les cessions de créance dont se prévaut la société Scoa sont nulles.

Dans ces conditions, la société Scoa ne peut soutenir que l'UBAF a manqué à ses obligations en procédant au règlement du produit des deux crédits documentaires entre les mains du mandataire judiciaire de la société FG Industries et le jugement doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a débouté la société Scoa de toutes ses demandes, sans qu'il soit nécessaire de répondre aux autres moyens soutenus par la société Scoa tenant notamment à la remise du titre et à l'opposabilité des cessions de créance.

2) sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

La société Scoa soutient que c'est à juste titre que le tribunal a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par l'UBAF pour procédure abusive.

L'UBAF conclut au caractère particulièrement abusif de la procédure mettant en avant les circonstances 'suspectes' entourant les prétendues cessions de créance à savoir le délai anormal séparant la date apposée sur les courriers de leur date de réception, jour même où la société FG Industries a déposé une déclaration de cessation des paiements ayant conduit à sa liquidation judiciaire, le fait que le bénéficiaire de ces prétendues cessions n'est autre que l'actionnaire de FG Industries et enfin le recours à une cession 'Dailly' alors que le cessionnaire n'est pas un établissement de crédit, la cession Dailly, contrairement à la cession de droit commun, étant considérée comme un mode de paiement normal aux termes de l'article L. 632-1, I, 4°du code de commerce. L'UBAF soupçonne donc une tentative frauduleuse de la société Scoa d'obtenir de sa filiale en faillite un paiement préférentiel indu, dans laquelle elle n'a pas hésité à tenter de 'l'embarquer'.

Si les circonstances dans lesquelles les cessions de créance litigieuses ont été adressées à l'UBAF, notamment la date à laquelle les courriers ont été postés selon le cachet de la poste, à savoir la veille de la déclaration de cessation des paiements de la société FG Industries, peuvent révéler une intention de faire profiter la société Scoa d'un paiement juste avant l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, les éléments mis en avant par l'UBAF ne suffisent cependant pas à démontrer que l'action a été introduite par la société Scoa à son encontre avec une évidente mauvaise foi ; le caractère abusif et fautif de l'appel n'est pas davantage caractérisé. Le jugement en ce qu'il a rejeté la demande formée à ce titre est par conséquent confirmé.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société Scoa spriint inter aux dépens de la procédure d'appel, lesquels pourront être recouvrés par maître D., pour ceux dont elle a fait l'avance, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne la société Scoa spriint inter à payer l'Union des banques arabes et francaises (l'UBAF) la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.