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Décisions

CA Versailles, 13e ch., 13 mars 2018, n° 16/08760

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

MPG Groupe (SAS)

Défendeur :

BNP Paribas (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Valay-Brière

Conseillers :

Mme Guillou, Mme Dubois-Stevant

T. com. Nanterre, du 9 nov. 2016, n° 201…

9 novembre 2016

FAITS ET PROCÉDURE,

Le 25 septembre 2013, BNP Paribas a consenti à la SAS Samuel R. Paris un prêt d'un montant de 950.000 € en garantie duquel la SAS MPG groupe, société holding actionnaire à hauteur de 51 % de la société Samuel R. Paris, s'est portée caution solidaire à hauteur de 285.000 €.

Par jugement du 2 juillet 2015, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Samuel R. Paris. BNP Paribas a déclaré sa créance à hauteur de 717.688,44 € outre intérêts conventionnels à échoir à titre privilégié nanti.

Par jugement du 10 février 2016, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société MPG groupe, la SELARL de B.-H. prise en la personne de Me H. étant désignée en qualité de mandataire judiciaire. Le 24 février 2016, BNP Paribas a déclaré une créance chirographaire détenue à raison du cautionnement souscrit par la société MPG groupe. Par lettre du 20 mai 2016, Me H. ès qualités a avisé la banque de ce que la créance était contestée en totalité et qu'il proposerait le rejet de sa créance. Par courrier du 31 mai 2016, BNP Paribas a maintenu les termes de sa déclaration et sollicité l'admission de sa créance pour la somme de 285.000 €.

Par ordonnance du 9 novembre 2016, le juge-commissaire a prononcé l'admission de la créance de BNP Paribas à titre chirographaire pour la somme de 285.000 € et pris acte de ce que la déclaration s'inscrivait dans le cadre du cautionnement consenti par la société MPG groupe au profit de BNP Paribas en garantie des prêts consentis à la société Samuel R. Paris.

La société MPG groupe et Me H. ès qualités ont fait appel de l'ordonnance par déclaration reçue au greffe de la cour le 9 décembre 2016.

La liquidation judiciaire de la société MPG groupe a été prononcée le 28 juin 2017, la SELARL de B.-H. prise en la personne de Me H. étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire. Celle-ci est intervenue volontairement à l'instance en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société MPG groupe par conclusions du 28 novembre 2017.

Le 19 décembre 2017, le conseiller de la mise en état a avisé les parties que la cour mettrait dans les débats la question des pouvoirs du juge-commissaire pour statuer sur l'éventuelle nullité de l'engagement de caution souscrit par la société MPG groupe.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 10 janvier 2018, la société MPG groupe et la SELARL de B.-H. ès qualités demandent à la cour :

- de donner acte à la SELARL de B.-H. ès qualités de son intervention volontaire en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société MPG groupe ;

- d'infirmer l'ordonnance entreprise et, statuant à nouveau, de rejeter la créance de BNP Paribas ;

- subsidiairement, d'ordonner un sursis à statuer en invitant les parties à mieux se pourvoir au sens de l'article R. 624-5 du code de commerce ;

- en toute hypothèse, de condamner BNP Paribas à leur payer chacune la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec droit de recouvrement direct.

Elles soutiennent que l'acte de cautionnement est nul au premier motif qu'il est contraire à l'intérêt social de la société MPG groupe en l'absence de contrepartie et en raison de l'appauvrissement de la société qui résulte de son exécution, au deuxième motif subsidiaire que l'acte de caution dépasse l' objet social de la société MPG groupe défini par ses statuts dont BNP Paribas avait connaissance pour en avoir été destinataire lors de la constitution du dossier de financement et au troisième motif infiniment subsidiaire que l'acte a été signé par Mme Frédérique A. en sa qualité de présidente de la société MPG groupe sans avoir été autorisé par le comité de gestion de la société en violation de l'article 18 des statuts dont BNP Paribas avait connaissance.

A titre subsidiaire, elles font valoir que leurs moyens constituent des contestations sérieuses au sens de l'article L. 624-2 du code de commerce.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 8 janvier 2018, BNP Paribas demande à la cour :

- à titre principal, de constater que les contestations ne sont pas sérieuses, de dire et juger qu'elles relèvent du pouvoir juridictionnel du juge chargé de la vérification des créances, de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, de débouter la société MPG groupe et la SELARL de B.-H. ès qualités de l'ensemble de leurs demandes, de les condamner solidairement à lui payer la somme de 3.000 € ;

- à titre subsidiaire, d'inviter les appelantes à saisir le juge compétent dans le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à peine de forclusion et de surseoir à statuer dans l'attente de la décision à intervenir ;

- en toute hypothèse, de statuer ce que de droit sur les dépens.

BNP Paribas considère que les contestations de la société MPG groupe et la SELARL de B.-H. ès qualités étant dépourvues de tout caractère sérieux relèvent des pouvoirs juridictionnels de la cour.

Elle soutient que la condition de validité d'un cautionnement tirée de sa conformité à l'intérêt social n'est pas applicable aux sociétés à risque limité dont font parties les sociétés par actions simplifiées et qu'une société par actions simplifiées comme l'est la société MPG groupe est engagée par les actes de son dirigeant même s'ils excèdent l' objet social sauf mauvaise foi du tiers comme cela résulte de l'article L. 227-6 du code de commerce.

BNP Paribas ajoute qu'en tout état de cause le cautionnement souscrit par la société MPG groupe répond à son intérêt social en raison de la communauté d'intérêts qui existe entre elle et la société Samuel R. Paris, la société MPG groupe détenant 51 % du capital de celle-ci et le prêt cautionné ayant pour objet de refinancer les comptes courants d'associé ouverts dans les livres de la société Samuel R. Paris au nom de la société MPG groupe.

BNP Paribas prétend en outre que la société MPG groupe ne rapporte pas la preuve de sa connaissance de son objet social ni de son dépassement. Elle ajoute qu'en tout état de cause le cautionnement d'un prêt consenti à sa filiale entre dans l' objet social de la société MPG groupe dès lors que son objet est la direction et la gestion administrative et financière de toutes les entreprises dans lesquelles elle a des participations et qu'à cette fin elle peut entreprendre toute opération financière s'y rattachant directement ou indirectement, une garantie consentie à un tiers constituant un tel acte. Elle ajoute que l'article 18 des statuts de la société MPG groupe prévoit expressément l'octroi de caution, aval ou garantie au nom de la société à l'égard des tiers, ce qui établit que de tels actes entrent dans son objet social .

BNP Paribas fait enfin valoir que les dispositions statutaires limitant les pouvoirs du président sont inopposables aux tiers, comme cela résulte de l'article L. 227-6 du code de commerce, et ce quand bien même ceux-ci auraient connaissance des statuts, et que l'article 18 des statuts de la société MPG groupe rappelle ce principe légal.

La clôture a été prononcée le 11 janvier 2018.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières conclusions signifiées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

L'article L.624-2 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause la procédure collective ayant été ouverte le 10 février 2016, dispose qu'au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence, et qu'en l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission.

Il résulte de ces dispositions qu'il n'entre pas dans les pouvoirs juridictionnels du juge-commissaire et de la cour à sa suite statuant en matière de vérification de créances de se prononcer sur des questions préalables et déterminantes de l'admission comme celle de la nullité du cautionnement en vertu duquel une créance a été déclarée à moins que les contestations soulevées ne soient dépourvues de caractère sérieux et demeurent dans les limites de la compétence matérielle du tribunal qui l'a désigné.

En l'espèce, il n'est pas contesté que l'exception de nullité du cautionnement souscrit par la société MPG groupe relève de la compétence du tribunal de commerce.

La société MPG groupe et la SELARL de B.-H. ès qualités font valoir à l'appui de leur exception la contrariété du cautionnement à l'intérêt social de la société MPG groupe, le dépassement de l' objet social de la société MPG groupe et l'absence d'autorisation donnée par le comité de gestion de la société à la présidente de la société MPG groupe pour signer le cautionnement.

Or l'application des dispositions légales relatives aux sociétés par actions simplifiées et la seule lecture des statuts de la société MPG groupe révèlent que les moyens de nullité soulevés par les appelantes ne sont pas sérieux.

Pour que le cautionnement donné par la SAS MPG groupe en garantie d'une dette de la société Samuel R. Paris soit valable il suffit qu'il entre dans son objet social sans qu'il y ait lieu de rechercher si ce cautionnement est conforme à son intérêt social .

Or aux termes de l'article 3 des statuts de la société MPG groupe la société a notamment pour objet 'la direction et la gestion administrative et financière de toutes entreprises quelle qu'en soit la forme, le capital ou l' objet , dans lesquelles elle possède des participations', ce qui est le cas de la société Samuel R. Paris dont elle détient 51 % du capital,'sous quelque forme que ce soit, toutes opérations se rapportant directement ou indirectement aux objets précédents, entre autres l'association en participation avec toutes personnes physiques ou morales, et tous organismes, la prise de participation dans les sociétés existantes, la création d'entreprises nouvelles, la fusion de sociétés, la représentation de toutes firmes ou compagnies françaises ou étrangères' et 'généralement, à toute opération technique, industrielle, commerciale, financière, mobilière ou immobilière pouvant se rattacher, directement ou indirectement, à l' objet social '.

Le cautionnement au profit de la société Samuel R. Paris constitue une opération financière se rapportant directement à la direction et à la gestion financière de la société Samuel R. Paris le cautionnement ayant été souscrit en garantie d'un prêt consenti à cette dernière.

En outre, l'article 18 des statuts de la société MPG groupe définit les pouvoirs du président et les modalités de prise de décision du président s'agissant de certaines décisions. Parmi les décisions nécessitant l'accord d'un comité figure celle de donner toute caution au nom de la société à l'égard des tiers pour autant que le montant annuel de chacune des opérations envisagées entraîne un coût annuel hors taxes supérieur à 100.000 €. Or entrent nécessairement dans l' objet social de la société les décisions dont le processus d'adoption est ainsi aménagé.

Il résulte ainsi de la seule lecture des statuts de la société MPG groupe que le cautionnement qu'elle a souscrit en faveur de BNP Paribas entre dans son objet social .

Par ailleurs ce même article 18 des statuts précise que le président de la société représente la société dans ses rapports avec les tiers, avec les pouvoirs les plus étendus, dans la limite de l' objet social et qu'à titre de mesure d'ordre interne, sans que cela soit opposable aux tiers, le président ne pourra prendre certaines décisions, dont celle de donner toute caution au nom de la société à l'égard des tiers pour autant que le montant annuel de chacune des opérations envisagées entraîne un coût annuel hors taxes supérieur à 100.000 €, qu'avec l'accord d'un comité. Outre que cette disposition statutaire prévoit elle-même que cette mesure d'ordre interne est inopposable aux tiers, elle est inopposable aux tiers en vertu de l'article L. 227-6 du code de commerce dès lors qu'elle limite les pouvoirs du président. La seule application de la loi et des statuts de la société MPG groupe rend inopérante la contestation des appelantes relative à l'absence d'autorisation donnée par le comité de gestion de la société à la présidente de la société MPG groupe pour signer le cautionnement.

En définitive les moyens soulevés par la société MPG groupe sont dépourvus de caractère sérieux de sorte qu'il entre dans les pouvoirs de la cour de statuer sur cette contestation. Compte tenu des précédentes constatations il convient d'écarter les moyens soulevés par les appelantes et de confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant contradictoirement,

Confirme l'ordonnance rendue par le juge-commissaire le 9 novembre 2016 en toutes ses dispositions;

Condamne la SELARL de B.-H. en qualité de liquidateur judiciaire de la société MPG groupe à payer à la société BNP Paribas la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SELARL de B.-H. en qualité de liquidateur judiciaire de la société MPG groupe aux dépens d'appel.